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Les effets transformatifs de la requalification

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 76-81)

65. Les effets de la requalification du CDD en CDI vont aussi bien pour le droit français que pour le droit malien du travail. Cela s’explique par le fait que les deux législations posent la requalification comme sanction de principe. Le Code du travail français dans les l’art L4154-1, et le Code du travail malien dans l’article L21 du Code du travail nous donnent le fondement de la transformation du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée3.

Selon monsieur ALAPHIPPE, « traditionnellement, le droit du travail envisage la requalification du C.D.D en C.D.I comme la sanction infligée à l’employeur

1 « Le formalisme dans le contrat de travail »,Dr .Soc. 1983,818,sp. p.823. V. également le Professeur A.LYON-CAEN, Dr. Soc.1983,n°24 et ss ,p.15.

2 La sanction civile en droit du travail, Mme Manuela GREVY, précité, p.272,

3 V.supra les textes des deux Codes du travail cité en effet les domaines de la requalification au paragraphe, section I) de ce chapitre.

qui engage le salarié sous contrat précaire sans respecter le formalisme imposé ou hors des hypothèses autorisées par la loi1.Suivant cette conception, l’employeur ne peut prétendre à la requalification »2. Dès lors, la jurisprudence met donc le salarié dans une position de supériorité à celle de son employeur puisque seul celui-ci dispose du droit d’agir en requalification de son contrat.

Ainsi, le salarié tire des avantages indéniables de cette requalification. En effet, il est tout d’abord titulaire d’un contrat à durée indéterminée ce qui lui permet, si son contrat n’a pas été rompu, de poursuivre sa relation de travail dans l’entreprise et ce pour une durée non-fixée contrairement à l’hypothèse d’un contrat à durée déterminée. Si le salarié continue au même poste après l’arrivée du terme ou la fin du renouvellement, le contrat deviendra à durée indéterminée.

Toute rupture ultérieure revêt la forme d’un licenciement3. Evidemment le salarié est le premier affecté par la précarité injustifiée de son contrat. A sa demande, le contrat sera réputé à durée indéterminée4. La requalification n’entraine pas sa réintégration dans l’entreprise, si la relation de travail a cessé.

Mais, ce qui était faussement arrivé à terme, devient un licenciement sans motif réel et sérieux ni respect de la procédure…en cas de poursuite de la relation du travail, l’employeur peut prendre l’initiative d’engager une procédure de licenciement qui, à défaut d’atteinte à une liberté fondamentale, n’est pas entaché de nullité.

66. Dès 1986, la Cour de cassation a considéré « que l’employeur n’ayant pas justifié la rupture du contrat de travail par la seule échéance de son terme prétendu, le Conseil de Prud’hommes, qui a exactement retenu que le contrat était à durée indéterminée, a décidé à bon droit que la rupture était abusive et a

1 V ; supra sur le non respect des conditions de forme et de fond de la conclusion du CDD.

2 P.ALAPHILIPPE, contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatéral : un mélange des genres qui ne profite pas à l’employeur, D2000,JP.30

3 Le droit du travail en France, Dénis GATUMEL, éditions Francis Lefebvre. p. 159

4 Art L122-3-13 alinéa 1er du Code du travail. V. en cas de renouvellement d’un CDD alors que l’emploi est devenu permanent, Cass.soc., 29oct 1996,RJS 12/96 ,n°1236

souverainement évalué le préjudice…»1. Ainsi que le relève le professeur Jean SAVATIER, « la chambre sociale dans l’arrêt du 13 novembre 1986 tire deux conséquences de la requalification du contrat : l’exigence d’un préavis avant la rupture (le contrat étant réputé à durée indéterminée) et le caractère abusif de la rupture à l’arrivée du terme convenu »2.

Cette jurisprudence est confirmée par la Chambre sociale dans un arrêt du 13 mars 2001. La salariée avait été recrutée sous contrat à durée déterminée, et avait obtenu de la juridiction prud'homale la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Elle n'avait pas été maintenue dans l'entreprise.

Naturellement, et par hypothèse, la rupture décidée par l'employeur, au seul motif de la venue à son terme du contrat à durée déterminée, s'analyse, par l'effet de la requalification de ce contrat en contrat à durée indéterminée, en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Doit-on pour autant en déduire qu'un tel licenciement doit être frappé de nullité avec, pour conséquence, l'obligation d'ordonner, au cas où le salarié le demande, la poursuite des relations contractuelles ? À l'évidence, le recours aux seules dispositions de l'article L1245-1 du Code du travail ne permet en aucune façon de tirer pareille conclusion, et ce texte, contrairement à ce qui est prétendu, ne confère pas au juge le pouvoir d'ordonner la poursuite de la relation de travail interrompue sans motif légitime. En réalité, comme le relève la Cour d'appel, aucun texte ne prévoit la nullité du licenciement survenu dans de telles circonstances, ni la réintégration, sur sa demande, du salarié congédié. Or, la Chambre sociale décide habituellement que de telles décisions ne peuvent être prises que lorsque la loi le prévoit expressément (à tout le moins, lorsqu'elle

1 Cass.soc, 20 novembre 1986, soc.13 novembre 1986

2 La requalification des contrats à durée déterminée irréguliers », note J. SAVATIER, Droit Social, n°5mai 1987,P 407

prévoit la nullité du licenciement), et ne sauraient être par conséquent ordonnées par le juge en l'absence de texte l'y autorisant.

67. Et ce principe doit semble-t-il être ici appliqué, même si on peut ne pas être insensible à la thèse défendue par la salariée, selon laquelle l'employeur qui lui a signifié tout à la fois (de façon quasiment concomitante) la requalification de son contrat de travail en un contrat à durée indéterminée, et son licenciement en raison de l'achèvement de sa mission temporaire, a en quelque sorte détourné la loi de sa finalité, et a commis d’une manière la voie de fait.

C'est en tout cas, ce que soutenait le pourvoi en faisant valoir que l'utilisation par l'employeur de la procédure légale de licenciement comme un moyen de mettre fin à un contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée, et comme un instrument de refus d'exécution du jugement de requalification ou une mesure de sanction à raison de l'action en justice engagée par les salariées constituait un trouble manifestement illicite dont le salarié était en droit de demander la cessation par une remise en état.

Néanmoins, et même si l'on souhaitait s'affranchir de l'absence de support textuel pour s'engager dans la voie suggérée par le pourvoi, il paraîtrait extrêmement délicat de distinguer et d'isoler particulièrement une telle situation, qui s'apparente probablement à la plupart de celles rencontrées dans un tel contexte (sauf, peut-être pour ce qui concerne l'indication du motif précis de licenciement), et il semble ainsi difficile de suivre la thèse proposée sans créer - de façon purement prétorienne , un véritable droit à réintégration des salariés à contrat durée déterminée dont le contrat de travail requalifié a été rompu par l'employeur en raison de la seule survenance de son terme. Il est à noter enfin que le moyen selon lequel le licenciement prononcé dans de telles circonstances constituerait en réalité une mesure prise par l'employeur à raison de l'action en justice engagée par la salariée, s'il s'inspire manifestement, et assez habilement, des dispositions de l'article L.1144-3 du Code du travail, ne peut pas trouver de

fondement légal dans ce texte dont le domaine d'application se limite aux dispositions du Code du travail relatives à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.

68. Surtout en ce qui concerne les indemnités pécuniaires auxquelles le salarié peut prétendre lors de la rupture de ce contrat qui constitue un intérêt de la requalification1. Comme le constate M. CANAPLE et M.TEISSIER, l’article L.122-3-13 du Code du travail assortit la requalification du CDD en CDI d’une indemnité forfaitaire qui ne peut être inférieur à un mois de salaire2.ainsi, « la rédaction même de ce texte amène à penser que l’indemnisation du salarié doive être complétée par le recours aux sanction du licenciement injustifié (…)la requalification ne serait que le biais pour parvenir à l’application du droit du licenciement »3.

Aussi, lorsque la relation se poursuit sans interruption, l’ancienneté demeure acquise au salarié et la durée du premier contrat s’impute sur la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat (C.trav. art L1243-1).

Cependant, force est de constater que l’employeur n’est pas nécessairement le perdant dans le cadre d’un tel litige. En effet, bien que ne bénéficiant pas de la possibilité d’agir en requalification, ce dernier, lorsque celle-ci est prononcée à la demande du salarié, dispose d’un panel de causes de rupture du contrat de travail beaucoup plus large qu’en manière de C.D.D. Ainsi, le salarié pourra être licencié, parce qu’il est détenteur du C.D.I, pour des raisons supplémentaires à celles prévues en présence d’un C.D.D, c'est-à-dire en plus de la faute grave et cas de force-majeure4. Dès lors l’employeur pourra mettre fin plus rapidement au contrat le liant au salarié. De plus, ce dernier supportera, en cas de rupture du contrat, des conséquences financières moins importantes dans l’hypothèse d’un

1 V. infra chapitre sur la réparation.

2 M.CANAPLE etM. TEISSIER, les incidences de la requalification du contrat à durée déterminée : bilan et perspectives, Semaine sociale Lamy du 27 septembre 1999,P6-8

3 Idem, J. SAVATIER, la requalification des contrats à durée déterminée irrégulier, Dr Soc.,1987,P.407

4 Ancien Article L.122-3-8 du Code du travail français

licenciement même sans cause réelle et sérieuse plutôt que pour la rupture illicite du CDD1. C’est d’ailleurs en raison de cette éventualité que la jurisprudence a interdit toute action en requalification de la part de l’employeur et ce afin qu’il n’échappe pas aux conditions strictement fixées en matière de rupture d’un contrat à durée déterminée2.

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