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Contours du droit de grève :

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 175-183)

Paragraphe III: La nullité du licenciement du salarié dont le contrat est suspendu pour fait grève

A- Une règle de protection dans l’exercice d’une liberté

2. Contours du droit de grève :

142. La « grève du législateur » laisse des vides plus ou moins comblés à l’issu d’un contentieux3. La Cour de cassation a dû définir au coup par coup ce qu’est la grève, sans le filet protecteur d’une définition légale. Trois éléments doivent être réunir, sans lesquels le salarié ne peut bénéficier de la protection attachée à l’exercice normal de cette liberté. A défaut, son comportement peut s’analyser

1 Idem,

2 LFSS pour 2012 : mesures relatives au recouvrement, au contrôle et à la lutte contre la fraude, marion Del SOL, professeur à l’université de Rennes1, IODE (UMR CRNS 6262-université de Rennes 1), JCP/ la semaine juridique-Edition sociale n° « 17 janvier 2012p.50

3 V. lord WEDDERERBURN, le législateur et le juge, études GLYON-CAEN,123 ;Ph. BERNOUX, Dr.soc.1988 ;625.J.J DUPEROUX, le droit de grève protège-il les grévistes ?,le monde 28 juin 1977.

en une exécution défectueuse du contrat de travail, justifiant éventuellement un licenciement, même en l’absence de faute lourde. La qualification du conflit est le préalable nécessaire à l’application du régime protecteur attaché à l’exercice normal du droit de grève. Ces trois critères sont :

- Une interruption de travail - Collective et concertée

- En vue d’obtenir satisfaction de revendication à caractère professionnel.

a). Interruption du travail

Le travail doit cesser. Un simple ralentissement de production ou l’inexécution d’une partie des obligations contractuelles (« grève de la pince » pour les contrôleurs de train…) ne satisfont pas à ce premier critère ; les salariés qui participent à ces mouvements collectifs s’exposent au pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, sans pouvoir se prévaloir de leur droit d’expression direct et collectif. La « grève du zèle », ne peuvent être qualifiées de grève1.

A l’inverse, les grèves tournantes hors services publics, les grèves bouchons ou thromboses » sont possibles, quels que soient leur durée ou le nombre des participants. Ces mouvements, tels les débrayages répétés de courtes durées, sont d’une grande efficacité. Ils sont admis, à moins qu’ils entraînent une désorganisation de l’entreprise ; en ce cas, le conflit dégénère en abus insusceptible de protection2.il y aurait ainsi une certaine proportionnalité des moyens à respecter dans l’exercice du droit de grève.

1 Droit du travail Antoine MAZEAUD précité, p. 246

2 Cass.soc.,7 avril 1993,Dr.soc 1993, 607 18 janv. 1995,dr.soc ;1995,183, rapp, Ph. WAQUETR, Ph, WAQUET, la grève les mouvements illicites et l’abus d’un droit individuel, RJS 1/97,8.

b. Collective et concerté

Il faut comprendre que dans le droit français tout comme dans le droit malien la grève est un droit individuel, mais il ne peut s’exercer que de façon collective et concertée. A moins que l’entreprise se réduise…à un seul salarié1.

La grève peut être catégorielle ou minoritaire. Un seul salarié d’une entreprise (à plusieurs) qui cesse le travail peut revendiquer le statut du gréviste, s’il se conforme à un mot d’ordre national ou régional. Al ’inverse, n’est pas gréviste le salarié, dans une entreprise d’au moins deux salariés, qui cesse son travail pour un motif qui n’est pas d’ordre collectif, tel un rappel de salaire ou une augmentation de ses frais de déplacement2.

c. Mobile professionnel

Le mouvement collectif doit enfin avoir pour objet la défense d’intérêt professionnel. De prime abord, cette exigence semble singulièrement restrictive : elle gomme l’expression d’une révolte, d’une fête. La grève n’est pas une fin en soi.

Le risque est encore de vouloir opposer le politique au professionnel, en cas de mot d’ordre de grève national ; une telle opposition est anecdotique, et n’a pas grand sens, en présence de politique de l’emploi ou de politiques salariales3. Sur quatre points essentiels, la Cour de cassation a défini une jurisprudence: la solidarité est –elle un mobile professionnel justifiant le recours à la grève ? Pour être professionnelle, une revendication doit-elle être raisonnable, ou bien une place est-elle laissée à l’utopie ? Faut-il que les revendications soient portées à

1 Cass.soc.,13 novembre 1996,Dr, soc 1996, 1108, obs J Ch. RADE, la solitude du gréviste, Dr.soc.1997,368-E.RAY.J.SAVATIER, un salarié isolé peut-il user de grève à l’appui d’une revendication individuelle ? R.J.S /97,

2 Droit du travail ,Antoine MAZEAUD Domat, droit privé, 4e éd, montchrestien,p.246

3 Sur la force majeur, lors du conflit SNCF de la fin de l’année 1995,V. Cass soc.,11 janvier 2000,RJS 2/00,n°201 ;Dr.soc 2000,404,note A.CRISTAU.

la connaissance de l’employeur préalablement à l’arrêt de travail ? Se servir soi mêmes n’épuise-t-il pas le mobil professionnel ?

- Solidarité, « tous ensemble » : la grève est manifestation de solidarité des travailleurs, que souligne sa dimension collective. Encore faut-il que le mobile professionnel soit présent.

- Solidarité externe : il est évident que le fait de cesser le travail pour répondre à l’appel d’un syndicat protestant contre une politique sociale gouvernementale ou patronale, est l’expression légitime d’une solidarité professionnelle1. Le mot d’ordre syndical, conforme à la défense des intérêts collectifs de la profession, légitime le mouvement malgré le rejet d’une conception organique du droit de grève. La question reste délicate, en cas d’arrêt de travail de soutien à l’égard de salariés d’une entreprise proche.

- Solidarité interne : en principe, un mouvement de soutien à l’égard d’un salarié de l’entreprise qui fait l’objet d’une sanction justifiée n’est une grève, faute d’intérêt collectif à défendre2. En somme, les salariés ne peuvent mettre en échec le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, dès lors qu’il l’exerce régulièrement.

A l’inverse, la qualification de grève est retenue si l’intérêt collectif entre en jeu, par exemple en cas d’arrêt de travail faisant suite au licenciement de plusieurs salariés ayant refusé le fractionnement de leurs congé3, ou bien en cas de licenciement d’un représentant du personnel4, ou de licenciement économique qui pèsent sur l’emploi de tout ou partie du personnel5.

1 J.J DUPEROUX, Dr,soc,1988,621.

2 « ...n’ayant eu pour objet ni un intérêt collectif professionnel, ni l’amélioration ou la modification des conditions de travail, même de façon indirecte… » Arrêt CORA, Cass.soc, 18 mars 1982,BS 10/83,366,obs.J.

DEPREZ ;V ; également Cass.soc.,16 novembre 1993,Dr.soc.1994,35, rapp.Ph. WAQUET et note J-E.RAY ;18 janvier 1995.

3 Cass.soc.27novembre1985,Dr. soc. 1988,132, obs.J .DEPREZ.

4 V, CA Paris,21 avril 1989,CSB 1982,204.

5 Dr.soc., 1996,204

143. Mais en France, la chambre sociale de la Cour de cassation a nettement pris position et donne toute sa portée à la réforme législative1.

D’une part, elle juge que, le licenciement des grévistes est nul2, le juge des référées ordonne à bon droit la poursuite de contrat de travail qui n’a pu être valablement rompu.3

D’autre part, elle décide que la nullité du licenciement d’un salarié gréviste n’est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé en raison de la participation à une grève mais qu’elle s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours d’une grève, lorsque ce fait ne peut être qualifié faute lourde4. B- L’effectivité de l’exercice du droit de grève

144. En France la question de la protection du droit de grève est traitée devant les tribunaux. Le juge se penche sur la matière à juger. C'est-à-dire qu’il y a fréquemment un jugement pour déterminer le degré de sanction applicable.

Au Mali le problème est traité différemment. On dirait qu’il y a une pédagogie et l’éducation de l’importance du droit de grève. L’expérience a montré que la violence est due à la mauvaise compréhension de ce droit. Parce pour certains, c’est par la violence qu’on arrive à se faire entendre. Dans ce contexte, la prévention est le meilleur moyen de résoudre le problème. La sanction ne saurait être efficace, compte -tenu du nombre de personnes qui seraient impliquées, il n’aura, ni aussi moyens pour les juger ni de places dans les prisons dans l’hypothèse de condamnation pénale. D’où la nécessité de prévenir la violence par la pédagogie. Comme on le dit « prévenir vaut mieux que guérir ». On rappelle, que la réaffirmation du droit de grève au Mali date de 1992. Ce droit est plus récent par rapport au droit français. Le but est d’apprendre la méthode de l’exercice de ce droit. Cela ne signifie pas que le juge malien ne s’intéresse

1 Précis Dalloz précité, p803

2 Cass, soc 3 mai 2007 n° 05-43-977

3 Cass. Soc, 2fev 2006 n03-47481

4 Précis Dalloz 16e éd, précité, p804

pas à cette problématique du droit de grève. Tout au contraire, Par exemple, lors de la rentrée judicaire de novembre 2010, le monde judiciaire a montré que la question de l’exercice et la protection du droit de grève au Mali, est une question vivante. A cette occasion plusieurs responsables du monde judiciaire sont intervenus pour mettre l’accent sur la question de l’exercice du droit de grève.

D’abord, ce thème d’une brûlante actualité a été développé par Djibril Kané, juge de paix à compétence étendue de Ouéléssébougou1. Celui-ci a passé en revue l’exercice du droit de grève, le cadre juridique de l’exercice de ce droit, ses limites ou ses restrictions. La grève est définie comme une cessation collective et concertée de travail, afin de soutenir les revendications professionnelles, a expliqué le magistrat avant de noter que le droit de grève est une liberté fondamentale consacrée par l’article 21 de la Constitution de notre pays. La grève, selon Djibril Kané, doit toujours reposer sur des revendications légitimes. Elle intervient très souvent lorsque les négociations ont échoué.

145. Il a cité en exemple la demande de paiement des heures supplémentaires par un groupe de travailleurs. Toutefois dans certaines situations, a-t-il poursuivi, les parties ont recours à l’arbitrage. Tout comme le comité de la liberté syndicale du Bureau international du travail exige le service minimum en cas de grève dans certains services comme les services des hôpitaux, le secteur eau et électricité, le transport aérien, la radio et télévision nationales.

En parlant des grèves sauvages2 qui sont fréquentes au Mali, il a pointé du doigt les grèves des transporteurs qui sont parfois accompagnées de violences. A ce niveau, le magistrat a évoqué les sanctions qu’encourent certains grévistes. Il peut s’agir de sanctions pénales ou civiles.

1 Essor du Mali, janvier du 9 novembre 2010 à Bamako, publication sur la rentrée judiciaire du Mali. A ce sujet on retrouve la compétence du juge de paix à compétence étendue dans le chapitre sur les autorité compétente pour appliquer la sanction.

2 Allusion à la grève illimitée dans certains secteurs où les salariés décident de faire grève jusqu’à la satisfaction de leur revendication.

Ensuite, le Procureur général de la Cour suprême a, lui aussi, stigmatisé les excès et les dérives liés à l’exercice du droit de grève. Mamadou BOUARE a invité ses collègues au niveau des tribunaux à appliquer la loi chaque fois que le mouvement de grève est accompagné de violences, d’actes de vandalisme ou de vol1. Le bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali, Me Seydou Ibrahim Maïga, pense lui aussi qu’il est temps de proscrire toute grève sauvage qui occasionne des perturbations sociales ou économiques dans notre pays.

En fin, le chef de l’État en sa qualité du premier magistrat, a lui aussi évoqué le droit de grève au Mali. Il a surtout insisté sur le dialogue social comme moyen de prévention de certains conflits sociaux2. « Le respect des libertés syndicales et du droit de grève, ainsi que les nombreuses conventions de l’Organisation internationale du travail ratifiées par le pays, attestent que le Mali est résolument engagé à bâtir pour tous et chacun de ses enfants un mieux-être social qui est un objectif du Projet pour le Développement économique et social », a indiqué le président Touré avant de noter « si le droit d’aller en grève est un acquis irrévocable, c’est son exercice qui soulève parfois des interrogations auxquelles personne ne devrait rester indifférent ». `

146. L’intervention du chef de l’Etat s’explique par un contexte socio – historique. S’il est vrai que l’histoire des sociétés négro-africaines a été marquée par la violence armée de grands conquérants bâtisseurs de royaumes, tels Chaka en pays Zoulou, Samory Touré en pays Mandingue, cette même histoire fait apparaître un autre visage du chef, du souverain africain. Il est à la fois conservateur de son peuple, restaurateur de l’ordre politique et social ainsi que de l’ordre cosmique. Le leader doit jouer un rôle important dans la prévention des conflits, afin de maintenir sa communauté dans un état de paix et de prospérité. C’est pourquoi les critères de sagesse et de pondération sont toujours

1 La grève était synonyme de violence. C’était la culture de la violence avec des casses.

2 On rappelle que le chef d’Etat au Mali comme en France a le statut du premier magistrat du pays.

pris en compte dans la dévolution du pouvoir, surtout dans les sociétés lignagères1.

De manière générale, on peut donc dire que la sanction de la requalification, tout comme celle de la nullité totale ou partielle du contrat de travail, conduit nécessairement à conférer au salarié concerné une protection de son droit et de la situation à laquelle il est confronté2. D’ailleurs, le professeur COUTUTIER met en évidence le parallélisme de ces deux sanctions que certains ont pu déjà évoquer3. Au cas où la relation du travail continue, ce salarié bénéfice alors d’une rémunération qui est basée sur le minimum pouvant être perçu par tout salarié d’un CDI.

1 Les fondements endogènes d'une culture de la paix en Afrique : Mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits. Préfacé par M. Federico Mayor Directeur général de l'UNESCO

2 La nullité du contrat de travail ; mémoire de DEA,2000-2001,p.121, de Severine DHENNIN ; sous la Direction de Brenard BOSSU à l’Université de Lille2,

3 Cf. la théorie des nullités dans la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation, G.

COUTUTIER, op, cité.

Chapitre II

La sanction civile réparatrice en droit

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