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Grève et emploi :

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 169-175)

Paragraphe III: La nullité du licenciement du salarié dont le contrat est suspendu pour fait grève

A- Une règle de protection dans l’exercice d’une liberté

1. Grève et emploi :

139. Comme énonce L. 2511-1 du Code du travail en France : « La grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde imputable au salarié ». Cette formule inscrite dans l’art 4 de la loi du 11 février 1950 (ancien L. 521-1) est largement interprétative de la jurisprudence antérieure qui s’était constituée soit au sein de la Cour de cassation rendu postérieurement à la Constitution du 27 octobre 1946, et sur la base du texte de préambule3. Elle a été ensuite précisée dans ces conséquences.

- La grève ne met pas fait au contrat de travail :

1 Décret N)92-0731P-CTSP portant promulgation de la Constitution du Mali

2 Sauf abusif du salarié (exemple de violence).

3 Droit du travail, G. LEONCAN, J. PELISSIER, précis Dalloz, 16e éd., p. 802.

Pendant la grève le contrat de travail n’est que suspendu ; le contrat reprend à la fin de la grève. La grève a cessé de rompre par elle même le contrat de travail.

La jurisprudence a déduit cette règle nouvelle du Préambule de la Constitution, dans deux arrêts de principe1. La chambre sociale et la chambre criminelle déduisent de la reconnaissance Constitutionnelle du droit de grève (chambre sociale) et de la volonté des grévistes (chambre criminelle) que la grève ne saurait dorénavant entraîner la rupture du contrat de travail. La loi consacre donc cette jurisprudence2.

Pas plus que la grève, une faute simple commise par un salarié au cours de la grève ne peut entraîner par elle même la rupture des contrats du travail. Comme l’affirmait la chambre criminelle : « elle ne peut que constituer un motif de résiliation »3.

La grève n’entraîne que suspension des contrats de travail du gréviste, l’employeur doit conserver leur emploi avec leur ancienneté aux grévistes4, y inclus les cadres sans pouvoir modifier leur contrat ni les rétrograder5. La grève ne suspend pas le mandat des représentants du personnel qui peuvent jouer un rôle de négociateurs. A deux reprises la loi française a renforcé le principe inscrit dans l’art L.2511-1:

- En ajoutant un alinéa 3 : tout licenciement intervenu en violation de l’alinéa est nul de plein droit.

- En faisant référence à l’art L1132-2 relatif au droit disciplinaire : aucun salarié ne peut être licencié en raison de l’exercice normal du droit de grève. L1132-4 indique que toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. La simple suspension du contrat de travail des grévistes entraînant la reprise du

1 Crim.28 juin 1951,Dr,soc. 1951,p.474 et rapport, Patin,D,1951.542 ;Soc.28 juin 1951,Dr,soc.1951,532,6e esp, jugeant les fait antérieur à la loi du 4 fevr.1950,Les grands arrêt, n°10

2 Soc, 25 avr.26 juin 1952,D ,soc.1952,Dr, soc,1953,433 et 1957 ;5 avr 1957,J.C.P. 1957,II10137 ;rim.18 juill.1952,J.C.P.1953.II7530 ;soc,9 mai1973,Bull, V, n°282,p.252

3 Précit Dalloz 16e cité,p.802

4 Soc,9 juill,1951,Dr,soc,1952p, 115

5 Soc.15févr 1961,Bull,V,n°203

contrat de leur emploi en fin de grève doit logiquement provoquer l’éviction du personnel de remplacement s’il en a été recruté.

- s’il s’agit de l’exercice régulier du droit de grève l’employeur ne peut prendre aucune sanction disciplinaire pas plus qu’il ne peut congédier le gréviste1. Il est même admis que le règlement intérieur est suspendu pendant la grève comme le sont les contrats2. On peut dire aussi que l’exercice du droit de grève n’est pas une faute contre la discipline à condition que cet exercice soit « normal ».

140. Au Mali, deux textes exigent le respect du droit de grève. Le premier est L34 qui prévoit la suspension du contrat de travail « - pendant la grève et le look out si ceux-ci sont déclenchés dans le respect de la procédure de règlement des différends collectifs ». Et le second concerne l’Article L.231 du Code du travail malien qui indique que: La grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde des travailleurs. Le lock-out et la grève sont illicites pendant la procédure de conciliation et dès qu’une décision arbitrale a acquis force exécutoire. Contrairement à la France, au Mali, on continue de dire que la grève peut être illicite ou licite. En France il n’y a que de la grève licite. C’est les conditions d’exercice de cette dernière qui peuvent faire l’objet de sanctions.

Autre remarque : en France, le Lock-out est « interdit ». A ce titre la fermeture de l’entreprise est évidemment mal perçue en temps de grève puisqu’elle apparaît comme le moyen de briser le mouvement ou de l’empêcher de prendre naissance. Son fondement, pour cette raison, est fortement contesté. Le lock-out est peu évoqué par les textes et le terme même a été banni à l’occasion de la recodification. Seule la réglementation européenne le consacre explicitement (art.2§6 de l’accord du 7 févr.1992 ; traité modificatif du 13 déc.2007, art 153 in fine). La doctrine ainsi que la jurisprudence ont privilégié la thèse de son illicéité lorsqu’il constitue une entrave à l’exercice du droit de grève. Le

1 La rupture du contrat a été jugée licite si un cas de force majeur s’oppose à sa pursuite ;soc.17 mai 1977, jur,U.I.M.M.,n°377,p.331. La grève, suspension du contrat de travail s’adapte mal au contrat à durée déterminée dont elle ne proroge pas l’échéance (Soc.21nov.1984,Dr, Ouv 1985,35, Bull, V.445)

2 Soc,16 déc.1968,Dr, soc,1968p.318,obs,J. SAVATIER

out ou la grève pratiquée en violation des dispositions de l’alinéa précédent entraînent:

a) - pour les employeurs:

- le paiement aux travailleurs des journées de salaires perdues de ce fait,

- l’inéligibilité pour trois ans aux fonctions des membres de chambres de commerce.

- l’interdiction de faire partie du conseil supérieur du travail et de participer sous une forme quelconque à une entreprise de travaux ou un marché de fournitures pour le compte de l’Etat ou d’une collectivité publique.

b) - pour les travailleurs:

Pour ce dernier, le droit malien et le droit français convergent sur le principe de sanctions en cas d’atteinte au droit de grève. Mais sur le lock-out la législation malienne est admise par rapport au droit français. En effet, en France, lorsque le lock-out a pour objet de prévenir la grève ou de riposter à son déclenchement, le lock-out constitue un manquement de l’employeur à ses engagements contractuels. Les salariés victimes de la privatisation de travail sont en droit de solliciter des dommages et intérêts1. Ou de faire constater judiciairement la rupture de leur contrat à ses torts. Toutefois le lock-out peut être admis ou être une exception. Dans ce cas, il est licite lors la décision de l’employeur se fonde sur certaines circonstance s’apparentant à la force majeure. Dans ce cas, sa volonté est en partie étrangère à la fermeture de l’entreprise car ce sont les événements qui le conduisent à cette solution extrême. Il lui appartient alors de démontrer qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité absolue de faire travailler les salariés grévistes2. La démonstration fait appel aux différents éléments qui permettent de caractériser la désorganisation totale de l’entreprise. A cet égard,

1 Cass.soc., 1ejuillet 985.Juri.so.85F 77

2 V. par exemple pour la préservation de la sécurité des personnes et des biens :Cass.soc.,7 novembre 1990.civ V ,n° 42 ; Cass.soc. 21 mars 19990,Bull.civ.n°131

l’admission du lock-out se situe dans le prolongement de reconnaissance du caractère abusif de la grève et de a situation contraignante le dispensant de verser la rémunération des travailleurs qui ne participent pas au mouvement.

141. Au Mali, même si, le Code du travail prévoit l’existence d’un droit de grève pour les salariés, la question qui se pose est de savoir si le droit malien prévoit la même sanction en cas de licenciement par l’employeur d’un salarié en grève. L’article L34 du Mali n’indique pas explicitement la sanction en cas de licenciement d’un gréviste.

En France, le licenciement est nul, l’employeur qui met fin au contrat de travail d’un gréviste prononce un licenciement illégal (et non seulement abusif).

Avant, la Cour de cassation ne sanctionnait ce licenciement que par l’octroi de dommages-intérêts et refusait la remise en état par voie de réintégration ordonnée en référés1. Les lois du 3 janvier et du 25 juillet 1985 ont fait du licenciement d’un gréviste, en absence de faute lourde imputable à celui-ci, un acte nul et nul de plein droit, sans appréciation possible par le juge, et appelant une remise en état immédiate (L.1132-1 et L.2511-1). Des juges du fond avaient cru pouvoir maintenir la jurisprudence antérieure et décider que les grévistes licenciés de façon illicite n’avaient droit qu’à des dommages-intérêts.

Au Mali, quelle sanction pourrons-nous retenir en cas de licenciement d’un salarié pour participation à une grève ?

Plusieurs pistes de réponse peuvent être évoquées.

D’abord, on pourrait penser à l’article L.257 qui qualifie d’abus donnant lieu à des dommages-intérêts les mesures prises par l’employeur en considération de l’activité syndicale du salarié. C’est le cas de l’activité syndicale du salarié, de son opinion et de son appartenance ou non appartenance au syndicat. Ce texte ne vise pas directement le droit de grève du salarié. Mais au Mali, on sait que la

1 Soc,28 oct1975,DI.R,p.234,31 mars 1982, Dr, soc1983, p.225 aff, Talbot, obs ,J. SAVATIER, les grands arrêts.,n°11 ? l’arrêt indique que la réintégration ne peut qu’être proposée à l’employeur selon L1235-3 et que le juge des référées n’a pas un pouvoir différent de ceux des juges du fond.

grève est l’apanage du syndicat. Donc il n y a pas de grève sans l’ordre du syndicat. En France, la grève est un droit collectif dans exercice mais individuel dans son appartenance à chaque salarié1. Le droit français rejette la conception organique (privilège syndical) consacrée dans beaucoup de pays2. Toutefois, dans les services publics, les syndicats représentatifs sont, d’une certaine façon, titulaire du droit de grève (préavis syndical obligatoire). Dans cette hypothèse le salarié qui exerce la grève ne fait qu’exprimer son expression collective qui est une forme de grève3. Ainsi on-t-il dans le cas du 2e critère de la reconnaissance de grève « collective et concertée… »

Dès lors un employeur qui licencie un salarié gréviste commet au moins un licenciement abusif dont la réparation est l’octroi de dommages-intérêts.

Ensuite l’article L.231 du Code du travail malien pose une sanction redoutable pour les entreprises qui violerait le droit de grève : « l’interdiction de faire partie du conseil supérieur du travail et de participer sous une forme quelconque à une entreprise de travaux ou un marché de fournitures pour le compte de l’Etat ou d’une collectivité publique ». En effet le marché de fourniture de l’Etat (marché public) est un enjeu considérable pour les entreprises privées. Il s'agit d'un contrat administratif par lequel la personne publique peut confier à une entreprise, ou à un groupement d'entreprises, une mission globale relative :

• au financement d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public ;

1 C'est-à-dire des personnes engagées dans des relations de travail. Par suite la grève des étudiants n’a pas été considérée comme pouvant se réclamer du droit de grève et obéit à d’autre règles. Mais est-il réservé aux salariés ? le problème a été posé pur des médecins refusant de payer leur cotisation à l’ordre des médecins pour protester contre des dispositions prises par l’ordre. Le tribunal avait estimé qu’ils exerçaient leur droit d grève, liberté garantie par la Constitution, sans qu’il y ait référée au Code du travail. La Cour de cassation a jugé 15 janv.1991,Bull civ..I,n°19 que « la participation d’un médecin à un mouvement collectif de refus de payer les cotisations ne constituait pas une cessation concertée du travail en vue d’appuyer une revendication

professionnelle ».de même un mouvement collectif de travailleur Independent ne constitue pas une grève.

2 Mémentos droit du travail, J-M. VERDIER, A COEURET. M-A.SOURIAC volume1, J , Dalloz, p278

3 Chaque salarié peut présenter des réclamations, exposer des réclamations, exposer des revendications, faire des suggestions, directement ou par l’intermédiaire de ses représentants. La liberté d’expression et d’opinion ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise. Au delà de l’expression individuelle, la grève est une forme d’expression directe et collective sur le lieu du travail, au sein de l’équipe de travail, de l’atelier, du service.... Droit du travail A.MAZEAUD 4e éd p.94.

• à la construction et à la transformation des ouvrages ou équipements ;

• à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion ;

• le cas échéant, à d’autres prestations de service concourant à l’exercice par la personne publique de la mission de service public dont elle est chargée.

Le bénéfice généré par le marché peut constituer le capital. Il constitue une part juteuse dans le bénéfice et les chiffres d’affaires de certaines entreprises.

L’exclusion de ce marché est certainement plus redoutable que la sanction de nullité du licenciement du salarié gréviste. On pourrait dire que c’est une sanction plus efficace et stratégiste pour faire respecter le droit de grève. En France il a fallu attendre la loi sur le Financement de la Sécurité Social de 1é pour instituer une sanction visant exclure du marché public les entreprises en ca de travail illégal1. Donc le domaine d’application de cette sanction n’est pas le même qu’au Mali. L’employeur verbalisé en cas d’emploi d’étrangers sans titre, de travail dissimulé, de marchandage ou de prêts illicites de main-d’œuvre encourt la fermeture provisoire de son établissement ayant servi à commettre l’infraction et : ou l’exclusion de marchés publics (art .L8272 et L.8272-4)2. Dans cas peut-t-on admettre que le droit malien peut aussi être en avance sur le droit français même s’il ne sert pas de référence.

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