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Chapitre 3 – Méthodologie

3.2. LA COLLECTE DES DONNÉES

3.2.2. Les données d’intervention, contexte et collecte

Le projet d’intervention s’est déroulé à la maison, dans la situation de vie de l’enfant, de sorte que non seulement les actions sont analysées, mais le contexte l’est aussi (Miles et Huberman, 2003). Ainsi, cette étude vise à produire un savoir situé ayant une haute validité écologique, qui se développe et prend en compte les circonstances locales qui le touchent (Fourez, 2004).

Le projet d’intervention avec l’enfant a été d’une durée de dix mois, soit de septembre 2011 à juin 2012. La praticienne chercheuse s’est présentée au domicile de l’enfant cinq demi-journées

56 Dans le projet de recherche, le second juge est la directrice de recherche. Cette dernière n’a pas été impliquée

directement avec le sujet, ce qui a permis une distance pour l’analyse en cours d’intervention. On comprend cependant que la juge partage les fondements et le cadre théorique de la praticienne chercheuse. Cela vient colorer les analyses et les interprétations, mais cette lunette d’analyse, sur ce terrain partagé, ajoute à la cohérence interne d’analyse du discours. Si le juge avait été distant de la perspective théorique, elle n’aurait pas pu saisir les analyses dans le sens visé par les objectifs et les catégories construites ne correspondraient pas. Il s’agit donc d’une logique essentielle dans un processus de construction. De plus, la présence d’un second juge permet un regard analytique distancé de l’action de la praticienne chercheuse. Cela permet d’éviter les pièges et concourt à une interprétation compréhensive qui se situe dans le même terrain contextuel.

57 La double posture de praticienne chercheuse peut générer un conflit des rôles (Miles et Huberman, 2003;

Mucchielli, 2009) dans le sens où il peut être difficile d’avoir la distance nécessaire à l’analyse. L’ajout d’une personne à l’analyse interjuge est une aide à la distanciation, qui permet de ne pas tomber dans les pièges méthodologiques (Albarello, 2003) et de rétablir les limites généralement instituées entre la recherche et la pratique (De Lavergne, 2007). La présence d’un deuxième juge peut également aider à éviter l’effet miroir, c’est-à-dire la confrontation de la praticienne chercheuse à sa propre pratique (Van der Maren, 2003) et même à éviter l’effet Rosenthal, également nommé l’effet de l’expérimentateur (Miles et Huberman, 2003; Van der Maren, 2003), qui met l’accent sur le fait que la praticienne chercheuse influence en grande partie les résultats par ses choix et ses convictions. Pour l’éviter, le deuxième juge peut être utilisé de sorte que la praticienne chercheuse soit confrontée à son analyse et prenne une distance par rapport à l’expérimentation (Miles et Huberman, 2003; Van der Maren, 2003), expérimentation qui, vu sa longueur et son intensité, a été très engageante émotivement.

par semaine pour des interventions quotidiennes. Les récits lus en lectures interactives ont été sélectionnés par la praticienne chercheuse en fonction de leur niveau de complexité, tant causal que lexical, dans le but qu’ils soient adaptés au niveau de développement de l’enfant. Les récits ont été choisis et regroupés en fonction des quatre thématiques d’interventions exploitées avec l’enfant, soit l’univers des châteaux, le pôle Nord, les pirates et le cirque. Chaque lecture a été préparée de sorte que des questions d’inférences lexicales et causales autour des composantes récurrentes du récit ont été prévues pendant la lecture pour soutenir l’enfant dans son analyse et dans sa compréhension de la structure narrative du récit lu58 (Dougherty Stahl, 2014; Makdissi et Boisclair, 2006a, 2006b; Van Kleeck, 2008). À même ce questionnement causal, les questions qui touchent la théorie de l’esprit ont également été posées dans le but de faire ressortir les états internes des personnages et, ainsi, de mettre en relief leurs croyances et leurs motivations (Veneziano, 2010), et ce, en lien avec la macrostructure du récit. Le même récit était utilisé pour une semaine59 de sorte que quarante-six récits60 ont été lus de façon interactive pendant les dix mois d’intervention pour un total de cent cinq vidéoscopies d’intervention61. Les vidéoscopies des lectures interactives ont été utilisées aux fins d’analyse et sont ainsi devenues des données d’intervention prises dans le milieu naturel de l’enfant. Le tableau 1 présente le nombre de données d’intervention en lectures interactives qui ont été vidéofilmées. Les données d’analyse seront sélectionnées parmi celles-ci.

58 La recension complète des œuvres de la littérature jeunesse qui ont été utilisées est disponible dans la

bibliographie.

59 La lecture répétée d’un même livre permet à l’enfant de prendre le temps d’apprivoiser l’objet et de centrer son

attention sur le récit pour pouvoir l’aborder dans toute sa complexité. Chez les enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme, il est important de répéter les mêmes activités pour éviter leur retrait (Lemay, 2004) et, ainsi, favoriser leur engagement dans la tâche.

60 Les lectures interactives de ces récits ouvraient sur des thématiques permettant également d’exploiter le même

univers à travers le jeu symbolique, la consultation d’ouvrages de référence et alimentaient les discussions entre la praticienne chercheuse et l’enfant.

61 L’utilisation de la vidéoscopie, constitue, par le recours systématique aux enregistrements, une mémoire matérielle

qui permet de partager l’expérience vécue avec les autres, notamment avec la personne qui a participé à titre de deuxième juge lors des analyses (Lefebvre et Poncet-Montange, 1996). C’est ainsi un instrument privilégié pour étudier et développer la pensée en action et la pensée sur l’action (Tochon, 1996). La mémoire matérielle, stockée et organisée sur des disques durs externes, permet de conjurer l’oubli, stimule la mémoire lors des analyses (Lefebvre et Poncet-Montange, 1996 ; Tochon, 1996) et est un critère de fiabilité interne (Gagnon, 2012). Le stockage des données sur des disques durs permet de les organiser en fonction de chaque journée et en identifiant les séquences vidéos avec le nom de l’activité réalisée. Les lectures successives des bandes vidéo permettent de voir les indices extralinguistiques contribuant au sens du discours coélaboré entre l’enfant et l’adulte ne pouvant être consignés par écrit (Poisson, 1991), et ce, en contexte situé.