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Chapitre 4 Analyse de la lecture interactive Les oreilles du roi

4.3. DISCUSSION ENTRE L’ENFANT ET L’ADULTE AUTOUR DU RÉCIT

4.3.3. Interactions spontanées de l’enfant

« Pourquoi? » « Pourquoi ça le tracasse? » « Pourquoi? » « J’veux le faire, ok? »

La première unité de sens dans laquelle on retrouve des interactions spontanées de l’enfant a été trouvée alors que l’adulte venait de lire le passage suivant : « Dans tout le Royaume, le monde s’inquiétait du sort de tous ces coiffeurs disparus et les gens parlaient entre eux. Cela tracasse le roi. ». Cela fait partie de la situation initiale du récit et de la construction de la problématique. L’enfant a interrompu la lecture de l’adulte et a dit :

Extrait 16.

1. E. Pourquoi?

2. A. Comment ça se fait que ça le tracasse? 3. E. Pourquoi ça le tracasse?

4. A. Que tout le monde parle de ce qui se passe au château? 5. E. (L’enfant parle d’autres choses.)

6. A. Que tout le monde parle de ce qui se passe au château?

7. A. (Livre.) En vérité, le roi Boyan ne voulait pas que les coiffeurs retournent chez eux. Non, non, non! Il les retenait prisonniers dans son château et leur confiait différentes tâches. Certains devaient traire les vaches, d’autres barater le beurre et d’autres encore prendre soin des cochons.

8. A. Pourquoi le roi i’ les gardait prisonniers les coiffeurs, tu penses? 9. E. (Silence.)

10. A. Hein? Le roi i’ voulait pas… 11. E. Pourquoi?

12. A. … que les coiffeurs i’ retournent chez eux. Nous on sait quelque chose hein? Parce qu’on a déjà lu l’histoire. Le roi il a un secret. Hein? Il a un secret ce roi-là.

13. E. (Silence.)

14. A. C’est quoi son secret? 15. E. (Inaudible.)

16. A. Oui. Le roi i’ a un secret. Nous autres on le sait! C’est quoi son secret au roi Boyan?

17. E. Oui.

18. A. Le roi i’ a un grand secret. Nous on le connait son secret toutes les deux. 19. A. Là, nous on sait que le roi i’ a un grand secret. C’est quoi son secret? 20. E. J’ sais pas moi.

21. A. Oui! Les flutes elles le disent plus tard dans l’histoire. (En chantant.) « Le roi a… » Il a quoi?

22. E. (En chantant.) « Des oreilles de… »

23. A. (En chantant.) « Le roi a des oreilles de ch… » 24. E. (En chantant.) « De chèvre! »

25. A. Nous on sait le grand secret du roi. 26. E. J’veux le faire, ok?

27. A. Oui.

28. E. (En chantant.) « Le roi a des oreilles de chèvre. »

On remarque ici, en observant les extraits du dialogue mis en caractères gras, que l’enfant, en demandant « Pourquoi? », tente de construire la problématique du récit à partir de la dénomination de l’émotion négative venant d’être lue « Cela tracasse le roi. ». De plus, dans la prolongation de la conversation avec l’adulte qui, à la ligne 2, reformule la question de l’enfant en demandant « Comment ça se fait que ça le tracasse? », l’enfant réitère sa question en demandant, à la ligne 3, « Pourquoi ça le tracasse? ». L’hypothèse qu’il y a potentiellement émergence du problème peut être envisagée alors que l’enfant demande à l’adulte, à la ligne 26, si elle peut chanter la ritournelle (« J’veux le faire, ok? »). Cependant, le fait que l’enfant chante la ritournelle et qu’elle s’enquiert de savoir pourquoi cela tracasse le roi ne nous permet pas d’affirmer qu’elle ait bien compris que le fait que le roi ait des oreilles de chèvre constitue la problématique du récit. On peut penser qu’elle a davantage porté son intérêt sur la ritournelle chantée que sur le message que cette dernière véhicule. Cette hypothèse d’une simple émergence du problème peut être soutenue, par ailleurs, lorsqu’on observe toutes les questions posées sur la problématique auxquelles l’enfant n’a pas répondu.

Certaines questions présentes dans l’extrait ne montrent pas que l’enfant ait fait des relations causales pour répondre, par exemple, à la ligne 19, l’adulte demande « C’est quoi son secret? » et l’enfant, à la ligne 20, répond « J’sais pas moi. ». En ce qui a trait aux relations causales, l’enfant pose, sans toutefois y répondre, des questions nécessitant de faire un lien causal intracomposante entre le problème (les oreilles de chèvre) et l’émotion négative (cela le tracasse). Il y a donc émergence de l’établissement de relation causale intracomposante.

En ce qui a trait à la théorie de l’esprit, on remarque que l’état interne de type émotionnel du roi, qu’est l’inquiétude, a été soulevé lorsque l’enfant demande, à la ligne 3, « Pourquoi ça le tracasse? ». Si l’enfant avait poursuivi à la fois la discussion et à la fois son questionnement sur le problème, il aurait été possible de penser qu’elle aurait soulevé l’état interne de type épistémique puisque la discussion amorcée par la question posée « Pourquoi ça le tracasse? » (ligne 3) aurait nécessité de se prononcer sur la pensée du personnage et, par le fait même, sur celle des villageois puisqu’on se demande pourquoi le roi est tracassé par les ragots divulgués par les villageois. Cette discussion aurait donc nécessité de discuter de la connaissance ou de la non- connaissance du roi en ce qui a trait à ce qui est dit à son sujet au village, mais l’enfant n’a pas poussé son raisonnement jusque là.

« Qu’est-ce qu’i’ a dit? »

La deuxième unité de sens présentant une interaction spontanée de l’enfant se trouve en cours de discussion entre l’adulte et l’enfant, discussion dans laquelle l’adulte tente de faire nommer la problématique du récit par l’enfant et de la lier causalement à la tentative d’action 2. Précédemment, l’adulte aura lu la tentative d’action 2 : « En vérité, le roi Boyan ne voulait pas que les coiffeurs retournent chez eux. Non, non, non! Il les retenait prisonniers dans son château et leur confiait différentes tâches. Certains devaient traire les vaches, d’autres barater le beurre et d’autres encore prendre soin des cochons. ». En cours de discussion, l’enfant a posé la question suivante :

Extrait 17.

1. A. Est-ce qu’i’ ont vu ses oreilles? 2. E. Non…

3. A. Quand i’ viennent couper ses cheveux… 4. E. Oui.

5. A. Oui.

6. E. Qu’est-ce qu’i’ a dit?

7. A. Le roi il leur dit : non, non, non, je vous garde prisonniers de mon château parce que vous savez maintenant mon secret.

L’extrait mit en caractères gras, démontre que l’enfant tente de construire la problématique du récit puisqu’elle demande à l’adulte de lire comme si elle était le roi, ce que l’adulte fait.

L’adulte, par sa réponse théâtrale, fait le lien avec le secret du roi, soit le fait qu’il ait des oreilles de chèvre. Un autre élément présent dans l’extrait analysé est le fait que l’enfant change sa réponse lorsqu’on la questionne sur l’état physique des coiffeurs, soit le fait de voir ou non les oreilles. L’adulte demande, à la ligne 1, s’ils ont vu les oreilles et, à la ligne 2, l’enfant répond non, puis l’adulte ajoute à son affirmation « Quand i’ viennent couper les cheveux du roi » (ligne 3) et l’enfant répond, à la ligne 4, « oui ». Ici, l’adulte suppose une hésitation de la part de l’enfant et elle répète sa réponse. L’enfant pose ensuite sa question « Qu’est-ce qu’i’ a dit » (ligne 6), ce qui ne permet pas de savoir vraiment si l’enfant a compris ou non que les coiffeurs, lorsqu’ils vont au château, voient les oreilles du roi. De plus, comme l’analyse des questions et des interactions précédentes montre que l’enfant n’a pas tout à fait construit le problème du roi, les réponses présentes dans l’extrait 17 sont considérées comme des hésitations. Les réponses de l’enfant, de même que son interaction spontanée ne montre pas la présence de relation causale.

En ce qui a trait à la théorie de l’esprit, l’adulte, à la ligne 1, nomme un état physique en demandant : « Est-ce qu’i’ ont vu ses oreilles? ».

« Pourquoi? » « Au roi de quoi? »

La troisième unité de sens dans lequel on retrouve des interactions spontanées de l’enfant a été sélectionnée alors que l’adulte venait de lire cette partie de dialogue entre Igor et le roi qui constitue la tentative d’action 5 : « « Vous avez l’air très séduisant, Votre Majesté! Vous êtes très beau! ». « Et mes oreilles? », demanda le roi. « Mais vos oreilles sont parfaites. » « Vraiment? » « Vraiment! » Le roi lui dit donc : « Tu peux retourner chez toi ». » Voici le dialogue qui a suivi la lecture :

Extrait 18.

1. A. Tous les autres coiffeurs, tu m’as dit qu’ils étaient restés prisonniers du château. Mais lui, le roi il lui donne la permission de partir. Il l’envoie en liberté. Il lui dit : « Tu peux partir chez toi ». Comment ça se fait que lui il peut retourner chez lui, mais que tous les autres sont en prison? 2. E. Pourquoi?

3. A. Quand le roi lui a dit : « Comment vous trouvez mes oreilles? », lui i’ a dit quoi?

4. E. (Silence.)

5. A. « Vos oreilles sont parfaites! » Ça a fait très très très plaisir au roi. 6. E. Au roi de quoi?

7. A. Au roi Boyan. 8. E. Oui.

Dans l’extrait, l’adulte récapitule le récit à partir de la tentative d’action 2, soit le moment où on apprend que les coiffeurs sont séquestrés, et pose une question ouverte de type rétrospective à l’enfant, mais cette dernière, plutôt que de répondre, en pose une à son tour. On remarque ici que l’enfant ne fait pas une imitation immédiate des propos de l’adulte lorsqu’elle demande pourquoi (ligne 2); elle reformule plutôt la question de l’adulte, question qui traite du problème du roi (le roi a des oreilles de chèvre) qui est causalement lié à la tentative d’action 5 où Igor affirme que les oreilles du roi sont parfaites et au but du roi (cacher ses oreilles de chèvre). L’adulte, en énonçant ces liens, amorce la construction d’un lien avec la morale de l’histoire, c’est-à-dire que le roi commence à s’accepter tel qu’il est puisqu’il laisse partir Igor. Cependant, cette acceptation ne sera complète pour le roi que lors de la solution où il s’accepte entièrement. Dans la tentative d’action 5, il s’accepte puisqu’Igor mentionne que ses oreilles sont parfaites (ligne 5). On remarque que l’adulte fait fi de la question de l’enfant et reformule et simplifie la question initiale à laquelle l’enfant ne répond pas. L’adulte répond elle-même à sa question (ligne 5). L’enfant pose ensuite une question à l’adulte qui n’est pas en lien avec la structure narrative du récit. En effet, alors que l’adulte mentionne le roi, l’enfant lui demande : « Au roi de quoi? » (ligne 6). Cette formulation fait partie des formulations usuelles de l’enfant. Le fait qu’une relation d’intersubjectivité s’est établie entre l’adulte et l’enfant permet à l’adulte de reconnaitre les constructions de phrases propres à l’enfant.

Dans cette unité de sens, on remarque que, si l’enfant avait répondu à la question initiale ou à sa propre question (« pourquoi? »), il y aurait eu présence d’un lien causal transcomposantes entre la tentative d’action 5, le problème, le but et l’amorce de la morale.

Dans cet extrait, l’adulte, en lien avec la théorie de l’esprit, vise indirectement l’état interne de type émotionnel du roi, c’est-à-dire la honte qu’il ressent à propos de ses oreilles, et nomme explicitement l’état interne de type émotionnel en affirmant que le compliment fait très plaisir au roi.

« Des yeux. » « Moi j’ai vu des yeux moi. »

La quatrième unité de sens dans laquelle on retrouve une interaction spontanée de l’enfant se trouve dans la solution du récit. L’adulte a lu le passage suivant : « Par la fenêtre du carrosse royal, la tête du roi Boyan apparue. Soudain, tous ceux qui le virent affirmèrent que le roi avait les plus grosses oreilles qui soient. ». L’interaction ici analysée a suivi la lecture :

Extrait 19.

1. A. Tout le monde l’a vu. Tout le monde a vu son secret. 2. E. Des yeux.

3. A. Oui. Tout le monde le regarde. 4. E. Moi j’ai vu des yeux moi.

5. A. Des yeux qui te regardent et qui regardent le roi avec ses oreilles de chèvre.

Lorsqu’elle mentionne des yeux, l’enfant fait référence à l’illustration sur laquelle on peut voir de nombreuses paires d’yeux qui entourent le carrosse du roi, symbolisant ainsi les villageois curieux et surpris qui viennent de découvrir le secret du roi. L’adulte, dans l’extrait 19, fait ressortir un élément de la solution du récit, mais ne l’énonce pas complètement. On remarque que, dans cette unité de sens, il y a absence de relation causale.

En ce qui a trait à la théorie de l’esprit, en mentionnant, à la ligne 1, que tout le monde a vu le secret du roi, l’adulte soulève un état physique, soit le fait de voir. L’enfant, en affirmant « Moi j’ai vu des yeux moi. » (ligne 4), fait état de son propre état physique. En s’exprimant ainsi, l’enfant parle comme si les yeux la regardaient et c’est cette idée que l’adulte reprend à la ligne 5

tout en recontextualisant l’enfant dans le récit lorsqu’elle affirme : « Des yeux qui te regardent et qui regardent le roi avec ses oreilles de chèvre. ».

4.3.3.1. Tableaux synthèses des interactions spontanées de l’enfant

La partie qui suit présente la synthèse des résultats, sous forme de tableaux récapitulatifs, en ce qui a trait aux interactions spontanées de l’enfant. Dans un premier temps, la synthèse des composantes récurrentes visées par les interactions spontanées de l’enfant sera présentée. Dans un deuxième temps, la même chose sera faite en ce qui a trait aux relations causales puis, finalement, la synthèse des états internes ciblés par les interactions spontanées de l’enfant sera présentée.

Interactions spontanées de l’enfant et composantes récurrentes visées

Le tableau 9 présente les composantes récurrentes79 visées lors des interactions spontanées de

l’enfant. À la lecture du tableau, on remarque que la problématique a été abordée par l’adulte dans 100 % (3/3) des cas, que l’émotion négative a été abordée par l’enfant dans 100 % (1/1) des cas et que le but, les tentatives d’action ainsi que la solution ont été abordés par l’adulte dans 100 % (1/1) des cas. Au total, on remarque que, dans les interactions spontanées, l’enfant a abordé les composantes récurrentes du récit dans 14 % (1/7) des cas et l’adulte l’a fait dans 86 % (6/7) des cas. On remarque également, dans le tableau 9, que le problème a été abordé dans 43 % (3/7) des cas et que l’émotion négative, le but et les tentatives d’actions ont été abordés chacun dans 14,25 % (1/7).

79 À l’intérieur du tableau on retrouve la situation initiale (S. I.), la problématique (Prob.), l’émotion négative (É.-), le

but (But), les tentatives d’actions (T. A.), le sous-problème (S.-Prob.), l’émotion négative liée au sous-problème (S.- É-), le sous-but (S.-But), la solution au sous-problème (S.-Sol.), la solution au problème principal (Sol.), l’émotion positive (É. +) et la situation finale (S. F.).

Tableau 9:Interactions spontanées de l’enfant et composantes récurrentes visées dans le récit « Les oreilles du roi » (Jovanovic et Béha, 2011)

Interactions spontanées S. I . Prob. É. - But T. A. S. – Prob. S.- É - S. – But S.- Sol. Sol. É + S. F . « Pourquoi? » « Pourquoi ça le tracasse? » « Pourquoi? » « J’veux le faire, ok? » (X) Lignes 12, 14, 16, 18 à 28 X Ligne 2 « Qu’est-ce qu’i’ a dit? » (X) Ligne 6 « Pourquoi? » « Au roi de quoi? » (X) Ligne 1 (X) Lignes 1 et 3 (X) Lignes 1, 3 et 5 (X) Ligne 5 « Des yeux » « Moi j’ai vu des

yeux moi » X : 1/7 (14 %) (X) : 6/7 (86 %) (X) : 3/3 (100 %) (100 %) X : 1/1 (X) : 1/1 (100 %) (X) : 1/1 (100 %) (X) : 1/1 (100 %) Total : 7 3 (43 %) 1 (14,25 %) 1 (14,25 %) 1 (14,25 %) 1 (14,25 %)

À la lecture du tableau 9, on remarque que l’enfant, quoiqu’il s’agisse des unités de sens présentant ses interactions spontanées, n’aborde que très peu les composantes récurrentes du récit. Sur les sept composantes sollicitées, elle ne discute que l’émotion négative liée à la problématique, ce qui implique que ses propres initiatives ne touchent qu’à 14,25 % (1/7) des fois des composantes récurrentes du récit. Cela n’est pas sans lien avec l’hypothèse faite en cours d’analyse au sujet de la construction de la problématique par l’enfant. À ce propos, on remarque que la moitié des composantes récurrentes identifiées en cours de discussions dans les interactions spontanées de l’enfant touchent la problématique. C’est d’ailleurs l’adulte qui, dans tous les cas, la cible en cours d’intervention dans le but de permettre à l’enfant de construire la problématique du récit.

Interactions spontanées de l’enfant et types de relations causales établies

Le tableau 10 présente les types de relations causales faites dans les interactions spontanées de l’enfant. Dans la colonne « absence de relation causale », on remarque la présence de X, ce qui signifie que la relation causale n’a pas été construite, ni par l’adulte, ni par l’enfant. Si on s’attarde aux colonnes « présence de relations causales », on remarque la présence de la lettre E, ce qui signifie que la relation causale s’est fait en cours d’échange avec l’adulte. La relation causale a donc été construite soit par l’adulte, soit par l’enfant, ou encore en coconstruction. Par contre, s’il y a présence de la lettre Q, cela signifie que l’enfant a soulevé une question qui potentiellement permettrait la construction d’une relation causale, mais au final, l’enfant ne répond pas à sa propre question. Ainsi, l’enfant, par son questionnement, marque la relation causale, mais ne sent pas encore la nécessité de l’établir. Sur les quatre initiatives de l’enfant, deux formulations de questions de l’enfant, donc 50 % des initiatives (Q), soulevaient un nœud causal dans la trame du récit bien que l’enfant n’ait pas répondu à ses propres questions et n’a donc pas établi de relation causale au final. Une de ces questions aurait pu permettre une relation causale intracomposante et la seconde une relation causale transcomposante. Il y a eu absence de relation causale dans 50 % (2/4) des cas.

Tableau 10:Interactions spontanées de l’enfant et types de relations causales établies dans le récit « Les

oreilles du roi » (Jovanovic et Béha, 2011)

Interactions spontanées Absence de relation

causale

Présence de relations causales

intracomposantes Intercomposantes transcomposantes « Pourquoi? »

« Pourquoi ça le tracasse? » « Pourquoi? » « J’veux le faire, ok? »

Q

Lignes 1 et 3

« Qu’est-ce qu’i’ a dit? » X « Pourquoi? »

« Au roi de quoi? »

Q

Ligne 2

« Des yeux » « Moi j’ai vu des yeux

moi » X Total : 4 2 (50 %) Q : 2 (50 %) 1 (25 %) 1 (25 %)

L’analyse des relations causales en cours d’interactions spontanées permet de voir que l’enfant a soulevé une question dont la réponse aurait exigé une relation causale intracomposante; si on retourne dans l’analyse, il est possible de voir qu’elle est en lien avec l’identification de l’émotion négative liée au problème du roi alors que l’enfant a demandé « Pourquoi ça le tracasse? » (extrait 16, ligne 3). Ainsi, on remarque que l’identification de l’émotion négative dans la question formulée montre son intérêt dans la recherche de la cause. Toutefois, elle n’établit pas cette relation causale. Ce lien de causalité, si on s’attarde au niveau de difficulté, est le plus simple à produire puisqu’il crée un lien causal au sein de la même composante récurrente et ne permet pas de lier les composantes entre elles. On remarque également que l’enfant, lorsqu’elle pose la question « Pourquoi? » (extrait 18, ligne 2), soulève potentiellement des relations causales transcomposantes puisque sa question, si elle avait été répondue, aurait pu permettre de faire ressortir la morale de l’histoire. Cependant, au final, l’enfant n’établit pas ces relations causales puisqu’elle ne répond pas à sa propre question. Par ailleurs, on remarque que l’enfant n’a pas fait de relation causale dans les interactions spontanées alors qu’elle en fait une dans les questions auxquelles elle répond (tableau 4), d’où l’importance de l’intervention, de la part de l’adulte, dans la zone proximale de développement de l’enfant, dans le but de l’amener à construire des relations causales.

Interactions spontanées de l’enfant et composantes de la théorie de l’esprit

Le tableau 11 présente les composantes de la théorie de l’esprit ayant été visées lors des interactions spontanées de l’enfant. Le X représentent les états internes soulevés par l’enfant et les (X) ceux soulevés par l’adulte. On remarque que 60 % (3/5) des composantes de la théorie de l’esprit ayant été abordées dans les interactions spontanées sont des états physiques et que 40 % (2/5) d’entre elles visent l’état interne de type émotionnel. On observe que l’état physique a été abordé dans 33 % (1/3) des cas par l’enfant et dans 67 % (2/3) des cas par l’adulte. On observe également que l’état interne de type émotionnel a été abordé à parts égales par l’adulte et l’enfant (50 %, 1/2). On remarque qu’au total, dans les interactions spontanées, 40 % (2/5) des états internes ont été soulevés par l’enfant et 60 % (3/5) par l’adulte.

Tableau 11:Interactions spontanées de l’enfant et composantes de la théorie de l’esprit dans le récit « Les oreilles du roi » (Jovanovic et Béha, 2011)

Interactions spontanées

État physique État interne de type

émotionnel État interne de type intentionnel État interne de type épistémique « Pourquoi? » « Pourquoi ça le tracasse? » « Pourquoi? » « J’veux le faire, ok? » X Ligne 3 « Qu’est-ce qu’i’ a dit? » (X) Lignes 1 à 4 « Pourquoi? » « Au roi de quoi? » (X) Ligne 5 « Des yeux » « Moi j’ai vu des

yeux moi » X Ligne 5 (X) Ligne 1 Total X : 2/5 (40 %) Total (X) : 3/5 (60 %) X : 1/3 (33 %) (X) : 2/3 (67 %) (50 %) X : ½ (X) : ½ (50 %) Total : 5 3 (60 %) 2 (40 %)

Le tableau 11 nous permet de remarquer que l’état interne qui, en proportion, fut le plus