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Chapitre 2 Cadre théorique

2.1. L E DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT TOUT-VENANT

2.1.2. Le développement au stade sensorimoteur

En fonction de la théorie du développement cognitif de Piaget, le stade sensorimoteur regroupe les développements faits par l’enfant de la naissance à environ vingt-quatre mois. Cette période, qui est caractérisée par l’évolution de l’intelligence pratique, se divise en six sous-stades. Pour chaque sous-stade, le développement des concepts présents dans la figure 1 sera explicité.

2.1.2.1. Le premier sous-stade de développement du sensorimoteur (de 0 à 1 mois)

Au premier sous-stade de développement sensorimoteur, on remarque que l’enfant nait en intersubjectivité avec sa mère. L’intersubjectivité primaire est innée et permet la communication entre l’enfant et la mère (Aitken et Trevarthen, 2003; Claudon, Dall’Asta, Lighezzolo-Alnot et

24 Observons l’exemple suivant : « Léna est prise dans un trou (problème - A). Elle veut sortir (sous-but - B). Elle

s’accroche à une racine et grimpe (tentative d’action - C). » Le problème est adjacent à l’énoncé présentant le but (A–»B), de sorte qu’une simple relation causale directe est à faire pour établir le rapport causal entre la cause et la conséquence. L’énoncé présentant le but est adjacent à celui présentant la tentative d’action (B–»C). Cette relation causale est également directe. Cependant, pour établir le lien causal entre le problème et la tentative d’action, il faut établir une relation causale transitive qui permet d’énoncer que, si Léna n’était pas tombée dans le trou, elle n’essaierait pas de grimper en s’accrochant à une racine (A–»C).

Scarpa, 2008; Favez et Frascarolo, 2005). Stern, rapporté par Claudon et ses collaborateurs (2008), parle, en lien avec les liens intersubjectifs précoces entre l’enfant et la mère, d’accordage affectif, dans le sens où l’enfant partage ses états affectifs avec l’adulte, entre autres par des gestes reflétant son état émotionnel, et perçoit ceux de l’autre. D’ailleurs, Mounoud (2000) rapporte que le nouveau-né est capable, par la théorie implicite de l’esprit25, d’attribuer instinctivement des états internes26 à l’autre avec qui il se trouve en relation d’intersubjectivité et cela notamment en lien avec le développement des prémisses de l’attention conjointe. Il s’agit d’une compréhension implicite et intuitive des états internes de l’autre observable, entre autres, tel que l’a souligné Meltzoff (1995, 1999), dans l’imitation précoce où l’enfant exerce les conduites imitatives essentielles au développement de l’intersubjectivité, comme un jeu où il découvre l’adulte et établit un lien direct avec ce dernier. L’attribution d’états internes à l’autre se remarque par le fait que les jeunes enfants font très tôt la distinction entre l’animé et l’inanimé (Meltzoff, 1995, 1999) et, ainsi, accordent une vie mentale à l’humain. Ceci s’observe entre autres par le mécanisme de détection du regard par lequel l’enfant suit le regard de l’adulte et découvre ainsi le monde (Baron-Cohen, 1989; Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001).

Tel que rapporté par Piaget (1936, 1976), au premier sous-stade sensorimoteur, l’enfant ne se dissocie pas de l’autre ni de l’environnement. D’ailleurs, l’assimilation et l’accommodation ne font qu’un. La mère constitue donc le premier contact que l’enfant a avec la réalité puisque l’exploration manipulatrice des objets n’est pas encore contrôlée par sa volonté. Plus qu’une extension de soi, la mère est, au début de la vie, considérée par le bébé comme étant partie

25 Pour certains auteurs, comme Tager-Flusberg (2000), l’émergence de la compréhension de l’autre et l’attribution

d’états internes est remarquée par le développement de la communication intentionnelle au quatrième sous-stade du développement sensorimoteur alors que pour Meltzoff (1995, 1999), l’imitation précoce dans l’action qui est faite par le bébé dans ses premiers jours de vie représente une prémisse de l’intentionnalité et de la théorie de l’esprit.

26 L’expression « états internes » fait référence entre autres aux travaux de Veneziano. On distingue quatre différents

types, présentés ici selon leur séquence développementale d’apparition: les sensations physiques et les perceptions, les états internes de type émotionnel, les états internes de type intentionnel qui portent sur la présence ou l’absence d’intention ainsi que les états internes de type épistémiques, c’est-à-dire la connaissance ou non-connaissance des croyances des personnages (Veneziano et Hudelot, 2006; Veneziano, 2010, 2016). Ainsi, l’enfant peut attribuer à un personnage une croyance, une connaissance ou une non-connaissance, par exemple lorsque l’enfant mentionne que le personnage 1 ne pensait pas mal faire. L’enfant peut aussi attribuer à un personnage une croyance, une connaissance ou une non-connaissance liée à un autre personnage, par exemple lorsqu’il mentionne que le personnage 1 ne savait pas que le personnage 2 n’aimait pas ça.

prenante de sa personne. Dans cette relation dyadique, l’enfant interprète la réalité en partageant les actes de sa mère, ce qui est nécessaire au développement de l’intersubjectivité et qui se développe dans ladite relation d’intersubjectivité (Favez et Frascarolo, 2005; Meltzoff, 1995, 1999; Rogers, 1998).

2.1.2.2. Le deuxième sous-stade de développement du sensorimoteur (de 1 mois à 4 mois ½) Le deuxième sous-stade de développement du sensorimoteur est celui du développement des réactions circulaires primaires, en ce qui a trait à la phonation, à la vision et à la préhension (Piaget, 1976). Dans les relations circulaires primaires, l’enfant fait des actions sur lui-même, il découvre son corps en prolongeant et en raffinant l’exercice de ses réflexes. En effet, à ce sous- stade, l’enfant commencera à se dissocier de son environnement, ce qui permettra le développement de l’assimilation reproductrice et de l’accommodation aux données extérieures aux schèmes. Pour ce faire, il est également important de noter que l’assimilation et l’accommodation, jusque-là indissociables, commencent à se différencier. L’enfant commence à différencier l’objet de son activité, à faire des apprentissages relatifs aux données du milieu extérieur et commence à incorporer des objets lors de l’exercice de ses schèmes (Piaget, 1976), par exemple lorsqu’il met de façon non intentionnelle son hochet dans sa bouche. L’exercice des schèmes ne provient pas encore d’une intention, mais elle est davantage issue des réflexes exercés au premier sous-stade (Piaget, 1936).

Vers le troisième mois de vie, la phonation et l’ouïe se coordonnent. Il y a une perpétuelle accommodation des organes vocaux à la réalité phonique perçue par l’ouïe. Les apprentissages se font en intersubjectivité primaire avec la mère, et cette proximité lui permettra d’interpréter la réalité (Favez et Frascarolo, 2005). Meltzoff (1999) affirme que dès 3 ou 4 semaines, le bébé, par la coordination entre l’audition et la vision, peut reproduire, à la suite d’un entrainement, des sons

produits par l’adulte, ce qui crée les premières protoconversations27 (Piaget 1936). Rapidement, l’enfant comprendra que les pleurs amèneront attention, nourriture ou changement de couche. Ce sont les fondements précurseurs de l’intentionnalité qui marquent la communication prélinguistique. Le bébé n’a pas développé, à cet âge, la permanence de l’objet. Par contre, il existe une permanence affective ou subjective, voire intersubjective, qui fait en sorte que le bébé pleure lorsque sa mère disparait de son champ visuel (Legendre-Bergeron et Laveault, 1980). Les interactions avec la mère, qui nourrissent la protoconversation et qui sont une des premières manifestations de l’attention conjointe, permettent à l’enfant d’interpréter son milieu visuel et d’en faire des tableaux dans lesquels il développera la récognition.

Toujours en intersubjectivité primaire avec sa mère et dans l’exercice des réactions circulaires primaires, il y a objectivation de la vision qui passe de fonctionnelle à généralisatrice et récognitive (Piaget, 1936). L’enfant s’intéresse à son environnement et suit des yeux le doigt de sa mère lors du pointage (Veneziano et Sinclair, 2000), créant ainsi des situations d’attention conjointe. Au même moment, le détecteur de direction du regard du bébé est stimulé et, dès l’âge de trois mois, il commence à analyser la direction du regard (Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001), c’est-à-dire en détectant les yeux de l’interlocuteur et en vérifiant s’ils sont dirigés sur soi (Baron-Cohen, 1989). La détection du regard est un fondement précurseur à la théorie de l’esprit, dans le sens où l’enfant attribue une action à quelqu’un.

2.1.2.3. Le troisième sous-stade de développement du sensorimoteur (de 4 mois ½ à 8-9 mois) Au troisième sous-stade de développement du sensorimoteur, en lien avec le développement des relations circulaires secondaires, qui regroupe les premières adaptations motrices intentionnelles, c’est-à-dire les actions sur les objets, le développement de l’intersubjectivité secondaire débute. L’enfant, en intersubjectivité avec sa mère, ajoute l’objet et les évènements du monde extérieur à

27 Dans la protoconversation, l’enfant, avec l’adulte, en produisant des sons dans le respect du tour de parole imite la

leur dyade, ce qui signifie qu’il doit partager son attention (Aitken et Trevarthen, 2003; Matthews, 2014; Tamis-LeMonda, Cristofaro, Rodriguez & Bornstein, 2006). La relation dyadique devient maintenant triadique28. La mère utilise plus fréquemment le pointage (Veneziano et Sinclair, 2000), ce qui favorise la construction du monde que l’enfant se fait grâce à l’attention conjointe et partagée (Tomasello et Farrar, 1986; Tomasello, Carpenter et Liszkowski, 2007). La mère enseigne ce à quoi sert l’objet et accompagne l’enfant dans son exploration motrice (Aitken et Trevarthen, 2003). La relation entre l’objet et son image, en tant que début de l’évocation, commence à se bâtir par et pour l’action. Le signifié est donc lié à un affect, qu’il soit positif ou négatif, et à la perception actuelle que l’enfant a de lui puisque ce dernier est dans les débuts de la construction de la permanence de l’objet, permanence qui est accordée aux tableaux perceptifs et qui demeure dans le prolongement de l’action. Cette relation permet de faire des liens et de construire un sens (Piaget, 1936, 1976).

Pendant le troisième sous-stade du sensorimoteur, le développement des relations circulaires secondaires est marqué, entre autres, par la préhension et la coordination visuomotrice. L’enfant se met à répéter des actions qui produisent un effet sur son environnement physique (Legendre- Bergeron et Laveault, 1980). Il fait des relations presque intentionnelles entre les choses et ses activités ce qui signifie qu’il est capable de faire la différenciation entre le moyen et le but. La relation dyadique entre la mère et l’enfant implique d’interpréter, par la perception sensorielle, les stimuli en termes d’états mentaux primitifs, c’est-à-dire les buts et les désirs, et tend à interpréter tout ce qui a un mouvement ou un son propre comme un agent avec des objectifs et des désirs (Meltzoff, 1999). Ce développement est précurseur à la théorie de l’esprit et est aussi considéré comme un début d’intentionnalité (Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001).

28 L’utilisation du terme « triadique » réfère ici au fait que l’enfant ouvre la dyade créée avec le parent vers les

éléments externes, par exemple des objets (Matthews, 2014). Ces éléments externes deviennent ce qui motive la « conversation ». Ainsi, l’enfant, par le pointage, attire l’attention de son interlocuteur vers des objets à l’extérieur de la dyade, d’où l’utilisation du terme triadique. Cette habileté est précurseur au développement de la communication langagière conventionnelle (Tomasello, 2008).

En ce qui a trait à l’accordage affectif entre la mère et l’enfant, les actes et les émotions sont partagés (Favez et Frascarolo, 2005). Ce partage d’émotion est également précurseur du développement de la théorie de l’esprit et du langage (Bloom, 1998). D’ailleurs, à la fin de ce sous-stade, l’enfant commence à utiliser le pointage protoimpératif. Ceci nécessite un minimum d’attention conjointe et une forme pragmatique de communication, permettant à l’enfant de faire des demandes et d’utiliser l’adulte comme un outil pour obtenir ce qu’il veut (Shin, 2012; Tomasello, Carpenter et Liszkowski, 2007).

2.1.2.4. Le quatrième sous-stade de développement du sensorimoteur (de 8-9 mois à 11-12 mois) Pour Tomasello (2008), le quatrième sous-stade du développement sensorimoteur est le stade de la révolution cognitive puisqu’il est marqué par le début de l’intentionnalité, de la permanence de l’objet et de la compréhension de l’autre. Ainsi, l’enfant commencera à prendre en compte l’autre (Nadel, 2005). À ce sous-stade, en contexte d’intersubjectivité secondaire avec sa mère, l’enfant expérimente l’attention conjointe triadique et commence à utiliser le pointage, qui est le plus conventionné des gestes symboliques, comme mode de communication pour attirer intentionnellement l’attention de sa mère vers ce qui le captive (Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001; Charman, 2003; Shin, 2012; Tomasello et Farrar, 1986; Tomasello, Carpenter et Liszkowski, 2007; Toth, et coll., 2006; Veneziano et Sinclair, 2000; Yoder, McCathren, Warren et Watson, 2001). Ce sous-stade est le passage entre la communication prélinguistique préintentionnelle et la communication prélinguistique intentionnelle. Ainsi, l’enfant développe les fonctions protodéclaratives du pointage et comprend qu’il peut, par un geste, diriger l’attention de l’autre (Tomasello, Carpenter et Liszkowski, 2007). L’enfant qui aura antérieurement développé le pointage protoimpératif permertant d’utiliser le pointage dans sa forme instrumentale, soit pour obtenir un objet dont il a lui-même besoin, développera maintenant le pointage protodéclaratif. Cette forme de pointage permet à l’enfant de partager avec l’autre, de l’informer de ses désirs et de ses plaisir, ce qui exige une inférence à construire à partir de l’objet ou de la situation pointée. Le pointage protodéclaratif est directement lié à l’attention conjointe, il peut renvoyer à différentes perspectives, il peut référer à une entité absente, il sert à aider, ainsi qu’à partager et est en lien avec l’intentionnalité, puisque pour comprendre le message de l’autre, il faut

comprendre ses intentions (Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001; Shin, 2012; Tomasello, Carpenter et Liszkowski, 2007; Yoder, Warren et McCathren, 1998) pour partager un but (Tomasello, 2015). C’est en ce sens que cela représente une révolution cognitive dans l’ontogénèse et une rupture spectaculaire dans la phylogénèse entre les primates et l’homme. Cette transition développementale demande à l’enfant d’apprendre à coordonner son attention sur les actions faites sur les objets de même que sur son partenaire social, et c’est à partir de ces expériences que se complexifie l’attention conjointe (Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001; Shin, 2012). Pour ce faire, l’enfant utilise le mécanisme de détection du regard, en développement depuis le deuxième sous-stade, qui permet de contrôler l’attention d’autrui par le regard et d’engager des relations triadiques (Bursztejn et Gras-Vincendon, 2001). En lien avec le développement des fondements de la théorie de l’esprit, l’enfant développe, à partir de son expérience personnelle, l’aptitude à faire l’inférence que si les yeux d’un tiers sont rivés sur un objet, alors c’est que le tiers voit l’objet (Baron-Cohen, 1989), mais encore que ce dernier mérite son attention tout en tenant pour acquis que son interlocuteur désire partager une information sur cet objet pointé. De plus, toujours en ce qui a trait à la théorie implicite de l’esprit, on remarque que l’enfant, avant 12 mois, est capable d’interpréter l’expression faciale de l’adulte dans le but de savoir si elle est positive ou négative et que cela peut faire en sorte qu’un enfant fasse ou non une action (Veneziano, 2015b).

L’enfant développe également, à ce sous-stade, le fondement de la permanence de l’objet (Piaget, 1936, 1976), ce qui fait en sorte qu’il peut référer, par le pointage, à une entité absente (Tomasello, Carpenter et Liszkowski, 2007). Pour que l’intention de communication soit comprise dans cette situation, cela doit se passer dans un contexte intersubjectif. Le développement de la permanence de l’objet, dont les prémisses se sont installées précédemment et qui s’objectivera dans les sous-stades subséquents, permettra graduellement à l’enfant d’être capable de se situer dans un univers totalement indépendant de lui.

2.1.2.5. Le cinquième sous-stade de développement du sensorimoteur (de 11-12 mois à 18 mois) Le cinquième sous-stade du développement sensorimoteur est celui de la consolidation et de la complexification des développements faits auparavant. Pendant ce sous-stade, la mère et l’enfant, en contexte d’intersubjectivité secondaire, partagent leur ressenti et continuent de coconstruire la représentation que l’enfant se fait du monde et des évènements partagés en contexte d’intersubjectivité (Aitken et Trevarthen, 2003).

Dans ce sous-stade, l’enfant développe les relations circulaires tertiaires, c’est-à-dire qu’il construit des schèmes nouveaux par l’expérimentation active (Piaget, 1936), et, au même moment, on remarque une augmentation du vocabulaire chez l’enfant (Veneziano, 2002, 2005). Les avancées du quatrième et du cinquième sous-stade du sensorimoteur rappellent celles que l’enfant fait dans le continuum développemental du discours narratif. On peut concevoir les activités ludiques comme une émergence de narration, car l’enfant débute par reproduire, dans le prolongement de ses propres actions symboliques, des actions isolées simples dans le cadre de saynètes de jeu, par exemple lorsque l’enfant fait semblant de faire manger une poupée. Par décalage vertical, il devra ultérieurement transposer cela en pensée et en langage autour des récits dans les premiers niveaux de développement (Ilgaz et Aksu-Koç, 2005; Le Bouedec et Murzeau, 1987; Makdissi et Boisclair, 2006a; Sirois, Boisclair, Darveau et Hébert, 2010; Stein, 1988). De plus, le fait d’accorder à un personnage un désir ou un besoin est un élément important dans le développement de la théorie de l’esprit puisqu’il permet de prendre en compte les états internes des personnages fictifs, ce qui n’est pas sans lien avec l’attribution d’états internes aux personnes réelles.

2.1.2.6. Le sixième sous-stade de développement du sensorimoteur (18 mois à 24 mois)

Le développement de la fonction symbolique qui permettra l’évocation par l’utilisation de mots, d’objets ou d’événements même en leur absence dans l’immédiat (Piaget, 1954). Cet acte de représentation est un précurseur du développement du langage et de l’intersubjectivité tertiaire

qui fait intervenir le langage dans la compréhension et l’interprétation du monde. L’enfant, vers 18 mois, alors qu’il est dans la période d’intersubjectivité tertiaire (Aitken et Trevarthen, 2003; Favez et Frascarolo, 2005), tentera d’attirer l’attention pour entrer en contact avec l’autre.

C’est au sixième sous-stade de développement que l’objet des activités de l’enfant et sa vie affective sont pensées et évoquées grâce aux symboles qui sont les produits de l’assimilation et de l’accommodation du réel aux désirs et aux intérêts de l’enfant. Le fait de conférer à des objets, par le jeu, des désirs et des intentions fait partie de la construction de la théorie de l’esprit. En ce sens, une étude a démontré que l’enfant de dix-huit mois pouvait lire les intentions de l’adulte (Meltzoff, 1995, 1999). En effet, lors de la passation de l’épreuve, l’adulte faisait devant l’enfant un acte intentionnel manqué, par exemple l’adulte tente de prendre un biberon dans l’intention de le donner à un bébé, mais il l’échappe et l’enfant a démontré qu’il était capable de lire l’intention de l’adulte en imitant son geste et en l’achevant. Ce procédé imitatif a permis de savoir que l’enfant est capable de lire l’intention de l’autre et de lui conférer le statut de cause de l’action, et ce, sans nécessairement utiliser le langage. Dans un même ordre d’idée, Tomasello (2011), dans une expérimentation sur le développement de la théorie de l’esprit, met en action des enfants de dix-huit mois. L’enfant est dans la pièce avec un adulte et l’adulte dépose un objet dans une boite. L’adulte quitte la pièce et, pendant ce temps, quelqu’un change l’objet de place. À son retour, l’adulte cherche l’objet à l’endroit où il l’avait initialement placé et l’enfant, sachant que l’adulte n’était pas présent lorsque l’objet a été changé de place, lui donne ou lui indique où se trouve l’objet convoité. Ainsi, l’enfant, en faisant la lecture de l’intention de l’adulte, voire de son but, développe les prémisses de la théorie de l’esprit. De plus, Veneziano (2015b) mentionne que l’enfant, à ce sous-stade de développement, développe un lexique dit psychologique lui permettant d’utiliser le langage de façon informationnelle et de discuter des états internes.