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Les carrières – un renouvellement des recherches

1. Le cadre professionnel

2.2. Bilan des recherches archéologiques – de nouveaux regards sur les monuments 93

2.3.1. Les carrières – un renouvellement des recherches

La région Centre semble être restée un peu à l’écart de la grande période de recherches sur l’exploitation et la mise en œuvre de la pierre. Dans les publications « carrières et constructions » du CTHS entre 1991 et 200489, sur les cent-dix-sept articles, seuls quatre concernent la région Centre et ses monuments90. La publication en 1985 de « Pierre et métal dans le bâtiment » par Odette Chapelot et Paul Benoît, fait un état des lieux des recherches sur la pierre, le fer et le plomb et esquisse le potentiel des apports des textes et de l’archéologie pour l’histoire des techniques mais aussi pour la sociologie des bâtisseurs et de leurs commanditaires.

En ce qui concerne l’exploitation de la pierre, les recherches menées dans le sud de l’Indre par les géologues Claude et Jacqueline Lorenz ont mis en évidence des sites d’extraction de la période antique et du premier Moyen Age dans la vallée de l’Anglin. Ils ont permis, entre autres, une identification précise des faciès des formations du Jurassique. Ces connaissances se sont avérées essentielles pour aborder les problématiques de l’approvisionnement des chantiers de l’agglomération antique d’Argentomagus. La fouille en 1994-1995 d’une carrière antique à Tendu à 5 km au nord-est du site antique, constitue une opération pionnière dans la région (Pichon 1995).

L’association de la carrière à un canal la reliant à une rivière secondaire (la Bouzanne) a considérablement changé la compréhension des relations entre la qualité de la pierre, son exploitation et son transport. La synthèse de ces recherches a été faite lors du colloque intitulé La pierre dans la ville antique et médiévale en 1998 (Coulon, Lorenz, Tardy 2000).

Néanmoins, malgré l’existence d’importants centres d’exploitation comme ceux du tuffeau ou des calcaires lacustres de Beauce, pierres utilisées massivement dans les constructions importantes en Val de Loire, la région Centre est loin de rivaliser avec les recherches faites en l’Ile-de-France, en Bourgogne ou dans la Maine-et-Loire91. L’essentiel des observations avait été réalisé sur les carrières par des chercheurs bénévoles92.

89 Benoît, Chapelot 1985 ; Benoît, Lorenz (dir.) 1991 ; Lorenz (dir.) 1993 ; Lorenz (dir.) 1996 ; Gély, Lorenz, (dir.) 2004.

90 Les calcaires du Jurassique du bassin parisien (Lorenz J 1991), les tuffeaux mis en œuvre dans la cathédrale Gatien de Tours (Martinet, Macaire 1991), l’extraction du tuffeau dans la carrière de Saint-Avertin près de Tours (Rasplus et al. 1991) et la pierre de construction en Sologne (Rat 1993).

91 La présence de « l’équipe des mines » du Laboratoire de Médiévistique Occidentale (LAMOP) de l’université Paris I et de la LRMH est un facteur déterminant pour l’Ile-de-France tandis que le profil de géologue de formation du chef du service archéologique départemental du Maine-et-Loire (M. Daniel Prigent) explique le grand nombre d’articles et de recherches sur le tuffeau. La présence d’un autre géologue

En revanche, depuis les trois dernières années, les chantiers préventifs ont donné l’occasion de relancer des recherches sur l’extraction de la pierre et d’autres matériaux de construction. La fouille en 2010-2011 d’une occupation du Bas Empire et du Haut Moyen Age à la Chapelle-Saint-Mesmin93, à l’ouest d’Orléans a permis d’observer des vestiges liés à l’exploitation du calcaire local. Le secteur est réputé pour les cavités karstiques qui posent problème pour les fondations mais aussi pour l’exploitation de la pierre dont la première mention remonte au XIIIe siècle au lieu-dit la Gabellière (Bryant, Jesset, Riquier 2006). Une bonne partie des maisons anciennes à proximité du site possèdent des caves avec des galeries d’extraction. Lors du diagnostic, plusieurs fosses verticales et profondes ont été mises au jour et identifiées comme étant des puits d’aération pour des galeries souterraines. Cette information fut en partie corroborée lors de la fouille en 2009-2010, une intervention qui a donc pu aborder les questions d’extraction ayant perduré, avec les problèmes de caractérisation et de datation que cela suppose, sans compter les défis techniques qui vont de pair avec la fouille de carrières souterraines dans ce type de contexte.

Dans la ville d’Orléans elle-même, les recherches menées par Clément Alix94 du Service municipal d’archéologie sur les maisons médiévales ont permis d’évaluer les relations entre les carrières, le parcellaire et les maisons de la ville, avec au moins quatre-cents sites d’extraction répertoriées (Alix 2007, Fayolle 2002).

En même temps qu’était fouillé le site de la Chapelle-Saint-Mesmin, la fouille d’une parcelle au cœur du bourg médiéval de Pithiviers-le-Vieil (Salé et al. 2011)95 a permis la découverte d’un site d’extraction de calcaire associé à des aires d’habitation gallo-romaines, situé à proximité des ruines de l’agglomération antique. L’exploitation d’une formation de calcaire a eu lieu à la fois en surface, sur un affleurement, mais aussi en galeries souterraines. L’analyse des fronts de taille et de la nature du calcaire indique l’extraction de moellons suivant les lits naturels de la roche : le travail en cours vise à comparer les modules potentiellement extraits avec ceux mis en œuvre dans les édifices antiques de l’ancienne agglomération. Le même niveau d’analyse a pu être appliqué à une carrière de craie à silex juste au sud de la ville antique de Chartres lors d’une fouille préventive en 2010 (Acheré et al. 2011). Ce chantier a pu mettre en évidence sur le même site l’extraction de graviers et de sables en fosses ainsi que de la craie en galeries souterraines. La présence d’un four à chaux sur le site indique qu’au moins une partie de la craie était destinée à la production de chaux.

La carrière fonctionnait entre le milieu du Ier siècle et le début du IIème siècle ap. J.-C.

de formation, M. Stéphane Büttner, au Centre d’Etudes Médiévales d’Auxerre est également un moteur dans l’orientation géologique des recherches en Bourgogne.

92 Citons les carrières de grès de la formation de Fontainebleau autour d’Epernon dans l’Eure-et-Loir (Duc 2005) ou les prospections dans la vallée du Loir (Lorrain 1997 ; Mesange 2002 ; Pasquier 1994 et 1995 ; Sauvage, Mennecart 2006, etc.) ou des recherches dans le Cher (Bernon 1987 ; Bernon, Trottignon 1991, par exemple).

93 Au lieu-dit rue des Chesnats, rue du Placeau : diagnostic réalisé en 2008 (Bryant 2008) et fouille réalisée par la société EVEHA à partir de 2009, rapport en cours.

94 Construire à Orléans à la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance, doctorat en cours sous la direction d’Alain Salamagne, Centre d’Etudes Supérieures sur la Civilisation Renaissance, université de Tours.

95 Diagnostic et fouille « Les Jardins du Bourg, lot 51 » sous la direction de Philippe Salé (INRAP, Tours).

Au moment d’écrire, deux fouilles récentes ou en cours dans le Cher et dans l’Indre96 concernent des carrières antiques associées à des occupations et des activités artisanales. Pour le site de Saint-Germain-du-Puy (Cher), on observe des activités d’extraction de moellons dans des tranchées à ciel ouvert, probablement liées à la construction d’une villa à proximité. Sur le site d’Etrechet (Indre), l’extraction est associée à un quartier artisanal dont des fours à chaux, indiquant la transformation sur place des matériaux extraits (Munos et al 2010a et 2010b, rapports de diagnostic). C’est sans doute lors des fouilles comme celles-ci que l’archéologie préventive apporte de précieux renseignements sur l’organisation de la production et du commerce des matériaux de construction.

En parallèle des opérations préventives, des prospections thématiques dans le parc de la Brenne et en Touraine ont conduit à l’identification et aux premières évaluations de carrières souterraines des premier et deuxième Moyen Ages, dont des sites inédits. Les travaux menés dans la Brenne seront considérés plus en détail dans le chapitre 2.4., infra sur le Berry

Pour la Brenne, les prospections ont repris quelques sites d’extraction déjà répertoriés97 mais des observations complémentaires ont souvent mis en évidence des étendues plus importantes et des natures plus complexes que ne laissaient supposer les premières interprétations. Les recherches sur les carrières de sarcophages en Touraine font partie d’une thèse de doctorat98 et comportent des campagnes de relevé et d’analyse sur le terrain. Orienté vers l’extraction du tufeau, la problématique s’intègre avec celle de la fabrication et la diffusion des sarcophages en grès, traitée par deux PCR depuis 200499. Ces recherches illustrent l’engouement de ce type de problématique.

Pour résumer, l’archéologie « carrières et constructions » est entrée dans une nouvelle phase d’activité, après une période relativement creuse. L’archéologie préventive apporte de nouvelles données par le biais des fouilles mais les recherches réalisées dans d’autres cadres institutionnels soulignent la nécessité d’une synergie entre les différents acteurs. Il y a actuellement un fonds de recherches et de problématiques suffisamment développé pour former, à terme, la base d’un projet plus fédérateur.

96 Au lieu-dit « Les Boubards » à Saint-Germain-du-Puy (Cher) sous la responsabilité de Diane Carron (Inrap).

97 L’auteur tient à remercier Renaud Benarrous, docteur en archéologie au sein du Parc naturel régional de la Brenne, pour avoir partagé ces découvertes et pour les informations sur le travail en cours.

98 Daniel Morleghem, Les sarcophages de pierre du Haut Moyen-Age dans le bassin versant de la Loire moyenne : production, diffusion, utilisation et réemploi, sous la direction de Jacques Seigne et Frédéric Epaud, Université de Tours. Fouilles menées avec la participation de l’Association pour la recherche sur les carrières et les sarcophages du Haut Moyen Age (CAeSAR)

99 Les résultats du premier PCR 2004-2007 « Les sarcophages en grès de la bordure septentrionale du Massif Central : production, diffusion, utilisations et réemplois » ont conduit à la mise en place dès 2008 d’un deuxième programme « Les sarcophages en grès de la bordure septentrionale du Massif Central en région Centre et dans l’ouest de la Bourgogne » (Liegard et al. 2008 et Liégard et al. 2010).

2.3.2. La pierre de construction dans les édifices, la géo-archéologie des monuments