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Les documents iconographiques

1. Le cadre professionnel

2.8. La documentation exploitée 164

2.8.4. Les documents iconographiques

L’image est une des sources de données les plus sollicitées par l’archéologue s’intéressant aux édifices en élévation. Comme pour les sources planimétriques, dont la frontière avec l’iconographie peut être bien floue, les diverses images de nos objets d’études représentent des espaces et des objets construits dans des buts définis. Comme pour toute source, l’image doit être soumise à une analyse critique en posant toujours les mêmes questions : qui l’a réalisée, pour qui et dans quel but ?

Les représentations des édifices se trouvent dans une grande variété de sources. Les plus anciennes sont sans doute les enluminures dont l’étude constitue une discipline à part entière.

Toujours avec les précautions d’usage, ces documents ont été exploités pour illustrer des aspects généraux d’édifices anonymes, généralement des constructions des élites, comme les chantiers de construction (L’échafaudage… 1996) ou les structures en bois disparues (Poisson, Schwien dirs.

2003). Elles peuvent également représenter des édifices connus, comme le château de Saumur, figuré dans le mois de Septembre dans Les Très Riches Heures du Duc de Berry, par exemple.

Cependant, cette source n’a pas été utilisée dans les recherches sur les sites de notre corpus.

Les autres types d’image peuvent être disséminés dans une grande variété de fonds, dont un croquis de la façade de l’aile Louis XIIe du château de Blois, associé à une autorisation de travaux ou un croquis de l’abbaye de Noirlac dans un plan des bois de l’abbaye du milieu du XVIIIe siècle181. Hormis les découvertes « fortuites » de ce genre, beaucoup de représentations se trouvent dans des séries de plans et de gravures réalisées par des architectes ou des graveurs renommés. Pour les édifices religieux, citons la série des vues des abbayes bénédictines concernées par la réforme de la congrégation de Saint-Maur dans le Monasticon Gallicanum, consultée à titre comparatif pour la fouille de la cuisine de l’abbaye de Noirlac. Pour certains châteaux prestigieux, dont Blois et Chambord, les descriptions et les gravures de Jacques Androuët Du Cerceau (Les plus

181 Croquis et plan annoté de 1787-1790 dans les Archives Nationales, série O1 n° 1328 (Philippe 2010 : 10) et AD.18, 8.H 73 (Bryant 2000).

excellents bastiments de France) de 1576 et d’André Félibien (Mémoires pour servir à l’histoire des maisons royalles et bastimens de France) de 1681 ont constitué une source importante d’informations.

Encore une fois, les documents d’origine peuvent avoir des variantes qui diffèrent dans les détails : la collection du British Museum à Londres possède des versions les plus fiables des gravures de Du Cerceau, plus détaillés que les documents conservés ailleurs. De surcroît, ces collections ont été réédités à différentes moments depuis le XIXe siècle et sont généralement accessibles voire téléchargeables en ligne depuis les sites des divers lieux de dépôt. Il faudrait également mentionner les gravures de certaines places fortes, rassemblées dans la Topographie Française de Claude de Chastillon, parue en 1641. Les techniques de dessin et les perspectives employées par ce topographe du roi nécessitent une œil critique (Hermé-Renault 1981) mais ses gravures donnent des renseignements sur l’état de certains villes et châteaux au lendemain des guerres de Religion.

Deux sites de notre corpus y figurent : les châteaux de Châtillon-sur-Indre (36) et du Grand-Pressigny (37), ainsi que le château de Beaugency (45).

Des copies des gravures et aquarelles du collectionneur et antiquaire François Roger de Gaignières (Bibliothèque nationale, département des Estampes et des manuscrits) ont été consultées lors de l’étude documentaire du fort Saint-Georges au château de Chinon. Malgré leur visée plutôt artistique, elles ont apporté des précisions concernant l’état de ruine du site au cours de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Dans la continuité des plans et gravures des XVIe et XVIIe siècles, l’analyse de l’iconographie du XVIIIe siècle a été d’une grande utilité pour la connaissance des étapes tardives des bâtiments, notamment les gravures de Jacques Rigault, Israël Sylvestre, de Georges-Louis Le Rouge, ainsi que les plans et élévations de Jules-Hardouin Mansart. Ces dessins tardifs ont été particulièrement précieux pour l’interprétation des vestiges observés lors du diagnostic des abords du château de Chambord (Bryant 2010). Citons également les plans du XVIIIe siècle utilisés lors du récent diagnostic de l’abbaye de Massay (18)182. En règle générale, les documents consultés étaient des reproductions photographiques de bonne qualité réalisées par les archives départementales du Loir-et-Cher ou conservées dans les fonds Frédéric Lesueur de ce même service. On peut également mentionner les fonds numérisés de la Bibliothèque nationale (Gallica.bnf.fr) et de la Bibliothèque des Arts Décoratifs (collection Maciet).

En dehors de cette iconographie riche, essentiellement centrée sur les bâtiments prestigieux et royaux, la deuxième source d’images consiste en les plans et les photos des Archives des Monuments Historiques à Charenton-le-Pont (94)183. Les catalogues des collections sont consultables en ligne, soit sur le site de la Médiathèque du patrimoine soit via le site du Ministère

182 La série N des Archives Nationales a fourni deux plans de l’abbaye datés de 1716 et qui semblent proposer deux projets de restauration (A.N. N.III.3/1 et 2) tandis que les archives départementales du Cher (AD.18 6.G 54) conservent un plan du site en 1736, juste après la suppression de l’abbaye et le transfert de la fonction paroissiale dans l’église. L’analyse de ces images a permis d’identifier les vestiges d’un passage couvert et de proposer une interprétation pour certaines anomalies visibles dans les élévations.

183 Devenu plus difficile d’accès, on regrette amèrement le transfert de cette institution de son emplacement d’origine dans l’Hôtel de Vigny et des Croisilles dans le 4ème arrondissement de Paris. Ce bâtiment magnifique du XVIIe siècle et en partie inscrit, fut vendu à un groupe financier pour faire un hôtel de luxe (un de plus) – c’est dans l’air du temps…

de la Culture184. Elles regroupent les archives du Service central des Monuments Historiques depuis sa création à la fin de 1831. On y déposait alors les plans et les photographies des monuments réalisés par les commissions ainsi que les dossiers des enquêtes thématiques dont les casiers archéologiques. Les archives des Architectes en Chef des Monuments Historiques s’y trouvent aussi, considérées comme des archives privées jusqu’aux années 1960, puis comme des documents administratifs consultables par le public. Les compétences croissantes des services déconcentrés ont entamé les attributions du Service central et les archives des ABF sont censées être déposées soit à la DRAC soit aux archives départementales. Néanmoins, la médiathèque sert toujours de lieu d’archivage pour les ACMH mais les récentes réformes de leur statut et le transfert de la maîtrise d’ouvrage vers les propriétaires des sites vont poser problème pour la conservation de cette documentation avec un réel risque de dispersion des fonds. Malgré les incertitudes pour l’avenir, les fonds iconographiques ont été exploités à plusieurs reprises dans le cadre des chantiers des sites du corpus. La plupart des recherches furent effectuées sur place mais la possibilité de consulter des catalogues en ligne, souvent avec des images accompagnantes, permet désormais de mieux cibler ses recherches.

Les fonds photographiques ont été particulièrement utilisés pour les chantiers du fort Saint-Georges : le site fut bien documenté par les premières missions du service photographique185 des Monuments Historiques, dont Médéric Mieusement vers la fin du XIXe siècle, puis Auguste Dormeuil et Eugène Lefèvre Pontalis (Société Française d’Archéologie) dans les années 1920 et 1930. Ces premières images permettent d’observer l’état de certains édifices avant ou pendant les premiers travaux de restauration. La photo ancienne a également constitué une source importante de renseignements pour l’étude en cours du château de Blois, notamment pour les clichés des fouilles de la terrasse de Foix du docteur Lesueur en 1906-1907. Ces images font partie d’un important fonds de clichés sur plaques de verre qui concernent essentiellement le Blésois mais aussi divers monuments en Touraine ainsi que des reproductions d’une partie des plans et des gravures cités ci-dessus. Ces fonds sont actuellement en cours de numérotation par les archives départementales du Loir-et-Cher.

La documentation photographique de fouilles anciennes a été exploitée lors de la fouille de la cuisine de l’abbaye de Noirlac en 2000, en partie fouillée ou sondée par Robert Gauchery et M.

Huignard en 1932-33. Le croisement des archives de ces fouilles, dont des relevés à l’échelle de 1 :50, avec les photos a permis de restituer au moins l’emprise du bâtiment des convers à l’ouest et d’identifier des perturbations récentes dans la stratigraphie. Les fonds photographiques du Service départemental d’architecture du Cher a également fourni des clichés permettant d’évaluer l’étendue des restaurations du cloître et du réfectoire dans les années 1950. Plus récemment, et sur un autre site monastique (l’abbaye de Massay dans le Cher), ce sont des photos des Monuments

184 http://www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/ ou http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/

185 A partir des années 1880 et qui ne doivent pas être confondues avec la Mission Héliographique de 1851 qui a pourtant photographié le château de Blois à peine trois ans après les restaurations de Félix Duban. Voir Modenard 2001 et le résumé par Sylvie Aubenas : http://expositions.bnf.fr/legray/arret_sur/1/1d.htm

Historiques qui ont enregistré l’état de la chapelle Saint-Loup pendant les travaux de restauration : l’image permet de dater une reprise importante du pied du mur et d’expliquer l’arrête brutale de la stratigraphie contemporaine à la chapelle.

En plus des clichés photographiques des différentes époques, l’autre source d’images consiste en les divers plans et relevés réalisés depuis le XVIIe siècle dont certains rejoignent la catégorie des sources planimétriques. Ce sont surtout les plans de certains édifices qui ont été exploités, que ce soit des documents réalisés par les architectes chargés de leur restauration ou par des topographes préalables aux plans d’alignement, par exemple. En dehors des gravures des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles déjà présentées, certains sites ont fait l’objet de nombreux dessins d’inspiration artistique et dont la valeur historique est parfois très discutable. Ces images, quand elles existaient, ont toujours été regardées mais leur inclusion dans certains rapports relève plutôt de l’anecdote. Cependant, on ne peut pas ignorer leur valeur en tant que témoin d’un imaginaire ou d’une façon de se représenter le passé d’une autre époque : quid de nos propres restitutions et illustrations destinées à présenter la vie des sociétés passées ?