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L’archéologie castrale – les sites multi-périodes

1. Le cadre professionnel

2.2. Bilan des recherches archéologiques – de nouveaux regards sur les monuments 93

2.2.2. L’archéologie castrale – les sites multi-périodes

Hormis les grands donjons « romans », souvent remaniés jusqu’à la fin du Moyen Age, les connaissances d’autres sites majeurs ont été renouvelées par des interventions archéologiques où l’étude des élévations et des vestiges enfouis a joué un rôle important. Le département de l’Indre-et-Loire est particulièrement actif dans ce domaine avec les chantiers de restauration de longue durée sur les châteaux de Chinon, Loches et du Grand-Pressigny. Pour le département du Loir-et-Cher, les recherches sur les châteaux de Chambord et de Blois illustrent le potentiel pour un nouveau regard sur les grands ensembles de la Renaissance où l’imbrication des vestiges des constructions médiévales peut être plus importante que ne laissent supposer l’état des connaissances existantes.

Les chantiers archéologiques accompagnant la restauration et la mise en valeur du château de Chinon représentent une part considérable dans les recherches sur les sites castraux dans la région. La première intervention concernait le site du Fort Saint-Georges situé à l’extrémité orientale du château, composée alors de trois éléments distincts. La première évaluation sur le terrain, accompagnée d’une étude documentaire (Bryant, Blanchard 1997 ; Philippe 1997), a donné l’impression d’un grand espace vide, ceint de murailles et séparé du reste du château. Cette impression fut modifiée lors du premier diagnostic en 2000 (Bryant 2000) qui a montré l’existence de nombreux bâtiments importants à l’intérieur des murailles ainsi qu’un système défensif important dont la chapelle dans l’angle sud-est de l’enclos formait une pièce clé. Les fouilles préventives du fort menées en 2003 et 2004 (Bryant 2003 ; Dufaÿ et al. 2004) ainsi que le suivi des travaux de démolition et de restauration entre 2004 et 2008 ont complètement transformé notre vision de cet espace en identifiant des campagnes de construction très rapprochées motivées par les conflits qui opposaient les Plantagenêts et les rois de France entre le milieu du XIIe et le début du XIIIe siècle. Hormis la réévaluation complète des connaissances du site, ces interventions ont débouché sur de multiples axes de recherches fédérant des chercheurs dans un PCR à partir de 200476.

Les interventions archéologiques sur les châteaux ont également permis d’inclure les vestiges de la période de la renaissance et de l’époque Moderne dans les recherches archéologiques. Pour le château du Grand-Pressigny, la fouille de la cour a permis de retracer l’essentiel des aménagements depuis le XIIe siècle, dont les démolitions associées à la réorganisation de la cour intérieure à partir du milieu du XVIe siècle (Lacroix 2006). Ces observations furent complétées par la fouille et l’étude des vestiges de la chemise (Lacroix 2010), travail qui a repris de nombreuses interventions sur cette partie du site et le donjon depuis le début des années 199077. Les élévations des logis et d’autres bâtiments de cette époque n’ont pas encore fait l’objet d’une approche archéologique poussée.

76 Projet collectif de recherches Chinon (Indre-et-Loire) – La forteresse et la ville, sous la direction de Bruno Dufaÿ.

77 Voir le tableau fig. 11.

Des travaux de consolidation d’urgence d’une grotte architecturale dans le parc ont nécessité la mise en place d’une évaluation archéologique de la grotte et de ses abords, développant les recherches réalisées par le service régional de l’Inventaire (Bardisa 1992 ; Bardisa et al. 1997 et Bardisa, Verjux 1997). Les résultats (Bryant 2007 ; Legoux 2004) ont permis d’appréhender la construction d’une grotte architecturale du début du XVIIe siècle ainsi que son système hydraulique, bien que certaines questions restent sans réponses concernant l’aménagement de l’esplanade et les sources d’alimentation en eau.

Cette intervention est intervenue quelques années après la fouille d’une partie des jardins devant le château, complétée par une étude topographique et paléobotanique (Allimant 2000).

Menées dans le cadre préventif, ces recherches ont mis en évidence l’organisation géométrique du parc ainsi que des phases d’aménagement du jardin dont des systèmes de drainage et l’apport de remblais et de terres végétales dont les résultats des analyses pédologiques ont été publiés (Vissac 2005).

Les fouilles menées sur le donjon et les bâtiments du château ainsi que les sondages réalisés dans l’emprise du jardin et sur la grotte architecturale articulent l’étude chronologique et technique de l’ensemble bâti avec celle du paysage aménagé dont le château faisait partie. Un travail de réflexion plus global est actuellement en cours sous la responsabilité de Marie-Christine Lacroix du SADIL : à ce jour, il s’agit du seul exemple d’une telle approche dans la région, malgré le nombre de parcs et de jardins historiques recensés78. Bien que l’archéologie des jardins soit une thématique à part entière, la compréhension des aménagements architecturaux et hydrauliques passe nécessairement par une archéologie des techniques, dont la construction. Pour le cas du nymphée, il a été possible de mettre en évidence l’utilisation quasiment exclusive de matériaux d’origine locale et d’aborder les techniques de montage. Il s’agit d’un domaine de recherche à peine effleuré dans la région Centre, malgré les résultats parfois spectaculaires obtenus dans d’autres régions, notamment en Ile-de-France ou en Rhône-Alpes avec les recherches pionnières d’Anne Allimant79.

Le château de Chambord a bénéficié des recherches réalisées de manière autonome par différentes personnes, que ce soit par le biais de fouilles programmées80, de recherches universitaires (Johannot 2001 ; Badosa en cours), par des fouilles préventives81 et par les recherches documentaires menées dans le cadre des études préalables (Ponsot 2004 et 1999, par exemple). En l’espace d’une petite dizaine d’années, ces diverses interventions ont permis d’accumuler une

78 118 parcs et jardins protégés au titre des Monuments Historiques (Code du Patrimoine Livre VI et loi du 31/12/1913).

79 Un résumé de l’ensemble de ces travaux a été réalisé lors du séminaire de Jean Chapelot « Archéologie médiévale en Ile-de-France », séance du 19 mars 2003 consacrée aux jardins du Moyen Age et du XVIe siècle.

Les travaux réalisés dans les dix dernières années incitent à une révision de ce travail.

80 Le programme d’études des latrines du château entreprise entre 1997 et 2007 (Caillou 1998, Caillou, Hofbauer 2000, 2003 et 2007)

81 Dont la première intervention fut un simple suivi des travaux de drainage en 1996 (Aubourg, Josset 1996), suivi par l’accompagnement des travaux du nouvel accueil dans l’aile sud des communs 1999-2000 (Bryant 2006), puis par la fouille de la cour intérieure en 2006-2007 (Bryant 2007) et par le diagnostic des abords en 2009-2010 (Bryant 2010) et en décembre 2012 (Bryant 2013).

masse considérable de documentation archéologique de qualité qui a renouvelé les connaissances du site. Au fil des interventions archéologiques, il a été possible de constater une modification importante du projet architectural d’origine, changement qui a laissé de nombreuses anomalies dans les élévations des communs. La découverte de la base d’une tour appartenant au château médiéval ayant précédé l’édifice Renaissance a contredit les données historiques qui suggéraient que la forteresse médiévale était sur le coteau à l’ouest du château actuel : elle était plutôt en fond de vallée, entourée des eaux du Cosson. A la même occasion de cette découverte, un sondage profond a permis d’examiner les fondations d’une des tours d’angle du donjon. Celle-ci était fondée sur le substrat marno-calcaire, remettant en question l’hypothèse des fondations sur pilotis suggérées par les sources écrites. En revanche, des observations faites dans les fosses latrines du donjon et lors de la restauration des terrasses du sommet de celui-ci ont apporté des précisions quant au projet architectural d’origine, suggérant que le rôle de Léonardo Da Vinci était peut-être plus important que l’on ne suppose avant.

Le château de Blois a fait l’objet de fouilles préventives importantes sur de grandes superficies de la cour intérieure et l’avant-cour (Aubourg et al. 1993 ; Aubourg, Josset 1992, 2000a et 2000b ; Aubourg, Josset, Ruffier 1994). Ces recherches ont permis d’établir la présence d’une enceinte défensive à l’intérieur de la cour intérieure dès le Xe siècle, contemporaine d’une occupation et de la mise en place d’un mur d’enceinte sur l’éperon de l’avant-cour. L’évolution de ces espaces a été suivi jusqu’aux constructions du château actuel. Ces interventions ont été suivies depuis 2009 par la mise en place d’un projet de recherches programmées qui vise à reprendre les connaissances historiques et archéologiques du château. Les premiers résultats de ce projet ont conduit à l’établissement d’un bilan des connaissances et du potentiel archéologique des bâtiments composant l’ensemble du château : état de conservation, problématiques archéologiques propres à chaque secteur et le type d’intervention susceptible d’y répondre (Bryant 2009a ; Philippe 2009). Il s’agit d’un outil de gestion qui devrait permettre une meilleure prise en compte de l’archéologie lors des futurs projets d’aménagement. Dans un premier temps, les élévations des parties médiévales du château ont fait l’objet de relevés analytiques. Ce travail qui articule recherches programmées, interventions préventives et études documentaires peut être considéré comme une tentative d’application des principes proposés pour la mise en place de véritables études archéologiques préalables pour le patrimoine architectural protégé. L’auteur espère que cette approche pourrait être appliquée à d’autres sites dans la région.

Pour l’instant, on peut constater un net ralentissement dans les travaux sur les grands châteaux : l’effort de la CRMH est actuellement porté sur le programme « cathédrales » et les grands chantiers de l’Indre-et-Loire semblent toucher à leur fin. Néanmoins, l’actuel projet en cours sur le château de Gien laisse supposer le début d’une politique de restauration et d’aménagement sur les châteaux appartenant au conseil général du Loiret avec un accompagnement archéologique en conséquence. Pour le reste de la région, les récentes prescriptions de diagnostics sur le château de Malesherbes dans le Loiret et de Maintenon dans l’Eure-et-Loir continuent de maintenir une activité dans ce domaine. Le château de Maintenon présente plusieurs parallèles avec celui de Blois dans la mesure où il comporte une imbrication de constructions de plusieurs époques. Il présente également un fort potentiel pour l’archéologie de la

période Moderne en raison de l’importance des vestiges liés aux travaux hydrauliques commencés par Louis XIV en 1686.

Il faudrait également constater le faible nombre de petits châteaux, manoirs et maison fortes dans ces recherches. Cette absence est en grande partie due au statut de leurs propriétaires, souvent des particuliers, et aux difficultés vécues par le SRA pour l’instruction de ces dossiers, généralement gérés par les ABF. Il y a également la question de la nature des travaux d’aménagement en question, souvent très restreints par rapport à ceux effectués sur les sites appartenant à des collectivités territoriales. Or le potentiel archéologique de ce type de site est sans doute très fort comme le montrent le diagnostic et la fouille du château de la Grand’Cour de Mornay-Berry (Mataouchek 2011 ; Luberne, Millet 2012), et surtout les découvertes exceptionnelles faites lors du suivi des travaux de consolidation et de restauration de la tour de Vesvres dans le Cher (Mataouchek 2009). Ce site a fait l’objet d’un nouveau commencé en 2013.

Citons également les observations faites à long terme sur les habitations des hobereaux et des petits officiers seigneuriaux en Ile-de-France par Jean-Yves Dufour (Inrap). Actuellement, leur exploitation en tant que sources de données archéologiques rencontre les mêmes difficultés que pour l’archéologie des habitations urbaines.