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Les économies d’agglomération, origine et développement

CHAPITRE III LA DYNAMIQUE DE LA MEGALOPOLISATION VERS LA

C. Les économies d’agglomération, origine et développement

A travers la nouvelle théorie du commerce international, Paul Krugman redynamise la science

régionale qui devient, au cours des années 1990 la « nouvelle économie géographique ». La

base de cette nouvelle théorie n’est plus les avantages comparatifs, mais les économies

d’agglomération (produites entre autres par l’accumulation dans la même région d’une grande

quantité de clients ou de fournisseurs). La théorie « centre-périphérie » se situe donc au cœur

des travaux de Paul Krugman, qui dans « Geography and Trade » (1991) cherche à expliquer

la concentration de la population et des activités dans les différentes régions. Sa démarche

repose sur des facteurs endogènes, sans avantage spécifique d’une localisation sur les autres, et

sans même recourir aux externalités technologiques qui poussent les agents à se regrouper.

En fait, il y a trois explications dans cette nouvelle démarche. D’abord, s’appuyant sur les

modèles de concurrence monopoliste, l’auteur souligne l’importance de la diversité des biens

comme facteur d’agglomération. En se regroupant, les producteurs créent un marché de taille

plus grande et plus varié, et l’existence de coûts de transaction crée un mécanisme cumulatif de

polarisation où producteurs et consommateurs se rassemblent pour une offre toujours plus

diversifiée. Cette tendance peut être freinée par la présence de facteurs immobiles (le foncier,

une partie de la population). Ensuite pour échapper à la contrainte possible d’un marché du

travail trop étroit, les producteurs ont intérêt à se regrouper. Un marché du travail large sert

d’amortisseur aux fluctuations de la demande qui touchent tour à tour les activités : chômage et

manque de main d’œuvre sont ainsi minimisés. Enfin, la concentration permet aux producteurs

d’augmenter la taille et la variété du marché des biens intermédiaires, ce qui profite à tous les

participants.

A la suite de l’émergence de la nouvelle économie géographique, nous voyons que l’explication

du phénomène de l’urbanisation croissante divise les économistes. D’une part, derrière un

consensus sur les économies d’agglomération comprises comme des économies d’échelle

externes à l’entreprise, une très grande diversité d’effets externes sera mobilisée par les auteurs.

D’autre part, les explications les plus récentes reposent sur les situations qui permettent les

productions à rendements croissants et sur la combinaison des externalités avec les coûts de

transaction, car toutes deux décrivent des phénomènes cumulatifs. Cette diversité nous fait

revenir sur la logique qui conduit à la concentration urbaine et à ses limites à partir des notions

d’économies et déséconomies d’agglomération. Ce concept très répandu est assez mal défini et

recouvre un ensemble variable de notions. On dit qu’il y a économies d’agglomération quand

les bénéfices retirés par une entreprise du fait d’être localisée proche d’autres entreprises

augmentent avec le nombre d’entreprises localisées au même endroit.

Les économies d’agglomération ont deux sources historiques : l’économie externe de Marshall,

et la théorie de la localisation de Weber. Ce sont alors des économies d’échelle externes à

l’entreprise, ou internes à une ville ou une région. Elles se décomposent en deux catégories :

des économies marshalliennes de localisation qui s’agissent d’effets externes liés à la

différenciation des activités, à la spécialisation intra-industrielle, à la formation d’une main

d’œuvre locale, aux facilités de transmission des informations et des innovations ; des

économies d’urbanisation, externes à l’entreprise, mais aussi au secteur industriel, qui résultent

de la taille de l’agglomération, soit la concentration de la population, infrastructures, présence

de services aux entreprises.

En résumé, l’espace n’est pas neutre du point de vue de la répartition de ces économies

d’agglomération. On peut préciser dans les économies d’agglomération tous les facteurs de

localisation des entreprises qui conduisent à l’agglomération : principe de différenciation

minimale de Hotelling, mécanismes de concurrence spatiale avec produits différenciés où le

consommateur ira chercher plus loin (dans une grande agglomération) le produit désiré,

externalités de communication, externalités d’information, effets de Krugman (offre de

diversité, largeur du marché du travail), effets de l’intégration internationale via la baisse des

coûts de transaction, rendements croissants d’adoption. En fait la quasi-totalité des travaux en

économie spatiale a conduit à soutenir l’agglomération. Par contre, au niveau

macro-économique, on n’a pas vu une telle convergence. Les explications des tendances centrifuges

sont extrêmement restreintes : facteurs immobiles comme les matières premières ou certains

segments de l’emploi, prix du foncier qui explosent, diffusion des savoir-faire. On souligne

aussi les externalités négatives liées à l’agglomération, les effets de congestion et nuisances

diverses.

D’ailleurs, il est nécessaire de souligner l’importance du mécanisme des rendements croissants

qui décrivent assez bien les mécanismes de l’agglomération. On dit qu’une fonction de

production est à rendements croissants quand l’augmentation de la production est toujours plus

que proportionnelle à celle des facteurs engagés. Le principe essentiel de ces modèles est que

la différenciation des produits ou des facteurs de production est un facteur d’agglomération, et

qu’une baisse des coûts de transport produit une agglomération cumulative. L’hypothèse de

base est celle d’une concurrence imparfaite où la dépendance entre l’offre et la demande

(indépendantes dans la concurrence parfaite) produit des externalités pécuniaires. Dans ce

modèle à causalité circulaire présenté par Krugman (1991), quand une nouvelle entreprise

s’agglomère aux précédentes, la baisse des coûts des entreprises (externalités de réseau) et la

diversification accrue (avec le coût du transport payé par les acheteurs) conduit à des prix plus

bas qui augmentent le revenu réel des travailleurs relativement à une autre région (effet aval) :

de nouveaux consommateurs migrent donc, augmentant la demande qui attire de nouveaux

producteurs (effet amont) etc. On peut ainsi expliquer des phénomènes cumulatifs de

concentrations géographiques liés aux révolutions industrielles, qui ont permis l’apparition des

zones économiques spéciales en Chine depuis les réformes économiques dès les années 1980.