CHAPITRE III LA DYNAMIQUE DE LA MEGALOPOLISATION VERS LA
A. L’ambiguïté de la définition
Le phénomène de métropolisation peut être considéré comme la concentration, dans un nombre
limité d’unités urbaines, des fonctions supérieures de service, de commandement et de
production. Selon certains auteurs comme Bassand (2000), l’idée est que la métropolisation est
un phénomène global, mondial, universel, qui domine le monde contemporain, et que chaque
métropole est unique (Bassand, 2007). Par contre, comme nous l’avons déjà indiqué, les
recherches sur les processus de métropolisation sont menées dans diverses disciplines telles que
l’économie, la sociologie, l’urbanisme et la géographie. Les travaux engagés dans les années
1990 contribuent à l’élaboration du concept de métropolisation, principalement pour les
grandes et très grandes villes. L’ensemble des travaux menés n’a cependant pas apporté de
définition précise du concept.
Le terme métropole prend des notions différentes qui ont évolué à travers le temps. Ces
changements de sens sont à relier à la fois aux évolutions qu’ont connues les villes depuis des
siècles et aux discours développés dans la recherche urbaine depuis quelques décennies.
Parallèlement à ces mutations autour de la notion de métropole, ce mot constitue l’origine du
néologisme « métropolisation », phénomène urbain majeur de ces quinze dernières années. Par
conséquent, il convient d’analyser la notion de métropole pour mieux comprendre la notion de
métropolisation.
Dans un premier temps, il convient de s’interroger un instant non pas sur les phénomènes mais
sur la terminologie. Les mots métropole et métropolisation sont des termes utilisés dans le
langage scientifique et sont rentrés peu à peu dans le langage courant. Le sens du mot métropole
fait référence à plusieurs notions. Outre le sens étymologique de métropole en tant qu’Etat par
rapport à ses territoires extérieurs, la métropole est également un terme utilisé pour désigner un
certain type de ville. Le mot métropole est d’origine grecque. Il est composé du mot « mêtêr »
qui signifie mère. L’étymologie permet de distinguer quelques caractéristiques générales de
cette ville (Derycke, 1999)
17. Elle prend un rôle de direction, de mère au sein d’un territoire qui
l’entoure. La métropole est la capitale d’une région, territoire dont elle se nourrit et qu’elle fait
en même temps vivre. Elle est le lieu de centralité, le pôle où convergent des liens et des
relations avec d’autres pôles.
17 Selon Derycke (1999) ce mot grec renvoie également à l’idée de régulation, de norme, de domination aussi que l’on trouve d’ailleurs dans le concept historique de métropole, entendue alors dans ses rapports avec les colonies qu’elle régit.
Selon le dictionnaire du Petit Robert, une métropole est : « une ville principale » ou « une
capitale régionale ». Le Oxford Compact English Dictionary donne la définition suivante d’une
métropole : « la ville principale du pays » (« the chief city of a country ») ou « une ville comme
un centre d’activités » (« a city or a town as a centre of activity »). Les deux définitions parlent
d’un centre urbain qui possèdent un pouvoir politique et/ou économique de décision de jure
et/ou de facto. C’est le sens originel qui a dominé jusqu’au 19ème siècle, époque à laquelle la
métropole régionale a été renforcée par de nouvelles fonctions et s’est dotée d’une nouvelle
image. C’est alors que la notion d’échelle et de hiérarchie a été introduite.
Il s’agit tout d’abord de la métropole régionale, pour laquelle le sens originel décrit sa fonction
initiale. Les évènements historiques, les choix politiques et économiques ont contribué à
l’évolution des métropoles régionales. Les services offerts à la personne (dans le domaine de la
santé, de l’enseignement ou encore du commerce) et les services aux entreprises (les banques,
les conseils juridiques, la publicité...) s’y sont développés ainsi que les activités culturelles de
tout ordre. En fait, l’élément le plus caractéristique de l’expansion de la métropole est sa
croissance démographique, à la fois plus importante et à un rythme plus rapide que ses
concurrentes régionales de taille inférieure.
A l’échelle supérieure, apparaît la métropole nationale qui est le plus souvent la capitale
politique d’un Etat. Les services et les activités sont d’un ordre tout aussi important que dans
les métropoles régionales. Mais les instances de décisions financières et économiques sont
mieux représentées. De plus, sa suprématie sur les métropoles régionales se fait également au
niveau de l’emploi puisqu’elle regroupe une grande part des activités dans le domaine industriel
et commercial du pays. Elle accueille en plus tous les organes gouvernementaux. Du point de
vue démographique, sa taille est relativement considérable puisqu’elles concentrent toutes plus
d’un million d’habitants. La métropole nationale peut être aussi une métropole régionale (Paris
joue ce rôle pour l’Ile-de-France), mais il est incontestable que son influence se fait sur
l’ensemble du territoire national, voire international.
Enfin, en haut de l’échelle urbaine figure la métropole internationale. La métropole
internationale est une ville qui possède des fonctions très diversifiées et a une influence
supranationale. Ces métropoles ont une forte influence politique mais surtout économique avec
des places financières internationales et les sièges des multinationales. En général, une capitale
nationale est souvent une métropole internationale, mais cette condition n’est pas indispensable.
New York est une métropole internationale sans être la capitale des Etats-Unis. Le poids
démographique de la métropole internationale constitue un autre critère important. Or, des villes
de taille moindre mais dotées de fonctions spécifiques peuvent jouer ce rôle parmi des
métropoles internationales. Une ville comme Genève avec moins de 400 000 habitants est
devenue une métropole internationale d’une part grâce à son service financier et d’autre part
grâce aux institutions internationales et aux organisations non gouvernementales (ONG) qui ont
établi leur siège dans cette ville.
L’abondance des descriptions des métropoles ne nous permet pas d’avoir une uniformité de
concept. Le vocabulaire concernant les caractéristiques de la métropole est également riche.
Mais il semble en même temps être imprécis. Il n’existe pas à nos jours des critères quantitatifs
universels pour identifier la métropole. En effet, certains critères quantitatifs que l’on peut
trouver de la métropole de l’Etat français dans le cadre de la politique d’aménagement mise en
œuvre en 2004 peuvent être utilisés pour la coopération métropolitaine. Dans le texte de l’appel
à coopération, il est indiqué : « Il est en revanche entendu que les métropoles, au sens du présent
appel à coopération, sont des espaces comptant 500 000 habitants au minimum, qui
comprennent au moins une aire urbaine de plus de 200 000 habitants environ et impliquent
plusieurs villes moyennes » (Lefèvre, 2004). Cette définition est à la fois un critère
démographique (500 000 habitants) et un découpage statistique, celui de l’aire urbaine. Aucune
notion d’échelle ne figure, ni même un rapport avec les fonctions urbaines qui pourraient se
développer dans ces métropoles. En effet, si l’on applique ce critère dans les grandes villes
chinoises, compte tenu du grand nombre de la population chinoise, il est peu probable que le
seuil des 500 000 habitants laisse présager l’existence de fonctions avancées.
Malgré la définition précise de « la ville » dans l’annuaire statistique de différents pays, il
n’existe nulle part de définition « officielle » de la métropole (Derycke, 1999). Le plus souvent,
on parle d’une « grande » métropole qui est une région urbaine homogène et étendue, définie
par l’américain Gottmann (1961). Mais en même temps, pour définir une « métropole », on
nous renvoie à « une ville » avec certains attributs et propriétés. Alors que la « métropolisation
» renvoie à un mouvement global, à un processus de transformation. Selon Bassand (2007), la
métropole désigne « une grande ville… dont on ne se hasarde pas à chiffrer la taille ». Tandis
que la métropolisation « elle,… désigne le processus qui façonne les métropoles ». L’auteur met
le terme en relation avec le fait que les métropoles sont aujourd’hui en forte croissance, tant en
taille qu’en nombre. Par la relativisation des choses toutes les deux sont des phénomènes
dynamiques, seulement la première, la « métropole » est une finalité, alors que la deuxième, la
« métropolisation » est un processus qui crée une entité urbaine conforme à cette finalité. En
France, la notion de « métropole d’équilibre » a été introduite dans les années 1960 dans le
cadre de l’aménagement du territoire. En Chine, on assimile la métropole plutôt aux villes
relevant directement de l’Etat central (zhi xia shi).
Dans le document
L'urbanisation de l'est de la Chine : entre mégalopolisation et métropolisation
(Page 141-145)