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L’interaction entre les forces centripètes et les forces centrifuges

CHAPITRE III LA DYNAMIQUE DE LA MEGALOPOLISATION VERS LA

D. L’interaction entre les forces centripètes et les forces centrifuges

forces centripètes qui tendent à produire l’agglomération et les forces centrifuges qui tendent à

la séparer » (Krugman, 1997). D’un côté, les rendements croissants internes et externes ou les

économies d’agglomération représentent les forces centripètes qui incitent les entreprises à se

regrouper dans l’espace. De l’autre côté, les forces qui poussent à la dispersion sont pour la

plupart fondées sur les coûts de transport et de consommation de l’espace, qui induisent des

déséconomies d’agglomération (Duranton, 1999).

a. L’arbitrage économies d’échelle/coûts de transport

Les économies d’échelle constituent une force centripète dans le choix de la localisation : en

situation d’existence d’économies d’échelle, les entreprises ont l’avantage de concentrer leur

production en un nombre limité de sites pour minimiser leurs coûts de production. Mais si les

lieux de consommation sont dispersés et les coûts de transport ou de distribution sont assez

importants, les entreprises ont alors tendance à s’implanter à proximité des lieux de demande,

c’est-à-dire, à disperser la production. La force centrifuge a pour origine des coûts de transport

élevés et la dispersion de la demande. L’effet combiné des économies d’échelle et des coûts de

transport détermine par conséquent la décision de se concentrer. Si les coûts de transport étaient

suffisamment faibles, la production serait alors concentrée en un seul lieu.

En faisant appel au concept des économies externes comme les sources d’agglomération, les

économistes urbains arrivent à considérer l’économie comme un système de villes. Par exemple,

le premier modèle du système urbain (Henderson, 1974) commence par l’analyse des forces

opposées dans la formation et la distribution des villes dans l’économie urbaine. L’idée de ce

modèle est qu’il y a une tension entre les économies externes à la concentration géographique

des industries dans une ville, d’une part, et les déséconomies liées aux grandes villes, d’autre

part. Le résultat de cette tension est que la relation entre la taille d’une ville et l’utilité d’un

citadin représentatif peut être présentée par une courbe de forme U inversé.

b. Les forces opposées et les paramètres économiques

Nombre d’auteurs successifs tentent d’ouvrir cette « boîte noire » en exploitant la nature des

économies d’échelle externes. Parmi eux, Scitovsky (1954) distingue les externalités

marshalliennes « technologiques » et « pécuniaires » (Fujia et Thisse, 2013). Les premières sont

liées aux effets des interactions non marchandes, et les dernières renvoient aux résultats

d’interactions marchandes et peuvent être internalisées par les entreprises à travers les

mécanismes des prix. Les externalités technologiques sont difficiles à capter puisque ce sont

des institutions non marchandes. En revanche, les externalités pécuniaires liées aux

phénomènes économiques relevant du marché ont une origine plus claire. Les modèles font

appel à la formalisation de la concurrence monopolistique de Spence (1976) Dixit et Stiglitz

(1977) (dans Fujita et Thisse, 2013) pour étudier l’agglomération des activités économiques

avec les externalités pécuniaires (Krugman, 1991). Ces modèles se concentrent sur l’effet des

phénomènes circulaires, sur les décisions de localisation des entreprises et des

consommateurs/travailleurs.

La nouvelle économie géographique tente de modéliser formellement la tradition géographique

dans les analyses de l’agglomération des industries. Dans leurs modèles, l’équilibre est atteint

lorsque les forces centripètes et les forces centrifuges se compensent. De plus, le degré

d’agglomération à l’équilibre dépend aussi de l’état des variables fondamentales de l’économie

(Duranton, 1997). Pour Krugman (1991), l’agglomération résulte d’une interaction entre

l’économie d’échelle, le coût du transport et la mobilité des facteurs. Compte tenu des

rendements croissants, il est avantageux de concentrer la production de chaque bien sur

quelques localisations. Compte tenu des coûts de transport, les meilleures localisations sont

celles ayant des accès favorables aux marchés (liens en arrière) et aux fournisseurs (liens en

avant). Mais l’accès aux marchés et aux fournisseurs est précisément l’endroit où les

producteurs se sont concentrés, car ils attirent les facteurs mobiles de production à proximité

d’eux.

Ce processus de « causalité circulaire » est souligné par les géographes économiques comme

ayant un rôle important dans l’émergence des zones industrielles au cours de la deuxième moitié

du 19

ème

siècle. En étudiant cette circularité, Krugman (1991) a prouvé que les paramètres

initiaux de l’économie, à savoir la part des biens non-agricoles dans les dépenses, les coûts de

transports et les économies d’échelle, jouent des rôles importants dans le processus de

concentration géographique. La circularité qui génère la concentration des industries n’est pas

essentielle si l’industrie n’emploie qu’une petite fraction de la population et donc ne représente

qu’une petite fraction de la demande. La combinaison d’économies d’échelle très faibles avec

des coûts de transport élevés encourage les fournisseurs de biens et services, pour les secteurs

agricoles, à se localiser dans un lieu proche de leurs marchés, comme c’est le cas de l’Amérique

au début de 19

ème

siècle.

Dans une société moderne où les biens non-agricoles constituent une grande part de notre

consommation, où la production se fait à grande échelle et où les coûts de transport sont réduits,

une région avec une population non-agricole va être un endroit de production attrayant parce

que le marché local offre de larges marchés pour des biens et services divers. La décision de

localisation des unités de production est ainsi déterminée par l’interaction des forces centrifuges

et des forces centripètes. Dans les modèles théoriques, l’interaction de ces forces est également

influencée par les paramètres économiques. Des changements minimes peuvent ainsi conduire

à différents états d’équilibre (Henderson, 2000). Henderson a aussi souligné que le résultat

dépend de la mobilité des facteurs de production. L’immobilité des facteurs, comme le sol,

constitue également une force de dispersion, alors que la mobilité des facteurs, comme le travail,

permet l’agglomération des activités économiques. Quand les économies d’agglomération sont

suffisamment fortes, et attirent la mobilité du travail ou la migration vers cet endroit, la ville se

forme, et s’accroît jusqu’au moment où la migration est bloquée par les coûts de congestion.

II. Les économies d’agglomération sous l’angle de l’économie

géographique

L’économie géographique est apparue depuis quelques années à la confluence de plusieurs

courants d’analyse économique (Baumont et Le Gallo, 1999) : l’économie industrielle et la

microéconomie, la théorie du commerce international en concurrence imparfaite et les théories

de la croissance endogène. Elle a profondément renouvelé l’analyse des échanges

internationaux et de la convergence des régions et permet de mieux comprendre les phénomènes

d’agglomération et de concentration urbaine. Dans cette section, nous chercherons à présenter

les fondements théoriques des économies d’agglomération sous l’angle de l’économie

géographique.