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Le changement des politiques urbaines et l’émergence des trois deltas

CHAPITRE I LES DYNAMIQUES DE L’URBANISATION EN CHINE

B. Le changement des politiques urbaines et l’émergence des trois deltas

Bien qu’il soit largement reconnu que la Chine a déjà accéléré son rythme d’urbanisation afin

de rattraper son retard par rapport aux autres pays du monde, il n’y pas consensus sur le choix

du mode d’urbanisation, plus particulièrement sur le problème de quel type de ville est le plus

favorable au développement. En fait, le schéma idéal de croissance urbaine et la taille optimale

des villes restent controversés jusqu’à la fin des années 1990 (Zhang et Zhao, 1998). Certains

sont très préoccupés de la priorité urbaine excessive dans certains pays en développement, une

situation où la majorité des ressources nationales sont concentrées dans une ou quelques

grandes métropoles. La concentration excessive urbaine accélère les problèmes de bidonvilles,

de chômage, de congestion et de criminalité, phénomènes observés dans beaucoup de grandes

villes des pays latino-américains (Henderson, 1998).

a. Les hésitations de la politique urbaine vis-à-vis de l’accélération de

l’urbanisation

En effet, le gouvernement chinois était très vigilant sur les effets négatifs liés aux grandes villes.

Les politiques urbaines avant les réformes consistaient à restreindre la taille des grandes villes

en faveur de la croissance des petites et des bourgs. L’idée de soutenir le développement des

petites villes contre les grandes villes a été proposée pour la première fois dans un rapport rendu

au Conseil des Affaires d’Etat par le Ministère de la Construction en 1955. Ensuite, en 1956,

une résolution adoptée par le Conseil des Affaires d’Etat souligne que la taille des villes ne doit

pas être trop grande (Xu, 2008). A l’époque, la politique de limiter la taille des villes était basée

sur une double considération. Premièrement, il était considéré que la concentration massive des

migrants dans les villes conduirait à la surcharge des infrastructures urbaines ; deuxièmement,

il était soutenu que la disparité rurale-urbaine se creuserait avec la croissance de la population

vivant dans les grandes villes (Hun et Wong, 1994). Plus tard en 1965, en considérant la défense

nationale, un projet visant à transformer la distribution industrielle nationale a été mis en œuvre.

Les usines ont été déménagées vers l’intérieur du pays dans l’objectif d’empêcher les bases

industrielles d’être détruites par des guerres éventuelles. Cela est devenu également la directive

pour la distribution spatiale des villes, qui favorisait le développement ou la création des villes

intérieures contre les villes dans les régions côtières.

La politique de restriction de l’expansion des grandes villes a été dans une grande mesure

retenue dans la première période après les réformes entre 1978 et 1984. La Troisième

Conférence Nationale Urbaine tenue en 1978 a adopté la résolution que « la taille des grandes

villes doit être absolument contrôlée, pour ne pas s’élargir en grandes villes ; et les villes de

taille moyenne doivent éviter de devenir de grandes villes » (Xu, 2008). De plus, les

Règlementations du Planning Urbain adoptées lors de la Conférence du Planning Urbain en

1980 ont stipulé formellement la politique de « restreindre la croissance des grandes villes,

encourager le développement rationnel des villes moyennes, et promouvoir activement la

croissance de petites villes ». Le développement des petites villes a été choisi ainsi comme la

forme principale de la croissance urbaine du pays. Puisque la décollectivisation, dans le secteur

rural depuis 1978 a amené à la libération du surplus de main-d’œuvre dans l’agriculture ; la

migration vers les grandes villes d’une partie des agriculteurs a exercé une pression croissante

sur les infrastructures urbaines (Gu et al, 1999). Le contrôle sur l’expansion des grandes villes

demeurait, notamment après 1984, quand les symptômes des « maladies urbaines » sont apparus

dans certaines grandes villes, avec l’assouplissement progressif des restrictions sur la migration

rurale-urbaine. Comme les petites villes et les bourgs près de la campagne constituaient une

autre destination pour l’excédent de main-d’œuvre rurale, les politiques urbaines ont visé à les

développer afin d’absorber la majorité des migrants ruraux.

Par conséquent, la politique urbaine dans les années 1990 suit la ligne principale de restriction

sur la taille des villes (Zhang et Zhao, 2003). En 1990, la Loi du Planning Urbain a institué la

politique sur le développement urbain afin de « restreindre strictement la taille des grandes

villes, développer rationnellement les petites et moyennes villes ». En 1999, le Communiqué

de la Conférence Economique du CCP souligne que « le développement des petites villes et des

bourgs est une grande stratégie ». Dans le Dixième Plan Quinquennal publié en 2001, figure

formellement la politique suivante : « développer des bourgs avec sélection, promouvoir

activement la croissance des petites et moyennes villes, améliorer les fonctions des villes en

tant que centres régionaux, mettre en jeu l’effet de rayonnement des grandes villes ».

Malgré toutes les hésitations politiques, depuis la réforme et l’ouverture, accompagnées d’un

développement économique rapide, la Chine s’urbanise de manière accélérée. Actuellement,

elle compte plus de 660 villes. Dans le même temps, elle a connu des succès remarquables

concernant l’édification de ses villes : Beijing se développe harmonieusement sur les plans

politique, culturel et économique ; Xi’an mêle avec bonheur histoire et mode ; la mégalopole

internationale de Shanghai arbore un visage retravaillé ; la zone économique spéciale de

Shenzhen est en plein essor... Depuis plus de 30 ans, la quasi-totalité des villes chinoises a

connu un changement notable. Plusieurs grands groupes de villes ont pris forme en Chine,

couvrant les régions côtières, l’intérieur du pays et les régions frontalières. Ils deviendront les

régions avec le plus grand potentiel de développement. Les trois groupes de villes formés à la

fin du 20

ème

siècle et répartis dans le delta du Yangtsé, le delta Pearl River et le delta

Beijing-Tianjin, continueront d’orienter le développement économique chinois. Pendant le 7

ème

plan

quinquennal (2011), la Chine entrera dans une nouvelle période marquée par la double

transformation du mode d’urbanisation et du développement urbain ; il est prévu que le taux

d’urbanisation connaisse une hausse moyenne de 0,8 à 1,0 point par an pour atteindre 65%

environ en 2030 (Chen, Jia et Lau, 2008). L’urbanisation active et sûre est un sujet primordial

pour la Chine.

b. La nouvelle politique d’urbanisation chinoise, les villes satellites

Face au rapide développement du processus d’urbanisation dans les années 1990, le

gouvernement chinois s’attache enfin à répartir et à coordonner de façon rationnelle, par un

programme régional stratégique et contraignant, les rapports entre la population, la terre,

l’environnement et le développement économique et social. La Chine pratique une politique

visant à « contrôler strictement les dimensions des grandes villes, développer raisonnablement

les villes moyennes, et développer activement les petites villes ». En résultat, les villes

moyennes, d’une population de 200 000 à 500 000 habitants et les petites villes d’une

population inférieure à 200 000 habitants ont connu un développement rapide dès les années

1980. Des villes satellites se sont développées de façon planifiée et en tenant compte de leur

importance stratégique autour des villes d’une population supérieure à 1 million.

La planification des villes satellites est un point important dans l’urbanisation chinoise ; elle

joue un rôle irremplaçable dans la résolution des problèmes urbains liés à l’expansion excessive

des grandes villes. Comme dans d’autres pays du monde, il existe en Chine deux catégories de

villes satellites : les premières sont construites pour abriter la population, les industries et les

institutions de recherche, et les autres sont destinées au développement des nouvelles industries

ou du secteur tertiaire à l’écart des grandes villes.

Au début des années 2000, la planification et la construction des villes satellites a donné

quelques résultats plutôt satisfaisants : l’accroissement modéré de la population urbaine ; la

multifonctionnalité des villes ; la quête de l’équilibre entre le lieu de travail et le lieu de vie ; la

construction d’un système de transports avancé mis en liaison avec les villes mères (Zhou et

Laurence, 2003. Dans ce nouveau contexte, le gouvernement chinois, selon le principe du

développement à bas carbone, met l’accent sur la construction de villes satellites à bas carbone

tout en souhaitant le développement coordonné entre villes mères et villes satellites et entre les

différentes villes satellites. La planification du développement coordonné des villes de grande,

moyenne et petite envergure ainsi que la réalisation d’une cohabitation entre les groupes de

villes de l’est et du centre-ouest restent des tâches importantes à réaliser, qui contribueront à

optimiser la restructuration urbaine-rurale et interrégionale et à coordonner un développement

économique durable, régulier et rapide. Les économies régionales basées sur les villes étaient

essentiellement concrétisées et leur répartition a été améliorée. Les économies régionales tirées

par les agglomérations de villes ont petit à petit pris une nouvelle dimension ; les groupes de

villes étant d’importants pôles de la croissance chinois.

c. L’agglomération de villes, un compromis du développement urbain

chinois

Aujourd’hui, le débat sur le développement des grandes métropoles, des petites ou des

moyennes agglomérations n’est plus la préoccupation principale du gouvernement chinois.

Comme nous venons de l’évoquer, ceux qui privilégient les grandes villes soulignent leur poids

économique, alors que leurs opposants pointent du doigt les « maladies urbaines » comme la

congestion du trafic, la pollution de l’environnement et la pénurie de logements. Mais puisque

la Chine est déjà sur la route de la grande urbanisation, les autorités chinoises sont obligées

d’abandonner leur politique de restriction de l’expansion des grandes villes et cherchent une

stratégie de développement urbain plus équilibrée. Le 12ème Plan Quinquennal (2011-2016)

propose des solutions à ce problème : rationaliser le zonage et la construction dans le

développement urbain, améliorer la densité de la population dans les nouveaux quartiers, et

éviter l’étalement excessif des métropoles.

Il faut équilibrer le développement des villes grandes, moyennes et petites. Mais qu’est-ce

qu’une ville de taille équilibrée ? Comment définir l’expansion excessive ? Il n’existe aucun

critère valable pour les déterminer. A l’heure actuelle, la taille d’une ville est entièrement

planifiée par la haute administration. Et pourtant, cette planification ne fonctionne pas bien. Par

exemple, le Plan Global de la Région Métropolitaine de Shanghai (1999-2020) prévoyait que

la population de Shanghai en 2020 serait de 20 millions d’habitants, or que celle-ci a déjà atteint

23 millions fin 2011, exerçant de fait une forte pression sur les services publics, notamment les

transports communs, qui approchent de leurs limites. Ce phénomène n’est pas limité à Shanghai.

Il concerne presque toutes les villes chinoises – notamment les plus dynamiques du point de

vue économique. L’on revient toujours à cette question fondamentale : si la planification

administrative ne marche pas, comment développer correctement les villes ? La réponse est

simple : laisser le marché déterminer la taille adéquate d’une agglomération. Si une ville attire

10 millions d’habitants, les services publics devront s’adapter et ne pas être déployés suivant

les critères d’une « population planifiée » déjà dépassée. Les maux des villes chinoises sont liés

à l’insuffisance des services publics fiables et efficaces face au développement réel de la ville.

L’analyse des évolutions économiques nous a permis de comprendre que le changement des

politiques urbaines chinoises est une réaction passive au processus d’urbanisation du système

économique de plus en plus complexe et inséré dans une dynamique économique chinoise.

Toutefois, ces explications évacuent globalement la place de la ville en tant que telle. Comment

ont évolué les villes dans cette nouvelle circonstance ? Quels nouveaux phénomènes

présentent-elles et comment se produisent-ils ? Comment les acteurs gèrent-ils ces villes contemporaines ?

Nous allons dans la section suivante nous concentrer sur les manifestations de la

métropolisation sur le plan de la morphologie physique de la métropole.

III. La mégalopolisation contemporaine

Comme nous l’avons déjà évoqué dans le Chapitre I, le néologisme métropolisation a été utilisé

dans les pays développés suite aux résultats du recensement de la population de 1960 qui faisait

état d’une croissance démographique notoire des grandes villes du pays principalement. Cette

dynamique démographique est également constatée en Chine après la libération de la migration

de la population rurale vers les villes dans les années 1990. Elle se traduit ensuite dans la ville

par un étalement physique de plus en plus large avec l’intégration de ses villes satellites. La

périurbanisation est le premier élément marquant de la ville transformée par les processus de la

métropolisation en Chine.