• Aucun résultat trouvé

ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 161-168)

Danton conduit à l’échafaud dessin de Pierre Wille

1 ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle

1

ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle

2 Le comité de salut public est composé durant cette période de : Robespierre, Saint-Just et Couthon pour les grandes affaires ; Carnot à la guerre ; Prieur à l'armement ; Lindet aux subsistances ; Saint-André et Prieur (autre) à la marine ; Collot-d'Herbois et Billaud-Varenne à la politique intérieure ; Barère porte-parole à l'assemblée.

162 produit. Le vertueux personnage s’alite vers mi-messidor (début juillet) pour ne reparaître que le 8 thermidor (26 juillet). À son habitude, il menace et en tout premier lieu Cambon, qui aux finances aurait pris une décision malencontreuse1, parle d’épuration. Or, Cambon aux abois se défend âprement : « Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France... J’ai dénoncé

toutes les factions quand elles attaquaient la fortune publique. Toutes elles m’ont trouvé sur leur route. C’est l’heure de dire la vérité : un homme paralyse la Convention, et cet homme c’est Robespierre... » Celui-ci se rend

alors aux Jacobins où il est acclamé, ce qui le conforte dans son bon droit. Collot-d’Herbois et Billaud-Varennes qui l’ont suivi sont empêchés de s’exprimer sous les cris d'« à la guillotine ». Dans la grande salle des Jacobins, Jacques Brival analyse la situation, perplexe. Alors qu’en soirée Maximilien regagne son domicile, croyant avoir partie gagnée, la contre-offensive s’organise à l’assemblée sous l’impulsion de Fouché, qui joue sa tête. Dans la matinée du 9 Thermidor, les débats reprennent à la Convention. Collot-d’Herbois qui préside, a retenu la leçon de la veille et lorsque Saint-Just prend la parole, il l’interrompt. Puis Billaud-Varenne attaque de front Robespierre qui ne peut s’exprimer, sa voix étant systématiquement couverte par les imprécations des uns et des autres. Toutes les rancœurs reviennent à la surface, les amis d’Hébert et ceux de Danton se déchaînent. L’heure des comptes vient de sonner !

Jacques Brival, l’un des secrétaires de la Convention, alors secrétaire de séance, prend note et ne peut intervenir qu’occasionnellement2.

Sur proposition de Tallien, les députés décrètent l’arrestation, en séance, de Robespierre, de Saint-Just et de Couthon. Les décrets sont signés sur-le-champ par le député-secrétaire Brival. Il est cinq heures de l’après-midi.

1Cambon venait de procéder à l'émission de 9 milliards en assignats. Pour lui et ses complices, la révolution fut une fabuleuse opération financière dont les pauvres gens ne bénéficieront pas. Les accusations de Robespierre à son encontre sont donc parfaitement fondées.

2Dans ses mémoires, Barras prétend que « la société (des Jacobins), violemment agitée, mit à la porte ce jour-là, le député Brival »... (page 162). Il y a cependant confusion de date, car Brival ne se retira des Jacobins que le lendemain. À noter que lors du procès de Danton, le député de la Corrèze avait été cité par Desmoulins comme témoins à décharge. Le Comité de salut public avait rejeté son audition, ainsi que celle des quinze autres témoins.

163 Sur proposition de Fréron, la Convention confie à Barras la charge de rallier les sections en le nommant commandant en chef de La Garde Nationale. Il s’adjoint principalement Fréron, Tallien, Rovère et Bourdon.

Alors que les citoyens décrétés d’accusation sont emprisonnés, Brival profite de ce qu’il pense être une suspension de séance, pour se rendre au Club des Jacobins. Peu avant sept heures du soir, la salle est comble, les esprits surchauffés. Le député-secrétaire est sommé de s’expliquer. Son intervention est brève et sans nuances. Il rapporte sa prise de parole aux Jacobins, une heure plus tard, lors de la séance du soir à la Convention :

« Citoyens, le président des prétendus Jacobins, sur la demande et d’après

l’arrêté des contre-révolutionnaires qui s’étaient glissés dans cette Société, m’a invité à rendre compte de la séance de la Convention. Arrivé à la tribune, j’ai parlé en ces termes : « des intrigants, des contre-révolutionnaires, vêtus du manteau du patriotisme, voulaient assassiner la liberté ; la Convention a décidé qu’ils seraient mis en arrestation ; ces représentants sont Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas, Robespierre le jeune. »

Quelle a été votre opinion ? me dit le président. J’ai répondu : « Celui qui

toujours a voté dans le sens de la Montagne, sous l’Assemblée législative et sous l’Assemblée conventionnelle, a voté l’arrestation ; il a plus fait ; il est un de ceux qui l’ont provoquée, et en qualité de secrétaire il s’est empressé d’expédier et de signer les décrets. » À ces mots j’ai été couvert de huées, j’ai été proscrit de la prétendue Société ; on m’a enlevé ma carte. Je suis sorti en leur disant : « je ne suis pas fait pour habiter avec des membres qui chassent ceux qui veulent sauver la liberté. »

Je viens d’apprendre que la prétendue Société avait rapporté mon arrêté,

et qu’elle avait nommé un commissaire pour me remettre ma carte. Je ne la prendrai qu’après sa régénération. »1

1

Séance du 9 thermidor, à sept heures du soir. Gazette nationale ou le Moniteur

universel – N° 312 Duodi 12 thermidor, l'an 2e.

On peut constater que la Convention était verrouillée par le « clan Barras » lors de la chute de Robespierre. Il n'y aura pas plus d'une quinzaine d'intervenants durant la matinée décisive du 9 thermidor. Tallien demande l'arrestation de Robespierre ; Fréron demande que La Garde Nationale soit confiée à Barras ; Barère propose que Robespierre soit mis hors-la-loi ; Brival rédige les décrets et s'assure de leur application. Bien sûr les interventions de Fouché, présenté comme étant l'âme du complot, de Collot d'Herbois, président de l'assemblée et surtout

164 La crainte de la Convention a été la plus forte, les Jacobins se dispersent sans s’unir à la Commune de Paris qui vient pourtant de délivrer Robespierre et ses amis sur le coup de dix heures du soir. Ces derniers sont maintenant réfugiés à l’Hôtel de Ville, mais restent indécis, remettant au lendemain un appel éventuel aux armes. Cette indécision leur sera fatale. Billaud-Varenne sait que Robespierre, qui dispose pourtant de la force publique, n’est pas un homme d’action. Il presse donc Barras de prendre le contrôle de l’Hôtel de Ville. Dans le même temps, Barère qui a senti le vent tourner fait décréter la mise hors la loi des insurgés. Dès lors, toute comparution devant le Tribunal révolutionnaire se résume à une reconnaissance de l’identité et à l’énoncé du verdict. Le triumvirat pourra ainsi apprécier à ses dépens, toute l’efficacité de la loi qu’il a imposée à la France.

Le peuple n’a pas bougé. Depuis que la Terreur frappe le pays, il a au moins un motif de satisfaction : cette maudite loi du 22 prairial pèse tout autant sur les grands que sur les humbles. Tout s’est joué entre la Commune de Paris et la Convention. C’est avec le soutien de la Convention que Robespierre avait éliminé Hébert, Danton et Chaumette, les maîtres de la Commune. Aussi le soutien de cette entité qu’est la Commune de Paris, ne lui est pas entièrement acquis. C’est d’ailleurs la section des Gravilliers, celle de Jacques Roux, contraint au suicide par Maximilien, qui donne l’assaut de l’Hôtel de Ville. Les décrets en main, la chasse à l’homme peut commencer. Elle se poursuit de façon féroce et implacable toute la nuit. Le 10 Thermidor de l’an II (28 juillet 1794), à deux heures du matin, Robespierre est arrêté. Puis, suivent les arrestations de Saint-Just, Couthon, Dumas, Coffinhal, Hanriot... Au total vingt-deux personnes réputées proches de l’incorruptible. La Révolution est en train de basculer dans une phase nouvelle. Le maître du moment est celui qui détient la force publique : Barras. La Commune lui fait aussitôt allégeance. L’accusateur public est rappelé à l’ordre « Allons citoyen Fouquier, la

de Billaud-Varenne seront décisives, mais hormis Fouché, ils n'en seront pas les véritables bénéficiaires. Un autre élément essentiel est à prendre en considération pour comprendre cette journée : les révolutionnaires s'accordent le droit de massacrer à tout va, pourvu que cela se passe en toute légalité. Ainsi, Barras ne sera en mesure d'accomplir sa mission que lorsque les décrets d'arrestation lui seront remis. De même, Robespierre et Saint-Just ne se résoudront pas à faire appel à La Garde Nationale qui leur est pourtant acquise, afin de prendre le contrôle de la Convention. Le coup d'État ne leur semble pas concevable. Ils signent ainsi leur propre arrêt de mort.

165

Convention nationale m’a chargé de faire exécuter ses ordres : je vous donne celui de procéder sans désemparer à l’accomplissement de votre mandat... en envoyant de suite les coupables à l’échafaud qui les attend ». Les condamnés

seront exécutés sur la place de la Révolution, avec passage imposé devant la maison de Robespierre, vers les sept heures du soir. L’infirme Couthon, jeté comme un sac dans la charrette, est sanglé sur la planche en premier. Il avait perdu l’usage de ses jambes, mais cela ne l’avait pas empêché de faire son chemin et d’ôter la tête de bon nombre de ses concitoyens, sans trop d’états d’âme. Son exécution s’avère laborieuse et longue. Robespierre, la mâchoire fracassée, attendra longuement son tour allongé à même le sol.

Le malheureux cordonnier Antoine Simon, ancien instituteur du petit roi, fait partie de la fournée. Il a eu la malencontreuse idée de prendre la parole, la veille à la section Marat, pour appeler les sans-culottes à défendre Robespierre. Cette âme somme toute généreuse emporte, tout comme ses amis Hébert et Chaumette, son secret dans la tombe. Ses appartements sont mis sous scellés par les gardiens du Temple, afin de procéder à un inventaire des documents qu’il aurait pu laisser à la postérité, lui qui savait à peine écrire. Mais la prudence imposait sans doute de telles précautions.

À quatre heures du matin, le 10 thermidor, Barras contrôle la situation. Deux heures plus tard, alors que les exécutions ne sont prévues qu’en début de soirée, il se rend au Temple afin de rendre visite aux enfants royaux.

Il relate ainsi cette visite :

« ... les comités répandaient le bruit que les détenus du Temple, que les infortunés enfants de Louis XVI s’étaient évadés. Je me rendis à la prison. Je visitai le prince. Je le trouvai fort affaibli par une maladie qui le minait évidemment ; il était couché au milieu de la chambre, dans un petit lit qui n’était guère qu’un berceau : ses genoux et ses chevilles étaient enflés.

Il sortit de l’assoupissement où je l’avais trouvé en entrant, et me dit : « Je préfère ce berceau, où vous me voyez, au grand lit que voilà ; du reste, je ne dis point de mal de mes surveillants »...

« Et moi, m’écriai-je, je porterai de vives plaintes sur la malpropreté de cette chambre. » Je montai chez Madame : la sienne était un peu moins indécemment tenue. Madame s’était habillée de bonne heure, à cause du bruit qu’elle avait entendu pendant la nuit. J’ordonnai que les deux enfants de France pussent se promener chaque jour dans les cours de leur prison. J’ai

166

appris depuis, par un commissaire du Temple, que mes ordres n’avaient point été exécutés ».

Les journées des 9 et 10 thermidor ont été interminables et

éprouvantes. Bon nombre de conventionnels que l’histoire qualifiera désormais de thermidoriens ont tenté de prendre un peu de repos, mais la chute de « l’incorruptible » et de son ami « l’archange de la Terreur » leur laisse dans la bouche un goût d’amertume que jamais ils ne pourront effacer. En commandant à la Garde nationale d’investir la Convention, Robespierre pouvait les envoyer tous à l’échafaud, car les troupes l’auraient suivi comme un seul homme. Mais celui que l’on qualifiait de tyran a repoussé la dictature, payant ce refus de sa tête. Il méritait bien son surnom !

Jacques Brival a passé la nuit chez l’un de ses amis Tallien1, qui vient de faire libérer la belle Thérésa sa maîtresse. Les jours de celle-ci étaient comptés, mais le 9 thermidor est pour elle, un retour à la vie, ce qui lui vaudra le surnom de « notre dame de Thermidor ». Au matin, Barras les rejoint. Dans les semaines et les mois qui viennent, il va devoir asseoir son autorité sur l’assemblée et donc sur le pays. La fortune vient de lui sourire, mais a-t-il l’étoffe d’un homme d’État ? Pour l’instant, ses préoccupations sont d’une autre nature.

 Jacques, j’avais quelques doutes à propos du fils Capet, mais hier matin j’ai été contraint de me rendre à l’évidence, l’enfant que l’on détient n’est pas le petit Louis XVII. Il a été remplacé par un pauvre malheureux ramassé dans quelque hospice et gravement malade à ce qu’il m’a semblé.

 Je te l’avais dit, citoyen Barras, c’est à moi que Charles Capet a été confié. Jacques Hébert a pu l’extraire du Temple deux mois avant de monter à l’échafaud. L’enfant est maintenant en sûreté sur mes terres et en bonne santé. Je ne sais pas quels étaient les projets à long terme de mon ami le journaliste. Mais toi, que penses-tu que nous puissions faire de lui ?

 Je n’y ai pas réfléchi ! Pour l’instant, il est inutile d’ébruiter cette affaire. Le plan préparé par Hébert doit se poursuivre. Nous aviserons le moment venu, si le pouvoir m’échappe. Cet enfant, qu’il soit à Tulle ou à Paris, reste l’otage de la Nation et une pièce maîtresse dans notre jeu.

1 « Brival, ami intime de Tallien et l’un des plus zélés thermidoriens » (Histoire

167 Jean-Lambert Tallien assiste à l’échange de propos, complètement interloqué. Il est à mille lieues d’imaginer que le petit Capet soit en pleine nature, libre ou presque. Toutes ces rumeurs de complots étaient donc fondées !

 Hébert a donc réussi ! Je comprends maintenant pourquoi Robespierre est revenu furieux, après sa visite au Temple il y a deux mois.

 Oui, Hébert avait beaucoup de cartes en main : la popularité de son journal ; la Commune qui lui était dévouée ; le Temple dont il était le maître. Il a gâché tout cela par sa virulence. Inutile de se lamenter sur le passé, essayons de ne pas reproduire les erreurs de ceux qui un temps ont cru être les maîtres de la France.

Barras reste songeur. La tension et la fatigue de ces derniers jours ne contribuent pas à la tenue d’une réflexion sereine.

 Je compte revenir au Temple ce soir pour prendre toutes les dispositions qui s’imposent compte tenu de la situation. Je ne veux pas que les Comités se mêlent de cette affaire. Ils viennent déjà de désigner les nouveaux gardiens de l’enfant, mais j’ai confirmé Laurent dans ses fonctions et annulé les arrêtés qui venaient d’être pris. Jacques, veux-tu m’accompagner ? Nous aviserons en chemin. La visite se fera en toute discrétion et tu pourras vérifier l’état de délabrement du remplaçant, ainsi que ses conditions de vie.

 C’est entendu ! Je t’accompagnerai.

Le 11 thermidor, à neuf heures du soir1, Barras, Brival et un cortège réduit, se rendent au Temple afin de revoir les conditions d’hébergement et de surveillance des enfants tenus prisonniers. Cette visite n’est pas assortie de la publicité qui sied généralement à toute inspection du nouveau maître des lieux. Le petit cortège délaisse les appartements de Madame Royale, pour ne s’attarder que dans ceux de l’enfant captif. Laurent, unique gardien des enfants, confirmé dans ses fonctions, les accueille. Créole martiniquais, il connaît Barras par relation, pour avoir été greffier de son homme à tout faire. De plus, membre assidu du club des Jacobins, il connaît également Brival et a pu apprécier ses interventions à propos de l’abolition de l’esclavage.

1

Neuf heures du soir correspondent à l’heure du soleil et par conséquent à 23

heures de nos jours. En été, la visite se déroule donc en début de nuit. Elle est relatée succinctement dans plusieurs ouvrages.

168 Le député de la Corrèze est horrifié par les conditions de détentions de l’enfant. La puanteur des lieux est épouvantable, la cellule n’ayant pas été nettoyée depuis la fin des travaux, six mois plus tôt. Un prisonnier ordinaire bénéficie de conditions d’incarcération bien meilleures. L’enfant est invité à marcher dans sa cellule, ce qu’il fait de mauvaise grâce, les articulations le faisant manifestement souffrir. Il est de grande taille, les membres démesurés par rapport au buste1. La lumière blafarde des chandelles accentue son état de déchéance, qui fait peine à voir. Brival risque un commentaire en s’adressant à Barras :

 Il ne ressemble en rien au jeune prince ! Comment les gardiens peuvent-ils être abusés2 ?

 Les gardiens sont aux ordres et ils n’ont pas à faire la moindre supposition. D’ailleurs, qui parmi les commissaires de garde ou parmi les employés du Temple, a côtoyé l’enfant du temps de Simon ? Un nommé Tison3

qui est maintenu au secret dans l’enceinte du Temple depuis cinq mois, d’après ce qui m’a été rapporté ! Je vais faire remplacer sur le champ l’économe, le cuisinier, les municipaux de garde. Aucun de ceux qui ont connu le petit Charles ne sera admis en présence du prisonnier. Pour ceux qui émettraient des doutes quant à son identité, ce sera l’enfermement.

1

Tous les observateurs qui ont pu approcher le jeune prisonnier confirment ce

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 161-168)