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Extrait de la carte de Cassini n° 34 – relevés réalisés entre 1756 et 1789

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 185-189)

186 Chapitre XVIII

Ce jour, pour lequel Dominique et Jean Tereygeol se sont tant investis depuis plus de huit mois, est enfin arrivé. Quelqu’un d’autre aussi, abîmé dans la prière, attend cet instant. La Providence lui a donné l’opportunité de mettre un terme aux tribulations que le dauphin Louis-Charles de France supporte depuis qu’il a quitté le château de Versailles en 1789. Cet enfant de neuf ans et demi, que les principales monarchies d’Europe réclament afin de le soustraire à la Révolution, va être englouti par le monde paysan et y prendre souche. Mis à l’écart des fluctuations politiques, il va enfin connaître ce dont il ne peut se souvenir que de façon diffuse : le bien-être familial et les joies de l’enfance.

Les deux officiers municipaux se sont donné rendez-vous à dix heures du matin, à la salle de la maison commune de Salvador, le quintidi vingt-cinq

Vendémiaire de l’an trois (jeudi 16 octobre 1794). Un an plus tôt jour pour

jour, le mercredi seize octobre 1793, la reine de France montait à l’échafaud. Les deux hommes montrent quelques signes de fébrilité. Est-ce par crainte des conséquences qui vont découler de cet acte qu’ils s’apprêtent à rédiger et dont ils ne peuvent mesurer toutes les répercussions ? Est-ce à cause du souvenir du crime inexpiable que la Nation française commettait à cet instant ?

Pour se retrouver tous les deux à cette table, plume en main, encrier soigneusement positionné, registre déployé, nos deux hommes ont dû évincer le titulaire du poste et s’astreindre à tenir l’état civil de la commune depuis maintenant six mois. Ce fut loin d’être facile pour Dominique, qui pendant cent jours dut parcourir plusieurs lieues pour tenir son poste. Mais la réussite de la mission était à ce prix. Jean, résidant ordinaire, fut moins sollicité.

Dominique a déposé sur la table les notes prises lors de sa rencontre avec le chanoine Brival1 et se tient debout derrière son cousin Jean qui a pris place au bureau. La rédaction peut débuter. L’acte de naissance ne peut contourner les règles imposées et d’ailleurs, rien ne doit le distinguer de tous les autres. Il ne s’agit pas de reproduire les mêmes erreurs que lors de la rédaction d’un acte de mariage mémorable, que Vedrenne avait couvert de ratures. Mais, l’habitude aidant, tout se déroule sans incident. Les témoins ! La plupart du temps, seul le père se déplace pour faire la déclaration, mais l’administration tient à cette formalité qui relève à la fois de l’acte notarié et

187 du parrainage de l’ancien système. Comme la plupart des gens ne savent ni lire ni écrire et ne peuvent donc signer, nul ne peut vérifier la réalité de leur présence.

Dominique s’attache à quelques détails de l’acte, qui paraissent sans importance à Jean. Celui-ci se conforme malgré tout aux désirs de son cousin, pour noter dans l’ordre : quarante-cinq ans pour le premier témoin et trente-sept ans pour le second. Il relève de même l’heure de l’accouchement : quatre heures du matin. Cependant, une très légère fausse note vient ternir ce bel agencement : l’automaticité de l’écriture n’a pu être contrôlée à temps et la plume a porté Vinchent pour le prénom de l’enfant, avant même que le rédacteur ne s’en rende compte. Il est vrai que si la langue administrative officielle est le français, le patois Limousin reste la langue usuelle et Vincent n’est pas un prénom d’usage courant, sans doute suite à la difficulté qu’il y a à respecter la prononciation. Mais cela est de peu d’importance.

Dominique se fait alors un devoir de relire l’acte puis d’en restituer toutes les subtilités, qu’un jour peut-être, pense-t-il, la postérité déchiffrera.

25 vendémiaire

16 octobre : date anniversaire de l’exécution de Marie-Antoinette sa mère.

Salvador Sauveur : commune de la Corrèze au nom prédestiné, choisie pour recueillir l’enfant.

La Glorie La Gloire : hameau au nom providentiel.

Vincent 22 janvier : en mémoire de l’exécution de Louis XVI son père, qui eut lieu le 21 et dont le sang fut répandu en vain, puisqu’il survit en son fils.

45 et 37 ans 4+5=9 ; 3+7=10 : afin de se souvenir que l’âge de l’enfant est compris entre 9 ans et 10 ans.

4 heures 4 : afin de rappeler que Charles était le prénom usuel de l’enfant, dont la fête est célébrée le 4 novembre suivant.

188 Tous deux peuvent alors refermer le registre, avec l’immense satisfaction de la tâche accomplie1.

La plus ancienne et la plus prestigieuse dynastie du monde occidental, en son chef le dix-septième Louis, roi de France et de Navarre, se voit contrainte à un retour aux sources en 1794. Cette dynastie portée sur les fonts baptismaux en la personne de Clovis, treize siècles plus tôt, remet son destin entre les mains de Dieu. Quel mal y a-t-il à cela ? Jésus, Fils de l’Eternel et véritable Roi de France, ainsi que l’a signifié Jehanne d’Arc au roi Charles VII lorsqu’elle fut mise en présence de ce dernier, n’est-il pas né dans une grotte faisant office d’étable ? Les rois de France, descendants des rois de Juda et apparentés au Seigneur Jésus2 doivent-ils oublier qu’ils règnent pour leur peuple et non sur le peuple ? Ils furent rois par la grâce de Dieu et non par celle des hommes, ce qui vouait à l’échec toute tentative d’instaurer une monarchie constitutionnelle.

RENVOI — 3

1

Sur environ 300 communes que comptait la Corrèze sous la Révolution, une seule fait référence à l’action de sauver. Actuellement, le département compte 286 communes alors que la France en compte environ 36500. À cette époque, elle en a compté plus de 41000.

Le 21 janvier est fêtée Sainte-Agnès, il n’était donc pas possible d’attribuer à l’enfant ce prénom féminin. Cependant, il convient de rappeler que Vincent se fête dès la veille au soir, y compris de nos jours.

La réunion des deux prénoms Agnès et Vincent semble avoir été voulue par la Providence afin de signifier à ceux qui voulaient éradiquer les fêtes des saints que le sang de l’agneau ne serait pas versé en vain.

Pour signifier le chiffre 9, cela ne peut se faire qu’en additionnant 3+6 ou 4+5, etc., en raison de l’âge minimum requis : 21 ans. De plus, c’est le seul endroit dans le texte où il est fait référence à l’âge.

Dans les jours qui suivent le 16 octobre, le chiffre 4 correspond forcément au 4 novembre. L’enfant était nommé Charles Capet.

2Ascendances davidiques des rois de France – Marquis de la Franquerie, éditions Saint-Rémi.

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Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 185-189)