• Aucun résultat trouvé

Courrier du représentant Merlin au Comité de salut public : « ...ces lâches ennemis

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 95-101)

Le Mayençais – soldat de la République combattant sous les ordres du général Kléber

3 Courrier du représentant Merlin au Comité de salut public : « ...ces lâches ennemis

1

Commentaire de Jacques Crétineau-Joly.

2 Napoléon qui ne l'aimait guère dira pourtant de lui : « sa mort fut une perte

irréparable pour la France. C'était un homme doué des talents les plus brillants et de la plus grande bravoure ».

3

Courrier du représentant Merlin au Comité de salut public : « ...ces lâches ennemis

de la Nation ont, à ce qui se dit ici, épargné plus de quatre mille des nôtres qu'ils tenaient prisonniers. Le fait est vrai car je le tiens de la bouche même de plusieurs d'entre eux. Quelques-uns se laissaient toucher par ce trait d'incroyable hypocrisie... Mais comme la Nation n'est pas encore à la hauteur de nos sentiments patriotiques, vous agirez sagement en ne soufflant pas mot sur une pareille indignité. Des hommes libres acceptant la vie de la main des esclaves, ce n'est pas révolutionnaire ». Extrait des Guerres de Vendée – Armel de Wismes.

96 Chapitre XI

Le 5 septembre 1793, Chaumette, procureur-syndic de la Commune de Paris, accompagné du maire Pache, du substitut Hébert et des commissaires de section, procède à un véritable coup de force en envahissant la Convention nationale et en demandant par la voix du journaliste : « législateurs, placez la

Terreur à l’ordre du jour ». Ce mot d’ordre est immédiatement repris par

l’opportuniste Barère : « ... c’est ainsi que disparaîtront en un instant et les

royalistes et les modérés et la tourbe contre-révolutionnaire qui vous agite. Les royalistes veulent du sang ? Eh bien ! ils auront celui des conspirateurs, des Brissot, des Marie-Antoinette... »

À cet instant, l’influence de Jacques-René Hébert est à son apogée. Mesure-t-il à quel point un simple journal de huit pages, son « Père Duchesne », peut faire pression sur la politique de tout un pays ? Sans doute et cela est bien grisant de pouvoir faire la pluie et le beau-temps sur une nation à la dérive. Le 17 septembre, la Terreur est légalisée par « la loi des suspects », sur proposition du franc-maçon Cambacérès et du conventionnel Merlin.

« Art. 1er Immédiatement après la publication du présent décret, tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la République, et qui sont encore en liberté, seront mis en état d’arrestation.

Art. 2ème Sont réputés gens suspects :

ceux qui, soit par leur conduite, soit par leur relations, soit par leur propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme, et ennemis de la liberté ;

ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le décret du 21 mars dernier, de leurs moyens d’exister et de l’acquit de leurs devoirs civiques ;

ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme ;

les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention nationale ou ses commissaires, et non réintégrés, notamment ceux qui ont été ou doivent être destitués en vertu du décret du 14 août dernier ;

ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agens d’émigrés, qui n’ont pas constamment manifesté leur attachement à la révolution ;

97 ceux qui ont émigré dans l’intervalle du 1er juillet 1789 à la publication du décret du 30 mars — 8 avril 1792, quoiqu’ils soient rentrés en France dans le délai fixé par ce décret, ou précédemment ».

À la lecture de cet “inventaire”, il est permis de se demander qui pourra bien passer à travers les mailles du filet ? Pour l’occasion, bon nombre de révolutionnaires, qui en leur temps pouvaient passer pour des royalistes obséquieux, s’exonèrent allègrement du devoir de mémoire.

Les principaux organes de la Terreur sont : le Comité de salut public ; le Comité de sûreté générale ; le Tribunal révolutionnaire ; les Comités de surveillance ; les représentants en mission dans les départements.

La Révolution vient d’engager la France dans un engrenage qui ne peut s’achever que dans un bain de sang. Cependant le 25 septembre, la guerre de Vendée se rappelle à la mémoire des députés et signe le début de l’inexorable déclin de Jacques-René Hébert. L’incompétence de son ami le général Ronsin provoque de nombreux remous au sein de la Convention. Il vient de mettre Kléber dans une situation désastreuse en annulant l’ordre de marche de l’armée de Saumur, le privant délibérément des renforts attendus et provoquant la défaite de Torfou. Ces faits vont permettre à Robespierre d’asseoir sa mainmise définitive sur l’Assemblée. En s’abstenant de condamner Ronsin, il coupe l’herbe sous les pieds du « père Duchesne » qui n’aurait pas manqué de se lancer dans quelque campagne de dénigrement par voie de presse. Il le tient désormais à sa merci. L’incorruptible, devenu le véritable homme fort du pays, ne le lâchera plus.

Les efforts du citoyen Hébert pour reprendre la main, s’orientent vers l’otage de la Nation dont le Temple a été dessaisi : la ci-devant reine de France, Marie-Antoinette. Son discours est comme à l’accoutumée, sans nuances : « J’ai promis la tête d’Antoinette, j’irai la couper moi-même si on

tarde à me la donner. Je l’ai promise de votre part aux sans-culottes qui la demandent et sans qui vous cessez d’être ». Billaud-Varennes nouveau

membre du Comité de salut public, profère alors ces propos ignobles : « La

convention nationale vient de donner un grand exemple de sévérité aux traîtres qui méditent la ruine de leur pays ; mais il lui reste encore un décret important à rendre. Une femme, la honte de l’humanité et de son sexe, la veuve Capet, doit enfin expier ses forfaits sur l’échafaud. Déjà on publie partout qu’elle a été transférée au Temple, qu’elle a été jugée secrètement et

98

que le tribunal révolutionnaire l’a blanchie ; comme si une femme qui a fait couler le sang de plusieurs milliers de Français pouvait être absoute par un jury français ! Je demande que le tribunal révolutionnaire se prononce cette semaine sur son sort ».

Le 3 octobre, les députés de la Convention décrètent que Marie-Antoinette sera traduite sans délai devant le Tribunal révolutionnaire. Les dés sont jetés, pour elle, mais aussi pour 46 députés mis en accusation et 73 autres décrétés d’arrestation, la plupart membres de la faction girondine. Autant que la dictature jacobine s’occupe des opposants avant que ce ne soient eux qui s’occupent d’elle. L’accusateur public Fouquier-Tinville est chargé d’instruire le procès. Il s’enquiert des pièces dont dispose l’accusation et c’est la consternation, le dossier est à peu près vide. Tout au plus peut-on reprocher à la reine d’avoir tenté de fuir la Révolution avec sa famille, mais pour le reste il va falloir improviser. Chaumette et Hébert assistés de ce pauvre Simon vont donc faire signer à l’enfant qu’ils ont sous leur garde, des lettres accusant la mère d’avoir eu des relations incestueuses avec son fils. La famille royale étant enfermée au Temple depuis plus d’un an, sous surveillance constante, les faits doivent s’être produits avant cette période, lorsque l’enfant était âgé d’à peine sept ans. Cette accusation lamentable va se retourner contre ses instigateurs, lorsque lors de son procès le document sera produit, provoquant l’indignation de la reine : « Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature elle-même refuse de

répondre à une telle accusation faite à une mère. J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici ! » Indignation suivie de celle des femmes de

l’assistance. D’autres pièces dénonçant des complots plus ou moins hypothétiques sont confectionnées à la hâte et soi-disant signées par le petit Charles Capet. Les signatures malhabiles, tremblées, avec des omissions, laissent même planer le doute sur la véritable identité de l’enfant. Depuis que le cordonnier-instituteur s’occupe de l’éducation du prince, celui-ci n’a plus tenu la plume et n’a pas rempli la moindre page d’écriture. Mais en a-t-il pour autant perdu l’usage en seulement trois mois ?

Le procès de Maria-Antonia-Josepha-Johanna Von Habsburg-Lothringen, reine de France et de Navarre, s’ouvre le 14 octobre. Procès de circonstance, qui ouvrira dans l’Histoire, le chemin à tant d’autres parodies de justice dont l’issue est fixée par avance. Mais procès qui veut se donner un semblant de légalité. Les défenseurs de Marie-Antoinette désignés par le tribunal : Tronçon-Ducoudray et Chauveau-Lagarde n’ont que peu de temps pour préparer la défense, mais le peu qu’ils diront conduira à leur

99 interpellation au sortir de l’audience. Herman, le président du tribunal prononce le verdict qui « condamne ladite Marie-Antoinette, dite

Lorraine-d’Autriche, veuve de Louis Capet, à la peine de mort » pour collusion avec une

puissance étrangère.

Il est quatre heures du matin, le 25 Vendémiaire de l’an second de la

République française Une et Indivisible — 16 octobre 1793 —, quand la

reine est reconduite à la Conciergerie. Elle est épuisée, mais demande de quoi écrire, ce qui lui a été refusé jusqu’alors. Elle se hâte de rédiger une lettre qui peut être considérée comme ses dernières volontés1. Arrivée au terme de sa rédaction, il ne lui est pas laissé le loisir de conclure et de signer. Maintenant, à genoux au pied de son lit, seule sans intercesseur elle confesse ses fautes. Qui n’en a pas ! Puis dans l’aurore qui se laisse doucement entrevoir, elle élève son âme vers Dieu, avant de la lui remettre comme le fit Notre Seigneur sur le Golgotha. Ce sont ses ultimes instants de solitude. Tout à l’heure dans les clameurs d’une foule sans doute hostile, la faculté même de penser lui sera ôtée.

Il fait froid, mais peut-elle être sensible au froid ? Elle s’habille soigneusement de blanc, sans oublier les rubans noirs du deuil de son mari, se coupe les cheveux, puis vaincue par la fatigue, ne percevant plus les roulements des tambours qui battent le rappel au loin, elle s’allonge et s’endort pour peu de temps. Le curé Girad, prêtre ayant juré fidélité à la Constitution, a été autorisé à lui proposer ses services. Elle le remercie, mais consent uniquement à ce qu’il l’accompagne à l’échafaud. À onze heures, le bourreau Sanson lui lie fortement les mains derrière le dos, puis prend place dans la charrette aux côtés de la condamnée et du prêtre. Celui-ci ne peut que soutenir la pauvre femme lorsqu’elle est déséquilibrée par les cahots de la route. Son chemin de croix vient de commencer, sous les clameurs d’une foule compacte. Il durera une heure, au pas lent des chevaux de trait tractant leur chargement.

Vers midi, la reine de France est au pied des marches de l’échafaud, qu’elle gravit rapidement sans requérir le moindre soutien. Son regard balaie la place de la Révolution, puis elle se laisse lier à la planche qui aussitôt bascule. À midi et quart, le couperet tombe, répandant le flot d’un sang innocent. Le silence, puis la tête brandie et les habituels cris de haine d’un peuple qui ne se

1 Les dernières volontés de la reine Marie-Antoinette (testament controversé) sont reproduites en fin de chapitre.

100 doute pas que ce sang est une source qui va devenir fleuve pour laver le déshonneur d’un pays.

Hébert peut enfin se réjouir et titrer : « La plus grande joie du Père

Duchesne après avoir vu de ses propres yeux la tête du Veto femelle séparée de son col de grue et sa grande colère contre les deux avocats du diable qui ont osé plaider la cause de cette guenon. »

Personnage obscur, qui ne se contente pas de réclamer la mort des gens, mais qui doit aussi les salir pour éprouver une satisfaction sordide. « J’ai

vu tomber dans le sac la tête du Veto femelle ! Je voudrais, foutre ! pouvoir vous exprimer la satisfaction des sans-culottes quand l’archi-tigresse a traversé Paris dans la voiture à trente-six portières. Ses beaux chevaux blancs, si bien panachés, si bien enharnachés, ne la conduisaient pas, mais deux rossinantes étaient attelées vis-à-vis de maître Samson, et elles paraissaient si satisfaites de contribuer à la délivrance de la République, qu’elles semblaient avoir envie de galoper pour arriver plus tôt au lieu fatal. La garce au surplus a été audacieuse et insolente

jusqu’au bout. Cependant les jambes lui ont manqué au moment de faire la bascule pour jouer à la main chaude, dans la crainte sans doute de trouver après sa mort un supplice plus terrible que celui qu’elle allait subir. Sa tête maudite fut enfin séparée de son col de grue, et l’air retentissait des cris de Vive la République ! Foutre ! ».

La reine Marie-Antoinette

conduite à l’échafaud. Dessin du

peintre Jacques-Louis David,

croqué sur le vif.

101 À cet instant, le journaliste qui n’aura vécu que pour propager la haine ne peut imaginer qu’il n’a guère plus de cinq mois pour se préparer à affronter le jugement de son Créateur. Mais avant, il va devenir l’instrument du destin qu’il croit pouvoir narguer impunément.

Dans le même temps, les colonnes de l’armée du général Kléber font jonction à Cholet et s’apprêtent à livrer bataille. Les Vendéens sont vaincus et repoussés sur l’autre rive de la Loire. Ils détiennent 5000 « bleus » et dans la fureur de la défaite, projettent de les massacrer. Leur chef, le général Artus de Bonchamp, officier remarquable, mortellement blessé, fait promettre à ses hommes d’épargner la vie de leurs concitoyens républicains. Il sera religieusement écouté et les prisonniers seront libérés1.

Ces deux évènements qui se sont déroulés presque simultanément éclairent deux états d’esprit : d’un côté le meurtre et la haine publiquement affichés, de l’autre la clémence et la générosité sans artifices ni proclamations. Quel plus bel exemple de l’amour de son prochain, même si pour un temps c’est un ennemi !

1

Madame de Bonchamp raconte ainsi dans ses Mémoires les derniers moments

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 95-101)