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Fouquier-Tinville s'étonnera que l'on puisse le condamner en 795 : « J'étais une

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 158-161)

Danton conduit à l’échafaud dessin de Pierre Wille

1 Fouquier-Tinville s'étonnera que l'on puisse le condamner en 795 : « J'étais une

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Fouquier-Tinville s'étonnera que l'on puisse le condamner en 1795 : « J'étais une

hache, est-ce qu'on punit une hache ? ». L'accusateur public aurait sans doute apprécié

159 sort, elle est condamnée en compagnie de vingt-quatre accusés, aristocrates pour la plupart. Dans la charrette les conduisant au supplice, elle prodigue ses encouragements à ses malheureux compagnons d’infortune et elle apprend en chemin l’exécution six mois plus tôt de Marie-Antoinette sa belle-sœur, dont elle avait été tenue dans l’ignorance. Assises sur des bancs au pied de l’échafaud, les victimes de la barbarie attendent leur tour dans le calme et la dignité qui vont forcer le respect de la foule. Lorsque les aides du bourreau viennent les chercher, chacune s’incline devant celle dont le pieux visage empreint de sérénité se tourne déjà vers les Cieux. Quand vient son tour, elle demande au bourreau de lui couvrir les épaules avant l’ultime voyage1.

Robespierre se défendra d’avoir voulu l’exécution d’Élisabeth, reportant la faute sur Collot-d’Herbois. C’est faire peu de cas de la responsabilité du principal dirigeant de l’état. Cependant, le sort des enfants Capet ne manque pas de le préoccuper. Maître de la commune de Paris, il se rend secrètement au Temple dans les jours qui suivent afin de constater les conditions de détention des captifs. Il ne les a pas revus depuis les émeutes de l’été 1792, lorsque la famille royale fut conduite à l’Assemblée. Quelles sont ses intentions ? Nul n’évoquera jamais cette visite2, hormis Marie-Thérèse dont le témoignage ne peut être mis en doute : « Il vint un jour un homme que

je crois être Robespierre ; les municipaux avaient beaucoup de respect pour lui et sa visite fut un secret ; les gens de la tour ne surent pas qui il était. Il vint chez moi, me regarda insolemment, regarda les livres, et après avoir chuchoté avec les municipaux il s’en alla »3. Assurément, il rendit visite au garçon et put constater l’état de déchéance de l’enfant cloîtré et muet depuis quatre mois. Aucun changement ne sera apporté à la suite de cette visite.

1 Élisabeth princesse martyre est décapitée le 10 05 1794 à l'âge de 30 ans.

C'était une jeune femme cultivée, passionnée de lecture (sa bibliothèque comportait plus de 2000 volumes) et une excellente cavalière. Enfant, elle était turbulente et bien peu assidue aux études.

2 L'agent de Lord Grenville qui devait épier les allées et venues autour du Temple, note que cette visite se serait produite le 23 mai 1794 en soirée.

3 Mémoire écrit par Marie-Thérèse-Charlotte de France, sur la captivité – Plon 1892.

160 Robespierre est parvenu à l’apogée de sa trajectoire. Il doit maintenant impressionner l’opinion par un acte symbolique digne du couronnement. Les Français lui sont soumis, il veut aussi conquérir leur âme.

L’avant-veille du transfert d’Élisabeth à la Conciergerie, à l’initiative de l’incorruptible, la Convention avait décrété que : « Le peuple français

reconnaît l’existence de l’Être suprême et de l’immortalité de l’âme ». Six

mois plus tôt, à la tribune du club des Jacobins, le même personnage avait violemment condamné l’athéisme : « on a supposé qu’en accueillant les

offrandes civiques, la Convention avait proscrit le culte catholique : non la Convention n’a point fait cette démarche et ne le fera jamais ; son intention est de maintenir la liberté des cultes qu’elle a proclamée. Il est des hommes qui veulent aller plus loin ; qui, sous le prétexte de détruire la superstition, veulent faire une sorte de religion de l’athéisme lui-même. Tout philosophe, tout individu peut adopter là-dessus l’opinion qui lui plaira ; quiconque voudrait lui en faire un crime serait insensé ; mais l’homme public, mais le législateur serait cent fois plus insensé qui adopterait un pareil système. La Convention nationale l’abhorre : elle est un corps politique et populaire ; l’athéisme est aristocratique. L’idée d’un grand être, qui veille sur l’innocence opprimée et punit le crime triomphant, est toute populaire. Le peuple, les malheureux m’applaudissent ; si je trouvais des censeurs, ce serait parmi les riches et parmi les coupables. J’ai été, dès le collège, un assez mauvais catholique ; mais je n’ai jamais été ni un ami froid ni un défenseur infidèle de l’humanité : je n’en suis que plus attaché aux idées morales et politiques que je viens de vous exposer. Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer ».

Le double langage est édifiant ! L’Incorruptible réaffirme la liberté des cultes et laisse les révolutionnaires fermer les églises, pourchasser les prêtres et punir tous ceux qui manifestent leur intention d’assister à la messe traditionnelle. La déchristianisation du pays se poursuit sans relâche à l’ombre du mensonge. Élu président de la Convention le 16 Prairial de l’an II (4 juin 1794), il va pouvoir parachever son œuvre en présidant la fête de l’Être suprême quatre jours plus tard. Le peintre David est chargé de son organisation. Robespierre s’avance dans son magnifique habit violet, ceint de l’écharpe tricolore, portant un chapeau empanaché. Il tient en main un bouquet de fleurs, de fruits et d’épis de blé. Les députés de la Convention sont à sa suite, ravalés au rang de faire-valoir. À cet instant, il est radieux et majestueux, à tel point que l’assistance en vient à s’interroger : « Voyez-vous comme on

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l’Être suprême ? » Au comble des honneurs, il suscite déjà des jalousies. En

lieu et place du couvre-chef, sans doute aurait-il dû ceindre la couronne de laurier ! La foule innombrable est venue rendre hommage à l’Auteur de la nature : « l’Être suprême » que certains se plaisent à nommer « le Grand Architecte » ainsi qu’à Robespierre qui en cet instant ne fait qu’un avec lui.

Le lendemain, un primidi, Robespierre se repose tout en revenant à la réalité. Une phase d’abattement succède souvent au triomphe. Apparemment, l’Être suprême ne lui a pas suggéré la modération, l’amour du prochain ou encore le pardon des offenses, puisqu’il se prépare à renforcer la Terreur qui pèse déjà sur toute la société. La loi du 22 prairial réduit toute la procédure criminelle à une citation, une comparution et un simple interrogatoire. Mise en accusation, instruction préliminaire et défense de l’accusé sont supprimées.

Art.7 la peine portée contre tous les délits dont la connaissance appartient au tribunal révolutionnaire est la mort.

Art.8 la règle des jugements est la conscience des jurés éclairés par l’amour de la patrie.

Art.9 tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats, les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès qu’il les connaît1.

Ainsi, sur simple dénonciation d’un délit imaginaire, l’échafaud est prêt à accueillir le citoyen. Chacun doit vivre dans la crainte afin que la vertu puisse s’épanouir, telle une fleur abondamment arrosée, non pas d’eau, mais de sang.

L’organe même de la Terreur, le Comité de salut public2 qui gouverne la France, commence à sentir la loi s’appesantir sur ses épaules. Le paroxysme est atteint, le pays tout entier plonge dans l’horreur. Puis l’impensable se

Dans le document VINCENT le dix-septième Louis, Georges PLAS (Page 158-161)