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La lecture des poèmes : une occupation agréable et non plus une activité en vue de s’instruire.

Depuis Dubos, on lit pour s’occuper agréablement et non pas pour s’instruire (ancienne habitude des cartésiens). Dubos conseille aux peintres d’éviter les galimatias267 des peintures historiques, mais de les utiliser pour exprimer des vérités qui ne peuvent pas être exprimées « sans le secours de cette fiction ». Les allégories pouvaient être utilisées pour exprimer les vérités de la morale. L’art était un moyen employé pour éduquer le peuple, pour cultiver les vertus et enlever les vices. Mais celui- ci devient le rôle secondaire de l’art.

Les instructions qu’on reçoit par l’intermède de l’art relèvent d’un deuxième emploi de l’art. Si l’art est destiné principalement à activer le plaisir, à faire naître dans l’âme « les premières idées lorsqu’elle reçoit une affection vive »268 (définition du « sentiment ») ; tout en s’occupant agréablement, l’art nous offre un bonus, qu’on reçoit sans s’être donné la peine de chercher : « Si l’on peut tirer des instructions de la lecture d’un poème, cette instruction n’est guère le motif qui fait ouvrir le livre »269.

Si l’abbé Massieu confondait la poésie avec le véhicule des idées morales et scientifiques, étant d’opinion que la poésie devait transmettre des vérités morales270, Dubos délimite très scrupuleusement les domaines de la morale et de la poésie, la dernière étant lue uniquement pour le plaisir. Ce qu’on cherche dans un poème, c’est le plaisir et non pas les prescriptions de la morale. Les cartésiens sont dépassés par Dubos qui avance une nouvelle façon de considérer la poésie, poésie qui doit durer toujours, par la beauté de la poésie du style. Une poésie où l’on cherche la moralité n’a pas de

267 L’allégorie-produit de l’imagination pure, qui crée des personnages qui n’existent pas dans la réalité. 268 R.C., tome I, section XXXIII, § 291.

269 Ibid., section XXXIV, § 303. 270

valeur absolue car elle est circonscrite dans les coutumes, mœurs, circonstances historiques.

La poésie du style consiste dans la « sonorité des mots, le rythme et l’harmonie des vers »271. La poésie devient un art qui met en valeur la musique et la peinture ; car elle agit par des tableaux dans notre imagination et charme nos sens par les sons. La poésie, c’est l’art par excellence, qui englobe les charmes des autres arts, la musique et la peinture.

Dubos fait référence au sentiment esthétique pur, qui a sa source dans le cœur, dans les sens, et non pas dans la raison. C’est pour cela que Dubos délimite le domaine de la poésie, qui s’écarte de celui de la morale.

Il y a une liaison intime entre le sentiment et son organe intérieur, auquel il doit sa présence. La relation est similaire à une relation de causalité, d’interdépendance, où chacun a son propre sentiment, à cause de sa conformation physique. Cela mène à une différence extrême du sentiment chez les individus différents, mais Dubos soutient que les humains sont doués d’organes similaires, et tout homme qui est sain juge de la même façon que son semblable sur une œuvre d’art : « […] les hommes de tous les temps et de tous les pays sont semblables par le cœur »272. Chez les uns, les organes sont imparfaits : « qu’on change les organes de ceux à qui l’on voudrait changer de sentiment sur les choses qui sont purement du goût »273. Dubos affirme : « Le sentiment dont je parle, est dans tous les hommes, mais comme ils n’ont pas tous les oreilles et les yeux également bons, de même ils n’ont pas tous le sentiment également parfait. Les uns l’ont meilleur que les autres, ou bien parce que leurs organes sont naturellement mieux composés, ou bien parce que ils l’ont perfectionné par l’usage fréquent qu’ils en ont fait et par l’expérience. Ceux-ci doivent s’apercevoir plutôt que les autres, du mérite ou du peu de valeur d’un ouvrage »274. La différence entre un homme avec un organe sain et un homme avec un organe imparfait réside dans la quantité de temps qu’il passe pour émettre un jugement sur la valeur d’un ouvrage. Ils vont arriver à la même opinion finale, par un parcours plus ou moins long. « C’est ainsi qu’un homme, dont la vue porte loin, reconnaît distinctement d’autres hommes à la distance de cent toises, quand

271 Alfred Lombard, L’abbé Dubos (op. cit.), p. 229. 272 R.C., tome II, section XXXIV, § 516.

273 Ibid., tome I, § 513. 274

ceux qui sont à ses côtés, discernent à peine la couleur des habits des hommes qui s’avancent. Quand on en croit son premier mouvement, on juge de la portée des sens des autres, par la portée de ses propres sens. Il arrive donc que ceux qui ont la vue courte, hésitent quelque temps à se rendre au sentiment de celui qui a les yeux meilleurs qu’eux ; mais dès que la personne qui s’avance, s’est approchée à une distance proportionnée à leur vue, ils sont tous d’un pareil avis »275. De même, les gens de métier abusent du prestige de leur statut pour amener le public à leur jugement. C’est comme cela qu’ils trompent le public, mais pas pour longtemps, car il se désabuse des préjugés des gens de métier.

275

2.6° La critique de Dubos en tant que

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