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Le "supin" nominal est-il une catégorie mixte?

2. Plan du travail

1.1 Introduction: "supin" dans la tradition grammaticale

1.2.4 Le "supin" ne se comporte pas comme un nom verbal

1.2.4.3 Le "supin" nominal est-il une catégorie mixte?

Si l'on regarde le comportement du "supin" et le comportement de l'infinitif nominalisé en italien (qui a un comportement mixte, cf. ci-dessus, section 1.2.3.), les différences que l'on constate concernent a) la position de l'article et b) les propriétés d'assignation de cas.

La première différence est d'ordre général et concerne la structure du GN dans les langues romanes: comme on le sait, le roumain manifeste l'enclise de l'article.

La deuxième différence concerne les propriétés d'assignation du cas: en italien le V assigne l'accusatif en présence du Dét, ce qui en roumain semble difficile sinon impossible. (50) il mangiare la carne il venerdi

le manger la viande le vendredi

'le fait de manger de la viande le vendredi' (51) *mîncatul carne vinerea

ce "supin" roumain est aussi un participe nominalisé. A remarquer le type de légitimation casuelle par l'élément

mangé-Dét viande vendredi-Dét

'le fait de manger de la viande le vendredi'

Par ailleurs, en roumain le Dét est responsable de l'assignation du Génitif morphologique à l'intérieur du GDét. Il est naturel d'associer ces deux propriétés du roumain. Suivant Longobardi (1990), j'admettrai que l'enclise de l'article en roumain est due à la montée du N. Cette analyse permet de faire l'hypothèseque le comportement non-mixte du "supin" est lié au fait que, pour vérifier ses traits N/D, le "supin" doit monter à D. Ce mouvement bloque la configuration dans laquelle peut être assigné le cas Accusatif. L'absence d'une catégorie mixte VN en roumain peut ainsi être reliée à des propriétés plus générales de la langue, à savoir de la structure du GDét.

Dans la discussion précédente, nous avons vu que le "supin" roumain ne se comporte pas comme l'infinitif italien (parallèle avec le gérondif anglais, le masdar) dans le sens que son caractère nominal / verbal se manifeste de façon non-ambiguë, avec des structures syntaxiques uniquement nominales ou uniquement verbales. Si le "supin" n'est pas une forme mixte, mais une forme sous-spécifiée, dont la spécification catégorielle est apportée par le contexte, il est possible d'intégrer le participe à la même dérivation, si l'on pose, comme je l'ai déjà suggéré, l'existence d'un item lexical unique, Participe, sans spécification catégorielle. La notion "participe" de la grammaire traditionnelle désigne une partie seulement des contextes dans lesquels cette forme peut apparaître: Adjectival, voix passive, temps composé.

1. 3. Conclusion

Le but de ce chapitre a été de présenter une vue d'ensemble de la "problématique du supin" à travers plusieurs perspectives: diachronique, synchronique, de la théorie grammaticale. A travers les perspectives envisagées, j'ai essayé de répondre à la question du statut de la forme appelée "supin" dans la grammaire du roumain.

J'ai présenté la perspective de la grammaire traditionnelle et de certaines études en grammaire générative concernant le "supin" et je suis arrivée à la conclusion que ces études considèrent de façon implicite que le "supin" est une forme "mixte" verbo-nominale, distincte du participe, sur le modèle du "supin" latin. Ces études ne traitent pas ce caractère "ambigu" dans des termes plus précis: est-ce une ambiguïté syntaxique, morpho-lexicale ou bien tout simplement une spécificité sémantique, qui devrait caractériser également d'autres noms d'action? Doit-on séparer "supin" verbal et "supin" nominal?

Il faudrait d'abord distinguer le problème de l'"héritage" d'un usage du latin, qui s'avère improbable, de la question d'un emprunt terminologique grammatical. Dans un deuxième temps, la comparaison avec le latin, ainsi qu'avec d'autres langues comportant des formes verbo-nominales, s'avère importante: les propriétés des formes verbo-nominales ne sont pas uniformes, et par conséquent il est nécessaire de proposer une classification plus nuancée des "noms d'action" et des "noms verbaux".

En pesant les arguments de l'hypothèse de l'homonymie du participe et du "supin", je suis arrivée à la conclusion que cette hypothèse n'est pas empiriquement soutenue; par ailleurs, l'hypothèse de l'identité formelle du participe et du "supin" s'avère compatible avec les données du roumain. Cette observation m'a conduite à proposer une approche dans laquelle une même forme de base, le participe, sous-spécifiée du point de vue des traits catégoriels N/V, est utilisée dans plusieurs contextes syntaxiques qui lui confèrent une spécification catégorielle.

Dans la discussion précédente, je suis arrivée à la conclusion que le critère pertinent pour l'introduction de ce que l'on appelle des "catégories mixtes" s'avère être les propriétés verbales et nominales manifestées simultanément à l'intérieur d'une même projection. J'ai montré que le "supin" roumain, à la différence de toutes ces formes qui remplissent le critère de catégories mixtes, est différent par le fait que ses propriétés verbales vs. nominales sont en distribution complémentaire.

En même temps, j'ai comparé l'option théorique des "catégories mixtes" à d'autres options, par exemple celle de la "Morphologie Distribuée" de Halle et Marantz (1993), ainsi que celle suggérée dans le cadre minimaliste, et qui ont paru plus convaincantes que la solution de la catégorie mixte, qui ne permet pas une articulation claire entre les spécifications catégorielles lexicales de la forme "mixte" et ses propriétés syntaxiques.

L'approche proposée va dans la direction d'un traitement du participe comme forme de base aussi bien pour la nominalisation que pour des usages verbaux, ou comme on le verra dans les prochains chapitres, des usages propositionnels du participe. Il est envisageable de traiter de la même manière le participe latin - adjectif verbal - et le supin, qui diffèrent par le contexte syntaxique et par la flexion, notamment l'accord.

Le but du prochain chapitre sera de donner une vision plus précise de la dérivation du participe en roumain et de sa structure argumentale.

2 Le participe à l'interface de la syntaxe et de la morphologie