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Formes mixtes dans la théorie syntaxique

2. Plan du travail

1.1 Introduction: "supin" dans la tradition grammaticale

1.2.3. Formes mixtes dans la théorie syntaxique

La discussion présentée ci-dessus peut se résumer comme suit: en grammaire historique, on a pu soutenir que le terme de "supin" est pertinent pour la grammaire du roumain, et que, par conséquent, il y a une différence entre le participe et le supin. Or, syntaxiquement il est possible de montrer que le "supin" représente l'un des emplois du participe. La différence fondamentale entre les deux positions porte sur la composante de la grammaire qui serait à l'origine des emplois catégoriellement hétérogènes du "supin" et du participe: le supin doit-il être considéré comme une forme du système verbal roumain, générée par la composante morpho-lexicale, ou bien il correspond à une structure syntaxique complexe, qui prend pour point de départ le même item lexical, le participe, et alors on a affaire à un élément qui est le résultat de la composante syntaxique?

Les études roumaines parlent de "nature ambiguë" du "supin". Je vais essayer, dans ce qui suit, de rendre plus précise cette idée d'ambiguïté et de voir avec quelle analyse elle serait compatible. Je vais notamment regarder de plus près la notion de catégorie mixte. Telle que cette notion est élaborée dans les études récentes, le statut de "catégorie mixte" concerne la nature lexicale mixte, [+N, +V] d'un item lexical, qui se reflète dans un fonctionnement double dans le même contexte syntaxique. Ainsi, des propriétés syntaxiques de type verbal et des propriétés syntaxiques de type nominal sont présentes en même temps; c'est ce qui justifie l'analyse de type "catégorie mixte".

Dans ce qui suit, je vais regarder les arguments en faveur de l'analyse par “catégorie mixte” pour le gérondif anglais, le masdar arabe et le nom verbal celtique. Je vais ensuite montrer que cette analyse n'est pas adéquate pour le "supin", pour des raisons de deux types: d'ordre théorique et d'ordre empirique.

Les catégories lexicales ont été analysées dans la théorie grammaticale selon la combinaison de traits [+ N] et [+V]: le Nom serait [+N, -V], le Verbe serait [-N, +V]. Les noms verbaux sont [+N, +V] au niveau syntaxique, ce qui signifie qu'il y a co-existence de propriétés du point de vue de la légitimation syntaxique des compléments. L'étiquette de catégorie verbo-nominale s'appliquerait à des formes comme le gérondif anglais (Abney (1987), Valois (1991)), le nom verbal gallois (Rouveret (1995)) ou le masdar arabe (Fassi Fehri (1991))10.

10 Il y a également des noms verbaux en serbe et en polonais, cf. Schoorlemmer (1995). Ici, je ne m'arrête que sur le gérondif anglais, ne masdar arabe et le nom verbal celtique.

Dans une étude sur le gérondif anglais dans le cadre de la HPSG, Malouf (1998) part de la nécessité de donner une analyse unifiée des deux types de gérondif, Acc-ing et Poss-ing (v. ci-dessous, (25)). Il passe en revue les analyses précédentes en grammaire générative et montre les inconvénients de celles-ci. Je vais reprendre brièvement cette discussion - seulement en ce qui concerne le cadre génératif - et renvoyer pour les détails à Malouf (1998).

Jackendoff (1977) met en évidence les difficultés que soulève le comportement du gérondif par rapport à la Théorie X-Barre. Il propose une règle de Affix Lowering ("descente de l'affixe") qui s'applique exceptionnellement à tous les gérondifs. Son analyse laisse le gérondif dépourvu de centre. Baker (1985) propose une tête affixale (-ing), et garde la proposition de l'affixe descendant. Ceci suppose comme le remarque Malouf (1998) un changement de catégorie de l'affixe de Flex à N (de flexionnel à dérivationnel) qui serait difficile à gérer du point de vue théorique.

Abney (1987) propose une analyse qui est connue depuis comme "l'analyse DP", et dans laquelle le GV gérondif devient complément d'une catégorie D°. Il propose également un affixe nominalisateur nul (v. également Valois (1991)) qui peut s'appliquer à une phrase entière ("phrasal nominalization"). Cependant, son analyse se heurte à quelques problèmes : elle prévoit que le gérondif Poss-ing, étant dépourvu de niveau Infl, ne peut pas se combiner avec les auxiliaires (de passé ou la copule passive), ce qui est faux; on reste avec le même problème d'une forme nominale qui accepte une flexion verbale. Par ailleurs, il n'est pas clair pourquoi les gérondifs Poss-ing n'acceptent pas les modifieurs nominaux mais acceptent des modifieurs adverbiaux comme fréquent11. En outre, l'hypothèse d'un clitique nominalisateur nul appliqué à une phrase prévoit qu'il y ait des langues où ce clitique soit ouvertement réalisé, ce qui semble ne pas se vérifier.

La propriété commune à toutes ces formes est le comportement bi-face, "de griffon", selon l'expression de Abney (1987): la distribution extérieure est celle d'un GDét:

(22) a We were concerned about Pat's watching television

b *We were concerned about that Pat waw watching television

mais la structure interne est comparable à celle d'une proposition, en particulier par le fait que le cas Accusatif est attribué au complément:

(23) a I disapproved of [Pat's watching television]

11 Cette objection va cependant trop loin. Comme nous allons le voir dans Chapitre 3 ci-dessous, d'autres noms d'événement (dont la structure nominale est pourtant hors de doute) acceptent des modifieurs comme fréquent. Cela mènerait à analyser tous ces noms comme des noms verbaux; ce résultat n'est pas celui que l'on désire, étant donné que ces noms n'ont pas d'autres propriétés verbales - n'assignent pas l'accusatif, etc (il s'agit de noms comme examination).

b I disapproved of [PRO watching television]

Par ailleurs, le gérondif est modifié par des adverbes; la détermination adjectivale est bloquée et les déterminants autres que le défini difficiles.

(24) a Pat disapproved of my *quiet/ quietly leaving before anyone noticed

a *Pat disapproved that leaving

L’analyse proposée dans la littérature pour les catégories mixtes verbo-nominales part en lignes générales de celle proposée par Abney (1987), la “DP-analysis” (analyse "Groupe Déterminant") - dérivation syntaxique des noms verbaux, qui suppose une réconciliation des propriétés verbales et nominales du gérondif; tous les trois types de gérondif ont une tête D°, et leur structure interne contient ou non une projection de V.

Voici par conséquent les trois types de gérondif anglais. On constate la possibilité d'attribuer l'accusatif, le génitif, et la possibilité de combinaison avec un article.

(25) a. Acc-ing: le plus “phrastique” (+GFlex)

(John) building a spaceship

b. Poss-ing (+GV)

the spaceship’s building

c. ing-of (+V)

the building of a spaceship

Le type considéré comme le plus complexe par Abney (1987) est le type (b), qui est analysé de la façon suivante:

(26) GFlex

GFlex Flex’

Flex GV

V GN

John’s AGR building a spaceship

La catégorie Flex est posée aussi bien pour le Verbe que pour le Nom.

Chez Valois (1991), les règles de la grammaire s’appliquent de façon similaire dans le GN et dans la proposition. Les structures X’ sont similaires dans les propositions et les GN. Modifiant l'analyse proposée par Abney (1987), Valois propose que les affixes nominalisateurs ont des propriétés d’attribution de cas, des propriétés thématiques et des restrictions sélectionnelles. L’affixation des traits de nombre est paramétrisée tout comme le déplacement du Verbe, ce qui rend compte entre autres des asymétries de l’ordre des mots entre le français et l’anglais. Tous les noms contiennent une projection affixale, GNom

(NomP); un affixe nominalisateur pour les noms d’événement, un affixe zéro pour les noms résultatifs.

De la même façon que dans le cas de la combinaison Aux + morphologie participiale pour les temps composés, le cas et l’assignation du th-rôle dans les N d’événement est une propriété combinée de la tête lexicale et de l’affixe auquel elle s’attache.

Les caractéristiques mixtes du masdar arabe se manifestent par le fait qu'il peut assigner en même temps le cas Génitif (propriété nominale) et le cas Accusatif (propriété verbale) à ses arguments. Lorsqu'il a un seul argument, celui-ci est marqué du cas génitif; s'il a deux arguments, l'argument externe recevra le cas génitif, et l'argument interne recevra le cas accusatif:

(27) a quatl-u Zayd-in Muhammad-an

tuer-Nom Zayd-Gén Muhammad-Acc 'le meurtre de Muhammad par Zayd'

b quatl-u Muhammad-in Zayd-un

tuer-Nom Muhammad-Gén Zayd-Nom 'le meurtre de Muhammad par Zayd'

c al-quatl-u Zayd-un Muhammad-an

le-tuer-Nom Zayd-Nom muhammad-Acc

'le meurtre de Muhammad par Zayd'

Cette forme représente donc un cas typique de catégorie mixte, qui doit être traitée comme un élément [+N], [+V] afin de rendre compte de la co-existence des propriétés verbales et nominales à l'intérieur de la même projection maximale.

Selon Malouf (1998), toutes les propositions faites dans le cadre générativiste avant le Programme Minimaliste semblent avoir le même type de problème: le gérondif est analysé plus ou moins comme en (28):

(28) GN

(GN) GV

V GN Kim's watching television

Ce type d'analyse demande l'abandon de certains cadres théoriques, notamment celui de la Théorie X-Barre, selon laquelle une telle structure n'est pas bien-formée. Cete tension entre le comportement mixte observé et les difficultés d'ordre théorique représentent la

motivation pour postuler une catégorie mixte, en d'autres termes une entrée lexicale douée d'une spécification catégorielle [+N,+V].

Il faut néanmoins remarquer que l'analyse de type catégorie mixte a été proposée avant Malouf (1998) par Rouveret (1995) sans abandonner le cadre théorique proposé par la théorie des Principes et Paramètres. Cet auteur part d'une synthèse des analyses proposées dans le cadre de la grammaire générative pour le gérondif anglais, le masdar arabe, et propose une analyse pour le nom verbal celtique.

En gallois (cf. Rouveret (1995)), le NV (nom verbal) présente une distribution nominale (combiné avec un article) et une distribution verbale, dans la rection d'auxiliaires modaux (29a) ou aspectuels (29b), déclaratifs, etc:

(29) a fe ddylai hi wybod hynny

Prt devrait elle savoir cela

'elle devrait savoir cela'

b mae 'r dyn wedi lladd yr offeiriad

est l'homme Perf tuer le prêtre 'l'homme vient de tuer le prêtre'

Comme on peut observer dans les exemples ci-dessus, le NV celtique se comporte comme un verbe en ce qu'il projette un argument interne (à caractère obligatoire). D'autre part, une partie de sa distribution est de type verbal. Il y a également des arguments pour la présence d'un noeud T dans le cas du NV -- il fonctionne comme un substitut de proposition et admettent des clitiques affixés. Pour le reste, il a des caractéristiques nominales, se combinant avec des déterminants, mais aussi parce que le cas assigné aux compléments internes est le Génitif.

(30) a a ydych yn clywed y canu?

Q êtes Prog entendre le chanter? 'entendez-vous le chant?'

b pa floeddio a glywaf?

quel crier rél j'entends 'quel cri j'entends?'

Il semble donc hors de doute que ce NV gallois présente une catégorie T (sans réalisation morphologique), et le trait [+V] est par conséquent manifesté. Ce comportement mixte, manifesté par les formes en question, est une difficulté sérieuse à l'encontre de la Théorie X-Barre, conformément à laquelle une catégorie de type N aura comme projection maximale un GN.

Rouveret (1995) remarque que l'on peut parler de deux types de distorsions dans le fonctionnement catégoriel (cf. également Milner (1989)): distorsion de l'organisation interne d'une projection lexicale et sa distribution externe, et distorsion entre le traitement réservé aux dépendants de la catégorie-centre: certains sont traités comme des arguments d'une tête verbale, et certains autres comme des arguments d'une tête nominale (la première classe étant manifestée par le NV celtique, la deuxième par le masdar arabe).

Etant donné ces comportements, Rouveret (1995) préfère l'analyse en termes de catégorie mixte à l'analyse en termes de neutralisation des traits, parce que la dernière ne peut pas rendre compte de la distribution des traits – "le trait N étant dominant pour la légitimation casuelle du complément, le trait V pour la détermination de son statut argumental".

Le nom verbal est donc une catégorie mixte, en ce sens qu'il est caractérisé par un comportement syntaxique hybride, en même temps nominal et verbal. Du point de vue syntaxique, il a dans tous ses emplois la structure d'un GN ordinaire. Une tête fonctionnelle est responsable de l'assignation du cas Génitif à l'argument direct. Le nom verbal est le complément d'un Dét, et la projection maximale sera alors GDét. Ce qui justifierait le recours à une catégorie lexicale distincte (dans le modèle des Principes et Paramètres dans lequel se situent les études citées ci-dessus), une catégorie "mixte", c'est justement la propriété "mixte" de ces formes, à savoir la présence simultanée des propriétés verbales et des propriétés nominales. La manifestation la plus claire serait l'assignation du cas Accusatif et Génitif en même temps, ce qui est visible pour l'un des usages du gérondif anglais. Dans le cas du NV celtique cette propriété n'est pas présente, en revanche il y a des arguments pour la présence du noeud T, ce qui est une caractéristique verbale.

En français, la classe des catégories mixtes n'est pas illustrée: l'infinitif français, lorsqu'il est précédé d'article, ne peut pas assigner le cas Accusatif. Mais un infinitif nominalisé existe en italien.

En italien, l'infinitif peut être nominalisé par la combinaison avec un Dét, tout en gardant la possibilité de régir un objet à l'Accusatif (ex. 31a, dû à Reinheimer-Rîpeanu (c.p.)); d'autre part, l'infinitif nominalisé en espagnol légitime des objets pronominaux (cf. 31(b), dû à Cabredo-Hoffher (cp)):

(31) a il rivedere un compagno d'armi

le revoir un compagnon d'armes

'le fait de revoir un compagnon d'armes'

le avoir-me-le dit 'le fait de me l'avoir dit'

Ceci représente un comportement typique de catégorie mixte: l'infinitif nominalisé de l'italien et de l'espagnol manifeste le comportement syntaxique mélangé de deux catégories distinctes: le trait V est responsable de l'assignation du cas Accusatif, et le trait N permet la combinaison avec un Dét.

Il est intéressant de noter que l'infinitif long en roumain ancien (des formes comme

cîntare 'chanter' , mîncare 'manger'..., devenues par la suite eds noms) avait le même

comportement que l'infinitif italien nominalisé:

(32) tăierea capul lui

trancher-Dét tête-Dét il-Gén

'sa décapitation'

Pour revenir à la discussion que fait Malouf (1998), il faut souligner que, dans un autre cadre théorique, il propose la même solution -- la catégorie mixte -- à partir des mêmes considérations empiriques -- la co-existence des propriétés syntaxiques différentes.

Un autre type d'analyse est proposé dans le cadre du modèle minimaliste et celui de la Morphologie Distribuée. Dans ces cadres-là, la notion de catégorie mixte s'avère non-nécessaire.

Le Programme Minimaliste est un développement de la grammaire générative qui considère qu'une opération appelée numération sélectionne des items lexicaux - racines, affixes - et les appelle dans la dérivation pour se combiner avec les catégories fonctionnelles appropriées (en simplifiant), qui leur permettent de vérifier des traits morphologiques: de Cas, de Nombre, de Genre, ou bien de Temps. Ces traits optionnels sont assignés également par l'opération de numération.

Une analyse du gérondif et des noms déverbaux dans ce cadre est proposée par Alexiadou (1999). L'idée principale est que la formation des catégories lexicales n'implique pas d'opération lexicale, mais une opération syntaxique. Le comportement des verbes / noms / participes découle de la présence ou absence de niveaux fonctionnels (T, D, Asp, v). Les noms et les participes doivent être divisés en plusieurs classes selon qu'ils incluent ou non certains niveaux de la structure fonctionnelle, en particulier petit v et Aspect. En général, les nominalisations agentives contiennent petit v (cf. aussi Marantz (1999)).

Alexiadou (1999) propose une vision des processus morpho-lexicaux qui va dans le sens poursuivi dans la présente étude. A savoir, les différents types de catégories sont dérivées

par la combinaison des racines avec différents types de têtes fonctionnelles. Par exemple, le participe est considéré comme une racine qui se combine avec Asp et v. Je ne discuterai pas ici ces options théoriques dans leur détail, mais je vais retenir cette suggestion pour la dérivation du participe et du "supin" comme partant de la même racine de base. Je reviendrai sur les mécanismes à l'oeuvre dans cette dérivation dans le Chapitre 2.

Il faut noter que dans un cadre de ce type, il n'est pas nécessaire de parler de Catégories mixtes dans le lexique, parce que le comportement mixte est le résultat des catégories fonctionnelles qui se combinent syntaxiquement avec la racine. D'autre part, il est clair que les racines ne sont pas "mixtes", dans la mesure où elles n'ont pas encore de catégorie lexicale; elles n'ont pas non plus de propriétés syntaxiques, qui vont être apportées en cours de dérivation. Dans ce cas, il semble plus adéquat de parler de sous-détermination.

La Morphologie Distribuée, mise en place par Halle et Marantz (1993), de son côté, part d'une conception qui ne prend pas en compte le niveau du "mot". La morphologie distribuée considère que la syntaxe manipule des collections de traits morphosyntaxiques, et, après que l'ensemble des opérations syntaxiques ont eu lieu, ces traits sont réalisés lorsque les formes mopho-phonologiques, extraites d'un Vocabulaire, sont insérées dans les noeuds terminaux. Il s'agit de la conception connue sous le nom de "late lexical insertion". L'insertion lexicale fournit la forme la plus spécifique, qui correspond au trait en question; dans certains cas, une forme par défaut peut être insérée.

Dans ce modèle, la différence entre les verbes et les nominalisations serait que, lorsque les racines sont placées sous la dépendance d'une catégorie fonctionnelle de type V, elles deviennent des verbes, et sous la dépendance d'une categorie N, elles deviennent des noms.

Dans ce cadre, Harley et Noyer (1998) proposent un traitement des gérondifs et des différences entre les formes nominales et verbales sans faire appel à une composante présyntaxique (lexicale) de la grammaire. Selon ces auteurs, le gérondif est dérivé d'une racine neutre du point de vue syntaxique, qui se combine avec un affixe polyfonctionnel, -ing, qui à défaut de former un gérondif, est en anglais un "Elsewhere nominalizing affix" -- un affixe nominalisateur par défaut.

A cela on peut rapprocher le point de vue de Kaiser (1998) qui propose une règle qui attache l'affixe -ing à une tête verbale et change la catégorie du GV en GN.

Dans les deux modèles évoqués ci-dessus, avec certaines différences, le gérondif est traité comme construit sur une racine sous-déterminée du point de vue de la catégorie grammaticale, par un processus d'affixation multiple, avec un affixe polyfonctionnel. La

syntaxe ayant directement accès aux racines, on prévoit le cas où une racine sous-déterminée devient complément ou bien d'une catégorie T/Asp (ou petit v), ou bien d'une catégorie D/N (ou petit n).

En conclusion, il semble que la nécessité théorique de l'analyse mixte n'est pas évidente si les mêmes résultats peuvent être obtenus dans un cadre où la syntaxe apporte la spécification catégorielle par la combinaison avec les catégories fonctionnelles. Considérer qu'il y a des catégories mixtes est une réminiscence de la conception traditionnelle des parties du discours.

Ces considérations m'amènent à adopter une vision de la grammaire dans laquelle les racines ne sont pas spécifiées; la syntaxe leur assigne en même temps des places, des positions et, par là, une spécification catégorielle. Dans ces termes, les catégories mixtes sont en fait des éléments sans spécification catégorielle. Le traitement que je vais proposer pour le participe roumain (le "supin" y compris) va dans cette direction; à partir d'une racine sous-spécifiée, on peut construire plusieurs projections, selon le contexte syntaxique dans lequel on l'insère. Un traitement similaire pourrait être appliqué aux "vraies" catégories mixtes comme le gérondif anglais ou le masdar arabe; cependant le "supin" a un comportement différent, dans la mesure où il ne mélange jamais les propriétés verbales et les propriétés nominales. A plus forte raison donc, il ne peut pas être considéré une "catégorie mixte".