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Chapitre 2 : Éléments de contextualisation

4. Le statut du français dans l’enseignement en Algérie

4. Le statut du français dans l’enseignement en Algérie

4.1 Dans les trois paliers

Avant la colonisation, la seule langue écrite, en Algérie, était l’arabe classique qui s’est diffusée avec l’islam. Mais, durant la période coloniale, la langue française a été introduite par l’administration française en installant très vite des écoles pour diffuser cette langue. En imposant la langue de Molière dans l'enseignement, le colon voulait pousser les algériens à se sous-estimer afin qu'ils lui en soient reconnaissants. Cependant, peu était le rendement de son projet ; les algériens n'ont pas seulement résisté à l'adhérence mais ils ont réussi à tirer bénéfice des armes qui leur ont été pointues, car « en apprenant à dominer la langue dominante, l'élève perdait le sentiment d'être dominé 52 ». Cette tentative d’installation de la langue française ne s’est pas faite du jour au lendemain et sans problème, mais elle s’est déroulée sur plusieurs périodes :

1830-1870 : durant cette période, l’administration française lançait des écoles bilingues (arabes-françaises), dans lesquelles un enseignement de langue arabe est dispensé. L’objectif de cette démarche est de mettre les enfants européens et algériens dans une même classe : « nous nous rendîmes compte d’une double nécessité : faire apprendre aux Français, venus en Afrique, la langue des indigènes, faire apprendre aux indigènes la langue française. Et ceci parut tout de suite importer plus que cela53 ».

Cette démarche a été marquée par l’échec parce que les deux communautés refusaient de fréquenter ces écoles.

1870-1930 : l’administration française entreprend une initiative qui consiste à enseigner un nombre restreint d’algériens avec les enfants français dans le cadre de « la mission civilisatrice 54 » en Algérie. L’objectif de cette démarche est d’instruire les algériens selon le système scolaire français afin que la langue française soit la seule langue d’enseignement apprentissage en Algérie. De cette initiative apparait une génération qui maîtrisait la langue française. Cette dernière qui a été diffusée non seulement par l’enseignement mais elle s’est imposée par la communication orale.

52Perville, G. Op.cit. p 241

53Mirante, J. (1930). L’œuvre française pour l’enseignement des indigènes en Algérie de 1830 à 1930.Cahiers du centenaire de l’Algérie. Livret XI, Alger, Publications du Comité national métropolitain du centenaire de

l’Algérie. p.73-94.

54Langerová, M. (2010). L’usage du français au Maghreb. Politiques linguistiques colonialistes et post-

colonialistes. Disponible sur : http://is.muni.cz/th/262295/ff_b/bakalarska_diplomova_prace.doc , consulté le 30-05-2014.

44 1930-1962 : cette période a été marquée par la pénétration de la langue française dans tous les secteurs. Ainsi, l’apprentissage de cette langue par les autochtones n’est plus rejetée, mais au contraire il était accepté et même revendiqué parce qu’il permettait leur accès à certains postes administratifs. Cette période comprend deux dates marquantes :

1944 : Décret du 27 novembre : l’enseignement primaire est rendu obligatoire pour tous les enfants sans distinction.

1946-1949 : durant cette période, l’enseignement de la langue française a été dispensé aux algériens en tant que langue maternelle. Les élèves algériens et européens suivaient le même programme : « l’enseignement indigène va se confondre avec l’enseignement européen jusqu’à former un cadre unique 55 ».

Mais, l’application de cette initiative était limitée pour les raisons suivantes :

- Le nombre d’algériens qui fréquentaient l’école étaient limité. En effet, les parents algériens n’avaient pas les moyens financiers pour scolariser leurs enfants. De plus, ils refusaient la scolarisation de leurs filles, surtout dans les régions rurales.

- Vu les conditions défavorables dans lesquelles vivaient les algériens à cette époque, peu d’élèves autochtones parviennent à franchir le seuil du cycle primaire.

Durant cette période, la langue arabe était enseignée à raison de 2heures par semaine à partir du CE2.

Au lendemain de l’indépendance (1962), la langue arabe devient la langue nationale et officielle de l’Algérie. Ainsi, la langue d’enseignement était donc l’arabe classique bien que les moyens pédagogiques et humains ne fussent pas disponibles. Pour combler ce vide d’encadrement, l’état algérien a eu recours aux enseignants des différents pays arabes : Egypte, Syrie et Irak. Malgré toutes les tentatives gouvernementales de la généralisation de l'usage de la langue arabe comme seule langue d'enseignement dans les cycles primaire, moyen et secondaire, l'école jusqu'en 1965 avait été bilingue, avec le français comme idiome dominant dans la plupart des disciplines notamment dans celle dites scientifiques et techniques.

La politique d’arabisation du système scolaire a été lancée et accélérée de la manière suivante56 :

55 Colonna, F. (1967). Instituteurs algériens1883-1939. Alger : OPU. p42.

56Neddar, A. L’enseignement du français en Algérie : aperçu historique, état des lieux et perspectives.

Disponible sur :

http://www.academia.edu/2631900/Lenseignement_du_Francais_en_Algerie_Apercu_historique_Etat_des_li eux_et_perspectives. Consulté le 06/09/2015.

45 - 1963 : l’enseignement de la langue arabe est de 10heures par semaine, contre 30

heures pour la langue française.

- 1964 : à partir de cette année, le cours préparatoire 1 est arabisé, l’Algérie recrute 1000 instituteurs égyptiens pour combler le manque d’enseignants d’arabe.

- 1967 : arabisation du cours préparatoire 2, on assiste alors à la disparition totale du français de ces classes.

- 1970 : l’introduction du français commence à partir de la 4ème année primaire.

- 1971 : la création des classes totalement arabisées où l’enseignement s’effectue en arabe en plus des classes bilingues où le français est la langue d’enseignement. - 1976 : l’instauration de l’école fondamentale et le changement du statut de la langue

française de langue seconde à langue étrangère (Ordonnance 76 du 16.04.76). En cette même année la constitution proclama la langue arabe langue nationale et officielle : « Article 3 : l’arabe est la langue nationale et officielle. L’état œuvre à généraliser l’utilisation de la langue nationale au plan officiel »

Durant cette période, nous assistons à la suppression progressive, année après année, des classes bilingues (transitoires), dans lesquelles les matières scientifiques étaient enseignées en français.

- 1981 : la sortie de la première promotion des bacheliers arabisés et l’installation du Haut Conseil de la langue nationale, chargé du suivi et du contrôle de l’arabisation57 - 1992-1993 : durant cette période, l’état a tenté d’imposer l’anglais comme première

langue étrangère au détriment du français. En effet, les élèves de 4ème année primaire choisissaient entre ces deux langues étrangères. D’après les chiffres avançait par Y. Derradji, la majorité des parents ont opté pour le français :

(…) en 95/96 sur les 4.617.728 élèves inscrits dans le cycle fondamental de l’école algérienne où il y a obligation de suivre un enseignement de langue étrangère au choix entre le français et la langue anglaise, seuls 59.007 suivaient les enseignements d’anglais à la place du français, soit 01,27% de la population scolarisée dans ce cycle. (…) Ces données statistiques officielles montrent en fait que les parents des élèves disqualifient la langue anglaise au profit de la langue française58.

57Ce Haut conseil de la langue nationale présente des rapports aux séances du Comité central du

FLN. L’un de

ceux-ci est publié dans El-Moudjahid, 27 décembre 1981. Un autre (El-Moudjahid, 31 juillet 1988), fixe à l’an 2000 l’échéance de l’arabisation totale.

58 Derradji, Y. Vous avez dit langue étrangère, le français en Algérie ? . In Revue du Réseau des

Observatoires du Français Contemporain en Afrique Noire : Le Français en Afrique, Didier Érudition, 2001,

15, pp. 43-55 CNRS- ILF- UMR 6039 : Bases, Corpus et Langages : UFR Lettres, Arts et Sciences humaines.Disponible sur: www.unice.fr/ILF-CNRS/ ofcaf/15/derradji.html, consulté le 12-03-2014.

46 - Cette expérience a connu un échec parce que l’anglais n’a aucun ancrage en Algérie. De plus, les élèves qui ont choisi l’anglais en 4ème année primaire, se trouvaient dans les mêmes classes que les élèves qui ont choisi le français et ils suivaient le même programme.

- En 2000, une Commission Nationale de Réforme du Système Educatif (CNRSE) a été installée à Alger, composée d’une centaine de membres. Ses débats opposent deux tendances, une dite « traditionnelle » et l’autre « moderne ». Ses principaux points de discorde concernent la place de la langue française et celle de l’islam. Dès la rentrée scolaire 2003, l’enseignement du français débute de la 2èmeannée primaire

au lieu de la 4année primaire, il a été avancé de deux classes. Mais, à partir de la rentrée scolaire 2004, l’enseignement du français a été retardé d’une année, il est enseigné à partir de la 3ème année primaire.

4.2 Dans l’université

Dès la colonisation, passant par les réformes et jusqu’à aujourd’hui le français a toujours occupé une place prépondérante dans l’université algérienne, en effet :

Sans être une langue officielle, la langue française véhicule l’officialité, sans être la langue d’enseignement, elle reste la langue de la transmission du savoir […] sans être la langue de l’université elle est la langue de l’université59.

Après l’indépendance, l’état a défini les mêmes orientations pour l’enseignement supérieur que celles de l’enseignement primaire et secondaire : démocratisation, algérianisation, arabisation et option scientifique et technique. La politique d’arabisation qui a été entreprise dans le système éducatif s’est mise progressivement en place au niveau de l’enseignement supérieur mais à un rythme moins soutenu à cause de la sous qualification du corps enseignant algérien. Parmi les mesures qui ont été prises pour l’arabisation de l’enseignement supérieur nous citons :

Arrêté 20-8-71 portant sur l’arabisation de l’enseignement supérieur.

Arrêté du 20-10-71 portant sur la création des premières commissions pour l’arabisation au sein des universités.

Abdelatif Rahal, ministre de l’enseignement supérieur et de le recherche scientifique 1977- 1979 pendant la période du président Houari Boumediene, avait une position réservée

47 concernant l’arabisation de l’enseignement supérieur. Il a insisté sur le fait que : « l’arabisation compromettre le niveau scientifique de l’enseignement et de la recherche universitaires, ni s’opposer à l’ouverture sur la communauté scientifique internationale60 ».

Dès 1981, nous assistons à l’arabisation totale des filières des sciences sociales et des lettres. Les étudiants qui étaient engagés dans les licences des langues étrangères, suivaient un enseignement de langue arabe, afin d’en assurer une maitrise suffisante pour pouvoir l’utiliser dans leur vie professionnelle.

Cependant, l’enseignement dans les filières scientifiques (médecine sciences techniques…) ainsi que les grandes écoles (école d’architecture, école nationale d’agronomie, polytechnique) continue à s’effectuer en langue française.

À partir de la rentrée universitaire de 1991-1992, l’état algérien rend obligatoire l’utilisation de la langue arabe à travers : la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991 portant sur la généralisation de l'utilisation de la langue arabe dans les établissements et les instituts d'enseignement supérieur. Cependant, cette loi n’a pas été suivie de textes qui définissent les modalités de son application. D’ailleurs, selon les programmes officiels de l’enseignement fondamental, le français est considéré comme langue étrangère, langue scientifique et technique et langue fonctionnelle en Algérie, c’est pour cela qu’on trouve cette langue soit en licence de langue (FLE) soit dans les disciplines scientifiques telles que la médecine, la science technique, mathématique et informatique, etc., où les enseignements sont dispensés en français. En effet, toute décision portante sur les langues d’enseignement relève de choix politiques et stratégiques.