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Les procédés de la formation du lexique du français d’agronomie

Chapitre 4 : Le français scientifique et technique

6. Les caractéristiques du discours du français d’agronomie

6.1 Les procédés de la formation du lexique du français d’agronomie

Le lexique d’une langue n’est ni clos, ni fixe. C’est un ensemble ouvert. Une langue ne se fixe pas, elle est dynamique, en constante évolution. Il y a toujours des mots qui naissent, d’autres disparaissent ; c’est ce qui garantit l’existence d’une langue.

Le lexique d’une langue est soumis à une expansion infinie et à de multiples chambardements. Des mots s’usent et meurent. Certains acquièrent de sens nouveau, se doublent ou produisent des nouveaux mots par dérivation, alors que d’autres naissent à partir de fécondation interne ou ils émigrent dans les langues étrangères.

108 Tous ces nouveaux mots prennent place dans le système linguistique de la langue française. Ils répondent aux besoins langagiers des individus, comblent des lacunes. La créativité lexicale sert à capter instantanément l’état de la société. Elle vise à satisfaire les immenses besoins dont l’origine est généralement d’ordre extralinguistique. Une création lexicale constante est nécessaire pour répondre aux besoins de nommer les méthodes d’analyses ou les découvertes nouvelles. Aujourd’hui, comme hier, la configuration de tous les champs du savoir, telle que la science d’agronomie, sont assujettis à la néologie, à la créativité lexicale incessante et vigilante, spontanée ou aménagée.

L’agronomie apparaît comme science à partir de la fin du 18ème siècle. La croissance de

l’intérêt pour cette science a mené à la création des organismes de recherches, et à l’installation de tout un enseignement de la discipline. Cela implique la transplantation d’un champ lexical nouveau et spécialisé. Il s’agit, pour les linguistes, d’analyser les procédés par lesquels la langue française prendrait en charge ce champ lexical afin de l’adapter et de l’intégrer.

L'étude des caractéristiques du français d'agronomie nous facilitera la compréhension du discours scientifique et technique utilisé pendant les cours de spécialité, ce qui nous permettra, par la suite, d'élaborer des activités et choisir des supports didactique adaptés. Nous avons jugé nécessaire d’analyser les sources les plus importantes qui ont contribué à former le vocabulaire d’agronomie. La majorité des exemples seront extraits des polycopiés proposés aux étudiants ainsi que des enregistrements des cours de spécialité. La transplantation de ce champ lexical fait souvent appel à des procédés divers que nous classons comme suit :

6.1.1 La dérivation

Le fond lexical du français scientifique et technique est constitué par dérivation. Ce processus permet la création de nouveaux mots.

Une science, telle que l’agronomie, se base sur ce processus pour fonder son champ lexical, qui va avec la diversification et la multiplication des appareils et des procédés du travail : « Il s’agit donc, à partir du système lexical déjà existant de fabriquer de nouvelles séries destinées à accompagner et désigner le mouvement d’innovation technique 142».

109 Ce processus joue un rôle très important dans l’enrichissement du lexique scientifique et technique : « La dérivation est un mode de transformation de « Mots » (substantifs, verbes, adjectifs, adverbes,…) et elle a pour objet d’accroître le stock lexical143».

Nous distinguons différents types de dérivations qui sont :

Dérivation propre

-Suffixation : Elle consiste à associer au mot base un suffixe et/ou préfixe dont la fonction

est double : changer le mot de classe et orienter le nouveau mot dans un champ lexical déterminé. Par exemple144:

Plante : végétal issu d’une graine ou d’organe de multiplication.

Planteuse : machine, mobile, généralement traînée ou semi portée, destinée à assurer la

plantation automatique ou semi-automatique des tubercules ou des bulles.

Plantule : jeune plante issue de la germination de la graine et se nourrissant encore aux

dépens de celle-ci.

Plantoir : outil de jardinier, à main, destiné à faire des trous dans la terre pour la plantation

ou le repiquage des légumes, des fleurs…etc.

- Préfixation :Nous avons le radical : ptère : du grec « ptéros », auquel on a ajouté des

préfixes.

Préfixe + ptère = espèce d’insecte. - Dictyoptère : blatte. - Coléoptères : coccinelle. - Diptère : mouche. - Hyménoptère : abeille. - Homoptère : cigale. - Lépidoptère : papillon.

La dérivation peut se réaliser, aussi, grâce à l’ajout du suffixe et du préfixe en même temps. Exemple145 :

143 Dubois, J. (1967). Grammaire structurale du français : La phrase et ses transformations. Paris. Larousse.

P68.

144 Dictionnaire de l’agriculture. (1984). Librairie Larousse. 145 Larousse agricole. (1990). France : imprimerie Hérissey.

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Déchaumage : dé + chaume + age :

« Opération agricole réalisée aussitôt après la moisson pour enterrer partiellement les chaumes et les mauvaises herbes par un labour superficiel. »

Antiparasitaire : anti + parasite + aire :

« Ce qui d’un produit employé pour lutter contre les parasites, c'est-à-dire, contre les êtres vivants qui se servent d’autres êtres pour obtenir les matériaux indispensables à leur survie. »

Autostérilité : auto + stéril + ité :

« Impossibilité de féconder les gamètes femelles par les gamètes mâles du même animal. ».

Dérivation impropre

Elle est effectuée sans modification de forme, mais, par changement de catégorie grammaticale :

Le mot Première forme grammaticale et

signification.

Changement de forme grammaticale et signification.

Paille n. fumier dont la paille n’est pas encore décomposée.

Adj. Qui a la couleur de la paille

Barbeau Adj. Inv. Bleu clair. n. f. poisson d’eau douce, de la famille des cyprinidés, qui porte quatre barbillons à la mâchoire supérieure.

Chevelu Adj. Qui porte de longs cheveux ; qui a beaucoup de cheveux.

n. f. ensemble des ramules déliées ou radicelles d’une racine.

Crustacé Adj. Qui est revêtu d’un tissu calcaire formant croûte.

n. m. classe d’arthropodes presque tout aquatiques respirant par des branchies.

Herbager

Inf. mettre à l’herbage (des bestiaux) n. éleveur qui engraisse les bestiaux sur des herbages

Dérivation dégressive

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Exemple :

Analyser analyse Labourer laboure.

6.1.2 La formation par composition

Un autre procédé de création lexicale est la formation par composition. Ce procédé réunit dans une même unité lexicale appelée « mot composé » deux mots, qui d’ailleurs existent de façon autonome dans le lexique du français.

Exemple :

Oléo + insecticide oléo-insecticide : spécialiste phytosanitaire destinée à combattre les insectes

Court + noué court-noué : n. m. symptôme mal actif de la vigne caractérisé par des rameaux rabougris à entre-nœuds courts, faciès d’une maladie à virus.

6.1.3 L’emprunt

Le français a emprunté des mots à toutes les époques de son histoire pour constituer son fond lexical.

L’emprunt le phénomène sociolinguistique le plus important dans tous les contacts de langues, il y a emprunt linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer une unité ou un trait linguistique qui existe dans un parler B que A ne possède pas. L’unité ou le trait son eux même appelés emprunt146.

L’emprunt aux langues anciennes

Le fond lexical français est constitué de mots hérités des langues anciennes. Le français à certaines époques a emprunté, autant de nos jours, au latin et au grec, au Moyen Age puis à la Renaissance. Une partie de la langue française est puisée d’emprunts directs du latin et du grec. Les savants y ont eu recours pour y puiser de nouveaux mots. Ils se sont contentés de franciser en modifiant simplement la terminaison. L’agronomie s’est forgé un lexique à partir des racines grecques et latines.

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Exemple 147:

Aisselle : Du latin : « axilla », angle formé par un rameau, une feuille, avec la tige de la

plante.

Columelle : Du latin : « columella » (petite colonne) petit axe rencontré chez certaines fleurs

et les fructifications de divers cryptogrammes.

Bivitellin : Du latin : « dis : deux fois ; vitellus : jaunes d’œufs ». Se dit de deux jumeaux

provenant de deux ovules.

Anaerobie : Du grec : « a : priv ; aêr : air ; bios : vie ». Qui vit sans air atmosphérique. Buglosse : Du grec : « bous : bœuf ; glôssa : langue ». Nom des borraginacées genre

anachusa.

Catabolisme : Du grec : « katabolê : fondation, fondement ». Ensemble des réactions

biochimiques permettant la transformation en énergie des matériaux accumulés dans les tissus.

Agreste : Du latin : « agrestis, qui a trait au champ, à la compagne », où pousse des plantes

sauvages.

L’emprunt aux langues étrangères

L’emprunt est souvent considéré comme un indice d’influence des autres civilisations étrangères qui succèdent au cours de l’Histoire. Face au mouvement accéléré de l’évolution des sciences de l’agronomie, les spécialistes français se sont trouvés contraints d’avoir recours aux autres langues étrangères, notamment l’anglais.

Nous avons remarqué qu’une grande influence a touché surtout le domaine de la machinerie, où les français ont utilisé des signifiants étrangers pour désigner des signifiés ou des référents nouveaux.

Exemple 148:

Herd-book : « de l’anglais : herd, troupe de gros bétail, et book : registre ». Zoot : organisme

chargé d’enregistrer les filiations ou les liens de parenté des animaux d’une même race.

Chisel : « de l’anglais chisel, ciseau de maçon, de menuisier ou de sculpteur ». Machine

agricole ; sorte de cultiveur géant pourvu de dents peu nombreuses et très robustes.

147 Dictionnaire Quillet. A -C. (1975). Paris : LIBRAIRIE ARISTIDE QUILLET. 148 Dictionnaire d’agriculture. (1977). Paris : imprimerie BOUDIN.

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Corn-picker: « de l’anglais : corn : grain et to pick up : ramasser ». Machine agricole de

récolte qui détache les épis des tiges de maïs en les dépouillant de leurs pailles et qui les projette dans un véhicule remorque.

Crib [krib] : « de l’anglais crib : coffre de maïs : terme utilisé aux Etats Unis ». Machine

agricole : séchoir de maïs.

L’emprunt aux autres branches du savoir

Le vocabulaire de l’agronomie n’est pas forgé seulement des langues étrangères, mais également des autres branches du savoir.

L’Histoire montre qu’il s’est développé une véritable science agronomique permettant à l’agriculture de passer progressivement de l’état d’un art à celui d’une technique, regroupant plusieurs disciplines telles que : la phytotechnie, la physiologie végétale, la zoologie agricole, la phytopathologie. Ce passage n’aurait pu s’accomplir sans avoir le contact avec les autres branches sciences physiques et techniques, ce qui a créé un pont terminologique entre les autres domaines.

Des signifiants, appartenant à d’autres branches du savoir, ont été empruntés par l’agronomie en leur donnant des signifiés.

Exemple 149:

Cuirasse : Enveloppe protectrice de certains animaux (tatous).

Mais en marine signifie : blindage qui protège la coque d’un navire de guerre.

Adventif : Se dit des racines et des bourgeons qui naissent hors de leurs places ordinaires.

Mais en droit signifie : Acquis par toute autre voie que la succession directe.

Continu : Se dit des organes soudés entre eux. S’oppose souvent dans ce sens à contigu.

Mais dans le domaine de l’électricité signifie : courant qui se propage toujours dans le même sens.

Caduc : Qui se détache spontanément (feuilles caduques).

En droit, il signifie : legs, donation qui reste sans effet.

Emprunt au vocabulaire général

Le vocabulaire de la langue de spécialité et le vocabulaire de la langue générale sont en osmose. Le lexique scientifique ne se présente pas comme concurrent au lexique général,

114 mais il a y une influence mutuelle. De nombreux termes techniques ont été empruntés à la langue générale ; tout en produisant de nouveaux sens. Beaucoup de mots font partie de la langue commune et aussi de la langue de spécialité, mais la seule différence réside dans la sémantique des mots.

L’agronomie s’est appropriée des signifiants au vocabulaire général en leur assimilant de nouveaux signifiés. Ces mots sont devenus partie intégrante du vocabulaire d’agronomie.

Mot Signification en langue

générale

Signification en langue spécialisée de la biologie

Caverne Cavité naturelle creusée dans la roche, grotte profonde.

Cavité pathologique dans un organe. Charbon Maniement Substance combustible essentiellement constituée de carbone

n.m façon de se servir d’une chose avec les mains

Maladie infectieuse contagieuse, commune à l’homme et à certains animaux.

n.m région particulière d’un animal qui est exploité manuellement, il existe divers manies qui permettent d’apprécier l’état musculaire d’engraissement des animaux.

Culture

Ensemble des traits dans le domaine de la connaissance, de l’art, des coutures qui définissent une forme quelconque de société humaine.

Culture d’organe : maintien en dehors de l’organisme, d’organe ayant conservé leurs structures et leurs fonctions.

115 Le français d’agronomie n’est pas une langue différente de la langue dite courante, mais elle se caractérise par un lexique qui ne peut être compris que par le spécialiste du domaine et par la fréquence de certaines formes syntaxiques et de certains types de discours récurrents. Aussi, l’enseignement du français d’agronomie se distingue du français général par la particularité de son public qui a des besoins spécifiques. Alors, il est nécessaire de mettre en place un programme de formation spécifique selon la demande formulée par l’institution et les besoins des apprenants, tout en prenant en considération les spécificités du discours de chaque domaine de spécialité.

Compte tenu de l'objectif de notre travail de recherche, il est indispensable de s'interroger sur les caractéristiques de la communication orale. Le chapitre suivant définit l'oral les composantes et la démarche d'enseignement de la compréhension et de l'expression orale.

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Chapitre 5 :