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Le scepticisme ontologique de l’égo scriptor 98

La construction de soi

3.2. Le scepticisme ontologique de l’égo scriptor 98

La question du scepticisme ontologique de l’égo scriptor hante les textes boudjedriens. Peut-on transcrire son moi après la psychanalyse, pour qui le plus important de nous-mêmes provient d’autrui ?

96 Gusdorf Lignes de vie II. Seuil, Paris P119.

97 Aline Mura-Brunel, Intime/Extime, CRIN, Amsterdam Éditions Rodopi, Amsterdam, 2002, p.5.

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Dans l’œuvre de Rachid Boudjedra, c’est un sentiment d’étrangeté, d’angoisse, et de désarroi se profile lors la représentation de soi par l’écriture qui se traduit par un écartèlement infini entre le l’ego-regardé et l’ego-regardant, entre l’ego et “l’ego scriptor” pour reprendre les termes de Paul Valéry.

L’extrême fragilité du moi boudjedrien démontre que ce dernier est composé/recomposé d’une infinité de parties éparses en devenirs sans réel point de départ ni d’arrivée, qui ne respectent aucun ordre logique et/ou chronologique. Ces bribes de vie se présentent selon une logique singulière celle du fragmentaire et du discontinu génèrent un moi délocalisé, au carrefour de nombreux contrées et de réalités multiples.

À l’évidence, objectif de Rachid Boudjedra est de se connaître, de devenir le psychanalyste de lui-même afin de retrouver, reconstruire et d’assumer son moi pluriel (son identité plurielle ?) morcelé et déchiré dont le salut passe nécessairement par la réalisation de son objectif à la fois scripturaire et identitaire surtout : revendiquer une existence scripturaire et identitaire dont l’hybridité reste sa principale composante, d’autant plus, que toute entreprise totalisante de son moi relève du domaine de l’impossible.

Devant cette impasse, l’auteur n’a pas d’autres solution que d’essayer de restaurer un dialogue avec des êtres chers qui ne sont plus de ce monde à l’image de son frère cadet ou de sa tante, tous les deux disparus dans d’effroyables circonstances.

L’auteur tente de construire son moi par l’écriture de soi à partir d’une série de fragments, de débris qui ne permettent pas d’avoir une vision totalisante de sa vie, construite à travers ses souvenirs lacunaires, qui en fin

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de compte lui confèrent le statut de témoin de son passé ; malheureusement de témoin impuissant puisqu’il ne lui reste que des bribes, des débris pour le reconstituer, à cause de sa mémoire lacunaire.

Les souvenirs de l’enfance reviennent les unes après les autres sans relation de causalité entre elles comme si leur transcription suit l’ordre aléatoire dans lequel ils surgissent dans son esprit. Toute perception globalisante du passé est illusoire. Dans cette perspective, les souvenirs d’enfance apparaissent significatifs et forment le noyau de l’écriture du moi

La quête identitaire est systématiquement dépendante de la quête d’une écriture singulière, qui reflète le fragmentaire et l’hybride

Cette quête identitaire conduit évidemment Rachid Boudjedra à approfondir son introspection dans un récit interprétatif et méditatif. L’écriture est alors marquée par une prise de distance entre le moi-sujet et le moi-objet, comme si le premier connaissait peu, ou pas, le second.

En fin de compte, Rachid Boudjedra n’arrive pas à « s’écrire », à se « réécrire », qui à l’image de Roland Barthes éprouve le même sentiment d’impuissance et d’étrangeté à l’égard de son Moi :

Je ne puis m’écrire. Quel est ce moi qui s’écrirait ?99

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Conclusion

La représentation de soi chez Rachid Boudjedra représente un champ d’expérience de soi dont la spécificité apparaît de plus en plus indiscutable et qui relève de l’ordre de l’attestation d’une identité qui se situe du côté du jugement rétrospectif de la vie dans l’écriture, en d’autres termes de la coïncidence, voire de la correspondance du texte et de la vie, de soi et de sa représentation. C’est aussi le témoignage de l’altération de l’identité qui se situe au carrefour de la non correspondance du texte et de la vie, de soi et de sa représentation. Rachid Boudjedra à travers la représentation de son moi explore son mal de vivre et l’échec de sa capacité à exister en tant que moi totalement construit ; débarrasser des traumas et autres souffrances.

Le je(u) de l’auteur perd ses certitudes à cause d’une mémoire fragmentaire : bribes de rêve tracent de souvenirs, anecdotes répétitives mais variables (plusieurs versions pour un même événement) un Je qui ne sait plus qui il est cherchant à se rattacher à un moi dont les contours lui échappent. En fin de compte, l’écriture de soi devient une expérience subjective dans laquelle l’individu est devenu incertain évanescent :

Dans le doute qui, aujourd’hui, affecte les valeurs, peut-être reste-t-il à chacun le souci de son authenticité, l’aspiration à être le héros de sa propre vie […] J’y mets en scène les souvenirs, les

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images, les impressions, les émotions, les mots dans lesquels il est éparpillé, sans se soumettre à d’autres exigences que celle de sa propre cohérence. Néanmoins […] aussi singulier et solipsiste soit-il, l’écriture de soi manifeste toujours que la subjectivité pour s’exprimer a besoin de l’autre, celui qui n’est pas moi100

Le « Je » boudjedrien cherche à reconstituer la figure d’un moi perdu, à régler ses comptes avec l’Histoire en « lambeaux » mais surtout à faire acte d’existence. C’est une quête éperdue d’une identité/existence fuyante qui ne se laisse pas circonscrire par des mots qui est toujours en reconstruction tel le travail de Sisyphe :

Soit que j’essaye de rendre compte de ce qui se passe en moi dans le moment présent, soit que je ressuscite des souvenirs, soit que je m’évade dans un monde où le temps comme l’espace se dissout, soit que je veuille acquérir une sorte de fixité ou d’immortalité en sculptant ma statue.101

Ce qui représente à notre humble avis la caractéristique la plus originale et la plus singulière de l’écriture de soi chez Rachid Boudjedra est la constante mise en rapport du privé et du public du personnel et du collectif. On a tout dit et écrit, ou presque, sur l’œuvre de Rachid Boudjedra mais aucune interprétation n’est définitive aucun commentaire n’est exclusif. Lire Rachid Boudjedra conduit tout lecteur d’une façon ou d’une autre à sa propre fulgurance, à sa surprise d’être. Quel que soit l’analyse, l’œuvre de Rachid Boudjedra suscite l’interrogation car tout le sens véhiculé dans les

100 Jean François Chiantaretto, Autobiographie, journal intime et psychanalyse, Ed Economica, 2005, Paris, p20.

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différents récits est qu’il est impossible de considérer l’existence comme une donnée évidente, claire.

Le moi autobiographique boudjedrien n’a pas d’ancrage fixe, sa subjectivité ainsi que le côté aléatoire des souvenirs conforte cette caractéristique fondamentale, singulière.

Le « Je » boudjedrien cherche à reconstituer la figure d’un moi perdu, à régler ses comptes avec l’Histoire en « lambeaux » mais surtout à faire acte d’existence. C’est une quête éperdue d’une identité/existence fuyante qui ne se laisse pas circonscrire par des mots qui est toujours en reconstruction tel le travail de Sisyphe :

Soit que j’essaye de rendre compte de ce qui se passe en moi dans le moment présent, soit que je ressuscite des souvenirs, soit que je m’évade dans un monde où le temps comme l’espace se dissout, soit que je veuille acquérir une sorte de fixité ou d’immortalité en sculptant ma statue.102

Ce qui représente à notre humble avis la caractéristique la plus originale et la plus singulière de l’écriture de soi chez Rachid Boudjedra est la constante mise en rapport du privé et du public du personnel et du collectif. On a tout dit et écrit, ou presque, sur l’œuvre de Rachid Boudjedra mais aucune interprétation n’est définitive aucun commentaire n’est exclusif. Lire Rachid Boudjedra conduit tout lecteur d’une façon ou d’une autre à sa propre fulgurance, à sa surprise d’être. Quel que soit l’analyse, l’œuvre de Rachid Boudjedra suscite l’interrogation car tout le sens véhiculé dans les différents récits est qu’il est impossible de considérer l’existence comme une donnée évidente, claire.

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Le moi autobiographique boudjedrien n’a pas d’ancrage fixe, sa subjectivité ainsi que le côté aléatoire des souvenirs conforte cette caractéristique fondamentale, singulière.

La représentation de soi chez Rachid Boudjedra représente un champ d’expérience de soi dont la spécificité apparaît de plus en plus indiscutable et qui relève de l’ordre de l’attestation d’une identité qui se situe du côté du jugement rétrospectif de la vie dans l’écriture, en d’autres termes de la coïncidence, voire de la correspondance du texte et de la vie, de soi et de sa représentation. C’est aussi le témoignage de l’altération de l’identité qui se situe au carrefour de la non correspondance du texte et de la vie, de soi et de sa représentation. Rachid Boudjedra à travers la représentation de son moi explore son mal de vivre et l’échec de sa capacité à exister en tant que moi totalement construit ; débarrasser des traumas et autres souffrances.

Le je(u) de l’auteur perd ses certitudes à cause d’une mémoire fragmentaire : bribes de rêve tracent de souvenirs, anecdotes répétitives mais variables (plusieurs versions pour un même événement) un Je qui ne sait plus qui il est cherchant à se rattacher à un moi dont les contours lui échappent. En fin de compte, l’écriture de soi devient une expérience subjective dans laquelle l’individu est devenu incertain évanescent :

Dans le doute qui, aujourd’hui, affecte les valeurs, peut-être reste-t-il à chacun le souci de son authenticité, l’aspiration à être le héros de sa propre vie […] J’y mets en scène les souvenirs, les images, les impressions, les émotions, les mots dans lesquels il est éparpillé, sans se soumettre à d’autres exigences que celle de sa propre cohérence. Néanmoins […] aussi singulier et solipsiste

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soit-il, l’écriture de soi manifeste toujours que la subjectivité pour s’exprimer a besoin de l’autre, celui qui n’est pas moi103

Le « Je » boudjedrien cherche à reconstituer la figure d’un moi perdu, à régler ses comptes avec l’Histoire en « lambeaux » mais surtout à faire acte d’existence. C’est une quête éperdue d’une identité/existence fuyante qui ne se laisse pas circonscrire par des mots qui est toujours en reconstruction tel le travail de Sisyphe :

Soit que j’essaye de rendre compte de ce qui se passe en moi dans le moment présent, soit que je ressuscite des souvenirs, soit que je m’évade dans un monde où le temps comme l’espace se dissout, soit que je veuille acquérir une sorte de fixité ou d’immortalité en sculptant ma statue.104

Ce qui représente à notre humble avis la caractéristique la plus originale et la plus singulière de l’écriture de soi chez Rachid Boudjedra est la constante mise en rapport du privé et du public du personnel et du collectif. On a tout dit et écrit, ou presque, sur l’œuvre de Rachid Boudjedra mais aucune interprétation n’est définitive aucun commentaire n’est exclusif. Lire Rachid Boudjedra conduit tout lecteur d’une façon ou d’une autre à sa propre fulgurance, à sa surprise d’être. Quel que soit l’analyse, l’œuvre de Rachid Boudjedra suscite l’interrogation car tout le sens véhiculé dans les différents récits est qu’il est impossible de considérer l’existence comme une donnée évidente, claire.

103 Jean François Chiantaretto, Autobiographie, journal intime et psychanalyse, Ed Economica, 2005, Paris, p20.

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Le moi autobiographique boudjedrien n’a pas d’ancrage fixe, sa subjectivité ainsi que le côté aléatoire des souvenirs conforte cette caractéristique fondamentale, singulière.

De là, nous avons un ordre chronologique complètement subverti. Il ne s’agit plus de raconter une vie mais des traces de vie, des bribes de souvenirs épars. Il en découle un échec autobiographique. La manifestation de cet échec autobiographique se traduit à travers la répétition de certains souvenirs qui se font échos les uns des autres, s’entrevoient, s’entremêlent, produisant un discours itératif qui traverse tout le roman et qui bouleverse jusqu’à sa structure interne ; débouchant sur un récit qui tourne en rond, circulaire, répétitif, sans issue en quête d’une voie/voix , à l’image du narrateur.

Ainsi, l’auto(bio)graphie devient la base de la réévaluation de l’histoire et de la réalité non plus d’un seul individu (l’auteur) mais de toute une société et cela par la convocation continue de l’Histoire.

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