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Le projet Atikamekw kinokewin et la recherche collaborative

3.3 Méthodologie

3.3.2 Le projet Atikamekw kinokewin et la recherche collaborative

Ce projet de mémoire s’inscrit dans le projet de recherche Atikamekw kinokewin, soit

Territorialités autochtones postcoloniales, transmission et autonomie. La Nation atikamekw et l’univers forestier, subventionné par le Conseil de recherches en sciences

humaines du Canada, dirigé par Sylvie Poirier et conduit en étroite collaboration avec le Conseil de la Nation atikamekw. Ce projet fait suite à un autre projet, soit Mise en valeur

et transmission des savoirs atikamekw en lien avec le territoire (2006-2010)44 aussi

subventionné par le CRSH et dirigé par la professeure Poirier. Le projet Atikamekw kinokewin réunit chercheurs et experts atikamekw, universitaires et membres du Conseil de la Nation atikamekw et de la Société d’histoire Nehirowisiw Kitci Atisokan. Cette collaboration propose une participation des Atikamekw au processus de la recherche dans le but de favoriser la transmission et la valorisation des savoirs locaux liés au territoire et plus largement, de l’histoire, des valeurs et de l’identité atikamekw (Éthier 2011 : 121). Dans une perspective de décolonisation des méthodologies de la recherche en contexte autochtone, Atikamekw kinokewin aspire à donner aux Atikamekw des moyens de mener leurs propres recherches et d’élaborer des mécanismes de valorisation et de transmission des savoirs locaux adaptés au contexte actuel, dont des outils pédagogiques audiovisuels et interactifs, des campements intergénérationnels au sein d’un territoire de chasse (camp Kinokewin) et sensibles aux attentes et aux aspirations des jeunes générations (Ibid. : 122). Tout le long de mon projet de maitrise, j’ai occupé la fonction d’auxiliaire de recherche au sein de ce projet. Mon principal mandat étant de documenter les savoirs des femmes atikamekw; j’ai décidé d’en faire aussi mon projet de mémoire.

Mon travail au sein du projet Atikamekw kinokewin m’a permis de constater l’importance de la collaboration dans la recherche en milieu autochtone, ce pour quoi cet aspect est demeuré l’un des principes auxquels je désirais rester fidèle tout le long de mon projet de maitrise. De manière générale, Lassiter soutient : « to collaborate means, literally, to work together, especially in an intellectual effort » (Lassiter 2005 : 15). Toutefois, cette

44 CRSH, Programme Réalités autochtones.

collaboration peut s’effectuer de différentes manières et à différents niveaux : « While collaboration is central to the practice of ethnography, realizing a more deliberate and explicit collaborative ethnography implies resituating collaborative practice at every stage of the ethnographic process, from fieldwork to writting and back again » (Ibid.). Dans ce travail, bien que je sois consciente des limites de ma recherche, une de mes préoccupations est d’inclure et d’engager les gens dans la production du savoir anthropologique. Les jeunes adultes avec lesquels j’ai travaillé m’ont amenée sur différentes pistes et divers angles pour comprendre leurs réalités. Je désire développer ce projet de manière à ce qu’il soit pertinent et significatif autant pour la communauté et les jeunes de Manawan que pour la recherche scientifique.

Cette collaboration fut aussi encouragée par l’embauche d’une jeune femme atikamekw. En effet, depuis plusieurs années, le projet Atikamekw kinokewin engage des étudiant(e)s atikamekw de niveau postsecondaire, durant les périodes estivales, dans le but de favoriser une certaine forme de transmission des connaissances traditionnelles et de leur donner une expérience dans le milieu de la recherche. En rencontrant des gens de leur communauté et en explorant la documentation, ces étudiants réalisent un travail de recherche sur un sujet qui les intéresse et qui s’inscrit dans les orientations et les objectifs du projet. Pour sa part, Dannys Flamand, auxiliaire de recherche lors de mon terrain à Manawan à l’été 2013, s’est intéressée aux savoirs des femmes atikamekw de Manawan, spécifiquement la couture, la broderie et le perlage, qui l’intéressaient. Elle a donc conduit sa propre recherche sur les savoirs traditionnels en même temps qu’elle a facilité mon insertion dans la communauté, auprès de son réseau familial et auprès des jeunes. Elle a aussi, à l’occasion, agi comme interprète. La plupart du temps, en ma présence, les gens discutaient en français, mais il arrivait que ceux-ci transféraient en atikamekw entre eux; langue qu’ils parlent la grande majorité du temps. Lorsqu’une conversation, une communication à la radio, un texte d’une affiche ou d’une publication sur Facebook, par exemple, étaient en langue atikamekw, il m’arrivait de lui demander de me traduire l’information. J’ai donc pu comprendre certains éléments que je n’aurais peut-être pas saisis en l’absence de Dannys. La compréhension de ces éléments, l’annonce d’un événement à la radio ou sur une affiche par exemple, m’a

donné aussi l’occasion d’être à l’affut de certaines activités qui avaient lieu dans la communauté.

Éthique de la recherche

Dans le cadre de mon projet de maîtrise, une demande de consentement a été faite à la communauté de Manawan et j’ai reçu l’autorisation au cours de mon terrain. Une copie du résumé de mon projet a été envoyée à l’ancien chef de Manawan, M. Paul-Émile Ottawa, afin qu’il prenne connaissance des principaux objectifs de mon travail. Une première rencontre avec ce dernier eut lieu dans le mois de juin afin de discuter de mon projet. M. Paul-Émile Ottawa sembla ouvert et enthousiaste quant au sujet de ma recherche, soit les jeunes de Manawan, considérant cette génération comme importante pour le futur de la communauté. J’ai rencontré Paul-Émile à quelques autres reprises jusqu’à la fin de mon séjour pour faire un bilan des avancées de ma recherche et pour avoir ses propositions et suggestions.

Les préoccupations éthiques et déontologiques sont importantes dans un contexte où nous travaillons avec des sujets humains. Or, cela est encore plus vrai lorsque ces gens sont autochtones, ceux-ci ayant longtemps été exclus de la recherche ethnographique. Dans le cadre de ce travail, je m’inspire du Protocole de recherche des Premières Nations du Québec et du Labrador (2005) élaboré par l’APNQL (Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador) en ce qui a trait à l’éthique. Approche participative, respect, consultation, consentement éclairé, protection et respect des savoirs autochtones, réciprocités et partage des coûts et des bénéfices, responsabilité, droit à l’information et accès aux résultats de la recherche sont les principaux points que l’APNLQ considère importants en matière de recherche, et ce sont aussi ceux auxquels j’ai souhaité répondre tout le long de mon projet. De plus, depuis les dernières années, le CRSH (Conseil de recherches en sciences humaines du Canada) se préoccupe de plus en plus de la recherche effectuée en milieu autochtone. Il y a une forte incitation à entamer une recherche

collaborative avec les communautés autochtones45, en favorisant une recherche « par et

avec » les gens de celles-ci. Comme mentionné précédemment, ce projet de recherche s’inscrit dans une approche collaborative, où la participation et la consultation continue des Atikamekw à la conception du projet sont primordiales.