• Aucun résultat trouvé

Un contrôle des actes sociaux peu adapté à la vie des sociétés

Section 2. Le cas des décisions entrainant l’éviction des acteurs sociaux

B. L’instabilité des critères d’appréciation de la décision de révocation

1. Le contrôle préalable du motif d'exclusion

277. Le motif de l’exclusion. L’exclusion d’associé ne peut être décidée par les associés que lorsqu’une clause d’exclusion existe dans les statuts813. A priori, les statuts doivent pouvoir comporter n’importe quel cas d’exclusion. Il peut s’agir des causes objectives telle que la perte de la qualité d’associé814 ou des causes subjectives liées à la mésentente entre associés. Le principe de la liberté des conventions permet aux associés de prévoir l’exclusion dans toutes morales qui sont celles des sociétés et des associés ». V. TC. Montpellier, 15 nov. 1991, JCP 1992, p.3651, note

Viandier (A.) et Causain (J.J.).

810 Dans les sociétés à capital variable par exemple, l’art. L231-6 du c.com., donne la possibilité aux anciens associés, lorsque de nouveaux associés entrent dans la société à la suite d’une variation de capital, de sortir volontairement par le retrait ou involontairement par l’exclusion. C’est le cas également lorsque l’incapacité ou le vice de consentement d’un associé risquent d’entrainer l’annulation de la société.

811 Ceci n’est pas allé de soit pour la jurisprudence. Au départ, l’admission de la validité de telles clauses était implicite (Cass. com., 13 déc. 1994 op. cit). Ce n’est que quelques mois plus tard qu’elles ont été expressément admises (cass. com., 8 mars 2005, op. cit. ; JCP E 2005, 1046, n°9, Obs. Caussain (J.J.), Deboissy (Fl.) et Wicker (G.) ; Cass. com., 20 mars 2012, n°11-10.855, BRDA 7/ 2012, n°1 ; Dr. Sociétés, 2012, n°77, obs. Hovasse (H.) ;

JCPE 2012, 1310, note Mortier (R.).

812 V. Cozian (M.), Viandier (A.), Deboissy (Fl.), Droit des sociétés, op cit., p. 233 et s., n°534 et s.; Tommaso (C.), « Exclusion d’un associé : actualité jurisprudentielle et rappel du régime applicable », Dr. des sociétés et

association/fiscalité, disponible sur https://www.parabellum.pro, consulté le 04/0/18.

813 La clause d’exclusion peut être prévue par une convention extrastatutaire. Toutefois, pour qu’elle soit valable, les statuts doivent y faire une référence expresse et indiquer sa force obligatoire pour les associés.

814 Cass. com., 29 sept. 2015, n°14-17.343, RDJA, 2/2016, n°127, Rev. Sociétés, 2016, note Ansault (J.J.) ; Cass. com., 9 mars 2017, n° 15-14.416, BJS, 2017, p. 374, note Ansault (J.J.).

les hypothèses qu’ils désirent. Mais cette liberté ne risque-t-elle pas d’aboutir à des abus ? L’exclusion trouvera-t-elle sa justification dans la seule convention, dans le seul fait que les associés l’auront prévue dans tel cas ? Rien n’empêcherait alors que les statuts stipulent l’exclusion même dans les hypothèses futiles où elle n’aurait aucune utilité. Si la convention est reine, si l’exclusion doit être juste seulement parce qu’elle est contractuelle, tous les excès seront permis. La clause d’exclusion consacrera l’arbitraire en posant le principe de la souveraineté de l’autorité d’exclusion815. Alors, les tribunaux peuvent-ils se faire juges de la légitimité du cas d’exclusion ? Peuvent-ils procéder à la révision de la décision qui leur est soumise ? Il est clair que la détermination dans les statuts des événements qui ouvrent droit au rachat forcé des droits sociaux permet d’éviter les exclusions ad nutum ou « l’exclusion de pure

convenance »816. C’est également le moyen d’éviter les décisions arbitraires, motivées par le seul désir d’écarter un associé gênant817, tandis qu’il doit être « utile mais surtout

nécessaire »818. Cette précision dans les statuts des motifs de l’éviction est protectrice du

consentement des associés et permet ainsi de valider la clause d’exclusion. Il appartient donc au juge de vérifier que l’exclusion n’est pas abusive. Le juge a ainsi cassé pour violation de la loi, un arrêt des juges du fond qui avaient refusé de se livrer à un contrôle de la gravité des motifs invoqués pour justifier l’exclusion et avaient donné effet à une clause statutaire écartant de façon explicite tout contrôle judiciaire sur le fond819.

278. Le contrôle judiciaire des cas d’exclusion. Pour être licite, l’exclusion statutaire doit être fondée sur des motifs objectifs dont la réalité ne doit prêter à aucune discussion. Il peut s’agir de la faute, le manquement de l’associé à ses obligations. La vie sociale impose une discipline qui implique une participation de tous allant dans un sens qui ne soit pas celui des intérêts égoïstes de chacun mais il est certain que le motif d’exclusion gagnera en légitimité s’il est fait référence à une obligation contenue expressément dans les statuts, cela évitant d’avoir à en faire la preuve. En effet, si l’on veut réduire les risques de contentieux et faire jouer pleinement le mécanisme de la liberté contractuelle, il convient non seulement que les motifs de l’exclusion soient prévus statutairement, mais encore que les obligations auxquelles

815 La clause d’exclusion doit préciser l’organe compétent pour prononcer l’exclusion. V. Cass. Com., 20 mars 2012, n°11-10.855, PB BDRA, 7/2012, n°1, Dr sociétés, 2012, n°77, obs. Hovasse (H.).

816 Cf. Michalauskas, « Les remèdes statutaires aux crises de la démocratie dans les associations », Rev. sociétés, 2001, p. 760 et s.

817 CA Lyon 23 mai 1990, Bull. Joly, p. 662.

818 Cf. Njandeu (M.), « La figure polyvalente du « Squeeze out » : réflexion à partir du droit applicable dans l’espace OHADA », op. cit., p. 498

819 Cass. com., 21 oct. 1997, Bull. Joly sociétés, 1998, p.40, note Le Cannu (P.) ; Rév. Sociétés, 1998, p. 99, obs. Saintourens (B.).

ils font référence soient elles aussi nettement définies. Plus le motif de l’exclusion sera vague, plus la mesure sera contestable. L’exclusion peut aussi être prononcée « contre tout associé qui

contrevient aux statuts ou aux conventions conclues entre lui et la société ou encore aux règlements intérieurs, contre celui qui se rend coupable d’un acte susceptible de nuire aux intérêts généraux des membres de la société »820.

279. Le contrôle judiciaire de la légitimité de l’exclusion. Le contrôle judiciaire de la légitimité de l’exclusion n’est pas allé de soi. Au départ, les tribunaux refusaient toute intervention en limitant leur contrôle à la concordance entre les faits ou la situation invoquée et le cas d’exclusion prévu aux statuts et invoqué par la société. Les juges justifiaient cette prudence par le fait que la société jugeait souverainement l’intérêt que présente l’exclusion pour elle. Ils précisaient également que la société n’avait pas à motiver sa décision. L’insuffisance d’un tel contrôle ne tarda pas à apparaitre. Les tribunaux accrurent donc leur rôle mais de façon progressive. Ils admirent, tout d’abord, la nécessité de vérifier l’exactitude et la réalité des faits ou circonstances invoqués à l’appui de la décision d’exclusion, mais les tribunaux n’osaient pas pousser leur contrôle.

280. La timidité de la jurisprudence ne pouvait donc se justifier et c’est pourquoi, au fil des années, les juges se sont engagés vers la recherche de la nature abusive de la décision de révocation821. Pour les juges, le dispositif d’exclusion ne doit pas être attentatoire aux droits et libertés individuels. Et s’il ne l’est pas dans son principe, il peut l’être dans sa mise en œuvre. Lorsque la validité de la stipulation ne peut être contestée, c’est sur le terrain de l’abus que la décision d’exclusion pourra être sanctionnée. L’abus est alors le standard qui permet de contrôler les motifs de l’exclusion, contrôle que les juges de Cassation exigent des juges du fond822. Il doit être fondé sur l’intérêt social et l’ordre public.

281. Un contrôle guidé par l’intérêt social et l’ordre public. Le fondement du contrôle judiciaire n’est pas sans lien avec le contrat, bien évidemment, mais en réalité, c’est l’intérêt de la société et le préjudice éventuel dont elle aurait souffert ou risquerait de souffrir qui sont pris en considération par le juge. C’est donc la méconnaissance de l’intérêt social qui, dans l’esprit du juge, doit motiver l’exclusion. Si le rôle du juge n’est pas trop difficile quand la société justifie l’exclusion par un comportement préjudiciable de l’exclu, l’intervention

820 CA Orléans, 26 sept. 1989, Dr. Sociétés 1990, n° 163, p.4

821 CA Nîmes, 2e ch., sect. B, 4 mars 2010, SAS Cabinet Hudault c/ Hudault, JurisData n° 2010-015183.

822 Cass. com., 21 oct. 1997, n°95613.891, SARL Wallerich Sports c/ SA La Hutte : jurisData n°1997-004136 ;

judiciaire se révèle plus délicate en présence de l’exclusion « technique »823. Le contrôle judiciaire par « substitution » est alors difficile à admettre. La décision d’exclusion étant une décision purement financière et technique, un contrôle judiciaire serait un contrôle d’opportunité de la mesure de la gestion. Toutefois, l’admission de cette difficulté n’empêche pas le juge d’exercer un contrôle sur les conditions procédurales de l’exclusion.

2. Le contrôle judiciaire du respect des conditions procédurales de l'exclusion

Outline

Documents relatifs