• Aucun résultat trouvé

Conclusion du chapitre 1

Section 2. Les insuffisances propres à l’administration provisoire

A. La délimitation du cercle des demandeurs à l’action

2. L’élargissement jurisprudentiel

189. L’arrêt Fruehauf. A la lecture de l’article 160-1 de l’AUDSCGIE, il ressort que l’administration provisoire ne peut être mise en œuvre que lorsque le fonctionnement de la

579 CA Paris, 13 mars 1992, Dr. sociétés, 1992, n° 132 ; Cass. com., 24 mai 1994, Bull. Joly, 1994, p. 789 ; CA Toulouse, 13 sept. 1999, Dr. sociétés, 2000, n° 44, note Vidal (D.).

580 Cass. com., 29 sept. 2009, n°08-19.937, Bull. Joly, 2010, p.27, note Gil (G.) ; CA Paris, 4 déc. 2002, Bull. Joly, 2003, p. 416, note Le Cannu (P.) ; Il ressort de ces décisions que : au regard du caractère exceptionnel de la procédure d’administration provisoire, le juge ne peut la mettre en œuvre sur le fondement des difficultés économiques et financières de la société en dépit de leur gravité que, lorsque celles-ci mettent en péril l’intérêt de la société.

581 Fénéon (A.), Droit des sociétés en Afrique OHADA, op. cit., p. 53, n° 125

582 Cf. CA Littoral du Cameroun, 10 févr. 1999, Reemstsma c/ Sitabac.

583 Cela a été le cas dans l’affaire Fruehauf du 22 mai 1965, qui a été à l’origine de nombreuses innovations en matière d’administration provisoire en droit des sociétés.

584Germain (M.) et Magnier (V.), Ripert (G.) et Roblot (R.) (dir.), Droit commercial, Traité de droit commercial,

société est rendu impossible. Cette condition ne rencontre pas l’assentiment de la jurisprudence, encore moins celui de la doctrine qui a pu s’inspirer des décisions des juges pour systématiser ces hypothèses. La prise en compte de cette seule hypothèse par les juges n’a pas fait l’objet d’unanimité, très vite certains juges ont opté pour son élargissement. En effet, les juges français se sont servis de leur audace pour nommer un administrateur provisoire dans des hypothèses où le fonctionnement de la société était normal. Le point de départ de l’attitude585

de ces juges est l’arrêt Fruehaud586. Les faits de cette affaire montrent clairement que la présence des organes sociaux et le fonctionnement normal de la société ne faisaient l’objet d’aucun doute. En revanche, la gestion des organes sociaux était fortement critiquée puisqu’elle était contraire à l’intérêt social. Les juges sans dénier le caractère exceptionnel de l’administration provisoire, ont nommé un administrateur provisoire alors même que la société fonctionnait normalement. Cette décision était justifiée par la menace à laquelle était exposé l’intérêt social. Dès lors, il était admis que le juge pouvait mettre en œuvre l’administration provisoire si les preuves d’une menace à l’intérêt social étaient apportées. Cette position vivement appréciée587 a été retenue par les juges dans le contexte de l’OHADA dans l’affaire Reemstsma c/ Sitabac.

190. L’arrêt Reemstsma c/ Sitabac. Dans certains cas, les juges de la communauté OHADA se sont alignés sur l’arrêt Fruehaud. Le point de départ dans ce contexte est marqué par l’arrêt Reemstsma c/ Sitabac588. En l’espèce, la Cour d’appel de Douala avait infirmé l’ordonnance rendue par le juge de référé en faisant droit à la demande de la société SITABAC par la désignation d’un administrateur provisoire malgré le fonctionnement normal de la société. La Cour justifiait la nomination de l’administrateur provisoire dans ce cas particulier par l’extrême gravité de la situation dans laquelle se trouvait la société. Celle-ci avait subi d’énormes pertes représentant le tiers du capital. En plus, le Président du conseil d’administration avait fait un emprunt de 12 millions de dollars à une société dans laquelle de

585 Azencot (M.), L’intervention du juge dans la gestion des sociétés commerciales, Azencot (M.), L’intervention

du juge dans la gestion des sociétés commerciales, thèse dact. Paris II, 1979, p. 280 et s. ; Contin (M.), « L’arrêt

Fruehauf et l’évolution du droit des sociétés », Dalloz, 1968, chr. 45.

586 CA Paris, 14e chbre., 22 mai 1965, RTD Com, 1965, p. 619, obs. Rodière (M.) et P. 631, obs. Houin ; Dalloz, 1968, p. 147, note Contin.

587 Tobossi (T.D.A), L’intervention du juge dans le droit des sociétés commerciales OHADA, Ohadata D-17-14, disponible sur www.ohada.com, consulté le 25/11/2017, p. 20 et s. ; Diouf (M.), L’intervention du juge dans la

vie des sociétés commerciales, Thèse UCAD, Dakar, 2007, p. 221.

588 CA Littoral, n°38/REF du 10 févr. 1999, aff. Reemstsma et autres c/ Sitabac et autres, Juridis Périodique, n°42, avr.-mai-juin, 2000, p. 45, note Kalieu (Y.R.).

nombreux actionnaires avaient des intérêts. Ces différentes situations étaient autant d’éléments qui confortaient la demande de l’associé.

191. L’administration provisoire justifiée par la gravité de la situation sociale. Dans l’affaire Reemstsma c/ Sitabac, la Cour a mis en œuvre la procédure d’administration provisoire en dépit du fonctionnement normal de la société. En l’espèce, la nomination de cet organe a été faite pour une raison autre que celle relative à la carence des organes sociaux car la preuve de leur existence et de leur fonctionnement normal avait été apportée par les demandeurs. En d’autres termes, la Cour n’a pas écarté l’hypothèse du fonctionnement normal de la société, ni celui de la carence ou de l’absence du Conseil d’administration ou de son président. D’ailleurs, elle a précisé dans sa décision que « considérant que pour qu’un

administrateur provisoire soit désigné, il faut que la gestion de la société normalement assurée par le conseil d’administration soit compromise de manière qu’elle ne puisse plus continuer à subsister si on laisse les choses en l’état (…) considérant que la perte ci-dessus relevée constitue la preuve irréfutable de la mauvaise gestion de la SITABAC par le Conseil d’administration qui a par ailleurs refusé de s’expliquer sur l’emprunt de 12 millions de dollars ». A travers cette décision, la Cour refuse de faire de l’impossibilité de fonctionnement

de la société la seule hypothèse de nomination de l’administrateur provisoire et étend son admission à la mauvaise gestion de la société589. Si cette position a été retenue dans de nombreuses autres affaires590, elle n’est pas suivie tous azimuts par certains juges. Ces derniers font toujours de la notion de dysfonctionnement, une interprétation stricte et refusent de prendre en compte le critère du péril imminent591. Pour eux, la procédure d’administration provisoire ne peut être mise en œuvre que parce que la société fait face à un dysfonctionnement ou lorsque les organes sociaux sont absents. Cette divergence d’interprétation crée l’incertitude au sein de la jurisprudence d’autant plus que le pouvoir judiciaire sur l’administrateur provisoire est restreint.

589 Il s’agit alors « de l’hypothèse où les organes sociaux existent effectivement et fonctionnent mais, leur gestion

est contraire aux intérêts de la société ». V. Cass. com., 17 oct. 1989, Rev. sociétés, 1990, p. 30, note Chartier

(Y.).

590 Cass. com., 6 févr. 2007, Bull. civ. IV, n°28 ; Cass. com, 25 janv. 2005, Rev. Sociétés, 2005, p. 828 et s., obs. Lecourt (B.) ; TR Niamey, ord. de référé n°245 du 22 oct. 2002, Abbas Hammoud c/ Jacques Claude Lacour et Dame Evelyne Dorothé Flambard ; Cass.com., 25 janvier 2005, Rev. Sociétés, 2005, p. 828, note Lecourt (B.); Cass. com., 18 mai 2010, n°09-14.838, Rev.sociétés, 2010, p. 303, obs. Lienhard (A.); RTD com., 2010, p. 738, obs. Champaud (C.) et D. DanetDocumentInterRevue.

591 CA Littoral, Arrêt n° 080/REF du 11 mars 2009, affaire société de maintenance des équipements de protection incendie et sauvetage (MSPE) c/ Dame Manga née Onguene Biloa et autres, Juridis périodique n° 86, avril-mai-juin, 2011 et note Assontsa (R.) ; CA d’Abidjan, arrêt n° 258 du 25 févr. 2000, NACI, Bulletin Juris Ohada n° 1/2002 ; CA Lomé, arrêt n° 112/09 du 21 juill. 2009, Société Bokamion.

Outline

Documents relatifs