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La contrôle des décisions de transformation de la société

Un contrôle des actes sociaux peu adapté à la vie des sociétés

Section 1. Le cas des décisions économiques et financières

C. Les décisions entraînant la restriction des droits non financiers des associés 232. Les contentieux nés des décisions entraînant la restriction des droits non financiers

2. La contrôle des décisions de transformation de la société

243. Opération par nature inégalitaire. Prévue aux articles 181 et s. de l’AUDSCGIE, la transformation est l’opération juridique par laquelle les associés décident du changement de la forme juridique de la société en une autre forme. Elle répond à la pensée d’un auteur qui faisait remarquer que « le droit des sociétés n’est pas statique, au contraire, il permet de

répondre à l’évolution d’une entreprise et offre même les possibilités d’une véritable dynamique juridique »704. Lorsque la transformation de la société est faite de façon régulière705, elle ne menace, en principe, ni le maintien de la personnalité morale706, ni les engagements ou les droits de la société ou des associés707. Cependant, cette opération reste une décision singulière car elle peut affecter la teneur de l’engagement initial, d’où sa nature illégale708. L’opération de transformation emporte les effets distincts sur les majoritaires et sur les

703 TC de Paris, 20 juin 2006, RJDA, 3/2007, 273.

704 Cf. Chaput (Y.), Droit des sociétés, PUF, coll. Dr. Fondamental, 1993, n° 633 et s.

705 C’est-à-dire en considération des exigences légales.

706 V. CA. Lomé, arrêt n°43/09 du 17 mars 2009, Bia-Togo c/ Société NOSOCO-TOGO SARL Ohadata J-10-169, disponible sur www.ohada.com, consulté le 08/03/17. Les juges africains ont rappelé que « la transformation

régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale. Elle ne constitue qu’une modification des statuts et est soumise aux mêmes conditions de fond et de délais que celle-ci » ; TPI de Douala –Ndokotti,

Ord. n° 231 du 12 mai 2005, Affaire Sté SCEMAR SARL c/ NGUIMBOUS Jean Blaise Samuel Ename Nkwane. Ohadata J-07-189, disponible sur www.ohada.com, consultée le 08/03/17. Dans cette affaire, le tribunal a précisé que « La transformation d’une société n’entraîne pas la création d’une personne juridique nouvelle de sorte que

l’ancienne et la nouvelle société doivent être considérées comme une seule et même entité juridique » ; Cass.

com., 6 déc. 2005, RTD com,. 2006, p.128, obs. Champaud (C.) et Danet (D.).

707 V. Le Cannu (P.) et Dondero (B.), Droit des sociétés, op. cit., p. 415, n°565.

708 La transformation de la forme sociale d’une société est tout d’abord susceptible de constituer un abus de majorité dans l’hypothèse où la décision de transformer a été décidée à la majorité des associés et non à l’unanimité. cf. article 181 al.3 l’AUDSCGIE. Addé, Chapetier de Ribes-Justeau (A.L.), les abus de majorité, de

minorité et d’égalité. Etude comparative des droits français et américain des sociétés, thèse Paris I, Dalloz, 2006,

minoritaires, c’est le cas de la transformation d’une SA en une société en commandite709. Dès lors, le contrôle judiciaire porte sur le respect de la règle de l’unanimité.

244. Le contrôle du respect du principe de l’unanimité. Le principe de l’unanimité est consacré par le législateur de l’OHADA710 en matière de transformation de la société. Ainsi, la décision de transformation d’une société dans laquelle la responsabilité des associés est limitée à leur apport vers une société dans laquelle la responsabilité des associés est illimitée requiert l’unanimité de tous les associés. C’est en conformité avec cette exigence que la Cour de cassation, saisie d’une demande en nullité d’une décision de fusion, a rejeté le pourvoi effectué par les parties dans un arrêt du 19 décembre 2006711. La Cour, après avoir rappelé la règle de l’unanimité exigée en matière de transformation dans la SAS prévue à l’article L. 227-3 du code de commerce712, a précisé que la décision de fusion- absorption d’une société par une société par actions simplifiées est également soumise à ce principe. La précision apportée par la Haute juridiction laisse clairement comprendre que les juges saisis de la contestation d’une décision de transformation doivent vérifier si tous les associés ont donné leur consentement à la décision de transformation. Evidemment, conformément aux règles qui s’appliquent au droit commun des contrats, le juge doit vérifier que ce consentement n’a pas été donné à la suite d’un vice713. Si tel est le cas, l’action du juge pourrait-elle aller au-delà de la simple recherche de l’existence du consentement et toucher la nature abusive de ce consentement ? Il y a plusieurs années de cela, les juges français avaient répondu à cette question par l’affirmative.

245. La recherche de l’abus de droit dans l’arrêt du 21 mai 1963. La recherche de l’abus dans les décisions de transformation contestée a été, jadis, effectuée par les juges en 709 Les tribunaux ont sanctionné une telle transformation alors que la société-mère, gérante commanditée, comptait profiter d’avantages fiscaux et financiers dont étaient privés les minoritaires de la filiale, TC. Paris 29 juin 1981, SARL Agache Willot, Gaz. Pal. 1981. I. 687-692, note De Fontbressin (¨P.) ; Rev. Sociétés, 1982, pp.791-804, note Guilberteau (M.) (le tribunal de commerce de Paris a ainsi annulé pour abus la transformation de la filiale SA. Conforama en société en commandite simple, dont l’avenir pouvait être compromis en cas de désastre probable de la société-mère, commandité unique). Certaines décisions ont pu en outre laisser entendre que la transformation en société en commandite alourdissait systématiquement le fonctionnement et le coût d’exploitation d’une société, aussi est-elle généralement vue d’un mauvais œil par les futurs commanditaires. TC. Lyon 23 jan. 1995, Chomarat c/ société Chomarat, Jurisdata n°040001 ; Dr. Sociétés, 1995, n°102, pp.10-11, obs. Vidal (D.) ; RTD Com., 1995. P.625, obs. Petit (B.) et Reinhard (Y.), La transformation de la SA en SCA n’avait d’autre dessein que de faire échec au droit des minoritaires de céder à un tiers.

710 Cf. art. 181 al. 3 de l’AUDSCGIE.

711 Cass. com., 19 déc. 2006, RTD Com. 2007, p.180, note Le Cannu (P.).

712 Cet article dispose que la décision de fusion-absorption d’une société par une société par actions simplifiée est soumise aux mêmes exigences d’unanimité des associés qu’en matière de transformation d'une société en société par actions simplifiée est prise à l'unanimité des associés.

713 V. à ce sujet les vices de consentement depuis la réforme du droit des obligations du 10 févr. 2016; Cf. art. 1130 du code civil français.

France. Dans un arrêt en date du 21 mai 1963714, la Cour de Rennes avait annulé la décision de transformation d’une SARL en une SA aux motifs que cette opération ne correspondait « à

aucun intérêt social légitime ». La Cour relevait que la décision de transformation permettait

au gérant majoritaire, se voyant assigner en révocation par son co-gérant pour faute de gestion, de détruire le contrat d’origine qui protégeait l’associé minoritaire et de l’évincer de la société. Les raisons avancées par la Cour dénotent un contrôle judiciaire approfondi amélioré de la conformité de la décision de transformation à l’intérêt social. Ce contrôle est à féliciter car il a permis de déterminer les conditions de l’abus dans la décision de transformation. Ces conditions reposaient sur la valorisation de l’intérêt personnel du gérant majoritaire au mépris de l’intérêt social. Toutefois, cette recherche approfondie n’a pas été suivie par les juges.

246. La réserve de la Cour quant à la recherche de l’abus. Le juge adopte une attitude très réservée lorsqu’il est question de contrôle de la décision conduisant à la transformation de la société. On en veut pour preuve les motifs évoqués dans l’affaire Six c/ Tapisseries de France, ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation715 du 15 juillet 1992. En effet, Madame Six, associée minoritaire, s’était opposée à la décision de transformation de la société à responsabilité limitée les Tapisseries, réalisée par l’assemblée générale extraordinaire le 16 juin 1986. Saisie de l’affaire, la Cour d’Appel avait considéré que cette opposition constituait un abus de minorité mais la Cour de cassation, quant à elle, considéra que l’existence d’abus de minorité n’était pas établie. Elle précisa donc que, la Cour aurait dû en effet définir en quoi « l’attitude de Madame Six avait été contraire à l’intérêt général de la

société, en ce que Madame Six aurait interdit la réalisation d’une opération essentielle pour celle-ci et dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés ». Le reproche de la Cour nous semble fondé. On constate que dans son

désir de sanctionner l’opposition à la décision de transformation, la Cour d’appel n’a pas caractérisé tous les éléments de l’abus de minorité. Cette volonté des juges de la Cour de sanctionner des attitudes asociales peut se comprendre. Toutefois, il aurait été souhaitable que la Cour recherche avec plus de rigueur les éléments de l’abus de minorité afin de donner plus de crédibilité à sa décision. On peut certes comprendre l’empressement des juges à sanctionner des attitudes antisociales, mais il aurait été souhaitable que la Cour recherche avec plus de rigueur les éléments de l’abus de droit. Toujours est-il que cette décision témoigne, à fortiori, même de l’état d’esprit des tribunaux qui ne veulent pas admettre la validité, la légitimité des

714 CA de Rennes, 21 mai 1963, RTD Com., 1964, p. 577, obs. Rodière.

décisions prises en méconnaissance de l’intérêt social ou indifférentes à celui-ci et motivées par des intérêts exclusivement personnels. Au même titre que les décisions collectives, les actes des dirigeants sociaux font l’objet d’un contrôle judiciaire fondé sur la nature abusive de l’acte.

§2. La recherche d’un fondement du contrôle judiciaire des actes du dirigeant social

247. L’indépendance du dirigeant social. Le dirigeant social est le « représentant

légal » de la société716. Ainsi le juge, entendu comme l’arbitre des conflits sociaux, ne peut s’immiscer717 dans la gestion de la société, bien qu’à certains moments la loi lui reconnaisse un pouvoir souverain718 d’appréciation des actes du dirigeant social. En effet, les contours du pouvoir des dirigeants sociaux (A) limitent les fondements du contrôle que le juge exerce sur leurs actes (B),

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