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L’influence probable du sens du vote du mandataire ad hoc

Une faible influence sur les acteurs sociaux

Section 2. Les limites du pouvoir de modifier les actes sociaux

B. Une solution inappropriée en droit de l’OHADA

2. L’influence probable du sens du vote du mandataire ad hoc

2. L’influence probable du sens du vote du mandataire ad hoc

109. S’il est établi que le juge n’a pas le pouvoir de prendre la décision contestée à la place des associés, il peut désigner un mandataire à qui il donne pouvoir de le faire. Alors, la décision de ce dernier est assimilable à une décision judiciaire valant vote déguisée (a), qui participe à la remise en cause du caractère discrétionnaire du vote des associés minoritaires ou égalitaires (b).

a. La décision judiciaire valant vote déguisée

110. La liberté de principe du mandataire. Au terme de l’article 131 al. 3 de l’AUDSCGIE, le juge ne peut pas se substituer à l’associé minoritaire ou égalitaire défaillant et prendre la décision contestée à sa place. Son rôle consiste à la nomination du mandataire qui va accomplir cette mission. En plus, le mandat du représentant de l’associé défaillant n’est pas absolument un mandat impératif. Il peut voter soit dans le sens des associés majoritaires, soit dans le sens contraire. Dans le premier cas, le vote du mandataire s’assimile à la décision judiciaire valant vote393. En revanche dans le second, le blocage persiste. Or, l’intention du législateur n’est pas celui de remettre en cause l’intérêt social. Son souci est celui de permettre au mandataire d’accomplir la formalité que l’associé minoritaire ou égalitaire n’a pas voulu remplir de façon abusive.

111. Une liberté illusoire. Allant dans le même sens qu’un auteur, nous pensons que la liberté de vote reconnue au mandataire est illusoire394. Dès l’instant où il est établi qu’il existe un abus de minorité ou d’égalité, il paraît impossible que le vote du mandataire soit

393 Cf. CA Paris, 25 mai 1993, JCP N, 1994, II, p. 38, note Le Nabasque. L’auteur assimile la nomination du mandataire ad hoc a une demande judiciaire faite au mandataire de voter dans le sens de l’intérêt social. Addé Nzouabeth (D.), Les litiges entre associés, op. cit., p. 247, n°525, l’auteur fait constaté que dans tous les cas, le mandataire « votera dans le sens de la résolution litigieuse et même si les apparences sont sauves, le résultat sera

le même que celui d’un jugement valant acte ».

394 Cass. com, 27 mai 1997, Revue du notariat, 1997, p. 1281, note Hovasse (H.) l’auteur fait constaté qu’« après

une décision judiciaire constatant un abus de minorité au motif que la résolution repoussée était nécessaire à la survie de la société, on voit mal quelle peut être la liberté du mandataire ah hoc, si non celle de voter oui ».

contraire à la décision des associés majoritaires, sens également recherché par le juge395. L’article 131 al. 3 de l’AUDSCGIE ne s’éloigne pas fondamentalement de la décision judiciaire valant vote, car le plus souvent, la décision judiciaire qui constate l’existence de l’abus contient le sens du vote du mandataire. Certes, la nomination du mandataire d’une part, et le temps qui s’écoule entre celle-ci et la tenue de la nouvelle assemblée d’autre part, donne une nouvelle occasion à l’associé minoritaire ou égalitaire de mieux préparer ou de présenter ses moyens de défense. Mais, cette préparation ne permet pas de garantir le caractère discrétionnaire du droit de vote de l’associé minoritaire ou égalitaire.

b. La remise en cause du caractère discrétionnaire du vote des associés minoritaires ou égalitaires.

112. Quel est l’intérêt protégé par l’article 131 al. 3 de l’AUDSCGIE ? La loi fait obligation au mandataire ad hoc de voter « dans le sens des décisions conformes à l’intérêt

social y compris celui des différents associés »396. Cette disposition laisse clairement percevoir que l’intérêt protégé n’est pas essentiellement celui de l’associé minoritaire. La formule est certes indispensable397 parce qu’elle permet à la fois de protéger l’intérêt social et l’intérêt des associés majoritaires. Cependant, elle suscite des interrogations. Les premières sont relatives au droit de vote reconnu aux associés minoritaires ou égalitaires, dont la protection reste lacunaire. La souveraineté de ces associés s’incline face à la volonté des associés majoritaires car ils « sont admis à s’informer, voire à contester mais, dès lors que les majoritaires

présentent une décision comme essentielle, ils ne peuvent s’y opposer »398. Les secondes concernent le sens du vote du mandataire ad hoc lorsque l’intérêt « des différents associés » serait contraire à l’intérêt social. Dans ce cas, le mandataire ad hoc votera-il dans le sens de l’intérêt social ou dans celui « des différents associés ?».

113. La représentation lacunaire de l’associé minoritaire. Le mandataire ad hoc désigné par le juge a pour mission de représenter l’associé minoritaire à la prochaine assemblée.

395 Cf. Nzouabeth (D.), Les litiges entre associés, op. cit., p.245 , n° 522.

396 L’infine de l’article 131 al. 3 de l’AUDSCGIE se distingue de la formulation faite en droit français qui prévoit qu’il y’a abus de minorité lorsque le vote du minoritaire est fait « dans le sens des décisions conformes à l’intérêt

social mais ne portant pas atteinte à l’intérêt légitime des minoritaires ».

397 Cf. Boizard, « L’abus de minorité », Rev. Sociétés, 1988, p. 365, n°21. L’auteur présentant un intérêt pour la décision judiciaire valant vote, relevait qu’ « il faut admettre la possibilité d’adopter, sous le contrôle judiciaire,

la résolution qui par hypothèse ne réunit pas une majorité suffisante, pour éviter une situation irréversible pour la société. Cette solution (…) est juridiquement fondée en même temps qu’elle est opportune ».

Cependant le pouvoir de représentation du mandataire ad hoc empêche-t-il ce dernier de donner à l’associé minoritaire les informations sur l’exécution de son mandat ? Dans un arrêt rendu le 11 avril 2013399, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence répondant à cette question, a infirmé l’ordonnance rendu par le Président du Tribunal. Cette ordonnance donnait raison au mandataire ad hoc qui, opposant le secret professionnel à l’associé minoritaire, a refusé de lui communiquer les documents sociaux. En l’espèce, à la suite d’un abus de minorité, le juge a nommé un mandataire ad hoc avec pour mission de le représenter lors d’un nouvel examen du projet de collaboration essentiel pour la pérennité de la société. A la suite du refus du mandataire de communiquer les documents échangés entre le mandataire et les principaux intéressés du projet à l’associé minoritaire, ce dernier a saisi le juge afin que cette procédure soit accomplie. La Cour a fait relever que le mandataire ad hoc nommé par le juge pour représenter les droits de l’associé minoritaire à l’assemblée générale, « ne saurait opposer le

secret professionnel (...) tiré de son statut de mandataire judiciaire pour dénier toute obligation à lui rendre des comptes ». Par cette décision, les juges ont confirmé le droit de l’associé

minoritaire d’être informé de la gestion sociale. Et par ricochet, son droit de participer au processus préparatoire à l’adoption d’une délibération nécessaire à la survie de la société. Toutefois, cette solution ne suffit pas à protéger les droits de l’associé minoritaire ou égalitaire. A quoi sert cette information, s’il est précisé que le mandataire doit voter dans le sens de l’intérêt social et de celui des différents associés ? Certainement à défendre les « intérêts

légitimes » de l’associé minoritaire ou égalitaire. Mais que représentent les « intérêts légitimes » de l’associé minoritaire ou égalitaire face à « l’intérêt social » ou à celui des

« différents associés ?». La question de la protection des droits sociaux pourrait également se poser dans les mêmes termes lorsque l’on est face à la question des décisions judiciaires valant acte.

§2. La question des décisions judiciaires valant acte

114. Situation fréquente. En droit des sociétés commerciales, la question des décisions judiciaires valant acte se pose chaque fois que le juge se substitue aux acteurs sociaux en matière d’adoption ou de modification du contenu des actes sociaux. En effet, cette substitution judiciaire pose le problème de la légitimité des missions du juge quant à la modification des

actes sociaux. En raison de la crainte de l’invasion du pouvoir judiciaire au sein de la société, le juge rejette par principe, la modification des actes sociaux (A) et ne l’admet qu’exceptionnellement pour certains actes (B).

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