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l’occupation byzantine

2. Le cadre civique et ecclésiastique

Les cadres civique et ecclésiastique, à partir des IVe-Ve siècles, en Orient au moins, apparaissent étroitement liés (carte 7). Dès le concile de Sardique (342 ou 343) et plus tard au concile de Chalcédoine (451) sont édictés des canons qui visent à faire correspondre le réseau des cités et celui des évêchés7. La constitution de Zénon, datée de 483 et reprise par le

Code Justinien, entérine les mêmes dispositions8. Il existe cependant des exceptions. Mais la confrontation des différentes sources, pour le diocèse d’Orient, établit la correspondance cité-évêché9. Les listes synodales et conciliaires, le Synekdèmos d’Hiéroklès et l’Opuscule géographique de George de Chypre fournissent pour ce diocèse des données convergentes.

Les sources administratives et ecclésiastiques donnent donc un tableau assez clair de la situation au VIe siècle. De nombreuses inconnues demeurent cependant, dont la date exacte à laquelle les évêchés obtiennent le statut de cité.

1 BALTY et BALTY 1982, p. 53; GATIER 2001, p. 93.

2 C’est-à-dire avant la rédaction du Laterculus Veronensis, qu’on estime généralement daté de 314/315 à 325 (GATIER 2001, n. 14, p. 94, d’après T. D. BARNES, 1982, The New empire of Diocletian and Constantine, Cambridge–London, p. 205).

3 BALTY et BALTY 1982, p. 64 ; GATIER 2001, p. 93-94 ; WILKES 2005.

4 GATIER 2001. Voir en particulier les figures 1 à 4, p. 95 et 96.

5 Voir ci-dessous a) Éléments de géographie civile et ecclésiastique, p. 483

6 Voir ci-dessous Quelle interprétation pour des périodes de prospérité décalées selon les secteurs ?, p. 862.

7 JONES 1973, 2, p. 876 ; FLUSIN 1998, p. 486-487. Voir aussi VOGEL 1982 , p. 273-276 et 280 et suiv. pour la manière dont la hiérarchie ecclésiastique se calque sur le cadre administratif civique dès le IVe siècle.

8

Code Justinien, I, 3, 35 ; FLUSIN 1998, p. 487.

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a) Les évêchés

Les principaux pôles ecclésiastiques, ainsi que les rapports de hiérarchie qu’ils entretiennent entre eux, nous sont connus par des listes conciliaires et synodales, relativement bien datées. Ces documents rapportent la présence à ces réunions de représentants du clergé local (le plus souvent l’évêque, mais pas uniquement) désigné par leur nom mis en relation avec un toponyme.

Les premiers évêchés connus dans la région sont ceux de Neocaesarea/Dibsi Faraj et

Gabboula/Jabbul, qui sont représentés au concile de Nicée en 325 par leurs évêques (carte 7)10. En 363, au synode d’Antioche, l’évêché de Chalcis/Qinasrin est mentionné pour la première fois11. R. Devreesse et A. H. M. Jones s’accordent ensuite sur la présence d’un évêque de Barbalissos/Aski Maskanah au concile d’Éphèse en 431 12. Le premier évêque connu à Anasartha/Khanasir participe en 444 au concile d’Antioche13. Au concile de Chalcédoine, en 451, apparaissent pour la première deux autres évêchés : ceux de

Soura/Suriya 1 et de Resafa14. E. Honigmann signale en 512, à la consécration de Sévère, la présence d’un évêque de Salamias/Salamiya15, mais on ignore s’il s’agissait alors d’un simple évêché ou d’archevêché mineur, comme le signale, plus tard, la Notitia Antiochena.

Ce document, qu’on date généralement de 570 16, ajoute deux nouveaux évêchés à ceux connus jusqu’alors – Eragiza/Tall al-Hajj et Oresa/Al-Tayibah 1 17 – et précise les rapports de hiérarchie entre les agglomérations18. Du patriarcat d’Antioche dépendent ainsi sept archevêchés syncelles, dont trois se trouvent en Syrie centrale : Chalcis/Qinasrin,

Anasartha/Théodoroupolis/Khanasir et Gabboula/Jabbul19. Ces archevêchés constituent un conseil patriarcal permanent et sont directement soumis à l’autorité du patriarcat20.

Salamias/Salaminiada/Salamiya, au moment de la rédaction de la Notitia Antiochena, est devenu un archevêché mineur, soumis à la seule autorité du patriarche, qu’il représente à l’occasion21. Les autres évêchés de la région sont soumis aux deux métropoles

10 GELZE 1898, p. LXI ; DEVREESSE 1945, p. 125. Les identifications proposées dans les paragraphes qui suivent sont explicitées plus bas. Voir b) Les indications de la Notitia dignitatum, p. 162.

11 Socrate de Constantinople, Histoire ecclésiastique, III, 25, 18 [227] ; DEVREESSE 1945, p. 129.

12 DEVREESSE 1945, p. 134 et JONES 1971, table XXXV, p. 544.

13 DEVREESSE 1945, p. 134-135, citant ACO, II, 1, p. 426-442.

14 DEVREESSE 1945, p. 136-138, citant ACO, II, 1, p. 56-64. À noter qu’il faut attendre le concile de Constantinople en 553 pour que Resafa apparaissent sous le nom de Sergioupolis (DEVRESSE 1945, p. 140).

15 HONIGMANN 1951, p. 31 ; ALPI 2009, 2, p. 144.

16 B. Flusin (FLUSIN 1998, p. 531) signale que l’authenticité du document, mise en cause par R. Devreesse (qui ne l’estimait pas antérieur au IXe siècle, cf. DEVREESSE 1945, p. 312), a été établie de manière décisive par E. Honigmann (HONIGMANN 1947).

17 Sur les deux dernières identifications, voir ci-dessous b) Les indications de la Notitia dignitatum, p. 162.

18 HONIGMANN 1925 et particulièrement p. 73-75.

19 Les archevêchés syncelles constituent un conseil patriarcal permanent et ne sont soumis à aucune autre autorité qu’à celle du patriarcat. Ce conseil s’est substitué, au moment de la rédaction de la Notitia Antiochena, au prêtre syncelle, « principal auxiliaire du patriarche et son homme de confiance », sous Sévère d’Antioche (512-518). Cf. ALPI 2009, 1, p. 80 et n. 247.

20 FLUSIN 1998, p. 532. Ce conseil a remplacé, au moment de la rédaction de la Notitia Antiochena, le prêtre syncelle, « principal auxiliaire du patriarche et son homme de confiance », sous Sévère d’Antioche (512-518). Cf. ALPI 2009, 1, p. 80 et n. 247.

21 HONIGMANN 1925, p. 73 ; FLUSIN 1998, p. 532. À noter que le titre d’archevêque est normalement réservé au VIe siècle à l’évêque métropolite (FEISSEL 1989, p. 808-809). Mais il est aussi employé pour désigner un

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d’Euphratésie : Hiérapolis/Mambij et Sergioupolis/Resafa22. Soura/Suriya 1,

Barbalissos/Aski Maskanah, Neocaesarea/Dibsi Faraj et Oresa/Al-Tayibah 1 sont ainsi les évêchés suffragants de Hiérapolis et Oresa fait partie de ceux de Sergioupolis23. Les autres évêchés suffragants de Sergioupolis sont mal identifiés et sont aussi pour certains à l’extérieur de la zone d’étude – Zenobia/Halabiyya, notamment. R. Dussaud avait aussi proposé de rapprocher l’évêché d’Érigène (retranscrit en Ἐριγένης et Σεριγένης24) avec

Sériane/‘Itriya en raison d’une prononciation à l’identique si l’on tient compte du fait que le

gamma était peu marqué25.

b) Les cités

Le Synekdèmos d’Hiéroklès, daté de 527/528 par E. Honigmann26, et l’Opuscule géographique de Georges de Chypre, qui apparaît comme une édition augmentée du premier27, correspondent à un état des lieux des cités par province.

Le Synekdèmos confirme certaines des conclusions auxquelles on parvient à la lecture des listes synodales et conciliaires : Chalcis/Qinasrin, en Syrie Première et Eragiza/Tall al-Hajj, en Euphratésie sont déjà des cités dans les premières années du règne de Justinien28. L’Opus géographique de Georges de Chypre n’apporte guère de complément que pour l’Euphratésie. Pour cette province en effet s’ajoutent les cités de Neocaesarea/Dibsi Faraj et de Sergioupolis ou Anastasioupolis/Resafa29.

D’autres éléments permettent de préciser la chronologie de certaines villes. Malalas, dans sa Chronographie, rapporte que le kastron d’Anasartha/Khanasir accède en 528/529 au rang de cité et prend le nom de Théodorioupolis, d’après l’impératrice30. Gabboula, pour Malalas et Procope, reste, en 531, au moment de sa prise par les Sassanides, un kastron31. En revanche, dans son De Aedificiis, le même auteur fait figurer Gabboula parmi les villes (πολίσματα) et les forteresses (φρούρια), au même titre que Barbalissos, Neocaesarea ou encore Sergioupolis, Soura et Chalcis32. Pour P.-L. Gatier, c’est donc après 531 qu’on doit situer l’accession du kastron à la dignité municipale, peut-être au moment de la reconstruction de l’enceinte de Gabboula, à l’initiative de l’empereur33. Il est difficile

siège épiscopal soustrait à l’autorité d’une métropole et dépendant directement du patriarcat (FEISSEL 1989, p. 810-811).

22 Voir aussi ci-dessous (b) À partir des sources ecclésiastiques, p. 484.

23 HONIGMANN 1925, p. 75.

24 HONIGMANN 1925, p. 75.

25 DUSSAUD 1929, p. 54. À noter que P.-L. Gatier ne refuse pas cette identification (GATIER 2001, n. 64, p. 103).

26 HONIGMANN 1939, p. 2.

27 HONIGMANN 1939, p. 3.

28 Hiéroklès, Synekdèmos, 711, 8 et 713, 9. Chalcis/Qinasrin est une fondation de Séleucos Nicator qui frappe monnaie depuis Trajan jusqu’à Antonin le Pieux sous le nom de Flavia Chalcis. L’ère de la ville, qui commence en 92, suggère qu’elle dispose depuis cette date du statut de cité (BOWERSOCK 2002, p. 49).

29 Georges de Chypre, Opuscule géographique, 882 et 883.

30 Malalas, Chronographie, 31, p. 372. Voir aussi GATIER 2001, p. 97.

31 Malalas, Chronographie, 60, p. 387; Procope, Guerres contre les Perses, I, 18, 8.

32 Procope, Des édifices, II, 9, 10.

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d’établir, à partir du texte de Procope, à quel moment le kastron est reconstruit. Mais les indications dont on dispose pour Sergioupolis et Chalcis peuvent aider à le préciser. Si l’on suit le fil du récit de Procope – même si le respect de la chronologie dans ce passage n’est pas acquis –, Gabboula aurait été fortifiée après Sergioupolis34 et avant Chalcis35. Or, M. Konrad situe la réfection de l’enceinte de Resafa entre 540 et 542 et une inscription date la restauration des remparts Qinasrin de 550 36. Gabboula aurait donc pu devenir une cité dans cet intervalle.

On dispose, pour Resafa, de données qui précisent la date de son accession au statut de cité37. Elle se place sous Anastase (491-518), au moment où une relique de saint Serge est transférée à Constantinople – en échange de quoi l’empereur gratifie Resafa du statut de cité et du nom de Sergioupolis. E. Honigmann propose de situer cet évènement entre 514 et 518, soit entre la dernière occurrence du nom de Resafa dans un discours du patriarche d’Antioche

et la fin du règne d’Anastase. Soura/Suriya 1 est aussi désignée par Procope comme une cité (πόλις) dès la première campagne de Khusrau I en Syrie centrale38. Il semble donc qu’elle ait accédé à ce statut entre 451 (concile de Chalcédoine) et 531.

Certains éléments permettent aussi de réduire la fourchette chronologique pour Salamiya. Si la première attestation d’un évêque de Salamias date de 512, l’agglomération reste désignée dans les lettres monophysites39 de 567/568, comme une tetrakômè (SLMY’)40.

Salamias est probablement devenue une cité au moment où elle accède au rang d’archevêché mineur, entre 567/568 et 570.

Mais il reste plusieurs cités dont on ignore la date à laquelle elles ont accédé à la dignité municipale. C’est le cas de Neocaesarea/Dibsi Faraj, Barbalissos/Aski Maskanah,

Oresa/Al-Tayibah 1 et Eragiza/Tall al-Hajj. Les deux premières figurent, d’après Procope, au nombre des cités restaurées ou fortifiées par Justinien (après 540). Les deux dernières n’ont vraisemblablement pas bénéficié du statut de cité avant de devenir des évêchés, au

VIe siècle41.