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L’épigraphie et les études de topographie historique

A. Des premiers inventaires aux prospections systématiques en Syrie centrale (1500-1960) Syrie centrale (1500-1960)

2. L’épigraphie et les études de topographie historique

idée assez précise des conditions dans lesquelles se pratiquaient élevage et culture avant les bouleversements qu’a apportés le XXe siècle47.

2. L’épigraphie et les études de topographie historique

Si l’on laisse de côté les relevés ponctuels qui égrènent les carnets de voyages48, les premiers travaux systématiques portant sur les inscriptions et la toponymie antique datent du dernier tiers du XIXe siècle.

a) L’épigraphie

Le premier recueil d’inscriptions consacré à la Syrie est publié par W. H. Waddington en 1870. Il s’appuie à la fois sur ses explorations personnelles et sur des relevés ponctuels réalisés par d’autres avant lui49. Sa contribution, pour la Syrie centrale, se limite à son voyage de Palmyre à Salamiya par le Jabal Bil’as50. Les études de topographie historique de M. Hartmann s’accompagnent également, en plus du bref récit de voyage déjà cité, d’un supplément consacré à l’épigraphie des sites traversés (Al-Andarin, Qasr Ibn Wardan 1, Khanasir, Salamiya principalement)51.

À partir du tournant du XXe siècle, les progrès de l’épigraphie dans la région sont dus à de véritables missions épigraphiques, qui sont souvent le pendant des premières prospections archéologiques à caractère systématique52. La principale exception à ce schéma me semble être la publication de M. F. von Oppenheim et H. Lucas53 : l’inventaire, purement épigraphique, porte sur 25 sites, qui se trouvent principalement sur le plateau du Jabal al-‘Ala. Les travaux de W. K. Prentice et E. Littmann, qui concernent respectivement les inscriptions grecques et latines et les inscriptions sémitiques, s’effectuent parallèlement aux relevés des architectes de l’expédition américaine de 1899-190054. L’essentiel des progrès épigraphiques concerne, au cours de cette première expédition, le Massif calcaire et la Syrie du Sud (Hauran). En Syrie centrale, les relevés sont ponctuels à Qinasrin, Salamiya et ‘Itriya, et pour le Jabal Shbayt (Zabad 1 et Al-Tuba 1, appelé à tort Qasr Zabad). Le Jabal Hass est à

47 Cet apport des récits de voyage est fondamental : ils nous apprennent qu’il existait des sources aujourd’hui taries (CUMONT 1917, p. 19-22 pour le glacis d’Al-Bab), que des plantations d’arbres fruitiers ont été remplacées par champs de coton irrigués (PERTHUIS 1896, p. 128).

48 E. Sachau, quoiqu’étant un voyageur, fait ainsi figure d’épigraphiste pionnier puisqu’il est le premier à avoir relevé l’inscription trilingue de Zabad 1, parmi les plus célèbres de la région (SACHAU 1882).

49 WADDINGTON 1870. Il faudrait aussi mentionner la publication de R. Pococke et J. Milles, datant de 1752, qui se fonde en grande partie, pour la Syrie, sur les carnets d’A. Pullinger, restés inédits à l’époque (POCOCKE et MILLES 1752). A. Pullinger, au cours d’un voyage qui le conduit d’Alep à Constantinople dans la première moitié du XVIIIe siècle aurait relevé une centaine d’inscriptions, reprises par R. Pococke (DREW-BEAR, NAOUR et STROUD 1985). Le recueil de R. Pococke ne touche quasiment pas la région, à l’exception d’une inscription de Khanasir, attribuée à tort à Qinasrin (BOWERSOCK 2002, p. 52).

50 WADDINGTON 1968, p. 609-610. Il rassemble également les copies des inscriptions provenant d’Al-Tayibah 1, Resafa, Bghaidid et Al-Andarin, qui – à l’exception de celle d’Al-d’Al-Tayibah 1 – ont été relevées par les explorateurs britanniques dont l’itinéraire est rapporté par M. Hartmann (voir ci-dessus, p. 25).

51 HARTMANN 1901, p. 97-111.

52 Voir ci-dessous a) Les premiers inventaires et prospections, p. 32.

53 OPPENHEIM et LUCAS 1905.

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peine mieux renseigné : les inscriptions de cinq sites seulement en dehors de Khanasir sont publiées55.

La première mission américaine est complétée par deux autres études de terrain, en 1904-1905 et 1909. Les inscriptions grecques et syriaques – plus rarement latines – de 45 sites sont publiées56. Mais, contrairement à l’expédition précédente, ces efforts ont porté seulement sur la partie ouest de la région – le Jabal al-‘Ala et le piémont du Jabal Zawiyah (carte 4). Le site le plus oriental est Al-Andarin.

Les résultats de la prospection entreprise par J. Lassus, publiés en 1935, ajoutent 57 nouveaux sites à ceux déjà connus pour leurs inscriptions57. Ils apportent également des compléments pour 3 sites dont les inscriptions ont été relevées par W. K. Prentice. A. Poidebard, pionnier de l’archéologie aérienne, s’assure quant à lui la collaboration de l’épigraphiste R. Mouterde lors de ses reconnaissances au sol. On lui doit le chapitre Relevés complémentaires58 du Limes de Chalcis, consacré aux inscriptions grecques et latines, tandis que son neveu, P. Mouterde, rédige l’appendice rassemblant les inscriptions syriaques59. Ces annexes renvoient à 29 sites de la région, pour lesquels sont proposées de nombreuses éditions inédites, mais aussi des éditions corrigées.

Les Inscriptions grecques et latines de la Syrie paraissent de 1939 à 1959. Les inscriptions y sont regroupées, pour la région, dans trois volumes distincts consacrés à la Chalcidique et l’Antiochène60, à Laodicée et à l’Apamène61 et à l’Emésène62. Cette somme épigraphique repose sur la compilation des différentes inscriptions connues et sur des compléments inédits apportés par des explorations intermédiaires. Le second volume des

IGLS porte sur une zone dont la limite orientale correspond à Rasm al-Hajal. Les sites concernés par le quatrième volume se trouvent à l’ouest de Shaikh Hilal et ceux du cinquième volume à l’ouest de Khirbat al-Bil’as. Au-delà, à l’est, les données restent dispersées. Et, même s’il est vrai aussi que les sites se font plus rares, ils n’en sont pas pour autant dépourvus d’inscriptions. R. Mouterde et A. Poidebard relevaient ainsi deux inscriptions à l’est de ‘Itriya. Par ailleurs, au cours du programme de prospection « Marges arides de la Syrie du Nord », entre 1995 et 200263, une quarantaine d’inscriptions inédites ont été relevées.

Les apports de l’épigraphie sont multiples. Les inscriptions précisent la chronologie de l’occupation des sites64 et documentent la nature des constructions. C’est aussi à travers elles

55 Rba‘a, Maktabah, Burj Sbanna, Rasm al-Kubarah et Mu‘allaq.

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PAES 3B ; PAES 4B.

57 LASSUS 1935.

58 MOUTERDE et POIDEBARD 1945, 1, p. 183-221.

59 P. Mouterde apud MOUTERDE et POIDEBARD 1945, 1, p. 222-227.

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IGLS 2 (33 sites documentés).

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IGLS 4 (113 sites documentés).

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IGLS 5 (5 sites). Sur les limites du territoire de ces cités et des provinces byzantines, voir ci-dessous 1. La délimitation des provinces : une question ouverte, p. 143 et a) Éléments de géographie civile et ecclésiastique, p. 483.

63 Voir ci-dessous 2. Les prospections régionales, p. 41.

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que se dessine plus clairement l’organisation de la société villageoise : on identifie ainsi la présence de propriétaires terriens, l’existence de pratiques évergétiques et la marque des administrations civile et ecclésiastique.

b) La topographie historique

De nombreux travaux ont aussi été menés, très tôt, sur la topographie historique. Les premiers sont ceux publiés par J. H. Mordtmann et J. Østrup, respectivement en 1887 et 1895

65. B. Moritz, qui a parcouru la région en 1889, est surtout connu pour son étude topographie de la Palmyrène (carte 4)66. Il tente notamment de reconstituer le réseau des voies de communication antiques passant par Palmyre, à partir des indications de l’Itinéraire Antonin, de la Table de Peutinger et des géographes arabes67.

Les publications de M. Hartmann sont consacrées à la topographie historique dans une zone de steppe qu’il place à l’est de la voie Damas-Alep jusqu’à l’Euphrate. Dans son article de 1899, à partir des indications de la carte de R. Kiepert et de celles des géographes et historiens arabes et des voyageurs, il tente d’identifier à travers la toponymie arabe la permanence de toponymes antiques et de localiser les principaux axes de circulation antiques68.

En 1923, E. Honigmann présente une compilation exhaustive des références aux toponymes antiques, grecs ou latins des côtes levantines à la strata diocletiana et depuis Damas jusqu’au piémont du Taurus au nord69. Il rassemble les mentions récentes, que l’on doit aux voyageurs, aux archéologues, aux épigraphistes ou aux simples voyageurs, et la littérature ancienne. Sont ainsi répertoriés des documents législatifs et les indications des auteurs antiques et des géographes et des historiens arabes. Il examine à nouveau les cartes et les itinéraires antiques et les identifications proposées par ses prédécesseurs.

R. Dussaud, en 1927, dans une optique sensiblement identique, procède à une « étude critique des documents soit historiques soit géographiques, tant anciens que modernes, dans l’intention de fixer le nom et l’emplacement des localités », pour l’ensemble de la Syrie et du Liban70. Il rappelle les identifications communément admises et propose, pour celles qui sont plus discutées, un état de la question. Il entreprend également de reconstituer le réseau routier, d’après les documents cartographiques antiques et les sources arabes.

65 MORDTMANN 1887 ; ØSTRUP 1895, non vidi.

66 MORITZ 1889. Une grande partie de son itinéraire reste à l’extérieur de la région d’étude, au sud des Palmyrénides, mais il a également emprunté la strata diocletiana jusqu’à Suriya, puis longé l’Euphrate jusqu’à Maskanah et rattrapé à Tall Mahdum l’itinéraire qui longe la sabkha Al-Jabbul par Tall Dair Hafir pour rejoindre Alep. De là, il est redescendu vers le sud par Idlib, puis en direction du sud-est, à Karatin al-Kbir. Il gagne ensuite Ma‘arat al-Nu‘man par Tall Mennis, puis Hama par le sultanieh. Après un détour par Salamiya, il rejoint la route Alep-Damas. Dans le texte, qui traite exclusivement de topographie historique, il n’est fait aucune mention de son voyage, si l’on excepte une description assez précise de Salamiya, qui atteste qu’il y est passé (MORITZ 1889, p. 5-6).

67 Sur ce point, voir ci-dessous a) Les routes et les itinéraires daprès les sources historiques, p. 150.

68 HARTMANN 1899 ; HARTMANN 1901, pl. 1.

69 HONIGMANN 1923a.