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A. Des premiers inventaires aux prospections systématiques en Syrie centrale (1500-1960) Syrie centrale (1500-1960)

2. Contraintes bioclimatiques

Je ne prétends pas dresser ici un tableau exhaustif des contraintes qui s’exercent aujourd’hui au Proche-Orient, mais présenter des éléments liés au climat ou à la géographie qui déterminent des facteurs contraignants ou favorables à l’occupation et à la mise en valeur. Ces facteurs, dans leurs grands principes, ont également joué un rôle sur la répartition peuplement byzantin, même si les nuances entre la situation actuelle et la situation antique peuvent être importantes, comme on le verra.

Les études climatologiques, généralement conduites à l’échelle du pays, suffisent à expliquer le fonctionnement général du climat de la région146. Sur certains points cruciaux, comme la dotation pluviométrique, le quotient de l’évapotranspiration, des travaux régionaux sont disponibles et éclairent localement les conditions d’implantation147. Ils mettent en évidence, derrière l’apparente simplicité structurelle de la place d’Alep, la multiplicité et l’imbrication des milieux. Or, ce sont ces micromilieux, bien plus que la structure elle-même, qui conditionnent l’occupation et la mise en valeur.

a) Caractéristiques générales du climat

(a) Les variations du climat méditerranéen en Syrie

La majeure partie du Proche-Orient appartient au domaine climatique méditerranéen, caractérisé par des précipitations concentrées pendant la saison froide, par un long été sec, et par des saisons intermédiaires brèves et irrégulières. Au nord, les chaînes pontiques (Taurus et Zagros), qui reçoivent des quantités importantes de précipitations, forment un obstacle aux masses d’air polaire et aux influences de la mer Noire et de la mer Caspienne148. La présence d’un double alignement montagneux sur le littoral levantin isole deux régions : la bande côtière et l’arrière-pays, à l’est de ces reliefs. Le bourrelet littoral favorise l’ascendance des masses d’air (et donc les précipitations) et limite à la bande côtière l’influence maritime qui favorise, en plus de précipitations substantielles, un taux d’humidité atmosphérique élevé.

144 BESANÇON et SANLAVILLE 1991, p. 12-13.

145 SUZUKI 1980, p. 32-34. Le terme utilisé pour désigner la sabkha est « playa lake ». La formation de nabkhas

est liée à la déflation éolienne. Elle constitue une « petite dune d’obstacle derrière un buisson » (GEORGE 2004, p. 279).

146 Voir par exemple TRABOULSI 1981 (non vidi).

147 On doit notamment souligner la publication récente de travaux portant sur la répartition des précipitations en Syrie centrale TRABOULSI 2010.

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Les amplitudes thermiques, sur le littoral, sont faibles, la durée de la saison sèche réduite, l’irrégularité pluviométrique et le déficit hydrique modérés149. L’obstacle montagneux génère simultanément dans l’arrière-pays un effet d’abri auquel s’ajoutent les influences déterminantes de la latitude et de la continentalité150. Le climat méditerranéen se dégrade sensiblement : la pluviométrie diminue, l’irrégularité pluviométrique s’aggrave, la durée de la saison sèche s’allonge, les saisons intermédiaires raccourcissent et les amplitudes thermiques augmentent151. Le double alignement montagneux s’interrompt par un large ensellement, à la hauteur de Homs et de Tripoli (« trouée de Homs »), qui permet malgré tout à l’influence maritime de pénétrer l’arrière-pays152. Cet ensellement est particulièrement important pour la région parce qu’il permet aux précipitations d’atteindre les Palmyrénides et d’alimenter ainsi le réseau des oueds majeurs qui incisent ses glacis de piémont.

(b) Les températures et les vents

Pour caractériser le régime thermique du bassin d’Al-Kowm, J. Besançon a fait appel aux valeurs enregistrées sur deux stations météorologiques : celles de Palmyre et de Raqqa, en signalant de l’une à l’autre des incohérences, des relevés peu fiables, et des durées d’observation souvent trop courtes pour être convaincantes153. De la même manière, pour exposer le climat de la région de la sabkha Al-Jabbul, J.-B. Rigot a exploité les données de la station d’Alep. D’autres stations météorologiques sont disponibles sur l’ensemble de la région154. Mais la confrontation des températures estivales et hivernales d’Alep et de Palmyre devrait suffire à mettre en évidence le mécanisme général du climat et, notamment, la « dégradation vers l’aride du climat méditerranéen »155 qui s’opère d’ouest en est. L’intérêt du régime thermique tient surtout au fait que les températures entrent dans le calcul du bilan hydrique et contribuent à le rendre déficitaire en favorisant l’évaporation.

La Syrie, qui appartient donc à la sphère climatique méditerranéenne, est caractérisée par des étés chauds et des hivers doux. L’influence maritime et l’humidité atmosphérique élevée de la région côtière atténuent les amplitudes thermiques diurnes et annuelles, alors que la continentalité et le relief les accentuent dans l’arrière-pays156. L’été est globalement partout très chaud et sa durée a tendance à s’allonger dans l’intérieur du pays.

Le maximum chaud intervient au mois d’août, à l’ouest du méridien d’Alep, et en juillet, à l’est157. Sur le littoral, les températures moyennes mensuelles oscillent entre 26 et 28 °C (maximum moyen de 30 °C). Le rafraîchissement nocturne est modéré, avec un minimum absolu de 19,4 °C, enregistré en août à Beyrouth. Dans l’arrière-pays, les

149 SANLAVILLE 2000, p. 104-105. 150 SANLAVILLE 2000, p. 47. 151 SANLAVILLE 2000, p. 104. 152 BIROT et DRESCH 1956, p. 217. 153 BESANÇON et al. 1982, p. 10.

154 Khanasir, Sfirah, Jabbul, Tat, Shaikh ‘Ali Qasun, Al-Sa‘an, Tall Khanzir, Khafsa, Salamiya, Al-Hamra et Abu Duhur (TRABOULSI 2010).

155 Selon la formule de M. Traboulsi (TRABOULSI 1981).

156 SANLAVILLE 2000, p. 54.

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moyennes et les amplitudes diurnes augmentent sensiblement : les températures diurnes moyennes excèdent partout les 30 °C158. À Alep, en juillet-août, la moyenne maximale journalière est de plus de 35 °C (pour la période comprise entre 1950 et 1967) ; à Palmyre, de plus de 37 °C (pour la période comprise entre 1955 et 1966). La moyenne des maxima mensuels atteint 41 °C à Alep en août, 43 °C à Palmyre159. À Palmyre, les maxima diurnes enregistrent 150 fois par an plus de 30 °C, 90 fois par an plus de 35 °C et 15 fois par an plus de 45 °C160. Les amplitudes diurnes et mensuelles sont très élevées161 : pendant le mois le plus chaud, à Alep, on a relevé 22 °C d’amplitude nycthémérale162.

Sur le littoral, les hivers sont caractérisés par leur douceur, avec un maximum frais en janvier (12,9 °C de moyenne pour Beyrouth pour une amplitude diurne souvent inférieure à 8 °C163), qui ne descend pratiquement jamais au-dessous de zéro (le minimum absolu enregistré en un siècle à Beyrouth est de -1,1 °C)164. Dans l’intérieur du pays, la continentalité exacerbe les rigueurs de l’hiver, mais la température augmente légèrement sous l’effet de la latitude165. Les mois les plus frais sont janvier et février, avec une moyenne mensuelle de 5 à 6 °C à Alep et de 7 °C à Palmyre. La moyenne journalière minimale est sensiblement identique à Alep et Palmyre : autour de 2 à 3 °C166. L’amplitude diurne est plus faible en hiver qu’en été : 10 °C en janvier à Alep167. Le gel est beaucoup plus fréquent que sur la côte : 36 jours de gel par an à Alep, qui peuvent s’échelonner de novembre à avril certaines années168. Dans la région de Palmyre, les températures baissent fortement pendant la nuit, avec un minimum absolu de -8,5 °C, et vraisemblablement 20 à 25 jours de gel par an169.

Les saisons intermédiaires sont en général de courte durée. La rapidité à laquelle s’effectuent les passages d’une saison à l’autre tend à s’accroître avec l’influence de la continentalité. L’automne est généralement une période de transition douce avec un abaissement progressif des températures170. À l’inverse, le printemps est une saison marquée par des changements brutaux : dès la fin du mois de février, la température augmente brutalement ; l’« été thermique » commence dès avril171.

Aux variations de températures s’ajoutent aussi, pendant les saisons intermédiaires, les changements d’orientation des vents dominants. L’ensemble du Proche-Orient est

158 SANLAVILLE 2000, p. 55.

159 WIRTH 1971, fig. 14, p. 74-75.

160 BESANÇON et al. 1982, p. 10.

161 BIROT et DRESCH 1956, p. 262.

162 HAMIDÉ 1959, p. 86. L’amplitude thermique nycthémérale désigne la différence entre les températures diurnes et les températures nocturnes.

163 Les amplitudes diurnes hivernales sont plus importantes sur la côte que celles de l’été (BIROT et DRESCH 1956, p. 263). 164 SANLAVILLE 2000, p. 55-56. 165 SANLAVILLE 2000, p. 56. 166 WIRTH 1971, fig. 14, p. 74-75. 167 HAMIDÉ 1959, p. 86. 168 HAMIDÉ 1959, p. 86. 169 BESANÇON et al. 1982, p. 10. 170 SANLAVILLE 2000, p. 47.

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généralement soumis à des vents de secteur nord et ouest172. En Syrie, les vents de secteur ouest (gharbi) s’installent au printemps et se maintiennent pendant l’été. Pourvoyeurs d’humidité et de précipitations sur la côte, ils sont freinés par l’obstacle montagneux littoral, qui génère un effet de fœhn173. Lorsque les vents d’ouest atteignent la Syrie centrale, ils sont devenus chauds et desséchants. Seul le massif des Palmyrénides bénéficie, grâce à la « trouée de Homs », du surcroît d’humidité qu’ils véhiculent. Les vents d’ouest disparaissent à la fin de l’été, remplacés à l’automne et en hiver par des vents d’est dominants (sharqi), qui amènent un temps froid, accompagné de gelées, avec un impact potentiellement préjudiciable sur les cultures174. Lorsqu’il intervient tardivement, au printemps, le sharqi

peut aussi avoir un effet asséchant sur les cultures et augmenter la température175. Aux changements de saison, les vents de secteur nord dominent : ils apportent des gelées et, plus rarement, de la neige (en automne surtout). Lorsqu’un épisode de vent du nord se produit à la fin du printemps, son passage par le Taurus engendre un effet de fœhn. Quand il atteint la Syrie centrale, c’est un vent sec et chaud dommageable aux cultures176. Ces vents du nord dominants peuvent aussi s’accompagner de vents du sud, du type khamsin (chlouq dans le Levant). Lorsqu’ils interviennent au début de l’été (avril et mai), ils provoquent une montée brutale des températures et une chute très importante de l’hygrométrie177. L’irruption de ces vents à une période clé du développement des annuelles et des arbres fruitiers peut entraîner des dégâts importants sur les cultures178.

Si les effets du khamsin peuvent exceptionnellement se faire sentir dans tout le Proche-Orient (de l’Égypte à la Syrie notamment pour un épisode de mars 1998), les vents qui parcourent la Syrie centrale ont surtout des répercussions régionales, mais leur comportement sont très mal connus179.

b) Régime des précipitations

Par la répartition saisonnière des précipitations, la Syrie centrale appartient au domaine climatique méditerranéen. Les précipitations interviennent pendant la saison froide alors que l’été est marqué par la sécheresse180. Cependant, des facteurs tels que la latitude, la continentalité et le relief induisent des variations notables d’une région à l’autre181. Ces différences concernent la quantité annuelle de précipitations, qui diminue d’ouest en est et du nord vers le sud, la régularité de la dotation pluviométrique, qui évolue de la même manière,

172 BIROT et DRESCH 1956, p. 260. 173 RIGOT 2003, 1, p. 69. 174 RIGOT 2003, 1, p. 69-70. 175 RIGOT 2003, 1, p. 70. 176 RIGOT 2003, 1, p. 70. 177 SANLAVILLE 2000, p. 45-47.

178 WEULERSSE 1946, p. 24. Soufflant en moyenne en 10 et 12 jours par an, ces vents font monter la température jusqu’à ses maxima et chuter le taux d’humidité à 2 %. Transportant des particules desséchantes (sables et poussières), ils brûlent la végétation et échaudent les céréales d’hiver (BIROT et DRESCH 1956, p. 259).

179 BESANÇON et GEYER 2006, p. 16.

180 SANLAVILLE 2000, p. 104.

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et sa répartition annuelle, avec une saison sèche qui tend à s’allonger sous les effets conjugués de la latitude et la continentalité.

(a) La dotation pluviométrique annuelle

La côte levantine et les montagnes du Taurus et du Zagros apparaissent de ce point de vue comme les régions les plus favorisées. La présence de reliefs y favorise l’ascendance des masses d’air et engendre des précipitations sur le versant exposé182. Le littoral bénéficie ainsi d’une moyenne annuelle comprise entre 600 et 1 000 mm de précipitations (790 mm à Lataqiyah), avec, sur les reliefs, une quantité supérieure à 1 000 mm (figure 9)183. Derrière le bourrelet montagneux, l’effet d’abri, donnée essentielle en Syrie centrale184, provoque une diminution quantitative notable de la pluviométrie, bien que l’ensellement de Tripoli et de Homs permette localement aux précipitations de pénétrer l’arrière-pays. Idlib et Homs reçoivent ainsi respectivement 485 et 460 mm par an tandis qu’Alep, Hama et Salamiya se trouvent dans une zone qui bénéficie de 300 à 400 mm par an185.

Le tracé de l’isohyète des 200 mm186, qui correspond à la bordure intérieure du Croissant fertile187, suit un tracé approximativement parallèle au littoral, englobe les massifs montagneux levantins et amorce au nord un retour vers l’est en suivant le piémont des chaînes du Taurus et du Zagros. Dans le détail, il passe immédiatement à l’est de Damas, suit le piémont sud des Palmyrénides (exception faite du Jabal Bishri), le contourne vers le nord, marque un léger retour vers le nord-ouest en restant à l’est de la sabkha Al-Jabbul pour ensuite passer au nord de Raqqa (carte 2)188. En Syrie centrale, les stations de Sfirah, Jabbul, Khanasir189 et Wadi al-‘Azib, rendent compte de la situation locale. Elles font apparaître, à

182 SANLAVILLE 2000, p. 48.

183 WIRTH 1971, carte 3, p. 92-93.

184 TRABOULSI 2010, p. 76.

185 Alep : 360 mm/an ; Hama : 343 mm/an ; Salamiya: 315 mm/an (WIRTH 1971, carte 3, p. 92-93).

186 L’isohyète des 200, 250 ou 300 mm, selon les auteurs, correspond à la limite orientale théorique de la zone d’agriculture pluviale. En-deçà de ce seuil, on estime que l’agriculture doit nécessairement recourir à l’irrigation. Toutefois, c’est faire abstraction des conditions édaphiques, qui peuvent localement permettre une culture dans des secteurs bénéficiant d’une dotation pluviométrique annuelle inférieure (voir ci-dessous b) Support édaphique, p. 114). Il ne s’agit pas d’une limite linéaire mais d’une bande de transition fluctuante. P. Birot et J. Dresch placent cette zone de transition entre 400 et 200 mm de précipitations moyennes par an (BIROT et DRESCH 1956, p. 440-441). P. Sanlaville considère qu’au Proche-Orient, le « désert véritable » commence en-dessous de 200 mm (SANLAVILLE 2000, p. 57), tandis que la zone de transition se situe entre 200 et 400 mm de précipitations, l’isohyète des 200 mm constituant la limite en-dessous de laquelle les besoins des plantes en eau ne sont pas satisfaits (SANLAVILLE 2000, p. 110). La limite inférieure de l’agriculture pluviale varie donc en fonction des auteurs, ce qui indique bien qu’il ne s’agit pas d’une ligne de démarcation mais bien d’une zone de transition : R. Thoumin place cette zone autour de 300 à 350 mm (THOUMIN 1928, p. 109), L. Dubertret et J. Weulersse, autour de 250 mm (DUBERTRET et WEULERSSE 1940, p. 88), de même pour A. R. Hamidé (HAMIDÉ 1950, p. 90 et 127). B. Geyer localise cette zone autour de 200 à 250 mm, tout en signalant que même en dessous de 200 mm de précipitations annuelles, la culture sèche reste possible dans certains micromilieux favorisés (GEYER 2000b, p. 35).

187 Le Croissant fertile est une région comprise entre les reliefs levantins et la steppe aride (pluviométrie annuelle comprise entre 600 et 200 mm d’après SANLAVILLE 2000, p. 57), qui correspond à l’aire d’endémisme des céréales.

188 WIRTH 1971, carte 3, p. 92-93. Les isohyètes ont été calculés sur la moyenne de plusieurs années.

189 J.-B. Rigot signale toutefois que la station de Khanasir, sur le piémont est du Jabal Hass est en position d’abri. Les relevés pluviométriques qui y ont été effectués ont enregistré une « anomalie » pluviométrique (RIGOT 2003, 1, p. 64). La dotation annuelle moyenne hors du couloir de Munbatah, doit donc être revue à la hausse.

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l’intérieur même de la région, l’influence de la continentalité sur la répartition des précipitations : ainsi, de 331 mm à Alep, la pluviométrie moyenne annuelle passe à 250 mm à Jabbul, et à 221 mm à Khafsa, près du lac Assad190. Les effets de la latitude peuvent aussi être perçus à cette échelle, comme le prouve la comparaison des valeurs données pour la rive nord de la sabkha Jabbul et de celles provenant de stations plus au sud : 231 mm à Al-Sa‘an, 179 mm à Wadi al-‘Azib191, 130 à 140 mm à Qasr al-Hayr al-Sharqi192 et 126 et 129 mm respectivement à Al-Kowm et Palmyre193.

L’importance des reliefs, qui jouent un rôle essentiel dans la répartition spatiale des précipitations à l’échelle du Proche-Orient, a également été soulignée à l’échelle régionale. J. Besançon et B. Geyer estiment que la quantité de précipitations reçue en altitude est majorée de 25 mm tous les 100 m, ce qui porte à 400 mm la dotation pluviométrique annuelle pour l’étage supérieur des Palmyrénides, soit le double de la dotation des plaines attenantes194. J.-B. Rigot avance la même idée pour les Jabal Hass et Shbayt. Après W. Dairi, il signale que la station de Khanasir, placée sur le piémont est du Jabal Hass, a enregistré une « anomalie » pluviométrique. Ses valeurs anormalement basses (moyenne annuelle de 193 mm de précipitations), compte-tenu de sa position en latitude, reflètent une position d’abri195. Hors du couloir de Munbatah, la dotation annuelle moyenne doit donc être revue légèrement à la hausse. Si l’on procède, pour les mesas basaltiques, au même calcul que celui auquel J. Besançon et B. Geyer se sont livrés pour les Palmyrénides, on obtient pour le Jabal Hass et le Jabal Shbayt une dotation annuelle de 320 et 287 mm respectivement sur la base de la moyenne annuelle de Jabbul, et 254 et 221 mm respectivement sur la base de la moyenne de Khanasir. M. Traboulsi signale cependant que la latitude et l’altitude n’interviennent que modérément dans les variations de précipitations d’une station à l’autre. C’est en règle générale l’effet d’abri qui conditionne au premier chef la répartition spatiale de la pluviométrie dans la région196. Si l’on excepte le massif montagneux nord-palmyrénien dont le rôle sur la répartition des précipitations de la région est établi, les autres reliefs n’ont qu’un effet limité sur les variations pluviométriques.

Parallèlement aux précipitations enregistrées, il existe une autre forme de condensation, qui fait intervenir l’hygrométrie et les températures, mais dont les effets sont peu connus : la rosée et le givre197. La rosée intervient sous la forme de condensation liée au refroidissement nocturne, elle est d’autant plus importante que les températures diurnes sont élevées198. Quand on sait que ce sont aussi les régions les plus sèches qui présentent les amplitudes nycthémérales les plus élevées, on comprend que la condensation doit y être particulièrement importante et que ce phénomène devrait être pris en compte. Pas ou peu

190 TRABOULSI 2010, p. 74-75. 191 TRABOULSI 2010, p. 75. 192 GENEQUAND, KÜHN et REYNIER 2006, p. 189. 193 BESANÇON et GEYER 1999, p. 41. 194 BESANÇON et GEYER 2006, p. 16.

195 RIGOT 2003, 1, p. 64, d’après DAIRI 1990.

196 TRABOULSI 2010, p. 76.

197 BESANÇON et GEYER 2006, p. 16.

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étudiée en Syrie, la rosée a néanmoins éveillé depuis longtemps l’intérêt de chercheurs travaillant sur l’exploitation d’un autre milieu aride, le Néguev. Dans cette région, les rosées les plus nombreuses interviennent l’été, en période de sécheresse totale199. On peut donc imaginer leurs effets bénéfiques sur la végétation et sur les cultures200. L’apport de la condensation n’a pas été quantifié dans les zones arides mais des estimations, pour les côtes levantines sont disponibles : 200 à 250 nuits de rosées dans cette région équivalent à 100 à 150 mm de précipitations supplémentaires201. Les condensations nocturnes sont sans doute beaucoup moins importantes et fréquentes en Syrie centrale, mais on n’y connaît ni le nombre de jours de rosée par an ni la quantité de précipitations que représenterait leur cumul. Le phénomène des condensations nocturnes pourrait conduire à revoir à la hausse la dotation pluviométrique annuelle très modique de la région, ce qui ne serait pas sans conséquence sur le potentiel théorique de mise en valeur des secteurs les plus secs.

(b) La répartition spatiale des précipitations

La répartition spatiale des précipitations fait intervenir, pour une même année, de grandes disparités régionales à l’échelle du pays. L’hiver 1991-1992, par exemple, qui a été particulièrement humide dans la partie occidentale de la Syrie, a été anormalement sec dans la steppe202. Mais les différences de répartition ne se limitent pas aux clivages ouest/est habituels. Alors que le sud de la Syrie a souffert d’un déficit de précipitations par rapport à la moyenne annuelle en 1975, la dotation pluviométrique de la région de Hama a été supérieure à la moyenne et très nettement supérieure à Palmyre. Inversement, alors que Hama a reçu en 1987 une dotation conforme à la moyenne, elle a été supérieure à la moyenne en Syrie du Sud et la même année s’est révélée très déficitaire à Palmyre203. On observe, à l’échelle microrégionale des écarts assez similaires car les pluies ont souvent des répercussions très locales. Une averse brutale sur les Palmyrénides peut suffire à rendre fonctionnel le bassin-versant d’un oued majeur, tandis que les talwegs adjacents, sur les glacis de piémont, resteront secs.

Les cumuls annuels moyens n’ont donc qu’une valeur indicative, d’abord à cause des disparités dans la répartition spatiale des précipitations et ensuite à cause de l’irrégularité de la dotation annuelle. Le régime des précipitations est en effet caractérisé par une variabilité interannuelle très forte et par l’alternance irrégulière d’années sèches et d’années humides.

(c) L’irrégularité interannuelle des précipitations

La variabilité des précipitations par rapport à la moyenne est une composante normale du climat méditerranéen. L’impact de ce phénomène sur les populations sédentaires et nomades est déterminant car il conditionne les activités agricoles et le déplacement des