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La Révolution française éclate en 1789 au commencement de laquelle, pour faire comprendre les lois nouvelles et susciter la plus large adhésion populaire dans un

86 HÉLIX Laurence, op.cit., p.39.

87 CHAURAND Jacques, Histoire de la langue française, Paris, Puf, « Que sais-je ? », 1969, p. 85.

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territoire où persiste toujours la mosaïque de dialectes, dans les campagnes en particulier, la Constituante décide dès juin 1790 de traduire des décrets dans toutes les langues régionales. Au fur et à mesure que le pouvoir politique se radicalise et que la France se trouve en danger face à des revers militaires tant à l’intérieur (insurrection de Vendée, lutte entre les tendances politiques opposées) qu’à l’extérieur (coalition), la langue se voit associée à l’unité de la nation. La Terreur établie, le député Bertrand Barère (1755-1841) rédige le 8 pluviôse an II (le 27 janvier 1794) un rapport en faveur d’une langue nationale tout en dénonçant les périls que font courir à la république les idiomes anciennes, welches, gascons, celtiques, wisigots, phocéens et orientaux88. Quelques mois plus tard, l’abbé Henri-Baptiste Grégoire (1750-1831), après avoir effectué une vaste enquête sur les patois en France, soumet le 16 prairial an II (le 16 juin 1794) le Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française à la suite duquel la Convention charge le Comité d’instruction publique de faire rédiger une nouvelle grammaire et un vocabulaire nouveau de la langue française en réprimant les patois. Est adopté ensuite le 2 thermidor an II (le 20 juillet 1794) le décret dont les quatre articles imposent l’usage du français dans tous les actes publics et les services publics.

L’enseignement de la langue française à l’école est en ce temps-là mis à son tour à l’ordre du jour. Le décret du 8 pluviôse an II (le 27 janvier 1794) stipule que, il sera établi dans dix jours, à compter du jour de la publication du présent décret, un instituteur de la langue française dans chaque commune de campagne des départements du Morbihan, du Finistère, des Côte-du-Nord et dans la patrie de la Loire-Inférieure dont les habitants parlent l’idiome appelé bas-breton89et le décret du 27 brumaire an III (le 17 novembre 1794) sur les écoles primaires stipule que l’enseignement sera fait en langue française ; l’idiome du pays ne pourra être employé que comme un moyen

88 HAGÈGE Claude, op.cit., p.83.

89 Article 1, http://www.tlfq.ulaval.ca/AXL/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm, consulté le 7 juin 2012.

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auxiliaire90.Ainsi, d’une politique linguistique plutôt libérale au début de la Révolution à une politique linguistique autoritaire traduite par la terreur linguistique, la situation revient à l’ordre déjà établi en 1539 où s’impose le français dont la place primordiale constitue l’un des moyens d’assurer l’unité du pays.

Dans ce courant fort d’unité autoritaire à l’époque de la Révolution, la tendance au néologisme dispose de nouvelles ressources : à l’aide du journal qui pénètre dans les locaux et diffuse les vocabulaires de la Révolution, une langue politique se crée et se voit répandue. Dans l’exemple non exhaustif on peut énumérer fédéralisme, suppléant, expropriation, vandalisme, tricolore. De plus, le calendrier républicain, dont le nom de chaque mois est tiré des activités agricoles ou du climat, est utilisé à la place du calendrier grégorien.

Il est à noter, par surcroît, que comme la France exerce une influence importante sur l’échiquier international au XVIIIe siècle, le français a lui aussi connu ses heures de gloire dans le monde. La plupart des cours européennes et les ambassadeurs connaissant le français, Malherbe et Vaugelas l’ayant épuré jadis et la grande puissance demeurant toujours, le français vient graduellement rivaliser le latin et le remplace enfin dans la rédaction des traités internationaux. En 1714, le traité de Rastatt mettant fin à la guerre de succession d’Espagne est rédigé en français. C’est la première fois que le français est employé dans la rédaction d’un document juridique à portée internationale.

Le début de la langue officielle de la diplomatie.

Suite à l’éclat de la Révolution, le régime a connu des vicissitudes en France, l’unité de la langue est toujours liée à celle de la politique et du pays. Dans cet état d’esprit, sous Napoléon Bonaparte, l’Académie française, supprimée en 1793 et reconstituée en 1803, continue de veiller sur la langue. On témoigne aussi de la généralisation d’une instruction en langue française. Si, avec Napoléon, le latin retrouve

90 Article 3, ibid.

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sa prépondérance au collège et à l’université, on s’efforce de se focaliser sur l’enseignement primaire en langue française. Sous la monarchie de Juillet, a été promulguée la loi sur l’instruction primaire du 28 juin 1833 (dite loi Guizot) dont l’article 1 stipule que l’instruction primaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures91.Presque cinquante ans révolus, Jules Ferry (1832-1893), ministre d’instruction publique sous la IIIe République, rend l’enseignement primaire public gratuit, obligatoire et laïque en mettant en place la loi du 16 juin 188192 et celle du 28 mars 188293, ce qui fait en sorte que le français s’impose définitivement sur tout le territoire de la France, au grand dam des dialectes.

Au XIXe siècle, sur le plan du français intrinsèque, les changements ne veulent pas être en reste. Du fait que le système éducatif a besoin des règles figées pour qu’elles soient enseignées aux élèves, l’Académie française a publié en 1835 la 6e édition de son dictionnaire procédant à des modifications. Premièrement, pour le pluriel des mots en ant et ent, le t se maintient devant le s du pluriel : enfants au lieu de enfans, intéressants à la place de intéressans. Deuxièmement, les mots terminés en ois, prononcé depuis longtemps comme è, est remplacé officiellement par ais, ce qui a été réclamé par Voltaire et officialisé par les Immortels. Selon le même besoin de l’éducation, a paru en 1842 Le Véritable Manuel des conjugaisons ou la science des conjugaisons mise à la portée de tout le monde par le célèbre Louis-Nicolas Bescherelle (1802-1883) et son frère Henri Bescherelle (1804-1852). Pierre Larousse (1817-1875) et Émile Littré (1801-1881) ont publié respectivement leur chef-d’œuvre Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle en 1866 et Dictionnaire de la langue française (dit Littré) en 1872.

Il reste à remarquer un autre trait linguistique au XIXe : l’argot. Ce mot est

91 http://dcalin.fr/textoff/loi_guizot.html, consulté le 6 janvier 2012.

92 Loi relative à l’enseignement public gratuit.

93 Loi relative à l’obligation et à la laïcité de l’enseignement.

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attesté pour la première fois en 1628 pour désigner la communauté des Gueux94, sa diffusion est pourtant beaucoup plus répandue à partir du XIXe. On doit beaucoup dans ce domaine à François-Eugène Vidocq (1775-1857), qui, forçat devenu chef de la brigade de sûreté, a publié durant 1828-1829 ses Mémoires de Vidocq, chef de la police de Sûreté, jusqu’en 1927 dans lesquelles se généralisent les termes argotiques95. Vidocq a également fasciné Honoré de Balzac qui s’inspire de celui-là pour Vautrin de la Comédie humaine.

L’expressivité et l’inventivité de l’argot non seulement démontrent le dynamisme de la langue française mais aussi favorisent le développement de la pratique du français, d’où la parution de nombreux dictionnaires d’argot dont Dictionnaire d’argot moderne, ouvrage indispensable pour l’intelligence (1843) de l’écrivain Eugène Sue (1804-1857).