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Première partie Les politiques linguistiques menées en Chine depuis 1949

Chapitre 3 Les politiques linguistiques à l’ère nouvelle

3.5 La diffusion de la langue chinoise à travers le monde

Si, depuis 1949, l’autorité chinoise s’attaque à normaliser la langue et l’écriture à l’échelle nationale en mettant en place le projet du pinyin et en standardisant le putonghua, avec l’essor économique et le retour au premier rang international depuis la réforme et l’ouverture de 1978 en particulier, la langue chinoise s’ouvre elle aussi à

73 http://www.cnctst.cn/Home/History, consulté le 11 juin 2013.

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l’étranger. Outre l’organisation par l’université de Tsinghua en 1950 du stage réservé aux étudiants étrangers à courte durée et l’adoption du projet du pinyin comme la norme internationale de romanisation des noms géographiques en chinois en 1977 et ISO 7098 : 1982 Documentation : romanisation du chinois en adoptant le projet du pinyin (voir supra), l’autorité veut diffuser le chinois au niveau international et renforcer son statut.

Dans cet esprit, l’enseignement du chinois langue étrangère joue un rôle de plus en plus important de la diffusion du chinois. L’année 1978 a vu la mise en place de l’enseignement du chinois à courte durée à l’Institut des langues de Beijing qui a accueilli 28 étudiants étrangers français qui apprenaient la langue chinoise. Les premières 8 méthodes ont été publiées l’une après l’autre depuis 1980.74 En 1985, la Commission nationale de l’Éducation a donné l’autorisation à quatre universités de créer en leur sein la spécialité de Chinois langue étrangère et jusqu’en 2012, 62 établissements supérieurs ont mis en place cette spécialité et recrutent chaque année près de 4 000 étudiants.75 Pour mieux répondre aux besoins des apprenants du chinois, le premier Séminaire international de l’enseignement du chinois a eu lieu en 1985 à Beijing. En 1987, lors du deuxième Séminaire, l’Association mondiale de l’enseignement du chinois a été fondée. Des enseignants de chinois à travers le monde peuvent ainsi échanger des idées académiques et des expériences pédagogiques sur ces plates-formes.

En outre, le Ministère de l’éducation a chargé en 1984 l’Institut des langues étrangères de développer le HSK (le test d’évaluation du chinois) afin de tester les compétences linguistiques en chinois des personnes ne l’ayant pas comme langue maternelle. Le HSK a été appliqué à partir de 1990 et le Bureau national du chinois (Hanban) relevant du Ministère de l’éducation a introduit à compter de 2009 une nouvelle version du HSK qui se divise en six niveaux correspondant aux niveaux définis par CECRL :

74 http://guoqing.china.com.cn/2012-07/18/content_25943207.htm, consulté le 14 juin 2014.

75 Ibid.

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Niveau HSK Vocabulaire requis Niveau CECRL

6 Plus de 5 000 C2

5 2 500 C1

4 1 200 B2

3 600 B1

2 300 A2

1 150 A176

Le HSK se tient une fois par mois et le test en ligne est possible dans certains centres de test agréés.

Il y a aussi un test normalisé réservé aux enfants de moins de 15 ans YCT (Youth Chinese test) et un test normalisé pour le commerce BCT (Business Chinese Test).

Le nombre du centre de test agréé tout confondu est au 846 répartis dans 103 pays dont 507 à l’étranger.77

Depuis 2002, le Bureau national du chinois organise le concours Chinese Bridge, une compétition ouverte aux étudiants étrangers qui apprennent le chinois.

Jusqu’en 2013, les 12 éditions ont plus de 300 mille étudiants candidats venant de plus de 80 pays en compétition préliminaire dont plus de mille se rendent en Chine pour la compétition finale78. Pour encourager les jeunes à apprendre le chinois, le concours Chinese Bridge pour les élèves étrangers entre 15 et 20 ans à l’étranger a été lancé en 2008. En même année, le concours ouvert aux étudiants étrangers en Chine ayant pour langue maternelle autre que le chinois a vu le jour. Les concours Chinese Bridge sont devenus une activité culturelle de renom pour les échanges culturels à l’échelle internationale avec le concours de la diffusion sur la chaîne de la télévision nationale.

76 Tableau traduit d’après le site http://www.hanban.edu.cn/tests/node_7486.htm, consulté le 14 juin 2014.

77 http://www.hanban.org/tests/node_7482.htm, consulté le 14 juin 2014.

78 http://www.hanban.edu.cn/chinesebridge/node_7489.htm, consulté le 14 juin 2014.

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Sur sa lancée, l’autorité cherche à créer à l’étranger des établissements d’enseignement du chinois et de diffusion de la culture chinoise – Institut Confucius. Le premier Institut Confucius a été fondé conjointement le 24 novembre 1994 à Séoul par l’Institut d’étude de coopération de la culture sino-coréenne et le Bureau national du chinois. Les Instituts Confucius sont des établissements à but non-lucratif, fondés conjointement par la Chine et un pays étranger ou une région étrangère, ayant pour objectifs enseignement du chinois, formation des enseignants de chinois, offre des ressources pédagogiques, organisation des tests de chinois et échanges linguistiques et culturels. Fin 2013, il y a au total 440 Instituts Confucius installés dans 115 pays ou régions répartis sur les 5 continents79. Ils constituent un point de rencontre dans chaque pays pour faire parler le chinois et faire connaître la culture chinoise et la Chine. Avec le développement d’Internet, a été mis en ligne l’Institut Confucius qui propose des cours et des informations pratiques sur l’apprentissage de la langue chinoise et la culture chinoise.

En retraçant l’histoire des politiques linguistiques du chinois depuis la fondation de la République populaire de Chine en 1949, en l’espace d’une cinquantaine d’années, nous pouvons arriver à quelques constatations :

Premièrement, dans un pays où il existe un grand nombre de variétés de langues, l’aménagement linguistique s’avère d’autant plus loin d’être aisé que la naissance d’une nouvelle république vient d’être annoncée et que les travaux sont interrompus pendant dix ans. On a mis presque une décennie pour s’accorder sur le projet du pinyin tandis que les tâches de la généralisation du putonghua et de la normalisation des caractères chinois exigent des efforts constants.

Deuxièmement, les trois préoccupations majeures qui occupent l’autorité sont la normalisation des caractères chinois, la diffusion du projet du pinyin et la généralisation du putonghua. À l’entrée de la nouvelle ère qu’est celle de l’information, le traitement

79 http://www.hanban.org/confuciousinstitutes/node_10961.htm, consulté le 14 juin 2014.

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informatique de la langue et de l’écriture chinoises se situe alors également au premier rang des préoccupations.

Troisièmement, afin de mener à bien les politiques linguistiques du chinois, l’autorité a créé des instances compétentes qui orientent et mettent en œuvre les politiques. Différents ministères et commissions y sont impliqués dont celui de l’Éducation et du Commerce. La Commission nationale des travaux de la langue et de l’écriture sous la direction du Ministère de l’éducation est l’acteur principal en cette matière.

Quatrièmement, l’aménagement sur le corpus est en essor à travers la Chine. Le projet du pinyin et la généralisation du putonghua sont exigés dans l’enseignement, le commerce, l’audiovisuel. On apprend à écrire les caractères simplifiés et normalisés. Le traitement informatique de la langue et de l’écriture est mené d’emblée à partir des années 1980. La diffusion est effectuée à toutes les échelles et un essaim de normes sont rendues au public. Ces travaux menés en plein fouet aidant, le taux de l’analphabétisme est baissé et la communication entre les citoyens des quatre coins du pays se voit améliorée.

Cinquièmement, l’aménagement sur le statut n’est pas en reste. L’inscription en 1982 de la généralisation du putonghua dans la Constitution et la promulgation de la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales en 2001 renforcent le statut du putonghua, du pinyin et des caractères chinois. Avec des règlements sur la langue et l’écriture qui interviennent dans le commerce, l’audiovisuel, la presse, des mesures de contrôle sont prévues de façon à rendre l’emploi de la langue et de l’écriture conforme aux normes.

Sixièmement, étant de plus en plus ouverte au monde et devenue une grande puissance économique mondiale, la Chine veut également jouer la carte culturelle sur la scène internationale. Ainsi sont créés de façon galopante des Instituts Confucius et l’industrie de l’enseignement du chinois langue étrangère est-elle en pleine activité.

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Enfin, les efforts de l’aménagement linguistique du chinois et de la diffusion du chinois dans le monde entier menés, la situation n’est pas sans souci, tant s’en faut. Nous servant de plus en plus d’ordinateur et d’autres équipements numériques tant dans l’enseignement que dans la vie quotidienne, nous saisissons les caractères depuis le clavier au lieu dus écrire à la main. On s’inquiète de la perte du savoir manuel. En diffusant le chinois à travers le monde, on est confronté à une situation dans laquelle la généralisation de l’anglais et la pauvreté linguistique du chinois chez les jeunes élèves, la généralisation de l’anglais dans des entreprises et l’abus de l’anglais dans les espaces publics et dans les médias représentent un risque réel. Dans un monde où les échanges se multiplient dans tous les domaines, la communication doit se faire de façon la plus précise possible, il nous faut standardiser les termes et la terminologie pour écarter toute bévue causée par la langue. À cela s’ajoute le besoin de normaliser le chinois sur la Toile et d’étendre la sphère d’influence du chinois sur Internet. Le dernier mais non le moindre, la fièvre d’apprentissage du chinois étant intense ces dernières années, la grande quantité ne signifie pourtant pas la bonne qualité, comment mieux diffuser la langue pour servir la stratégie linguistique nationale, augmenter la puissance douce culturelle et réaliser le Rêve chinois ? Ces questions se posent à nous.

Si la Chine se permet de se référer au cas de la France, c’est que cette dernière s’efforce de défendre l’unité du français et de promouvoir le français à l’extérieur de l’Hexagone tout en l’inscrivant dans la mission de la diversité linguistique. S’il nous est possible d’entamer cette recherche, c’est que la France dont le cas ressemble à celui de la Chine - pays multilingue, face à l’hégémonie de l’anglais, une culture assez riche, jouissance d’une langue exerçant une influence importante au sein des institutions internationales, etc. - nous semble-t-il, donne un bon exemple à analyser, à étudier à dessein que nous puissions faciliter la quête d’une politique linguistique plus efficace, légitime et à la hauteur de l’enjeu linguistique à l’ère où nous nous trouvons.

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C’est à partir de ces constats et de ces idées que nous voulons effectuer cette recherche comparative.

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Deuxième partie La politique linguistique du français menée