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Peu à peu, c’est après la guerre de Cent Ans et au cours de la Renaissance que la langue française s’est peu à peu affirmée.

Depuis la conquête normande au XIe siècle sous Guillaume le Conquérant (vers 1028-1087), la langue française a pu entrer en Angleterre et est devenue la langue de l’aristocratie. Or, la guerre de Cent Ans déclenchée en 1337, qui est due à la dispute du royaume de France entre Édouard III (1312-1377) et Philippe VI de Valois (1293-1350) après la mort de Charles IV (vers 1295-1328) ne laissant aucun héritier capétien et qui se solde par la victoire définitive de la France en 1453, a pour conséquence sur le plan linguistique l’éviction du français d’Angleterre : Édouard III impose en 1361 l’anglais comme langue officielle en Angleterre tandis qu’à l’autre côté de la Manche, les opérations militaires et le brassage des troupes et la population aidant, le partage d’une langue commune connaît son affirmation de façon progressive. L’enjeu linguistique fait l’objet de l’enjeu national, l’unité du pays peut se traduire par celle de la langue.

Au seuil du XVIe siècle, sous le règne de François 1er (1494-1547) qui admire beaucoup la Renaissance italienne, un renforcement du pouvoir central est établi. Des guerres d’Italie82 menées sous son règne font en sorte que des italianismes entrent dans

82 Les guerres d’Italie débutent en 1494, François 1er y procède dès son avènement, soit en 1515 où commence la cinquième guerre d’Italie.

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la langue française, à titre d’exemples, alarme, crédit, balcon, et que l’on découvre la grandeur transalpine (du point de vue des Français bien entendu). Henri Estienne (1528-1598), humaniste, imprimeur et polyglotte, pourfend cependant les italianismes dans son ouvrage Deux dialogues du nouveau français italianizé, et autrement desguizé, principalement entre les courtisans de ce temps en 1578 en prônant la pureté de la langue française dans Projet du livre de la précellence du langage français en 1579.

Désireux également de développer les arts et les lettres en France et de consolider son règne, le roi se décide à diffuser sa propre langue. En août 1539, François 1er a signé dans son château Villers-Cotterêts la fameuse ordonnance sous le nom de l’ordonnance de Villers-Cotterêts dont les articles 110 et 111 imposent la rédaction en français de tous les actes de l’administration et de la justice. À cette ordonnance s’ajoute la Défense et illustration de la langue française lancée une décennie après la célèbre ordonnance par le poète Joachim Du Bellay (1522-1560) qui, membre de la Pléiade, est en faveur de l’enrichissement et de l’innovation de la langue française. Cet élan d’enthousiasme pour le français pénètre dans les milieux littéraires et scientifiques. Les littéraires tels que Rabelais (1494-1553) et Montaigne (1533-1592) n’hésitent pas à emprunter aux dialectes83. S’agissant des termes scientifiques, le recours au latin et au grec est plus fréquent.

Le XVIe siècle est aussi marqué par les conflits religieux. Le latin est jusqu’alors la langue par précellence des textes sacrés bien qu’il y ait déjà des textes traduits en français au XIIIe siècle. L’humaniste néerlandais Érasme (1469-1536) avait déjà exprimé le souhait que les textes soient mis à la portée du peuple pendant la première moitié du XVIe siècle. Pendant les guerres de religion, le grand réformateur religieux allemand Martin Luther a pris le relais de ce dernier en traduisant la Bible en langue vernaculaire — allemand ; le fondateur du calvinisme a ensuite diffusé sa doctrine

83 Rabelais utilise « chapoter » pour dire « frapper », dans le dialecte de Lyon. HAGÈGE Claude, Le français, histoire d’un combat, Édition Michel Hagège, septembre 1996, p.56.

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inscrite dans Institution de la religion chrétienne en français en 1541. Le latin demeurant la langue du culte, l’usage des langues vernaculaires y compris la langue française dans le domaine de la théologie pourrait s’attendre à sa victoire.

Les événements du statut de la langue française à ce siècle mis à part, l’évolution du français interne ne s’avère pas moins importante et intéressante.

Premièrement, ont paru les premières grammaires sur le français. Jacques Dubois (1478-1555), médecin et anatomiste français, a publié en 1531 Introduction à la langue française suivie d’une grammaire, première grammaire de la langue française, dans l’intention de doter le français des outils afin qu’il soit possible de traduire en français des ouvrages de médecine. Robert Estienne (1503-1559), père du polyglotte Henri Estienne, a en 1558 publié la Grammaire française et enfin la Grammaire française du logicien et philosophe Petrus Ramus (1515-1572) en 1562.

Deuxièmement, le développement de l’imprimerie de caractères mobiles en plomb permettant de reproduire des textes en grande quantité, les imprimeurs voulaient simplifier la graphie pour gagner un plus grand public. Ainsi des grammairiens et des imprimeurs avaient-ils la préoccupation de l’orthographe de la langue française. Cette fois-ci, nous devons derechef beaucoup à ceux qui viennent d’être évoqués dans le domaine de la grammaire française : Jacques Dubois a introduit l’accent grave et l’accent circonflexe, Robert Estienne a fait entrer l’accent aigu. Grâce à Ramus qui a proposé de noter différemment la voyelle et la consonne, on a commencé à distinguer la valeur vocalique et la valeur consonantique du u et du i moyennant les lettres v et j. Grâce à ces lettres dites lettres ramistes, on emploie par exemple, v comme lettre initiale et u interne ou finale (rouge au lieu de rovge, Claude et non pas Clavde). Enfin, Geoffroy Tory (1480-1533), imprimeur officiel sous François 1er, a introduit à son tour la c cédille et l’apostrophe dans l’imprimerie en français.

Tout cela confondu, on peut apercevoir la mise en œuvre d’une orthographe et

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l’intention de fixer la langue française à l’aide de la grammaire. La langue française a commencé à se codifier.

Que ce soit l’intention des puristes, des littéraires, du roi, des humanistes et des réformateurs en ce qui concerne la langue française, ils ont contribué à l’ère de Renaissance à l’affirmation de cette langue en France.