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Le risque de contagion et de propagation des crises nan- nan-cières à l'échelle mondiale

1.6 La surveillance macroprudentielle et le risque d'eets d'amplication

Bénéciant d'une plus grande réputation, les Banques Centrales ont moins besoin de prouver leur solidité, en agissant avec plus d'ecacité lors d'une in-tervention nécessaire. Il est donc nécessaire de favoriser la dynamique positive : plus de crédibilité, plus d'ecacité, moins d'interventions et celle-ci ne peut être que la résultante d'un travail préventif qui évite les erreurs individuelles et prépare le PDR à la complexité et la spécicité de chacun des cas qu'il est susceptible de rencontrer.

La question qui s'impose, c'est de rééchir à l'organisation et à la régle-mentation de l'industrie bancaire pour que les banques jouent ecacement leur rôle et répondent convenablement aux critères d'un système stable. Il convient d'imaginer l'avenir de la réglementation dans le contexte actuel. Nous avons besoin de représenter de quelle manière le système nancier évoluera dans le fu-tur. Il existe, au plan politique, une forte demande d'orientations et de mesures destinées à résoudre les problèmes et leur occurrence.

Toutefois, même si un PDR est nécessaire, il faudrait en limiter strictement ses interventions. Pour cela un renforcement de la surveillance macropruden-tielle est d'actualité. Souvent assimilée à la prévention du risque systémique, la surveillance macroprudentielle concerne l'interaction du risque systémique avec l'économie réelle. La réglementation diminue les risques pris et permet non seulement d'éviter que les agents imprudents soient à l'origine des perturbations, mais aussi de permettre de diminuer le nombre de recours au PDR, car plus les interventions sont rares, plus elles sont crédibles et ecaces.

En observant la logique de la régulation actuelle, on peut dire qu'elle consiste à assurer la stabilité de segments du système n'englobant pas tout le système. Or la crise récente comme les précédentes ont montré qu'une approche morce-lée de la régulation ne garantit pas forcément la stabilité globale du système entier. En eet, l'augmentation de l'eet de levier par les institutions nan-cières et la concentration des risques sur un nombre restreint de banques n'ont été ni bien mesurées, ni bien perçues. Le cycle du prix crédit/actifs peut être un déterminant essentiel de la volatilité et de l'instabilité macroéconomique -nancière. Par conséquent, des outils macroprudentiels permettant d'inuencer directement l'ore de crédit sont nécessaires (Turner, [2010]).

Une double surveillance permet de faire face au risque systémique (Hannoun [2010]). Les modalités d'intervention macroprudentielles font toujours l'objet de débats. Deux pistes se dégagent : une modication de la réglementation indivi-duelle pour y insérer des préoccupations plus macroéconomiques, ou bien la mise en place d'un dispositif ad hoc complétant la réglementation micro prudentielle En termes d'objectifs spéciques de la politique macroprudentielle, de ma-nière générale on s'accorde à limiter les risques et les coûts des crises systé-miques. Brunnermeier et al. [2009] ont fait valoir que l'un des objectifs clés de la macro-régulation est d'agir comme un contrepoids sur les risques dans un boom et sur leur augmentation subséquente durant les périodes de bust.

Table 1  Macro versus micro perspectives

Macroprudentielle Microprudentielle Objectif immédiat Limiter une crise

nancière systémique Limiter les détressesd'institutions individuelles Objectif ultime Eviter les coûts

macroéconomiques globaux Protection du consommateur. Investisseur / déposant. Caractérisation du

risque Endogène (dépendant descomportements collectifs) Exogène (indépendantdes comportements individuels) Corrélation entre

les institutions et exposition

commune

Importantes Sans objet

Calibrage des contrôles prudentiels

En termes de risque systémique du haut vers

le bas, top down

En termes de risques idiosyncratiques, du bas vers le haut, et bottom-up Source : Borio [2003]

régulation devrait viser la mise à disposition stable de services d'intermédiation nancière, des services de paiement, et de l'assurance contre le risque de crédit à l'économie. Selon un autre point de l'objectif de la politique macroprudentielle est d'éviter le risque d'épisodes de détresse qui ont des coûts macroéconomiques importants dans l'ensemble du système (Borio & Drehmann, [2009a]).

En n de compte, nous avons deux approches de la surveillance macro pru-dentielle. Pour ce faire, la nouvelle réforme Bâle III constitue une avancée ma-jeure vers une meilleure prise en compte de la surveillance macroprudentielle (Caruana [2010a]). La crise démontre assez nettement que les marchés et les institutions qui ont un rôle systémique doivent faire l'objet d'une régulation. La récurrence des crises et l'inecacité du PDR à les résoudre ont mis en évidence deux enjeux en matière de réglementation nancière.  Le premier a trait à la réglementation actuelle et aux évolutions qu'il convient d'apporter en matière de produits nanciers, de leurs valorisations et de leur diusion dans l'économie ainsi qu'en ce qui concerne les dispositifs visant à réglementer les incitations au niveau de chaque établissement. La période récente a souligné l'importance des interactions entre produits, acteurs et marchés et la nécessité de compléter la réglementation actuelle par une perspective plus globale et donc des règles destinées à gérer les conséquences macroéconomiques des comportements indi-viduels. Ce suivi macro prudentiel est déterminant pour la stabilité nancière 19?

En eet, bien que l'importance de la macro-prudence ne soit d'actualité

19. Banque de France documents et débats N°2 Février 2009

qu'à partir des années 2000, sa mise en évidence remonte à la période 1970 dans le rapport de la réunion préparatoire du comité de Bale I, sous forme d'une orientation systémique de la réglementation et de la supervision bancaires tenant compte de la macroéconomie (Clément [2010). Durant, ces dernières décennies l'objectif de la politique monétaire était centré sur la stabilité des prix. Cependant, un tel consensus n'existe pas dans la littérature relative aux objectifs de la politique macroprudentielle (Galati & Moessner [2013]).

La surveillance macro prudentielle est souvent confondue avec la prévention du risque systémique. En fait, ce sont deux concepts étroitement liés mais non identiques. Le risque de système fait référence à la dynamique interne du système nancier, alors que la surveillance macro prudentielle concerne son interaction avec l'économie. L'apparition d'un risque systémique peut endommager le sys-tème nancier, mais n'aecte pas systématiquement l'économie réelle. Seulement la bonne santé et la résilience du système nancier sont une condition nécessaire pour atteindre les objectives macros prudentielles souhaitées.

En dépit de l'absence de consensus sur les objectifs de la macro-prudence, en raison d'une séparation dicile entre micro-et macro-prudence, Caruana [2010a] suppose que les politiques macroprudentielles doivent réduire le risque systémique en intégrant, explicitement, les liens entre micro et macro-prudence, les expositions communes de toutes les institutions nancières, et la pro cy-clicité du système nancier sur des stabilisateurs automatiques imposant des limites au comportement des institutions sans tenir compte des situations par-ticulières sinon elles recourent à des interventions discrétionnaires et dirigées  top down , en alliant les deux composantes de la surveillance macro pruden-tielle (systémique et macroéconomique) avec les deux approches (automatique et discrétionnaire) (Blanchard & al., [2010]).

Toutefois, les dicultés de mise en place d'indicateurs appropriés de risque systèmique se retrouvent dans la détermination des instruments macro pru-dentiels. Ainsi, plusieurs instruments peuvent être utilisés : la modération de l'expansion du crédit, et de la liquidité ou de capital. Le choix des instruments dépend, selon les économies de leur niveau de développement économique, de leur régime de change, et de leur vulnérabilité estimée.

La réduction du caractère procyclique des institutions bancaires peut faire appel au renforcement des réserves en fonds propres des banques de manière contracyclique. Si on demande aux banques de détenir un ratio de fonds propres rapporté aux actifs plus élevé en période d'expansion qu'en période de stress -nancier, on améliore de manière ecace le suivi du risque, limite la croissance du crédit en période d'expansion, et atténue sa contraction en période de ralen-tissement. Une surcharge en capital supplémentaire pourrait viser uniquement exclusivement les entités systémiques (Betbéze & al. [2011]).

An d'éviter les dicultés de nancements en périodes de détresse nancière, Hanson & al. [2011] admettent l'instauration d'un renforcement substantiel des ratios prudentiels en période d'expansion pour combler les besoins en fonds propres en cas de crise ; par conséquent, on limite le caractère contracyclique de l'instrument. De manière complémentaire, l'instauration de provisions dyna-miques réduit la sensibilité des réserves au cycle. Un provisionnement forward

looking lisse les provisions, induisant l'atténuation de la procyclicité, c'est ce qu'on introduit les Autorités espagnoles (De Lis & al. [2000]).

A ces instruments de lutte contre la procyclicité du système nancier, s'ajoute la régulation des crédits bancaires dont la croissance excessive peut provoquer l'instabilité. En eet, pour éviter l'emballement excessif du crédit, on peut enca-drer les ratios prêts-valeur des banques (loan-to-value ratios), du rapport entre un prêt et la valeur de marché de l'actif qu'il nance, ou des ratios prêts-revenus des ménages (debt-to income ratios), du rapport entre le crédit contacté et le revenu de l'emprunteur. A but identique, la mise en place de provisions obliga-toires sur les crédits qui, en éliminant une mauvaise appréhension du risque à même d'aaiblir le bilan bancaire, agit à la fois sur la liquidité et sur l'eet de levier de la banque.

Enn, on peut citer dans le même sens la mise en place de système de com-pensation reétant la prise de risque sous-jacente (Goodhart & al. [2010]), mettre en place une taxe pigouvienne, an d'inciter à davantage de prudence ex-ante. D'un point de vue théorique, la taxe Pigou est l'instrument direct de politique monétaire en réponse aux externalités négatives, qui justient prin-cipalement la réglementation prudentielle et l'action des Banques Centrales au titre de PDR (Brunnermeier & al. [2009] ; Hanson & al. [2011]). Il s'agit d'internaliser le coût social d'une faillite bancaire et, pour cela, il faut simple-ment brider les comportesimple-ments à risque (BIS [2010]), pouvant induire des eets d'amplications nancières (Jeanne [2014]). La taxe Pigou a servi de cadre d'analyse à des travaux ayant formulé des recommandations de taxations sur certaines activités bancaires (Shin [2010], Perotti & Suarez [2011]). Toute-fois, l'ensemble de la réglementation macroprudentielle des banques repose sur les instruments traditionnels de la réglementation bancaire, qui sont basés sur la quantité.

En conséquence, l'application de cet instrument est complexe, et ces résultats incertains. Au vu des dicultés à mesurer la contribution du risque de système son caractère arbitraire peut s'atténuer par le versement ex-post de fonds issus d'une telle taxe à un organisme de résolutions de défaillances bancaires pour contribuer aux nancements de sauvetages bancaires (Shin [2010]).

Les outils macroprudentiels étant nombreux, l'idée généralement admise est la favorisation d'un socle xe de règles auquel viendraient s'ajouter des instru-ments discrétionnaires dénis par le régulateur (Yellen [2011]). Cependant, nombreux sont les auteurs de la décennie 2000, qui admettent que les crises nancières résultent de distorsions systématiques dans l'appréciation du risque. Leur analyse doit s'inscrire à la fois, en liaison avec la dynamique du risque dans le cycle, et transversale, en raison des expositions communes et des in-terconnexions entre les établissements nanciers (Cartapanis [2011]), d'où la prise en compte de la diérence entre risque agrégé et risque de réseau (Banque d'Angleterre [2009]).

En eet, dans sa conduite d'objectif de stabilité monétaire, la Banque Cen-trale a connaissance de la plupart des outils macroprudentiels qui sont partie intégrante de la politique monétaire (Green [2011]). Ceci pose implicitement la question de la gouvernance de la politique macroprudentielle et sa relation avec

la Banque Centrale qui se fait dans la plupart des cas sous forme de coordination entre une agence de régulation nancière et la Banque Centrale (IMF [2011a]). Dans le cadre de la surveillance macroprudentielle, l'appréhension de son interaction avec la politique monétaire est essentielle. L'existence d'un canal de prise de risque montre qu'une politique monétaire accommodante a un impact sur le risque de système, accélère la prise de risque, par l'augmentation des eets de leviers (Borio & Zhu [2012]). En conséquence, entraver la réussite de l'objectif de stabilité des prix, d'où la mise place d'une politique monétaire pouvant aller à contre-courant des déséquilibres nanciers, le renforcement du volet macroprudentiel de la politique monétaire, pouvant s'opposer de façon ecace à la construction et la résorption de ces déséquilibres. La diminution des situations d'instabilités nancières permettra à la Banque Centrale de se concentrer sur la stabilité des prix (Le Moigne [2013]).

Cependant, si la politique monétaire n'est pas susamment ecace, le dé posé par la surveillance macroprudentielle, exige a minima que la politique mo-nétaire intègre la stabilité nancière dans son périmètre (Visco [2011]), en ré-pondant aux déséquilibres nanciers lors de fortes uctuations (Borio [2011]), voire prennent en compte leurs eets de long terme dans la xation du taux directeur (Bean [2003]). Cette stratégie monétaire allant à contre courant de la tendance de marché  learning against the wind  s'oppose à la vision tradition-nelle  négligence sans malveillance, benign neglec , sur laquelle la littérature semblait avoir fait consensus (Clarida & al. [2000]).

Outre la gravité de l'internationalisation des vulnérabilités nancières et du risque de système, la crise nancière a mis en évidence la macro prudence comme un  nouvel outil  de stabilité nancière, par la réduction des facteurs de risques systèmes dans les bilans des banques et le secteur réel. En eet, il est prouvé que les ux de capitaux privés vers les pays émergents contribuent à l'occurrence des booms de crédit nationaux qui conduisent souvent à des crises nancières (Obstfeld, [2012], et par observation, elles sont précédées d'importants mouvements entrants de capitaux privés porteurs d'anticipations (Bastidon, [2002]).

Partant, selon Jeanne [2014] il existe un lien pertinent entre politiques ma-cro prudentielles et ux internationaux de capitaux. La recherche de crédibilité de la politique monétaire avec les outils macroprudentiels nécessite une coordina-tion internacoordina-tionale. La surveillance macroprudentielle domestique et le contrôle prudentiel des capitaux ont des répercussions internationales de par leur impact sur les ux de capitaux.

L'absence de coordination des politiques macroprudentielles peut conduire à une  guerre du capital  qui aecte les taux d'intérêt mondiaux. Certains pays peuvent tomber dans une situation de trappe à liquidité, avec un résultat de chômage positif alors que le reste du monde accumule des réserves pour des raisons prudentielles. On aboutit à un équilibre Pareto-optimal. En d'autres termes, dans un marché nancier intégré à l'échelle mondiale, une restriction macroprudentielle dans une partie du monde détourne les ux nanciers vers le reste du monde, qui fait face aux conséquences pour sa stabilité nancière.

l'exis-tence d'eets d'amplications provoque l'inecacité des mesures convention-nelles (Gertler & Karadi [2011]), L'abaissement des taux d'intérêts direc-teurs est utilisé tant que le niveau plancher ( the zero lower bound , Ber-nanke & Reinhart [2004]) n'est pas atteint. Lorsqu'il est atteint, il reste aux Banques Centrales le recours massif au prêt en dernier ressort en dehors du cadre des opérations habituelles de renancement et les politiques concertées de rachats d'actifs (Bastidon & al. [2012]), an d'inuencer leurs prix et leurs rendements (Caruana [2010]).

En eet, la baisse rapide et de grande ampleur des taux d'intérêts directeurs, le recours massif au prêt en dernier ressort et aux achats de titres par la Banque Centrale sont les composantes des politiques monétaires non conventionnelles. Pour limiter les eets d'une instabilité nancière caractérisée par une crise de liquidité et une crise bancaire, le prêt en dernier ressort est inclu dans les PMNC. Une littérature abondante a abordé l'impact des PMNC dans leur ensemble (IMF [2013]). Ainsi, des études empiriques conrment l'ecacité des PMNC à réduire l'impact d'une crise. Selon (Fahr & al. [2011]), les politiques monétaires non conventionnelles menées par la Réserve fédérale américaine ont permis de limiter l'ampleur de la crise et en particulier d'agir sur les spreads. Lenza & al. [2010] retrouvent ce résultat dans le cas de la BCE.

Généralement, les modèles DSGE incluant les eets d'accélération nancière montrent comment les politiques monétaires non conventionnelles ont permis d'éviter un scénario de forte récession (Cúrdia & Woodford [2009]) vont plus loin et simulent les politiques monétaires non conventionnelles dans la crise récente pour dénir une intervention  optimale , avec une Banque Centrale émettant des titres de dette sans risque pour nancer directement les activités productives : les contraintes pesant sur les nances publiques ne sont donc pas intégrées. Cependant, Bastidon & al. [2012] ont formalisé un modèle théorique tenant compte du creusement de la dette publique Ces auteurs recommandent des politiques budgétaires prudentes et coordonnées, des politiques monétaires de gestion de crise rigoureusement limitées dans le temps, et une attention par-ticulière doit être portée sur des indicateurs de liquidités des marchés les plus étroitement corrélés au marché interbancaire. Cependant, une partie de la litté-rature admet les limites voire l'inecacité des PMNC (Wu [2011], Bastidon & al. [2014], Bastidon & al. [2015]).

En tout état de cause, la crise nancière récente et les PMNC menées sont susceptible d'entrainer un réexamen de la théorie sur la gouvernance de la Banque Centrale. En eet, l'augmentation massive des actifs des Banques Cen-trales à long terme aura des eets tenaces (Turner [2014]). La Banque Centrale encours le risque d'un aaiblissement de sa légitimité et de son indépendance dans la conduite de la politique monétaire (Kohn [2013]).