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5 La délégation de la politique monétaire

5.1 Le banquier conservateur de Rogoff [1985a], contrat optimal et ciblage de l'ination : Walsh [1995] et

Svensson [1997].

le banquier conservateur de Rogoff [1985a]

L'analyse de Rogo s'insère dans le cadre du modèle macroéconomique key-nésien IS-LM, stochastique avec des anticipations rationnelles. En eet, le trai-tement de la délégation dière lorsque l'économie est soumise à des chocs non anticipés. En ce sens, au dilemme règle versus discrétion, on adjoint l'arbitrage conservatisme versus exibilité puisque le biais inationniste n'est réduit qu'au prix de l'accroissement de la variance de l'emploi.

En conséquence, le goût pour la stabilité des prix doit être relatif puisque la réponse aux chocs d'ore est d'autant plus inecace que le Gouverneur est averse à l'ination. Alors que la crédibilité renvoie à l'incohérence temporelle de la politique monétaire, dans l'objectif de stabilité des prix, la exibilité s'ap-plique plutôt au problème de la stabilisation conjoncturelle, et est reliée à l'ob-jectif d'emploi. Donc en présence de chocs exogènes l'arbitrage ination-chômage supposé jusque-là dans les modèles symétriques d'information devient eectif.

On suppose une fonction de production de type Lucas avec un choc de pro-ductivité.

yt = αlt+µt (1) Où 0 < α < 1, µt est un choc de productivité aléatoire.

La condition de premier ordre de la maximisation des entreprises dans la détermination de la demande de travail est donnée par :

∂yt ∂Lt = 0wt pt = αL−(1−α)⇒ lt= − 1 1 − α[wt− pt− µt] (2) Les syndicats déterminent le salaire nominal par la minimisation de la fonc-tion de perte suivante :

min(wt)1 2Et−1(lt− ˜l) 2 s.c lt= − 1 1 − α[wt− pt− µt]

Le niveau des salaires nominaux est déterminé de la façon suivante : ∂Lt

∂wt

= 0 ⇒ wt= Et−1pt+ Et−1µt− (1 − α)˜l (3) On peut réécrire l'équation (115) par la suivante, en remplaçant le salaire nominal donné par l'équation (115), dans l'équation (116)

lt= ˜l− 1

1−α)[pt− Et−1pt+ νt] νt= Et−1µt

lt= ˜l− 1−α1t− πa t + νt] Le taux de chômage est alors :

ut= ¯u − 1

1 − αt− π

a

t + νt] (4)

Cette équation est sous la forme d'une courbe de Phillips avec choc. Après la détermination de la quantité de travail et le taux de chômage, le gouverneur conservateur minimise la fonction de perte suivante en accordant un poids supplémentaire à la stabilité des prix.

LBCt =1 + χ 2 t− π t]2+ ε[ut− u t]2 (5) 0 < χ < 1

Le poids supplémentaire accordé à la stabilité de prix. π

t, u

t, sont les objectifs du banquier central conserveur, et ils sont nuls. Il s'agit d'une fonction de perte qui dépend des déviations de l'emploi et de l'ination de leur niveau socialement désiré. L'équilibre stochastique est obtenu par la minimisation de cette fonction.

Le gouverneur conservateur minimise alors la fonction ci-dessus. On suppose que le poids accordé à la stabilisation de l'emploi est ε

2 au lieu de ε comme dans l'exemple étudié précédemment.

minπtLBC= 1 + χ 2 t) 2+ε 2(ut) 2 s.c. ut= ˜u − 1 1 − αt− π a t + νt]

La condition de premier ordre va donner la réponse cohérente temporelle qui sera la fonction de réaction de la Banque Centrale. Elle s'interprète en termes de politique discrétionnaire, étant donné qu'on maximise le bien-être social en choisissant un niveau d'ore cohérent avec le niveau de prix à la période t qui minimise la fonction de perte.

∂LBC t ∂πt = 0 ⇒ πt= 1+χ)(1+α)ε(1−α)2+εu +˜ ε 1+χ)(1+α)2+ε)πa t +(1+χ)(1−α)ε(1−α)2+ενt (6) Les agents privés anticipent un taux d'ination positif. Ils ne croient pas alors aux annonces préalables lors des négociations salariales. Ils anticipent les prix de telle sorte qu'ils atteignent un objectif de salaires réel (les ménages) et un coût du travail (pour les entreprises). En raison de l'interdépendance entre Banque centrale et agents privés, la fonction de réaction de la Banque Centrale est connue par ces derniers. Ils obtiennent la fonction d'anticipation suivante :

πta= ε

1 + χ(1 − α) ˜ut (7) Les prix anticipés seront plus élevés que les prix que la Banque centrale xera dans la politique économique initialement annoncée. Pour autant, l'ore de monnaie ne sera pas boostée au-delà du point cohérent avec le salaire réel désiré. A ce niveau d'ination, le coût marginal de l'ination plus élevé compense le gain marginal d'une tentative de hausse de l'emploi au-dessus du taux naturel. L'équilibre discrétionnaire à la Rogo est obtenu dans le cadre d'un jeu à la Nash non coopératif. Cet équilibre satisfait au moins deux principes. (1) en moyenne les anticipations des agents privés sont justes, (2), la création d'une ination attendue par la discrétion suppose une formation des anticipations inationnistes susamment élevées de telle sorte que le coût marginal d'une hausse des prix soit égal au gain marginal d'une hausse de l'output, donc le Gouvernement n'est plus attiré par l'ination.

En eet l'équation (120) donne le taux d'ination anticipé. Elle est modérée par le degré de conservatisme, 0 < χ < 1

Si χ = 0 πa t = ε

1−α)> 0 Siχ = ∞ πa

t = 0

On arrive à la même solution que la règle. Malgré la crédibilité de la Banque Centrale, l'économie ne se stabilise pas. La fonction de réaction est la suivante :

πt= ε(1 − α)

1 + χ)(1 − α) + εu −˜

ε

Le biais inationniste ainsi que la stabilisation s'annulent. On laisse passer les chocs dans l'économie de telle sorte qu'une rigidité de la politique monétaire neutralise les eets de stabilisation, (Christensen [1987]). D'où la pertinence de l'arbitrage entre crédibilité et exibilité. On en déduit que si χ = 0 (cas discrétionnaire) l'ination est plus élevée que si χ > 0 (conservateur). Si χ → ∞ alors, l'ination tend vers0, si 0 < χ < 1 , il y aura un problème de choix optimal. Le Gouverneur conservateur devra arbitrer entre ination-chômage.

Un banquier central conservateur peut réaliser une faible variance de l'ina-tion en contrepartie d'un coût très élevé de la variance du chômage. En eet, ses interventions pour neutraliser les chocs qui aectent l'économie dépendent de son degré d'aversion aux déviations de l'ination cible, de sorte qu'un écart sous-jacent des chocs de chômage donnés se traduira par une variance élevée du chômage à l'équilibre. Ces deux caractéristiques de l'équilibre, à savoir la non-réalisation de la meilleure solution pour χ < 0, et la forte variance du chô-mage, sont liées. Néanmoins, on peut se rapprocher de celles-ci au prix d'une plus grande variance de l'activité économique. À l'extrême, si le Gouvernement nomme un banquier central qui ne se soucie que de l'ination, c'est-à-dire une Autorité monétaire avec χ → ∞, le taux d'ination de la meilleure réponse sera réalisée avec une variance nulle, mais au détriment d'une forte variance du chômage.

La solution de Rogoff souligne un compromis : le biais de l'ination peut être réduit moyennant des coûts de distorsions des eets de stabilisation. Cette solution implique que les pays axés sur des objectifs d'ination devraient avoir, en moyenne, une ination plus faible, mais en même temps, ils devraient subir une plus grande variance de la production (Wickens [2012]). Cependant, son résultat en termes de biais inationniste est plus petit que celui réalisé dans le cas discrétionnaire en aectant le plus grand poids à la stabilisation de l'ination, et le plus petit à celle de l'emploi. En eet, le degré optimal de conservatisme est obtenu lorsque les gains pour réduire le biais inationniste sont supérieurs aux coûts de réaction à un choc d'ore. Donc, le poids accordé à la stabilité des prix ne doit pas être inni. La valeur anticipée de l'ination est convexe en χ et il existe une valeur optimale positive qui minimise cette fonction.

Généralement, le résultat de l'arbitrage entre le niveau moyen de l'ina-tion et l'écart de chômage ou de la producl'ina-tion indique que la nominal'ina-tion d'un banquier central conservateur est une solution imparfaite au problème du biais inationniste. En prolongement de l'argument du banquier conservateur, Loh-mann [1992] développe l'idée de l'indépendance partielle : la nomination d'un banquier central conservateur, mais avec la possibilité de le révoquer moyen-nant un coût ; son argument étant la forte variance du chômage avec banquier conservateur. Rogo avance une réponse "distordante" aux chocs de production, puisque la perte est plus grande pour les chocs extrêmes.

Il introduit des clauses dans le contrat de nomination du Gouverneur. En eet, ce dernier peut être révoqué en cas de mauvais résultats dans la stabilisa-tion des chocs d'ore. Si rien ne se produit dans l'économie, il peut avoir une forte préférence pour la stabilité des prix. Par contre, dans des situations excep-tionnelles, il privilégie les pratiques discrétionnaires, et réagit aux uctuations

de l'emploi pour  garder son fauteuil . Par conséquent, l'introduction de la clause de sortie explique des épisodes inationnistes empiriquement observés, à la diérence de Rogoff [1985a], dans lequel le Gouverneur conservateur est le résultat d'un arbitrage entre crédibilité et exibilité.

Le processus du jeu se fait comme suit : (1) un conservateur qui détermine la politique monétaire est nommé, (2) les agents privés anticipent le taux d'ination et xe le salaire nominal, connaissant l'objectif du Gouvernement, (3) le choc se réalise, (4) en raison des uctuations, le banquier central fait subir à la politique monétaire des modications, (5) de l'observation ex-post de la situation sur le marché du travail, le banquier central est maintenu ou il perd son poste au prot d'un Gouverneur moins conservateur.

En eet, l'objectif du gouvernement comporte un coût de rupture de la délégation. Le taux d'ination suit un processus stochastique de changement de régime (Flood & Garber [1983]). Ce processus stochastique permet l'arbitrage optimal entre crédibilité (réduction du biais inationniste liée à la nomination d'un conservateur), lorsque le choc est tel que µt ∈ [µt, ¯µt], et la exibilité (biais inationniste de la stratégie discrétionnaire) lorsque le choc est tel que µt ∈ [µt, ¯µt], les bornes optimales de l'arbitrage sont croissantes avec le coût de la révocation et décroissantes avec la variance du choc. Le Banquier central conservateur de Lohmann a une réponse similaire à celui de Rogoff, mais non linéaire. Il existe une faible réponse à de petits chocs, mais une réponse plus grande pour des chocs de grandes ampleurs.

Contrat optimal les apports de Walsh [1995]

Selon Rogoff [1985a] et Lohmann [1992], parmi les banquiers centraux ayant des préférences d'emploi et de chômage relativement diérentes, il convient de choisir celui dont le degré de conservatisme maximise l'objectif social. Autre-ment dit, le principal détermine le degré de conservatisme optimal, et nomme le banquier central qui, selon ses préférences, xe un taux d'ination qui maximise le bien-être social. Néanmoins, dans la proposition de Rogoff [1985a], lorsque l'agent maximise un objectif dans lequel il aecte un poids à la cible d'emploi plus faible que celui du principal, la réduction du biais inationniste se fait au détriment d'une réponse inadaptée aux chocs. Cependant, Lohmann [1992] marque une nette diérence : l'intégration de la clause de sortie demeure une menace constante pour le banquier central. En eet, la durée de son mandat dépend de l'occurrence ou non de fortes perturbations, d'où la mise en place de politiques accommodantes avec les préférences du Gouvernement.

L'approche contractuelle de la crédibilité de la politique monétaire (Persson & Tabellini [1993] ; Walsh [1995]) est une alternative au conservatisme de (Rogoff [1985a]). Le conservatisme sacrie partiellement la exibilité au prot de la crédibilité. C'est la non solution de l'arbitrage crédibilité-exibilité. La perte de exibilité se traduit par une plus grande attention vers la lutte contre l'ination en laissant partiellement de côté la production ou l'emploi, d'où une réponse non optimale aux chocs économiques détériorant la production et l'em-ploi.

Toutefois, la proposition de Lohmann des clauses de révocation pose la pro-blématique de type  principal (le Gouvernement), agent (le banquier central)  (Persson & Tabellini [1990] ; Walsh [1995]). Le principal délègue la conduite de la politique monétaire à un agent. La mise en évidence de la diérence des ob-jectifs assignés au  principal  et à  l'agent , passe par des incitations privées explicites, par exemple, un contrat salarial. Les gains nanciers de l'agent sont fonction des résultats obtenus par ce dernier. De la sorte, en cas de non-respect du contrat, le principal sanctionne l'agent, qui a son tour n'est pas tenu de suivre une règle. Il peut agir discrétionnairement, pour répondre à des perturbations dans l'économie.

L'idée sous-jacente est que si le Gouvernement peut structurer un contrat qui aecte directement les incitations auxquelles sont confrontées les Autorités monétaires dans le choix du niveau de l'ination, il peut éliminer le biais tout en laissant la banque centrale libre de répondre à des chocs stochastiques. Puisque le biais de l'ination reète une sous-estimation du coût de l'ination d'équilibre, si elle internalise une pénalité supplémentaire pour un taux d'ination élevé, le biais peut disparaitre, parce que la banque centrale sera incitée à ne pas suivre une politique inutilement inationniste.

En eet, la démarche est identique à celui d'un conservatisme et d'une ré-putation fondée sur l'internalisation dans la fonction objectif d'un coût de l'in-ation, de telle sorte qu'on décourage le comportement inationniste. Dans le conservatisme, on change le poids relatif entre ination et chômage, et dans la réputation, on intègre le coût de l'ination des périodes successives, alors qu'avec le contrat incitatif on augmente le coût de l'ination par l'introduction dans la fonction objectif d'un transfert qui dépend du taux d'ination réalisé. Le fait que cet objectif doive être maximisé et le fait qu'il diminue si l'ination augmente, incite la banque centrale à ne pas adopter une politique inationniste. En ce sens, la banque centrale réagit aux incitations qu'elle reçoit du Gou-vernement par la modication de sa décision stratégique. Le contrat proposé inuence la conduite de la politique monétaire menée par le banquier central. Toutefois, le contrat optimal est déterminé de sorte que le salaire du Gouverneur dépende du taux d'ination réalisé et, par conséquent, aecte ses préférences. Ce contrat optimal proposé par Walsh [1995], est une tentative de résolution des problèmes de stabilisation macro-économique dans un environnement stochas-tique. Alors que, dans la délégation, le bien-être social s'améliore parallèlement, à une augmentation du biais de stabilisation, le contrat optimal peut éliminer à la fois le biais inationniste et le biais de stabilisation.

Dans un cadre discrétionnaire, on minimise la fonction de perte suivante : minπtLt=1 2π 2 t +ε 2[ ˜ut+ 1 1 − αt− π a t + νt)]2 (9) Le taux d'ination qui résulte de la minimisation de cette fonction est :

πt= ε 1 − α)u˜t

ε

(1 − α)2νt (10) Notre raisonnement est similaire à celui de la délégation, avec trois agents :

le Gouvernement, la Banque Centrale, et le secteur privé. Le décideur de la politique monétaire mène une politique de stabilisation, mais se veut crédible, donc le biais d'ination est nul, et le taux d'ination qui en résulte est :

πct= − ε

(1 − α)2νt (11) La fonction de perte que l'agent signataire du contrat va minimiser est de la forme suivante : minLBC t = LG t + Tt s.c. ut= ˜u − 1 1 − αt− π a t + νt]

Ttest un transfert associé au résultat eectif d'ination, il peut être une prime ou une punition.

La condition de premier ordre donne : ∂LBC t ∂πD t = 0 πD t = ε (1 − α)u +˜ ε 1 − απ − ε 1 − α)νt+ 1 (1 − α) ∂Tt ∂πD t (12) Les agents privés de l'économie déterminent leurs anticipations.

πa t = 1 1 − α[ε ˜ut+ ∂πt ∂πD t ] (13)

La crédibilité est liée au fait qu'il n'y a plus de renégociation du contrat, une fois les anticipations et les salaires nominaux déterminés, par conséquent l'incohérence temporelle s'évite.

La solution de Nash est alors égale à : πtD= ε 1 − αu −˜ ε 1 − ανt+ ∂Tt ∂πD t (14) Le contrat imposé à l'agent est tel que :

πD

t = πC

t = − ε

(1 − β)2νt (15) A partir du contrat établi à l'équation (126), on détermine la nature du transfert (prime ou retenue), on résout :

∂Tt

∂πD t

= −ε˜u => Ttt) = Co− ε˜uπt (16) Il y a alors une relation négative entre le taux d'ination et le montant du transfert.

La solution contractuelle avec pénalité linéaire par rapport à l'ination de Walsh [1995] donne de façon identique le même résultat qu'une règle contin-gente optimale, en faisant disparaitre le biais inationniste et le biais de sta-bilisation. Il y a gains de crédibilité, sans perte de exibilité, la réaction de l'ination aux chocs est optimale. Toutefois, dans la pratique, la mise en ÷uvre du contrat optimal de Walsh [1995], apparait très complexe.

5.2 Le ciblage d'ination et Indépendance de la Banque