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La règle de ciblage exible d'ination 47 :

5.4 Gouvernance de la Banque centrale et coordination de la politique monétaire et scale

Dans l'analyse économique standard de la politique macro-économique, les politiques monétaire et budgétaire sont considérées comme exogènes au système économique. Le débat règles versus discrétion (Kydland & Presccott, [1977] et Barro & Gordon [1983]), stipule que la politique monétaire est un jeu entre le Gouvernement et le secteur privé. Ils incluent les anticipations rationnelles dans l'analyse de la crédibilité et de la cohérence dynamique, et insistent sur la crédibilité anti-inationniste de la politique monétaire de la banque centrale (cf. supra). En eet, la crédibilité peut être obtenue grâce à une banque centrale indépendante vis à vis de la politique budgétaire. Celle-ci, a un taux d'actua-lisation faible, donc, elle est plus sensible à la crédibilité, et ne subirait pas de cycle politico-économique.

Dans ce type de modèles, les Autorités font face à un dilemme ination-chômage. L'ination est le résultat d'un jeu entre les Autorités et les salariés : ces derniers anticipent l'ination telle que les Autorités s'obligent à annoncer une règle, en début de période, avant que ne se réalisent les chocs non anticipés. Dès lors, une hausse de l'ination pour accroître la production induit des coûts de rétorsion liés aux anticipations inationnistes plus élevées. Cependant, une fois les contrats salariaux xés, les chocs observés, il y a éventuellement la place pour une politique stabilisatrice discrétionnaire du gouvernement. Ainsi, plus les Autorités seront averses à l'ination, moins la règle sera inationniste, mais plus faibles seront les capacités stabilisatrices ex-post. Il existe donc un degré optimal de conservatisme du banquier central (Rogoff [1985] ;Laskar [1987]). Au niveau européen, l'UEM a été considérée d'autant plus favorable du point de vue des règles que la BCE serait conservatrice : Currie & al. [1992] propo-saient donc de prendre la plus conservatrice des banques, la Bundesbank, et de lui aecter les objectifs européens. Les pertes sur les propriétés stabilisatrices seraient d'autant plus faibles que les chocs spéciques aectant les pays seraient proches des chocs européens (Alesina & Grilli [1992]). Ces modèles excluent la politique budgétaire, l'ination est l'instrument de la politique monétaire, elles sont directement reliées.

La problématique de la crédibilité telle qu'énoncée ci-dessus paraît insu-sante. La conclusion de ces modèles quant au choix qui devrait s'imposer sur le plan monétaire, n'est pas évidente, compte tenu de la rationalité prêtée aux acteurs privés et de la présence d'un gouvernement bienveillant qui prend cor-rectement en compte les préférences de ces derniers et se soucie uniquement du bien-être commun. D'un point de vue normatif, l'assimilation systématique du Gouverneur conservateur à un banquier central indépendant pose un problème, dans la mesure où rien dans le raisonnement n'empêche de penser que le ban-quier central se substitue, partiellement, au Gouvernement, étant plus soucieux de la discipline monétaire (Arestis & al. [1996]).

On conçoit dicilement que la société consciente de son intérêt d'accorder plus d'importance à la maîtrise d'ination se lie les mains à un agent sur lequel elle n'aura par la suite aucun pouvoir de contrôle direct. Rien n'empêche les citoyens/agents de voter pour un parti politique qui accorde à l'ination le coût qu'ils souhaitent. De même il n'est certainement pas justiable que des agents rationnels maintiennent en poste un agent ne partageant pas les mêmes pré-occupations, ou encore pourquoi continuerait l'évaluation de leur bien être sur la base d'une fonction dont le système de pondérations n'ore pas le meilleur compromis possible entre la lutte contre l'ination et la stabilisation de l'éco-nomie ? En outre, le maintien de l'hypothèse de travail d'une Autorité unique de modélisation de la politique économique n'est pas totalement convaincante, puisqu'il n'illustre pas le phénomène de déconcentration lié à l'indépendance de la banque centrale, ni ne traite des éventuels conits avec le Gouvernement. En complément au jeu traditionnel, la relation banque centrale/ Gouvernement devrait être formalisée (Faure [1999]).

En eet, les variables macroéconomiques telles que les prix, la production dépendent en réalité non seulement de ces Autorités qui ne sont pas identiques, mais aussi de la nature du rapport de force qui s'instaure entre elles. La prise en compte de ces interactions pose la question de leur eet sur le choix du banquier central, puisqu'on s'attend à ce que la  répugnance  socialement optimale envers l'ination dière selon le jeu reétant les contraintes institutionnelles et l'organisation du policy-mix (Debelle [1996]).

En particulier, se pose la question des gains à espérer de l'autonomie moné-taire en termes de crédibilité par rapport aux coûts d'un manque de coopération avec le Gouvernement (Lavigne & Villieu [1996]). Les modélisations du type Rogoff [1985] négligent ces relations stratégiques.

En revanche, Tinbergen [1952] ; Brainard [1967] et Poole [1970], abordent le comportement du décideur face à des contraintes économiques et des incer-titudes. En d'autres termes, dans cette littérature, l'élaboration des politiques est endogène à l'analyse économique. S'appuyant sur les travaux de Poole, la possibilité d'un conit entre les politiques budgétaires et monétaires a été formel-lement modélisée par Pindyck [1976] et Ribe [1980], dans le cadre de l'impact du défaut de coordination sur l'ecacité des politiques.

Désormais, les anticipations rationnelles se font sur la connaissance du policy-mix, il y a une relation de cohérence supposée entre politiques monétaires et budgétaires. Elles ne peuvent être absolument indépendantes ; par conséquent,

la crédibilité ne peut être distincte du policy-mix, elle doit se situer, à un ni-veau macroéconomique global (Desquilibet & Villieu [1997] ; Villa [2002]). L'ecacité et les gains de la délégation de la politique monétaire doivent être analysés par l'étude des interactions stratégiques entre deux Autorités publiques autonomes, qui coordonnent leurs actions (Lavigne & Villieu [1996], Artus [1997]).

La formalisation des relations banque centrale et Gouvernement dans le cadre d'un jeu permet d'identier l'équilibre non-coopératif comme une marque d'au-tonomie vis-à-vis du pouvoir politique, et l'équilibre coopératif comme une dé-pendance (Andersen & Scheider [1986], Artus [1987]). Des dicultés de coordination entre politiques budgétaire et monétaire sont susceptibles de se poser suite à un désaccord sur les objectifs ou les priorités du moment, ou bien parce que les deux Autorités diérent de par leurs conceptions théoriques, leurs représentations de l'économie, et/ou de leurs lectures de la situation conjonctu-relle nécessitant des réponses plus ou moins diérentes. En eet, d'un point de vue monétaire la notion de réputation est liée à la pertinence globale du policy-mix et recouvre d'autres facteurs renvoyant à la politique budgétaire et scale, comme indiqué dans  l'arithmétique monétariste déplaisante  (Sargent & Wallace [1981]) dans le cadre de la soutenabilité de la dette publique.

Si la crédibilité des politiques monétaires faiblement inationnistes exige la possibilité d'une opposition ferme de la banque centrale au gouvernement, un manque de dialogue peut se révéler plus couteux (Loewy [1988]). Aubin [1995] résume la nature du lien entre décideurs comme suit  la rareté des conits ouverts entre banque centrale et Gouvernement ne traduit pas tant une subor-dination de la première qu'une aversion partagée des deux protagonistes envers des situations qui risqueraient de remettre en cause les relations informelles nouées entre eux et les avantages qui en découlent. Plutôt que de manifester pu-bliquement son opposition et de s'exposer au risque de sanctions contraignantes (renvoi des dirigeants, modication du statut juridique), la banque préfère in-échir les choix gouvernementaux par la négociation. Pour le Gouvernement, l'acceptation d'une telle négociation peut être le moyen d'éviter le risque d'une déstabilisation des marchés monétaires et nanciers que pourrait engendrer un conit ouvert avec la banque .

L'importance du lien entre crédibilité et coordination des politiques a été posée par Tabellini [1986] et Alesina & Tabellini [1987]. Ils ont été les premiers à avoir formalisé d'éventuels conits et généralisé les propriétés de la délégation dans un cadre où la politique budgètaire répond de manière endogène aux changements de régime monétaire. En particulier, la façon dont les gains changent lorsque les politiques budgétaires et monétaires sont interdépendantes, et dans quelle mesure les résultats sont sensibles aux hypothèses concernant le comportement du secteur privé et de l'incertitude sur les préférences des dé-cideurs. En eet, lorsque les Autorités monétaires et budgétaires aectent des poids relativement diérents aux objectifs politiques, l'engagement n'est pas né-cessairement la meilleure stratégie permettant la hausse du bien-être social, bien qu'il résout partiellement l'incohérence temporelle. Ceci parce que dans ce type de modèle les distorsions scales sont considérées parallèlement au problème de

l'incohérence temporelle de la politique monétaire.

Alesina & Tabellini [1987] considèrent dans un modèle à trois agents (Gouvernement, banque centrale et syndicats), la relation entre politique scale et politique monétaire dans le nancement des dépenses publiques. Ils soulignent l'étroitesse de l'interconnexion entre l'incohérence temporelle de la politique monétaire faiblement inationniste, due à la présence de distorsions expliquant le conit entre secteur public et secteur privé (Barro & Gordon [1983a], Rogoff [1985a]) et la coordination des politiques économiques. Toutefois, une politique de subventions non distordantes des entreprises peut compenser la hausse du niveau des salaires au-delà du niveau d'équilibre entre ore et demande, et rétablir le taux d'emploi naturel.

Théoriquement, la relation entre taxes  distordantes  et incohérence tem-porelle de la politique monétaire est implicite, bien que Alesina & Tabellini [1987] la formalisent directement. Le degré de coordination est un déterminant fondamental de la crédibilité de la politique monétaire dans le cadre de l'arbi-trage ination/chômage.

Pour explorer plus en détails les motivations à l'origine d'une manipula-tion stratégique des préférences collectives en matière de lutte contre l'ina-tion (Debelle [1996]), nous décrivons un modèle de Castrén [1998] de type (Herrendorf & Lockwood [1997], Alesina & Tabellini [1987]).