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Depuis le milieu des années quatre-vingts, l'indépendance de la banque cen-trale a été largement évoquée en réponse à l'incohérence temporelle ; en ce sens, elle est un déterminant de la crédibilité (Rogoff [1985], Cohen & Michel [1990]). Le concept de délégation, tel qu'il est conçu dans l'approche du banquier central conservateur, et dans l'approche du contrat optimal, est le fondement théorique de l'indépendance de la banque centrale. La politique monétaire fai-blement inationniste est crédible, parce qu'elle est la solution discrétionnaire du programme d'optimisation de la banque centrale, compte tenu de l'objectif du Gouvernement.

Cependant, la délégation de la politique monétaire à une banque centrale indépendante ne garantit pas nécessairement la crédibilité. Elle déplace l'inco-hérence temporelle de la politique monétaire à un autre niveau, parce qu'un Gouvernement qui n'est pas capable d'engager ses décisions sur une politique faiblement inationniste, aura certainement des dicultés à rendre crédible sa délégation. Rien ne garantit qu'il ne la modie pas après les anticipations (Mc Callum [1995] et [1997b]).

La clause de révocation stipulée dans Lohmann [1992], une fois mise ÷uvre, peut s'interpréter comme un retour sur le choix initial du Gouvernement. De même, rien n'exclut des modications ex-post de la cible d'ination dans la délégation à la Svensonn [1997]. Beetsma & Jensen [1999] montrent, par exemple, que des cibles constantes sont préférables même en présence d'un phé-nomène de persistance ou de perturbations aléatoires : une délégation indé-pendante des aléas semble, par conséquent, moins exposée à la critique de Mc Callum, surtout lorsqu'elle est légiférée (Persson & Tabellini [1993]).

La politique menée par une banque centrale indépendante est un gage d'en-gagement crédible à la stabilité des prix. Par conséquent, l'indépendance de la banque centrale est une situation résultant d'un ensemble de dispositions sta-tutaires ou d'usages dans lesquelles la banque centrale est clairement reconnue comme étant en charge de la stabilité monétaire, et dans le cadre de cette mission ne reçoit pas des directives du pouvoir public (Patat [1992, 2003]).

Autrement dit, dans le cadre général de ses relations avec le Gouvernement, la banque centrale est souveraine. Elle n'est responsable que vis-à-vis d'elle-même. Elle n'a de comptes à rendre à personne, ni à un Parlement, ni à un

Gouvernement. La notion d'indépendance peut avoir plusieurs interprétations, ayant toutes en commun la nécessité d'une séparation entre l'Institution d'émis-sion et l'Etat. Plusieurs auteurs se sont penchés sur la dénition de l'indépen-dance de la Banque Centrale mais aussi sur ses caractéristiques.

L'indépendance d'objectifs peut s'interpréter comme la possibilité de choi-sir n'importe quel objectif, et l'indépendance d'instruments la possibilité dont dispose la banque centrale de décider des actions monétaires, par exemple la dé-termination des taux d'intérêts dans le but d'atteindre la stabilité des prix sans interférence d'un gouvernement. Eijffinger & De Haan [1995] ont mis en évidence trois catégories d'indépendance : indépendance personnelle (procédure de nomination et de remplacement du gouverneur), indépendance nancière (-nancement de l'activité de la banque), indépendance politique (formulation de l'objectif monétaire).

L'indépendance organique relative aux conditions de nomination des diri-geants de la banque centrale, le terme et le renouvellement de leurs mandats (en particulier du gouverneur), ainsi que la composition des instances dirigeantes de la banque centrale, à savoir si les représentants du Gouvernement ont (ou non) le droit de siéger et de voter au sein de ces Autorités. Cependant, Bassoni & Cartapanis [1995] soulignent que des études ont mis l'accent sur la véritable durée du mandat des gouverneurs et, sur le degré de synchronisation entre les mandats du gouverneur de la banque centrale et de chef du Pouvoir exécutif.

L'indépendance fonctionnelle (ou indépendance opérationnelle) se réfère à la liberté eective que la banque centrale a, non seulement dans la dénition des objectifs à poursuivre, mais aussi dans la conduite de la politique monétaire, qui comprend le choix des instruments. Selon Henning [1994], elle se réfère à la capacité de la banque centrale à utiliser les instruments de contrôle monétaire sans intrusion, orientation ou ingérence du Gouvernement. Ainsi, certains au-teurs divisent l'indépendance fonctionnelle en faisant une diérence entre : l'ob-jectif d'indépendance,-cibler l'indépendance et l'indépendance de l'instrument. La diérence entre ces trois niveaux d'indépendance est néanmoins subtile et nécessite donc d'être clariée, en particulier les deux premiers niveaux :

L'indépendance d'objectif confère à la banque centrale le pouvoir de déter-miner la politique monétaire et le régime de taux de change, ou tout simplement la politique monétaire si elle est en taux de change ottant. Plus précisément, elle donne à l'institut d'émission le pouvoir de déterminer son objectif primaire entre plusieurs objectifs inclus dans le statut de la banque centrale ou, plus ra-rement, pour déterminer son objectif principal, si la loi ne dénit pas clairement les objectifs (Debelle & Fisher [1994]).

L'indépendance de l'instrument Grilli & Masciandaro [1995] signie que le Gouvernement ou le législateur dénit la politique monétaire et ses objectifs, en accord avec la banque centrale et le régime de taux de change, mais l'Auto-rité monétaire maintient une autonomie susante pour mettre en ÷uvre cette politique en utilisant les instruments appropriés.

L'indépendance nancière renvoie aux conditions selon lesquelles un Gou-vernement pour nancer ses dépenses peut avoir recours directement ou indi-rectement à des avances et des prêts de la banque centrale. En outre, selon

Bassoni & Cartapanis [1995], l'indépendance nancière permet l'évaluation de l' espace de respiration  budgétaire dont dispose la banque centrale, à savoir IBC vis-à-vis de ses ressources nancières nécessaires à son fonctionne-ment. Ce deuxième aspect de l'indépendance nancière peut être décrit comme l'indépendance budgétaire. La dénition de l'IBC nous permet de montrer la complexité et la pluri-dimensionnalité de ce concept et donc, la diculté de mesurer cette indépendance .

Récemment, Klomp & de Haan [2010a], sur la base d'une méta-régression sur 59 études empiriques, conrment le résultat habituel pour les pays de l'OCDE. Carsltrom & Fuerst [2009], avec un indice actualisé de Alesina & Sum-mers [1993], et un nouveau indice construit sur la base de Fry et al. [2000], sur une période de 1988-2000, pour 42 pays développés vont dans le même sens, plus une Banque Centrale est indépendance, mieux est garantie la stabilité des prix. Arnone & al. [2006 ; 2010], considèrent qu'en moyenne les pays avec un fort degré d'indépendance ont obtenu une ination faible, ont atténué l'impact des cycles politiques sur les cycles économiques, amélioré la stabilité nancière, sans coût supplémentaire réel ou un sacrice en terme de production ou de réduction de croissance économique. En outre, l'IBC peut produire des d'eets incita-tifs à la discipline budgétaire dans le cadre d'un régime de ciblage d'ination (Masciandaro & Tabellini [1987] ; Minea & Tapsoba [2014]).

Cependant, le degré d'indépendance réel de la Banque Centrale dépend de nombreux autres facteurs moins formels. Premièrement, la loi ne couvre qu'une petite partie des éventualités qui se pose en pratique. Deuxièmement, même lorsque la loi précise ce qui doit être fait explicitement, la pratique courante peut s'écarter de la loi. Enn, l'indépendance réelle dépend d'une multitude d'autres facteurs occasionnels et dépendants du développement interne des relations entre la Banque Centrale et les Institutions publiques (Cukierman [1992]).

Néanmoins, la relation gouverneur de la banque centrale et Gouvernement s'inscrit dans la durée, donc un banquier central soucieux de sa reconduction peut accommoder sa politique à celle du Gouvernement. Il semble exister des de-grés d'indépendance. Généralement, le degré d'indépendance est déterminé par des facteurs économiques et politiques à savoir : (1) le taux de chômage naturel, (2) le stock de la dette publique, (3) l'instabilité politique, (4) la supervision des Institutions nancières, (5) l'aversion publique à l'ination, (6) l'opposition nancière à l'ination (Eijffinger & de Haan [1996], Eijffinger [1997]).

Les travaux fondateurs (Kydland & Presccott [1977] ;Barro & Gor-don [1983] ; Rogoff [1985]), basés sur le concept d'incohérence temporelle ont été à l'origine d'une plaidoirie pour l'adoption du principe d'indépendance de la Banque Centrale qui s'énonce comme suit : plus d'indépendance réduit l'in-ation, sa variabilité, accroit la crédibilité de la politique monétaire, et réduit l'incertitude chez les agents économiques. Elle est une garantie contre les impru-dences des Hommes politiques en ce qu'elle permet de maintenir les résultats déjà réalisés, (Cukierman [1994]). Pour les économies en développement, c'est un signal de la solvabilité, envers les investisseurs internationaux, et/ou le FMI, pour prétendre à l'octroi de fonds d'aides au développement (Maxfield [1997]). Le degré d'indépendance élevé d'une banque centrale avec un objectif

cite de stabilité des prix est un gage institutionnel important pour la maîtrise de l'ination. Il est déterminé par la nature des Institutions politiques et juri-diques ainsi que d'autres facteurs formels acceptés dans la pratique, tels que la culture et les personnalités. Au niveau juridique, le degré de la banque centrale est déterminé par le statut de la Banque Centrale. Cependant, le traitement de l'indépendance de la banque centrale est l'objet de plusieurs controverses quant aux insusances des résultats obtenus sous la base d'indices et de de-gré d'explication de sa relation avec les variables macroéconomiques (ination, croissance).

Ces arguments sont fondés sur la relation inverse supposée entre l'ination et le degré d'indépendance, approchée par des indices légaux ou réels (Bade & Parkin [1977 ;1982] Alesina [1988 ;1989], Grilli & al. [1991 Cukierman [1992] ; Cukierman & al. [1992]). Cependant, la pertinence et la robustesse de ces résultats sont mises en doute à deux niveaux. Dans leurs récentes études por-tant sur les économies avancées, (Taylor [2013], et Cargill [2013]), remettent en cause le résultat habituel et inversent la tendance. La performance de la Fed en matière d'ination n'est pas associée à son degré d'indépendance légal, mais plutôt réel, les corrélations négatives entre les mesures de l'indépendance légale de la Banque Centrale et l'ination ne sont pas robustes et l'indépendance réelle domine l'indépendance légale. Pour autant un faible taux de rotation ne signie pas forcément plus d'indépendance, les gouverneurs peuvent être très sensibles aux objectifs des Gouvernements (Daunfeldt & al. [2013]).

5.3 Les limites des indices de mesure de l'IBC et

contro-verses théoriques

L'échec ou le succès d'une politique monétaire est intimement lié aux di-verses appréciations des individus, (Issing [2012]). Selon Brunner [1981], les banquiers centraux se sont toujours entourés d'un mythe, dans la conduite d'un  art ésotérique  dont la pratique nécessite une initiation préalable. Cependant, il n'en demeure pas moins, que cette conception, fait courir d'une part, le risque d'une exploitation illimitée de la politique monétaire à des ns politiques, et d'autre part, la remise en cause du principe de  l'homme qu'il faut à la place qu'il faut , dans la nomination des gouverneurs (Issing [1996]). De toute évi-dence, la suggestivité individuelle a exercé une inuence dans la conduite de la politique monétaire, d'où la complexité d'une évaluation des résultats (Dincera & Eichengreen [2014]).

Le concept moderne de l'indépendance de la Banque Centrale met l'accent sur la relation de droit entre la Banque Centrale et le gouvernement mis en place par le statut de la banque centrale dénissant la conception et les res-ponsabilités institutionnelles de la banque centrale. L'indépendance de jure est considérée comme au moins nécessaire, pour la stabilité des prix et, est jugée par la large acceptation des corrélations inverses statistiquement signicatives entre les mesures de l'indépendance et de l'ination (par exemple, Alesina et Summers [1993]).

inuence. Elle s'est toujours eorcée de renforcer les arguments en faveur de l'in-dépendance de la Banque Centrale et de conrmer le consensus selon lequel les Banques Centrales les plus indépendantes, sont celles qui génèrent les meilleurs résultats en termes de stabilité des prix. Cependant, les résultats fournis par les indices sont controversés.

Les indices sont construits de façon arbitraire, et subjective (Daunfeldt [2013]), donc susceptibles d'omettre des informations très importantes dans la relation entre Banque centrale et le Gouvernement, (Cargill [2013]).

Un autre problème se pose sur le consensus. Les données sur les pays sont faites d'un mélange de variables sociales et politiques, qui peuvent inuencer la Banque Centrale tant sur son statut que sur son attitude à l'égard de l'ination. Par exemple, l'Allemagne de l'hyperination pourrait être la raison principale de l'indépendance de sa Banque centrale, mais étant donné la très grande aversion de l'Allemagne à l'ination même avec une domination du Gouvernement sur la Banque Centrale, elle pourrait réaliser la stabilité des prix (Parkin [2013]).

Selon Cargill & Odriscoll [2012], les résultats empiriques soutenant l'ob-jectif de stabilité des prix, à travers l'adoption du principe d'indépendance, sont erronés et un certain nombre de critiques peut être formulé.

Le manque de robustesse des résultats sur la corrélation