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Dans le cadre d'un jeu répété, à défaut d'un engagement de la Banque Cen-trale, Barro Gordon [1983b] montrent que la réalisation de l'ination socia-lement optimale peut être ex-post et ex-ante, une stratégie optimale à condition que les agents aient la possibilité d'empêcher le Gouvernement de tricher via un mécanisme de punition (Mourougane [1998]). Si le jeu est répété, le Gou-vernement fera davantage d'eorts pour acquérir une réputation de faible ina-tion. Une fois acquise cette réputation, elle permettra d'atteindre des niveaux moindres d'ination.

Le décideur minimise une fonction de perte intertemporelle : minL(t)=P i ftL(t+i) Avec Lt=1 2t)2+ γut Et 0 < f ≤ 1 , f = 1 1−ρ

ρ, est le coecient d'actualisation ou la préférence pour le présent. Si ρ = 0, le jeu se ramène à une période, et plus ρ est positif et élevé, et plus la perte future du décideur de politique monétaire sera faible dans le futur.

En eet, le taux d'ination dépend de la réalisation de l'objectif de la pé-riode précédente, dès que le décideur annonce son objectif à la pépé-riode t. Si l'objectif annoncé est atteint, le taux d'ination sera égale à πP

t , sinon se pose un problème de crédibilité, alors le taux d'ination anticipé sera égale à πD

t . Dans le cas d'un décideur crédible πa

t = πt−1

Sinon πa

t < πt−1décideur non crédible ayant triché.

En eet, les actions du décideur ne sont pas sans conséquence, d'où la com-paraison des gains obtenus de sa déviation et sa perte de réputation reétée dans les anticipations d'ination élevée. En fait, le décideur se place dans le cadre d'un arbitrage coût-bénéce. Les agents privés menacent le décideur de

punition en cas d'une éventuelle déviation30 au faible taux d'ination initiale-ment annoncé en rehaussant le cout marginal de l'ination. Le coût matérialise une perte de réputation. La Banque Centrale met en jeu sa crédibilité si elle ne respecte pas son engagement initial à réaliser un faible taux d'ination. Les agents privés anticipent un taux d'ination élevé dans le futur quel que soit le niveau de déviation.

En cas de tricherie du décideur le taux d'ination de la période précédente était égal à :

π(P )t = γ 1−α

Dans ce cas, la perte de réputation ou les gains de la tricherie sont égaux à l'espérance de la perte dans le cas de la règle et la perte dans le cas de la tricherie soit :

E(t−1)= (LR t − LT

t) = 1

2 (37)

Toute tricherie induit une punition de la part des agents privés égale à l'es-pérance de l'écart actualisé entre la perte dans le régime discrétionnaire et la perte dans le cas de la règle.

LD (t+1)= γα +2(1−α)γ2 ² et LR (t+1)= γ ¯u +12π2 t f(Et−1(LD (t+1)− LD (t+1)) =f 2( γ2 (1 − α)2− π2) (38) La dernière partie de l'équation indique la menace crédible contraignant l'Autorité à respecter à suivre la règle en période t, qu'un décideur rationnel peut calculer. On compare les équations (37) et (38).

Sous la condition Et−1(LD t+1−LD t+1) ≤ fEt−1(LD t+1−LR (t+1)le taux d'ination à réaliser est de πt= s (1 − f ) (1 + f ) γ (1 − α) (39) Comme 0 < π(t)< πD

t = 1−αγ est la deuxième solution meilleure réponse. Kydland & Prescott [1977] ont montré que l'incohérence temporelle pourrait conduire à une forte ination. On suppose que la Banque Centrale a le double objectif de maintenir l'ination à un certain niveau cible et le chô-mage proche du taux naturel, qui prévaudrait dans un monde sans imperfections du marché. Cependant, les imperfections du marché, telles que la concurrence monopolistique ou les distorsions causées par la politique budgétaire (Denis [2003] ; Loisel [2006]), font que le taux de chômage, est au-dessus du taux naturel.

Pour maintenir le chômage proche du taux naturel, la Banque Centrale doit réduire le chômage en dessous du taux inecacement élevé qui prévaut dans le marché du travail. Dans ce modèle, les travailleurs négocient leurs salaires

30. Al Novaihi [1992] adapte la punition au degré de déviation ce qui permet de raner le mécanisme de punition

basés sur leurs anticipations d'ination avec les entreprises. Dans la mesure où les travailleurs anticipent correctement le taux d'ination, le taux de chômage qui prévaut est le taux du marché inecacement élevé.

Kydland & Prescott [1977] ont montré, dans leur démarche que la vo-lonté de la Banque Centrale de réduire le chômage au taux naturel conduit à un comportement temporellement incohérent. Supposons que la cible d'ina-tion est de 1%, la politique monétaire optimale admet que les travailleurs ne peuvent pas être systématiquement trompés et, par conséquent, que le taux de chômage ne peut systématiquement s'écarter du taux d'équilibre du marché. En dépit de son double objectif, donc, le mieux que la Banque Centrale puisse faire est d'annoncer qu'elle xera la politique monétaire telle que l'ination soit 1%, puis, suite à cette annonce, laisser le marché du travail au niveau d'équilibre du marché.

Mais cette politique optimale est temporellement incohérente et ne sera pas mise en ÷uvre. Si les travailleurs croient à l'annonce de la politique de la Banque Centrale et négocient un contrat avec des entreprises prévoyant une hausse des salaires nominaux de 2%, alors les options de la Banque Centrale changent. Au lieu de suivre et mettre en ÷uvre la politique initialement annoncée, la Banque Centrale peut créer un peu plus d'ination surprise qui abaisse les salaires réels, en stimulant la demande de travail des entreprises. Avec un taux de salaire nominal xe, le marché fait apparaitre un taux de chômage plus faible. Ainsi, au prix d'une ination légèrement plus élevée, l'économie réalise le bénéce de la baisse du chômage.

Bien sûr, les travailleurs se rendront compte que les annonces de la Banque Centrale ne sont pas crédibles, et ils anticipent une ination plus élevée. Et lorsque les travailleurs anticipent une ination plus élevée, il devient de plus en plus coûteux pour la Banque Centrale de créer une ination surprise. Le résultat d'équilibre est atteint lorsque la Banque Centrale estime que les avantages de toute surprise inationniste supplémentaire sont entièrement compensés par les coûts. À ce taux d'ination, la Banque Centrale n'a aucun intérêt à créer une ination surprise.

Cependant, les travaux de Kydland & Presccott sont plus qu'une ma-nière sophistiquée d'expliquer la forte ination, il y a d'autres conséquences profondes. Par exemple, l'incohérence temporelle peut aecter la capacité d'un Gouvernement à émettre la dette nominale, des bons du trésor, des obligations, ou modier le type d'actifs que le Gouvernement utilise pour émettre de la dette, en d'autres termes occasionner une déance contagieuse sur les marchés nanciers (Denis [2003]).

Le rendement réel anticipé sur la dette nominale dépend des anticipations de l'acheteur de l'ination future. Si les investisseurs achètent des obligations en anticipant une politique monétaire restrictive, et une faible ination, ils payeront un prix plus élevé pour les obligations que s'ils s'attendaient à une politique monétaire accommodante et une ination plus élevée dans l'avenir. Mais alors qu'une Banque Centrale peut promettre une politique monétaire restrictive, une fois la dette nominale réalisée, le Gouvernement peut faire pression sur la Banque Centrale pour suivre une politique monétaire expansionniste. Anticipant

les mesures incitatives du Gouvernement, les investisseurs exigeront des taux de rendement des obligations d'Etat élevés, ou que les taux de rendement des obligations soient indexés sur l'évolution de l'ination.

Par conséquent, le biais inationniste met en jeu la crédibilité de l'Autorité monétaire qui corrigerait les inecacités structurelles de l'économie. Les modèles de Kydland & Prescott [1977], Barro & Gordon [1983a, b], ont été d'un apport remarquable dans l'explication, et la mise en évidence des problèmes de crédibilité. Par la suite, ces mêmes modèles ont été utilisés en prolongement dans le cadre d'une spécication dynamique qui tient compte d'une hétérogénéité des préférences des agents privés.

Dans cette sous-section nous avons exposé la modélisation stratégique élé-mentaire de la politique monétaire. Cette formalisation stratégique présente les concepts fondamentaux pour appréhender la crédibilité de la politique moné-taire en économie fermée. Cependant, en information parfaite ou complète, le jeu simple de politique monétaire a un intérêt limité. Seule la xation d'un taux d'ination positif rationnellement anticipée par les agents privés est crédible. La limite de ces résultats est aussi bien valable en univers déterministe qu'en environnement stochastique.

En revanche, les jeux répétés éliminent le biais inationniste de par leurs mé-canismes dissuasifs, donc lorsque la politique monétaire est perçue comme un jeu répété entre Autorités monétaires et agents privés, les stratégies crédibles sont moins inationnistes. Toutefois, en raison du caractère arbitraire et nombreux des stratégies de punitions (Andersen [1989]), l'usage de ces modèles aboutit à une multiplicité d'équilibres. A chaque mécanisme dissuasif correspond une multiplicité d'équilibres crédibles. Se pose alors le problème de la coordination entre Autorités monétaires et agents privés dans le choix du meilleur mécanisme dissuasif, et de la meilleure combinaison stratégique crédible31.

En conséquence, l'hypothèse d'information parfaite prive les notions de ré-putation et de crédibilité d'un véritable contenu heuristique. Dès lors que les préférences des Autorités monétaires sont invariantes et révélées aux agents pri-vés, alors elles ne perdent pas de réputation et le public sanctionne leur simple tricherie et non une modication radicale de leur détermination à poursuivre la stabilité des prix (Lavigne [1989]).

En ce sens Blackburn et Christensen proposent la prise en compte du processus d'apprentissage en raison de la diculté de retrouver une constance dans le temps entre taux d'ination courant et anticipé. Dans la même conti-nuité, Backus & Driffill [1985] avancent une modélisation en termes d'équi-libres séquentiels dans un cadre d'information imparfaite.

L'hypothèse d'information imparfaite rend les concepts de réputation et de

31. Cukierman [1992] souligne qu'une stratégie de dissuasion n'est en elle-même crédible théoriquement que lorsque l'ensemble des agents privés coordonnent leurs stratégies avant de former leurs anticipations. Toutefois des dicultés théoriques sont posées par la nécessité de coordination des activités d'agents atomistiques sur une seule stratégie particulière de représailles. C'est ce que Al Nowaihi & Levine [1996] traduisent en termes d'absences de preuve minimale de renégociation ( renegociation proof) qui constitue un procédé analogue à l'approche des défauts de coordination (coordination failures)

crédibilité plus réaliste. Dans le chapitre suivant, on modie la structure du jeu. L'information est asymétrique et incomplète.

3 Les modèles de relâchement de l'hypothèse