• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 6. CONDITIONS DE VIE, ACTIONS COLLECTIVES ET

6.5 La reconnaissance publique des associations et des ONG

La reconnaissance des ONG comporte au moins deux aspects. Premièrement la reconnaissance normative conformément aux lois régissant leur fonctionnement en Haïti. Ces lois définissent les conditions de formation d’une ONG ainsi que ses conditions de fonctionnement. Deuxièmement la reconnaissance de ces ONG par les associations et les populations qu’elles représentent comment étant les dispensatrices de services que l’État n’offre plus.

Au cours de la décennie 1980, les gouvernements haïtiens ont voulu avoir un certain contrôle sur le secteur des ONG. C’est ainsi qu’au début des années 1980, le régime de Jean-Claude Duvalier prit un décret qui stipule en son article 12, deuxième alinéa, que pour bénéficier du statut d’ONG, les fondateurs

« Doivent soumettre une référence de garantie d’une banque ou de deux organisations non gouvernementales nationales ou internationales, opérationnelles ou d’une agence bilatérale ou multilatérale ayant son siège dans le pays49 ».

49 Le libellé de l’article du décret est extrait de l’ouvrage de Pierre Étienne consacré à l’étude des ONG en Haïti.

Deux ans après, est sortie une autre loi qui définit les organisations non gouvernementales d’aide au développement ONGD comme des institutions apolitiques qu’elles soient religieuses, laïques ou d’origine étrangère. Cette loi marque également la ligne de démarcation entre les institutions publiques et le secteur des ONG. Selon cette loi publiée dans le journal officiel de la République :

« Les congrégations, missions, associations, établissements, sociétés civiles sans but lucratif , à caractère apolitique, religieux ou laïc, d’origine étrangère ou nationale , fonctionnant sur le territoire de la République, à l’exception des institutions, agences externes de coopération ou autres, liées à l’État par un contrat ou par un accord de base et qui conservent le statut à elles reconnu par les pouvoirs publics du lieu de leur origine, sont des organisations non gouvernementales d’aide au développement (ONG), lorsque par des moyens propres, ils poursuivent des objectifs philanthropiques ou d’intérêt général, accomplissant une œuvre de bienfaisance ou de charité, travaillent à la diffusion de l’enseignement classique et professionnel, interviennent dans des actions de développement d’une région, d’un département, d’un arrondissement, d’une commune ou d’une section rurale » (Le Moniteur, 1982)

En 1989, sous le gouvernement provisoire du général Prosper Avril, une autre loi est sortie dans le Journal officiel de la République donnant une nouvelle définition des ONGD

« Sont désignées Organisations non gouvernementales d’aide au développement et identifiées ci-après sous le sigle ONG toutes institutions ou organisations privées apolitiques sans but lucratif, poursuivant des objectifs de développement aux niveaux national, départemental ou communal et disposant de ressources pour les concrétiser » (Moniteur, 1989)

Plusieurs caractéristiques se dégagent de ces définitions qui fixent les conditions de reconnaissance des ONG : il s’agit d’être des organisations à but non lucratif; apolitiques, poursuivre ou être en train de réaliser des activités de développement. Que cette organisation soit nationale ou internationale ne pose pas de problème. Donc, à l’instar des associations de base, les ONG, pour être également reconnues par les institutions publiques haïtiennes doivent, en plus d’avoir un compte en Banque enregistré au nom de l’ONG en question, présenter au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) ses statuts, son acte constitutif, son procès-verbal et une lettre d’intention et payer les frais nécessaires. Ainsi, elle peut vaquer à ses activités.

Conclusion

Les conditions de vie sont précaires dans les quartiers populaires et les bidonvilles de Port-au-Prince. En considérant les indicateurs présentés dans les tableaux, ne pourrait-on pas dire que c’est toute la capitale de marginalisation? La capitale haïtienne présente, au regard de n’importe quel observateur, de grandes inégalités spatiales, et ces inégalités sont aussi le reflet des inégalités sociales. On y trouve d’anciens quartiers huppés habités par des gens riches et de nouveaux quartiers émergeants qui sont aussi la propriété des gens qui se distinguent par leur accès privilégié aux biens et aux ressources. En termes d’infrastructures et de conditions de vie, ces espaces n’ont rien à voir avec les quartiers populaires et les bidonvilles. Cependant, certains des quartiers huppés ont dans leur voisinage des bidonvilles, même si cela ne fait pas disparaître les frontières entre gens dominants et dominés. Les gens des bidonvilles et des quartiers populaires peuvent difficilement accéder à la sphère des gens riches, sauf dans des cas de domesticité ou d’emplois dans ce qui reste des usines de la sous-traitance. Les quartiers pauvres sont le théâtre d’une violence à trois têtes, ce qui favorise des interventions policières provoquant des effets collatéraux. À Port-au- Prince, donc, on est en face d’un dualisme en ce qui concerne la répartition de la population et des conditions de vie. Des résidences modernes de luxe des quartiers huppés, des gardes des compagnies de la sécurité privée des maisons somptueuses, des quartiers paisibles de gens vivent des gens aisés contrastent avec des taudis et des maisons sordides des quartiers populaires et des bidonvilles, des tanks et des patrouilles policières dans les rues de la capitale et dans les quartiers pauvres, des tirs et des massacres dans des espaces baptisés « zones de non droit ». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les vestiges de ce dualisme sont aussi présents dans les bidonvilles qui sont pour la plupart de leurs habitants des zones de profits et de distinction. Avec la détérioration des conditions de vie, des inégalités criantes entre riches et pauvres, la violence qui prévaut dans les bidonvilles, la «déroute» du mouvement populaire et les interventions des ONG, la population de la Cité peut-elle agir collectivement et obtenir la régularisation de sa situation sur les terrains occupés?

CHAPITRE 7. CONDITIONS DE VIE À CITÉ DE L’ÉTERNEL

Jusqu’au moment où je suis rendu sur le terrain à Port-au-Prince, j’ai toujours présenté Cité de l’Éternel comme étant Cité de Dieu. C’était une erreur. Ces deux bidonvilles sont différents au moins par rapport à leur situation géographique. J’ai commencé à faire mes observations directes quand, m’adressant à quelqu’un, que j’ai considéré comme un personnage clé, me dit que je ne suis pas à Cité de l’Éternel mais plutôt au village de Dieu. Selon ce personnage, Village de Dieu et Cité de l’Éternel sont séparés par un canal appelé Bois de chêne. En effet, ce canal traverse la ville de Port-au- Prince depuis le quartier de Turgeau (une zone résidentielle) jusqu’à l’embouchure du quai de Port-au-Prince délimitant les deux bidonvilles situés en bordure de la mer de la capitale. J’ai pu observer deux entrées principales, l’une à l’est du canal où il est écrit « Bienvenue à Village de Dieu ». Et l’autre, à l’ouest, où l’on souhaitait jadis la bienvenue aux visiteurs de Cité de l’Éternel, mais à mon arrivée le panneau de bienvenue semble avoir été emporté ou arraché. Chacun de ces écriteaux est en ferronnerie et érigé sur deux poteaux en béton armé mesurant environ 6 mètre de hauteur

Aux plans des caractéristiques physiques, de la constitution de la population et des conditions de vie apparentes, il semble qu’il n’y a pas de différence entre Village de Dieu et Cité de l’Éternel. Il n’y a presque pas de rue sauf une entrée principale et plusieurs corridors baptisés ruelle qui arrivent jusqu’au milieu du Bidonville. Les services d’assainissement public ou privé sont inexistants. On y trouve beaucoup de petites églises protestantes. Les dimanches, on peut observer des assemblées en prière dans plusieurs endroits des bidonvilles. La plupart des églises étaient bondées de gens venus adorer; ceci tant à Cité de l’Éternel qu’à Village de Dieu

L’époque où j’ai réalisé mes interviews était le moment où chaque jour on entendait à la radio qu’il y avait des cas de kidnapping, des interventions musclées de policiers de la MINUSTHA et de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Après la chute d’Aristide en février 2004, des violences ont éclaté à Port-au-Prince, particulièrement dans les quartiers populaires où celui-ci a eu beaucoup de partisans. Cette situation entraîna l’établissement d’une mission des Nations Unies en Haïti dénommée Mission des nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). En dépit de la présence de la MINUSTAH, les violences n’ont pas diminué même trois ans après. Certains pays décourageaient leurs ressortissants à voyager en Haïti. Même des Haïtiens vivant à

Outline

Documents relatifs