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CHAPITRE 6. CONDITIONS DE VIE, ACTIONS COLLECTIVES ET

6.1 Conditions de vie de la population à Port-au-Prince

Au regard des indicateurs relatifs aux conditions de vie, on dirait de Port-au-Prince qu’elle est une capitale de marginalité, c’est-à-dire que tous ceux qui vivent dans cette ville sont des marginaux, mais parfois les chiffres peuvent induire en erreur si on ne tient pas compte des nuances ou des subtilités de la réalité. Par exemple, les données utilisées pour décrire les conditions de vie de la population de Port-au-Prince sont extraites d’une enquête réalisée par l’IHSI de concert avec le Ministère de l’économie et des Finances. Elles concernent une population approximative de 1 000 individus dans la majorité des cas. Les informations obtenues varient avec la taille de l’échantillon ainsi qu’avec le contexte de l’enquête. Mes interprétations se limitent donc à la taille de cet échantillon.

Par rapport aux informations fournies dans le tableau qui suit, on voit que la population de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince fait face à un sérieux problème de lieu d’aisance. Même si la proportion de gens qui creusent des trous dans leur cour pour le faire est minime, il reste un fait que plus de 85% de la population de la capitale font leurs besoins dans des latrines, et parmi eux, environ 50% utilisent des toilettes collectives. Cette situation peut représenter un problème sérieux pour la santé de la majorité de la population.

Tableau # 1 : Distribution en pourcentage (%) des logements occupés disposant d’un lieu d’aisance selon le type de lieu d’aisance à Port-au-Prince.

Source : Élaboration personnelle à partir des données du Ministère de l’Économie et des Finances et de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI, MEF, 2003).

Type de lieu d’aisance Aire métropolitaine (PAP)

WC 14.2 Latrine pour résident 23.2 Latrine pour résident et voisinage 42.2 Trou dans la cour 19.6 Autres 0.8 Total 100.0 Échantillon 899

De même pour se laver, prendre une douche, la population, dans sa grande majorité n’utilise pas de douche ni de baignoire. Contrairement aux lieux d’aisance collectifs, les douches collectives sont rares. Moins de 10% des gens utilisent ce moyen pour se baigner. Ce qui laisse supposer que ce besoin est satisfait de manière irrégulière dans des contenants portables derrière un muret, un arbre ou à l’air libre. L’intimité physique des individus n’est pas respectée. Ce problème, même s’il est lié aux types de logements construits et à la situation économique de la population, n’est pas indépendant de l’accès à l’eau potable selon l’Agence Française de Développement

« La gestion de l’eau en Haïti est confrontée à un contexte difficile, lié à une crise sociale et économique aiguë : les problèmes récurrents de pénurie d’eau potable et le mauvais état du réseau n’ont fait que s’aggraver ces dix dernières années. De nombreux quartiers de Port-au-Prince se trouvent exclus de la desserte de l’eau potable et plus particulièrement les quartiers spontanés qui hébergent la moitié de la population de la ville (soit plus d’un million d’habitants) (Agence française pour le développement, 2005 :1)29 »

Tableau # 2 : Distribution en pourcentage (%) des logements occupés selon l’existence et le mode d’usage (individuel ou collectif) d’une douche ou baignoire à Port-au-Prince.

Existence et mode d’usage

De la douche ou baignoire Aire métropolitaine (PAP) Douche ou baignoire individuelle 20.3

Douche collective 9.8 Aucune douche ou baignoire 69.9 NSP Total 100 Échantillon 997

Source : Élaboration personnelle à partir des données du Ministère de l’Economie et des Finances et de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI, MEF, 2003).

Très peu de maisons disposent d’un robinet. En d’autres termes, seulement 15% des logements disposent de robinet ni à l’intérieur ni dans la cour. La majorité de la population soit environ 60% achète des seaux d’eau pour s’approvisionner en eau

potable. Environ 70% de la population achètent soit des seaux30 d’eau soit de l’eau

29 http://www.afd.fr/jahia/Jahia/site/afd/lang/fr/pid/13207

traitée pour satisfaire ses besoins. Le seau de vingt litres, dans les zones où ont été

réalisés des projets d’eau potable, se vend 50 centimes de gourde31. Selon Verdeil, les

habitants des quartiers pauvres non desservis par ces projets paient 6 fois plus cher que ceux qui en bénéficient d’un branchement privé (Verdeil, 1993). Se baigner, laver son linge, faire la vaisselle, boire coûtent et ne sont pas sans effet sur les conditions de vie des ménages de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, dont la majorité a un revenu annuel moyen de 56 337 gourdes soit US$ 1609,62 (IHSI et MEF, 2003).

Tableau # 3

Distribution en pourcentage (%) des logements occupés selon le mode principal d’approvisionnement en eau potable dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince

Principale source d’approvisionnement

En eau potable Aire métropolitaine (PAP)

Robinet dans le logement 5.8 Robinet dans la cour 9.5 Puits dans le voisinage 1.3 Fontaine publique 7.8 Achat de camion d’eau 0.7 Achat de seaux d’eau 59.7 Achat d’eau traitée 9.9 Récupération d’eau de pluie 0.6 Source ou rivière 0.1 Autres 0.5 NSP - Total 100

Échantillon 1002

Source : Élaboration personnelle à partir des données du Ministère de l’Economie et des Finances et de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI, MEF, 2003).

Une des caractéristiques des zones marginalisées est aussi l’évacuation des résidus. Les logements sont construits sur des espaces réduits, les corridors sont étroits et ne permettent pas que les camions passent pour ramasser les ordures. Dans le cas de Port-au-Prince, non seulement les corridors dans certains quartiers sont inaccessibles

mais aussi les services de ramassage des ordures sont irréguliers. Les données sont contradictoires par rapport à la quantité de déchets produits dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Selon les responsables du Ministère des Travaux Publics, des Transports et de la Communication (MTPPC), l’aire métropolitaine de Port-au-Prince produit à elle seule de 2003 à 2004 entre 6000 à 8000 tonnes de résidus, mais les données collectées au Service Métropolitain de Ramassage des Résidus Solides (SMCRS) attestent que d’octobre 2004 à septembre 2005, 240 118 m3 de déchets ont été ramassés à Port-au-Prince (Monfort, 2007). D’après certaines estimations, l’agglomération de Port-au-Prince produirait en moyenne chaque année 600 000 tonnes de déchets solides (1640 tonnes/jour), dont environ 80 % résulteraient des particuliers et 20 % des infrastructures commerciales et industrielles (Holly, 1999). Ces déchets s’accumulent dans les rues, les caniveaux, les lits des rivières et même dans la baie de Port-au-Prince (Bouchon, 2000). Les pratiques les plus courantes de la population consistent à jeter les ordures dans la rue, dans des canaux d’égouts et dans les ravines ; ce qui représente de sérieuses menaces pour l’environnement et la santé de la population. Le ramassage des ordures, soit public, soit privé se fait dans 26.5 pour cent des cas, tandis que la majorité est jetée ailleurs, c’est-à-dire tirée dans des égouts à ciel ouvert, dans la rue ou dans des ravines.

Tableau # 4

Distribution en pourcentage des logements occupés selon le mode d’évacuation des ordures ménagères dans l’aire métropolitaine

Mode d’évacuation ordures ménagères Aire métropolitaine (PAP)

Service de ramassage public 24.2 Service de ramassage privé 2.3 Brûler 8.6 Transporter ailleurs 65.7 Jeter dans la rue 11.3 Enfouir 0.4 Autres 1.4 NSP - Échantillon 996

Source : Élaboration personnelle à partir des données du Ministère de l’Economie et des Finances et de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI, MEF, 2003).

À la lecture des données du tableau suivant, on dirait qu’il n’existe pas assez de logements pour héberger la population de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Certes, les données relatives au taux d’inoccupation des logements ne sont pas

disponibles mais plus de 80% de la population ne disposent que d’une à deux pièces pour dormir, ce qui laisse supposer la promiscuité dans les ménages. Il arrive qu’une famille entière composée de 8 personnes dorme dans une seule pièce. C’est en général une chambre de 8 à 9 mètres carrés avec un lit suspendu sur 8 blocs de ciment, et parfois une table. Les bébés dorment avec leurs parents, les autres sous le lit et sous la

table32. Port-au-Prince continue de prendre de l’extension avec la formation de

nouveaux quartiers résidentiels dans la zone de tabarre, par exemple, et la croissance des bidonvilles au flanc du morne-hôpital.

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