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CHAPITRE 7. CONDITIONS DE VIE À CITÉ DE L’ÉTERNEL

7.4 Des constructions différentes selon les lieux

Par rapport aux maisons, j’ai observé un contraste entre celles qui sont construites à l’extrémité nord de la Cité et celles que j’ai observées à partir de l’entrée jusqu’au milieu de la Cité. Les maisons situées en avant sont de construction standard en comparaison avec des constructions situées près de la mer et à côté des deux canaux. Ces maisons ont le mur en béton et sont couvertes pour la plupart en tôle ou en béton. Cependant, beaucoup d’entre elles sont en train de s’effondrer à partir de la base. Construites sur des marécages, ou des déchets, leur fondation ne résiste pas à la charge du béton utilisée pour la construction. Elles s’enfoncent au fur et à mesure dans le sol. Les propriétaires sont obligés d’ajouter un étage tandis que la maison continue son enfoncement d’année en année. André est coordonnateur de l’association Men kontre (mains unies) dans la Cité. Il habite dans la Cité depuis plus de dix ans. La situation des logements qui s’enfoncent de plus en plus dans le sol le préoccupe. Selon André, ces logements ont la ressemblance d’une maison, mais au fait ce n’est pas vraiment une maison, c’est un malheur. Les terrains n’étaient pas propices à la construction, dit-il. On construit des maisons dans ces lieux après y avoir versé plusieurs camions de remblais, raconte-t-il.

« Tu peux constater, dans la Cité, certaines maisons qui sont de telle hauteur, mais si tu fouilles sa fondation, tu vas découvrir une autre maison en dessous. Si tu prends un tracteur pour faire ces fouilles, tu vas trouver encore deux maisons en dessous. Au fur et à mesure que la maison s’enfonce, son propriétaire ajoute un étage dessus jusqu’à-ce qu’il trouve le fond pour se stabiliser. Même là encore, on ne peut pas dire que c’est correct. Cependant, c’est mieux par rapport à la situation antérieure. Cité de l’Éternel est comme ça. Je dois te dire que maintes fois des fonctionnaires de l’État se présentent ici pour nous interdire de faire cela. Ils ont l’habitude venir ici65»

Les maisons qui se trouvent dans cette situation sont, entre autres, des constructions en béton relativement grandes, c’est-à-dire comportant trois à quatre chambres à coucher. Elles sont construites sur un emplacement et se situent plus au milieu de la Cité. D’autres logements sont aussi construits en tôle et en béton et ne

bezwen l, ou pa gade l nan grangou l, ou pa sipòte l nan anyen, li reflechi, paske w konnen granmoun pa reflechi menm jan ak jèn, sak pi posib pou li a li fè l, sak pi fasil pou li a li fè l. Se sak fè m pa kritike yo mwen menm, paske pa gen ankadreman pou yo vre. Pa genyen.

65 Ou ka wè yon kay Cite de l’Éternel la-a ou wel gen yon wotè, men siw wal fouyel wap jwenn gen de kay sa-a

anba.. Siw al fouyel ou opran traktè la-a wap jwenn gen de kay sa-a anba, paske lè li vin retounen menm jan an encore, epi apres ou remontel encore, li retounen menm jan encore, jiskaske kounye-a la-a li preke bon. Li poko bon toujou men li preske bon par rapport à anterieur yo. Se konsa Cite de l’Éternel ye. Fok mwen diw tou Leta-a konn kouri d`yè nou anpil fwa. Leta-a konn vin la-a

s’enfoncent pas parce qu’ils sont petits. Leur superficie varie entre 12 à 16 mètres carrés. En général, qu’ils soient construits sur des espaces réduits ou non, la base de ces maisons mesure plus d’un mètre de hauteur car aux moindres averses la Cité est inondée. Jacques, au cours de son interview, me dit que la population avait reçu des informations contradictoires de la mairesse de Port-au-Prince, au début. Selon Jacques, celle-ci avait envoyé des ingénieurs faire une étude terrain. Ensuite, elle a conseillé aux membres de la communauté d’élever les fondations de leur maison à hauteur d’un mètre. En ces temps là, dit-il, la situation était meilleure, les gens pouvaient trouver de quoi construire, mais aujourd’hui, les choses sont à zéro.

«Madame Max Adolphe, je ne me rappelle pas très bien son nom envoya deux ingénieurs ici en vue de faire des inspections. Elle nous a dit que nous pouvons élever les murs de la fondation de chaque maison à une certaine hauteur pour construire ici. Par la suite, elle nous a fait dire que nous ne pourrons pas construire. Mais auparavant, elle nous a envoyé des techniciens pour nous autoriser à construire. Je dois vous le dire, les affaires allaient mieux en ces temps là. Il y avait des activités, les gens avaient la possibilité de faire des choses, c’est ce qui explique qu’ils ont construit66 »

Le côté nord de la Cité est peuplé de taudis et de petites maisons en tôle et en béton. L’accès à ces logements est difficile, les corridors étant tellement étroits. Même avec une brouette on ne peut pas y arriver. Certains passages sont tellement exigus que les gens qui sont relativement corpulents ne peuvent y passer que de profil. Pour les construire, le propriétaire transporte certains matériaux (sables et remblais) dans des seaux en plastique. Au cours d’une visite dans cette partie de la Cité, je me suis adressé à une femme qui transportait des remblais pour remplir le parquet de son taudis. Elle me dit : « Ah! Il faut avoir du fiel pour vivre la misère d’ici». Je lui ai demandé est-ce qu’elle compte reconstruire sa maison en blocs de béton, elle a ri en répondant « le ciment se coûte trop cher, les blocs aussi ». Elle est mère d’un enfant de 13 mois. Cet enfant est né dans ce taudis qui n’a vraisemblablement aucune protection contre la pluie et les débordements du canal d’à côté. À d’autres femmes qui étaient sur les lieux, j’ai demandé comment elles se débrouillaient quand le canal débordait. La réponse me vint illico d’une d’entre elles

66 Madan Max Adolf, non. Bon m pa sonje bien. Kounye-a li te voye ingénieur vin enspakte pou nou, li te di nou ka

fè sol yo ro nou ka bati nan terre. En après li te di bon nou pap ka bati encore men l te gentan voye ingenieur vin wè di bon nou ka fè sol yo wo a hauteur 1 mètre, nap ka rete nan tè ya. Se aprel te vin di nou papa ka bagay la-a. Fòn diw lè sa yo, bagay yo te plus opu moins, moun te gen aktivite, yo te gen posiblite, se sak fè moun te oblije vin konstri sou tè-a. Se te pou kounye a moun pa tap gen posiblite pou yo te bati la-a, paske bagay yo zero nèt

« Dès qu’il y a inondation, nous hissons les enfants sur le lit et nous, nous, nous restons debout toute la nuit jusqu’à ce que la pluie cesse et que nous puissions évacuer l’eau ».

Elles ne s’entraident pas pour évacuer l’eau puisque chacun a son taudis rempli. À l’instar d’autres logements de fortune construits au cœur de la Cité qui ne disposent pas de fosses sceptique, les taudis construits proches de la mer n’on pas d’endroit où les gens puissent faire leurs besoins physiologiques. S’il y a une fosse dans une maison voisine, les habitants coopèrent entre eux. Au moment de faire évacuer la fosse remplie, ils cotisent pour payer les services d’un vidangeur.

J’ai sollicité la permission d’observer l’intérieur de quelques taudis pour me faire une meilleure idée des conditions de vie à l’intérieur. Je suis entré dans trois. Ils sont construits à partir des matériaux tels que les tôles usagées, de petites gaules de bois servant de support pour clouer les tôles. Pas de fosse sceptique ni de meubles sauf un matelas déposé sur quatre ou bien huit blocs en béton. Ces lits sont appelés de façon burlesque «Wharf» c’est-à-dire un quai où se fait accoster, parce qu’ils sont à une hauteur anormale. Il faut monter sur autre bloc de ciment pour y accéder. La raison pour laquelle, ils sont suspendus à cette altitude est pour éviter que l’eau mouille le matelas quand il y a de fortes pluies, me dit une Madame Jean.

Ces taudis mesurent entre deux à trois mètres d’altitude et de douze à seize mètres carrés de superficie. Cependant, on peut toujours trouver 4 à 6 personnes vivant dans cette chambre (le père, la mère et les enfants). Généralement les couples ont plus que deux enfants. Dans le périmètre ou je me trouvais ce matin là, il y avait environ une dizaine d’enfants qui jouaient. La plupart d’entre eux en âge scolaire, ne vont pas à l’école. Madame Paul en a trois, tous sont en âge d’aller à l’école, mais elle en envoie une seule. Elle me dit ne pas disposer de moyens pour payer les scolarités

Un taudis du genre que j’ai vu se loue 1500 gourdes pour six mois soit moins de 50 dollars américains. On dirait que ce n’est pas cher, mais bien des personnes à qui j’ai parlé me disent que souvent elles n’ont pas les 1500 gourdes. Quand je leur ai demandé pourquoi ils viennent habiter là, ils me répondent que c’est à cause de l’argent. Avant, disent les dames, elles vivaient en ville, mais leur bail terminé et ne pouvant pas le renouveler, elles sont réfugiées ici avec leur conjoint pour vivre. Certains de ces taudis ont été construits par d’autres personnes qui ne vivent pas dans le bidonville. Ils sont loués ou sont vendus. Certains taudis peuvent être vendus jusqu’à cinq fois. Cette situation peut avoir plusieurs conséquences. Ou bien la personne désire quitter

définitivement le bidonville, ou bien elle a des problèmes financiers. Elle vend alors son logement pour avoir un peu d’argent, a dit madame Fritz.

En somme, j’ai observé trois types de logement. Premièrement, de gros bâtiments en béton armé avec plusieurs étages. Ils ne sont pas nombreux mais quand même impressionnants par rapport à leur dimension et leur structure dans un milieu comme cité de l’Éternel. Deuxièmement, des maisons ordinaires comme celles que l’on trouve dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince. Elles ont la toiture en béton armé et plusieurs chambres à coucher avec de la ferronnerie pour la protection en vue de se protéger contre les voleurs. Ce type de logement, même s’il est plus régulier que les grosses bâtisses, ne s’étend pas au bidonville. Troisièmement, on trouve beaucoup de logements dont la couverture est en tôle, le parquet et le mur en béton. Ces logements sont aussi protégés par des fers préparés à cet effet, comme si chaque maison était une cellule de prison ou un petit pénitencier. Enfin, on trouve les maisons construites à partir des matériaux de récupération qui sont situées aux environs des canaux d’égouts et proche de la mer.

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