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La reconnaissance du refus de soins par le droit français

SECTION I  – LE REFUS DE SOINS, EXPRESSION DE LA VOLONTÉ

Paragraphe  1  :  Une  expression  de  la  volonté  reconnue  par  la  loi  et  la  jurisprudence

A)  La reconnaissance du refus de soins par le droit français

terme.  

 

SECTION I – LE REFUS DE SOINS, EXPRESSION DE LA VOLONTÉ 

 

Comme  nous  venons  de  l’énoncer,  le  refus  de  soins  constitue  l’expression  de  la  volonté, a  priori,  la  plus  certaine.  Ce  droit  au  refus  de  soins,  d’origine  prétorienne  s’applique  de  manière  entière  au  majeur  capable.  Le  majeur  incapable  ou  le  mineur,  quant  à  eux,  disposent  d’une  certaine  manière  d’un  droit  au  refus  de  soins  partiel  (Paragraphe  2).  Il  s’agira  donc  d’entreprendre,  dans  un  premier  temps,  l’analyse  du  régime de principe du refus de soins (Paragraphe 1). 

 

Paragraphe  1 :  Une  expression  de  la  volonté  reconnue  par  la  loi  et  la  jurisprudence 

 

L’expression  de  la  volonté  du  patient  est  fondamentale,  dans  la  mesure  où  elle  correspond au réel consentement du malade même si ce droit peut être discuté sur le  fond,  dans  la  mesure  où  il  s’oppose  à  d’autres  préoccupations  de  l’Etat,  comme  la  sauvegarde de la santé du patient ou encore la sauvegarde de sa vie. Il sera pour cela,  nécessaire d’envisager, une étude en droit positif et en droit comparé.     A) La reconnaissance du refus de soins par le droit français    Le refus de soins est aujourd’hui parfaitement intégré à la législation. La loi du 04  mars  2002  confirme  bien  son  existence.  La  jurisprudence,  bien  que  parfois  réticente  à  admettre un tel refus de soins, avait pris le soin, avant 2002 d’en dessiner des contours  stricts.     1) La reconnaissance du refus de soins par la jurisprudence    a) Un principe du refus de soins « conditionné » par la Cour de cassation avant 1994    La jurisprudence française a, depuis longtemps, reconnu le droit au refus de soins.  Nous  pouvons  retrouver  la  trace  d’arrêt  de  la  Chambre  des  requêtes  du  15  février  1910225.  Néanmoins,  l’arrêt  du  30  octobre  1974226 retranscrit  bien  la  tendance  jurisprudentielle de l’époque qui distinguait soins entrainant une souffrance physique et  des  risques  de  mortalité  de  ceux  qui  étaient  bénins  et  qui  ne  procuraient  aucune  douleur. En effet, la Cour considère que pour ces derniers, le refus de soins entraîne la  « faute » de son auteur en cas de complications. Ainsi, dans l’espèce, la Cour de cassation  estime que les juges d’appel ont commis une faute en ne recherchant pas : « si la victime         225 Req. 15 février 1910, D.1911, 1, p.303  226 Cour de cassation, Chambre criminelle du 30 octobre 1974, n°73‐93381 

avait pu, par sa faute, se priver d’une chance d’amélioration ou de survie, en n’acceptant 

pas  sciemment  les  soins  que  nécessitait  son  état ».  Elle  a  énoncé  préalablement  que « le 

refus de recevoir des soins, ordinaires et sans risques, au cours d’un traitement hospitalier  (…), caractérise la faute de la victime et justifie la réduction des réparations réclamées par 

celui qui a volontairement négligé une chance de survie ».  

 

Concrètement, la victime d’une atteinte corporelle et donc soumise à une incapacité  permanente  partielle  estimée  à  un  certain  pourcentage  et  qui  refuse  des  soins  lui  permettant  de  baisser  ce  pourcentage,  sera  indemnisée  au  niveau  du  pourcentage  qu’elle aurait atteint avec ledit soin.  

 

Ainsi, il existe une véritable dualité et contradiction que l’on retrouve toujours dans  la  loi  actuelle.  Cette  dualité  concerne  dans  un  premier  sens  le  devoir  de  soins  et  le  considère  comme  un  devoir  sociétal.  En  effet,  l’arrêt  dispose  que  lorsque  le  refus  de  soins  porte  sur  des  soins  bénins,  alors  ce  dernier  commet  une  faute  justifiant  une  réduction  de  l’indemnisation.  Le  fait  qu’il  s’agisse  d’une  juridiction  pénale  est  encore  plus  significatif  dans  la  mesure  où  la  loi  et  le  procès  pénal  tendent  à  répondre  à  un  trouble à la société. Le fait d’avoir un jury populaire dans les cours d’assises démontre la  nature de la réponse rendue au nom de la société.  

 

En  l’espèce,  le  refus  de  soins  n’est  pas  remis  en  cause.  En  effet,  l’arrêt  parle  de 

« soins  ordinaires  et  sans  risques »  pour  justifier  la  faute  du  patient.  Donc, a  contrario

pour des soins complexes et risqués, la solution aurait été probablement différente. Mais  comment élaborer une classification des soins « ordinaires et sans risques » de ceux qui  ne le sont pas ? Certes, si nous parlons de chirurgie et de prise de sang, nous pouvons  constater  une  nette  distinction.  Mais  cette  dernière  entraîne  une  certaine  part  de  subjectivité.  Comme  le  souligne  le  docteur,  Isabelle  Lucas‐Gallay227,  « nous  ne  somme  pas tous égaux devant la douleur ». Ce qui peut paraître bénin et indolore ou sans risque  pour les uns ne sera pas forcément le cas pour les autres.  

Néanmoins,  la  mise  en  perspective  des  bénéfices‐risques  peut  justifier  une  telle  décision. Comme le rappelle la Cour, même si la pratique de la transfusion sanguine ne  peut  exclure  une  « issue fatale »,  ce  simple  procédé  médical,  dont  les  risques  connus  à  l’époque  sont  limités  (nous  sommes  bien  avant  le  scandale  du  « sang  contaminé »),  aurait pu entreprendre le maintien de la vie du patient.  

 

Cette  jurisprudence  conditionne  donc  le  refus  de  soins.  Il  est  bien  reconnu,  mais  implique  une  faute  du  patient  lorsque  les  soins  sont  bénins.  Il  aurait  peut‐être  fallu  maintenir  une  telle  décision  afin  d’éviter  les  dérives  des  solutions  contemporaines  tendant  à  privilégier  le  consentement  du  patient  parfois  même  à  sa  vie.  Une  solution  moins subjective et basée sur la constatation médicale et objective du professionnel de  santé pourrait consister à se baser sur la nécessité du soin. Commettrait une faute dont        

227 I. Lucas‐Gallay « Le domaine d’application du droit au refus de soins : du nouveau ? », Les Petites affiches du 8 mars 1999, n°47,  p.16 

les ayant‐droits ne pourront se prévaloir, le patient, mort suite au refus de soins de toute  pratique médicale, ordinaire, complexe, avec ou sans risques, lorsque cette dernière est  nécessaire  à  la  sauvegarde  de  sa  vie  et  lorsqu’aucune  autre  pratique  médicale  n’est  envisageable.  

 

b) Un principe de refus de soins « plein » à partir de 1994 

 

Un  arrêt  du  19  mars  1997228 de  la  Cour  de  cassation  vient  couper  court  à  toute  supputation, analyses ou fantasmes quant au régime du refus de soins, faisant de lui un  principe « plein » soumis à aucune condition d’application, à aucune distinction.  

 

En l’espèce, une société de transport et son assureur sont condamnés à verser à M.  X, victime d’un accident avec un camion de ladite société, un capital à titre de dommages  et  intérêts.  Les  sociétés  déboutées  font  grief  à  l’arrêt  en  estimant,  sur  la  base  de  la  jurisprudence  de  1974,  que : « le  responsable  d’un  dommage  n’a  pas  à  supporter  les  conséquences  financières  du  refus  de  la  victime,  de  subir  une  intervention  qui  pourrait  améliorer son état ; que, en condamnant les Transports Laronze‐Auvergne et leur assureur  à  payer  à  M.  X…  un  capital  ne  tenant  pas  compte  d’une  amélioration  qui  devait  normalement se produire par la pose d’une prothèse, la cour d’appel a méconnu le principe  de la réparation intégrale et violé l’article 1382 du Code civil… ». Les auteurs du pourvoi  en cassation se fondent sur la jurisprudence antérieure estimant que lorsque la victime  refuse des soins bénins, alors l’indemnisation ne doit couvrir que le niveau de préjudice  qu’aurait obtenu la victime en ayant eu recours aux soins.    

Or,  la  Cour  de  cassation,  estimant  qu’ : « il résulte de l’article 16‐3 du Code civil que  nul  ne  peut  être  contraint  hors  les  cas  prévu  par  la  loi,  de  subir  une  intervention 

chirurgicale »  et  que « M.  X…  n’avait  pas  l’obligation  de  se  soumettre  à  l’intervention 

destinée  à  la  pose  d’une  prothèse… »,  met  un  terme  à  la  limitation  d’indemnisation  de 

l’individu qui refuserait de se soigner.    

La Cour fonde sa décision sur l’article 16‐3 du Code civil qu’elle cite expressément.  Cet article, issu de la loi du 29 juillet 1994, dispose qu’ : « Il ne peut être porté atteinte à 

l’intégrité  du  corps  humain  qu’en  cas  de  nécessité  thérapeutique  pour  la  personne »  et 

poursuit  avec  un  alinéa  second  selon  lequel  « Le  consentement  de  l’intéressé  doit  être  recueilli  préalablement  hors  le  cas  où  son  état  rend  nécessaire  une  intervention 

thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».  

 

Cette  loi  portait  sur  le  respect  du  corps  humain  dans  les  pratiques  médicales  et  biomédicales,  plus  précisément,  sur  les  pratiques  bioéthiques,  à  savoir  l’assistance  médicale à la procréation, la conservation des gamètes, l’expérience sur les embryons, le  don d’organes et a créé une vive polémique à l’époque. Beaucoup considéraient cette loi        

comme étant inconstitutionnelle dans la mesure où elle ne respectait pas les droits de  l’homme et notamment le respect du corps humain, de l’intégrité physique mais surtout  qu’elle  bafouait  la  dignité  humaine.  Pour  cette  raison,  elle  a  fait  l’objet  d’un  recours  constitutionnel a priori selon l’article 61 de la Constitution.  

 

Dans sa décision du 27 juillet 1994229, le Conseil constitutionnel ne manque pas de  citer  le  préambule  de  la  Constitution  de  1946  rappelant  qu’ : « Au  lendemain  de  la  victoire  remportée  par  les  peuples  libres  sur  les  régimes  qui  ont  tenté  d’asservir  et  de  dégrader  la  personne  humaine,  le  peuple  français  proclame  à  nouveau  que  tout  être  humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables 

et  sacrés »  et  ajoute :  qu’ : « il  en  ressort  que  la  sauvegarde  de  la  dignité  de  la  personne 

humaine contre  toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur 

constitutionnelle ; ».  

Le Conseil fait directement référence aux atrocités nazies durant la seconde guerre  mondiale,  notamment  aux  expérimentations  médicales,  pratiquées  de  force  sur  les  détenus  des  camps  de  concentration.  Comme  le  « Code  de  Nuremberg »  qui,  en  1947,  énoncera  les  grands  principes  de  bioéthique,  le  constituant  français  de  1946,  rappelle 

via cet article du préambule que le respect de l’homme et de sa dignité doit être le centre  d’intérêt de toute loi. En 1994, le Conseil constitutionnel cite expressément ce principe  afin  d’insérer  de  nouveaux  articles  dans  le  Code  civil,  les  articles  16  et  suivants,  qui  serviront  de  cadre  aux  lois  intéressant  l’homme,  sa  vie  ou  le  respect  de  intégrité  physique.   

 

Et  c’est  sur  ces  articles,  et  notamment  l’article  16‐3,  que  la  Cour  de  cassation  se  fonde pour justifier le refus de soins. Ne pas respecter la décision du patient de ne pas  recourir  aux  soins  reviendrait  à  violer  son  intégrité  physique,  violer  sa  volonté  et  la  dignité humaine de la personne. La question est donc, dès lors, de savoir si le refus de  soins  est  un  droit  fondamental  ou  un  simple  corollaire,  une  règle  d’application  et  de  mise en œuvre d’un droit fondamental supérieur.   

 

c) Le refus de soins devant le Conseil d’Etat, une jurisprudence fondamentale 

 

La  jurisprudence  du  Conseil  d’Etat  concernant  cette  notion  est  particulièrement  abondante, néanmoins nous nous attacherons simplement à un arrêt rendu en 2001. Ce  dernier fait office de principe en la matière.     Notons cependant, qu’un arrêt du 26 octobre 2001230, qui sera développé plus loin,  pose les limites du refus de soins. Dans cette espèces, les ayants‐droit du patient, décédé  entre temps, demandent réparation du préjudice moral subi en raison de la dispense des  soins malgré le refus préalable du défunt. Les juges du fond, ainsi que le Conseil d’Etat         229 Conseil constitutionnel, décision n°94‐343/344 DC du 27 juillet 1994  230 Conseil d’Etat, Assemblée, du 26 octobre 2001, n°198546, « Sananayaké ».  

vont  débouter  les  demandeurs.  Pour  Aurélie  Mersch,  ATER,  cette  jurisprudence  conditionne le refus de soins à « la situation d’urgence, la mise en jeu du pronostic vital,  l’absence d’alternative thérapeutiques et enfin le recours à des actes indispensables à la  survie du patient et proportionné à son état »231.  

 

En  outre,  cette  jurisprudence  a  été  confirmée  dans  une  nouvelle  jurisprudence  du  16 aout 2002232. Le Conseil d’Etat va considéré que le traitement dispensé par le corps  médical, malgré le refus de la personne, ne porte pas atteinte au droit au consentement  lorsque cet acte a pour « but de tenter de le sauver (le patient) », lorsqu’il constitue « un 

acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ».  

 

2) La reconnaissance du refus de soins par le législateur     

Outre  la  « fin  de  vie »  qui  est  également  concernée  par  le  refus  de  soins  mais  que  nous aborderons plus spécifiquement plus tard, le refus de soins concerne donc le refus  de  tout  traitement  ou  toute  thérapie  pour  de  multiples  raisons.  L’intérêt  pour  nous  résidant  dans  l’étude  de  cette  loi  et  de  ses  conséquences  et  non  dans  lesdites  raisons  motivant ce refus.   

 

a) La légalisation du refus de soins  

 

Ce  droit,  né  en  1994  avec  la  loi  de  bioéthique  et  dont  le  corollaire  est  transcrit  à  l’article 16‐4 du Code civil, a connu une consécration textuelle en l’article L. 1111‐4233 du  Code  de  la  Santé  publique.  En  son  alinéa  premier,  il  rappelle  qu’à  raison  des  informations délivrées par le professionnel de santé, le patient prend de concert avec le  médecin  « les  décisions  concernant  sa  santé ».    Cette  décision  ne  peut  donc  être  que  l’issue  d’une  discussion  entre  les  deux  protagonistes  de  la  « convention  médicale ».  Le  premier  conseiller,  expert,  informe  du  « mode  opératoire »  et  des  différents  risques  qu’une  thérapie  présente  en  vertu  de  la  loi  et  l’autre  partie  décide,  avec  lui,  de  l’opportunité de cette intervention médicale.  

La décision spontanée du patient n’aurait en effet aucune logique, le refus de soins  doit  suivre  un  processus  dont  l’entretien  avec  le  professionnel  de  santé  est  une  étape  nécessaire.  Pour  avoir  une  valeur  juridique,  le  refus  de  soins  doit  être  prononcé  au  moment  de  cet  entretien  et  devra  être  directement  annoncé  au  praticien.  L’entretien  avec  le  professionnel  de  santé  est  le  moment  et  le  lieu  où  se  manifeste  le  « marché de  santé », la rencontre de l’offre de soins via l’information du médecin et de la demande de  soins ou d’expertise de la santé de l’individu. Il s’agit du moment où vont s’échanger les  consentements  ou    le  moment  où  va  devoir  s’exprimer  le  refus  de  soins.  Les  alinéas  suivants vont d’ailleurs encadrer la réaction du médecin face à ce refus de soins.  

      

231 A. Mersch, « Le refus de soins devant le Conseil d’Etat », Revue de Droit administratif, n°7, Juillet 2002, chronique n°13.  232 Conseil d’Etat, Ordonnance de référé, du 16 aout 2002, n°249552, « Mme F. et Mme F. ép. G. c/ CHU Saint‐Etienne ».   233 Article inséré par la loi du 04 mars 2002 puis modifié par la loi n°2005‐370 du 22 avril 2005 

 

b) Le refus de soins, une législation perverse ?  

 

L’article poursuit en énonçant que la décision du malade doit être respectée par le  médecin.  Néanmoins,  l’alinéa  second  précise  que  le  patient  doit  être  informé  « des 

conséquences de ses choix ». Cela semble logique dans la mesure où l’article L.1111‐2 CSP 

préconise  une  information  complète  en  toute  hypothèse.  Pourtant,  cet  alinéa  semble  donner un rôle au professionnel de santé. Ce rôle est celui de convaincre le malade de  donner  son  consentement  aux  soins.  Informer  la  personne  des  conséquences  de  son  refus semble nécessaire d’un point de vue du droit à l’information, mais ce droit paraît  « malsain » sous l’angle du refus.  

D’ailleurs, l’alinéa poursuit en énonçant que : « Si la volonté de la personne de refuser  ou  d’interrompre  tout  traitement  met  sa  vie  en  danger,  le  médecin  doit  tout  mettre  en  œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre  membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un 

délai raisonnable… ».   

 

Si la loi semble donner d’importantes prérogatives aux médecins dans leur pouvoir  de  conviction,  cela  semble  plutôt  de  bon  augure.  En  effet,  le  professionnel  de  santé  dispose  de  moyens  telle  que  l’annonce  des  risques  du  refus,  peut  faire  appel  à  un  confrère,  une  personne  extérieure  afin  de  soutenir  ses  propos,  mais  au  delà  de  cela  il  dispose  de  prérogatives  importantes  pour  « tout  mettre  en  œuvre »  pour  la  mener  au  consentement  aux  soins.  Il  s’agit  donc  d’une  sorte  de  chantage,  une  pression  sur  le  consentement du malade. De ce fait, l’exigence d’un « consentement libre et éclairé » de  l’alinéa 3 du même article n’est pas totalement respectée. En effet, dans la mesure où le  médecin dispose de moyens de conviction et de persuasion sur le patient, nous pouvons  considérer  que  le  consentement  de  la  personne  est  fléchi  sous  cette  pression  exercée.  Dès  lors,  le  consentement  parfait  fait  défaut  dans  la  mesure  où  il  ne  répond  plus  aux  conditions cumulatives de « liberté » et d’ « éclaircissement ».  

 

Peut‐on  considérer  cette  démarche  du  médecin  comme  étant  du  chantage ?  Vraisemblablement pas, car cela ne ressemble en rien à la définition donnée par le Code  pénal  comme  étant : « le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de  nature  à  porter  atteinte  à  l’honneur  ou  à  la  considération,  soit  une  signature,  un  engagement ou une renonciation, soit à la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de 

valeurs  ou  d’un  bien  quelconque »234.  Il  ne  s’agit  pas  en  l’espèce  de  chantage  dans  la 

mesure  où  l’intérêt  du  professionnel  de  santé  n’est  pas  de  nuire  à  la  réputation  de  la  personne mais de la convaincre d’avoir recours à des soins.  

 

       234 Article 312‐10 du Code pénal 

En  ce  qui  concerne  les  vices  du  consentement  énoncés  par  l’article  1109  du  Code  civil235,  la  question  est  donc  de  savoir  si,  dans  le  cadre  de  cette  législation,  nous  caractérisons  un  vice  du  consentement  de  manière  à  ne  pas  obtenir  un  consentement  parfaitement  libre  et  éclairé.  En  toutes  hypothèses,  cette  analyse  n’est  valide  qu’à  la  condition de considérer la relation médicale comme étant un contrat ou, du moins, une  convention, chose qui n’est véritablement pas nécessaire.  

Pour  le  consentement  par  erreur,  elle  n’est  pas  envisageable  ou  très  peu  dans  la  mesure  où  la  prise  de  décision  du  patient  suppose  une  information  complète  au  préalable. Il ne peut donc y avoir d’erreur, d’autant que si consentement par erreur il y a,  ce  dernier  « peut être retiré à tout moment »  selon  l’article  L.  1111‐4  CSP.  Cela  signifie  que lorsque le patient réalise que le consentement donné, l’a été par erreur, alors il lui  est loisible de l’omettre.  

L’article 1112, alinéa premier, du Code civil dispose qu’ : « Il y a violence lorsqu’elle  est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la 

crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».  Selon  les 

dispositions  de  l’article  L.  1111‐4  du  CSP,  le  professionnel  de  santé  « doit respecter la 

volonté  de  la  personne  après  l’avoir  informée  des  conséquences  de  ces  choix ».  Les 

dispositions du Code de la santé publique ont pour vocation à donner aux médecins un  pouvoir de persuasion. Nous nous situons dans une relation complexe où le législateur,  même s’il désire laisser la liberté au patient de décider du recours aux soins, donne aux  praticiens  un  pouvoir  de  persuasion  efficace  par  l’exposé  des  risques  du  refus  ce  qui  peut susciter chez le patient une crainte pour sa santé et pour sa vie. Dans ces conditions  nous pouvons effectuer un parallèle avec les dispositions du Code civil dans la mesure  où pour obtenir le consentement du malade le médecin fera « impression » sur le patient  qui ressentira de la crainte ou de la peur pour sa santé. Néanmoins, d’un point de vue  éthique, il est difficile d’appliquer l’article 1112 du Code civil à pareille situation dans la  mesure où la finalité du médecin n’est pas l’enrichissement personnel de ce dernier par  la conclusion de cette « convention » mais le soin de la personne. Cette dernière est donc  la  seule  à  tirer  un  réel  bénéfice  du  recours  aux  soins.  Nous  pouvons  difficilement  admettre qu’il s’agit en l’espèce de violence.