Le professeur Olivier Guillod considère que le consentement aux soins « est devenu la clé de voûte de la relation médecin‐patient et la légitimation première de l’acte médical »84. Il fonde cela sur l’article L. 1111‐4 CSP selon lequel « aucun acte médical ou aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de
la personne ». Effectivement cette disposition tend vers le libéralisme de la relation
médicale. Le libéralisme médical s’entend de la possibilité pour le patient d’avoir librement recours à des pratiques préventives, curatives, palliatives. Il ne peut y avoir plus d’autonomie dans la relation « patient‐médecin » que lorsque le droit au consentement y est pleinement consacré. Ladite disposition du Code de la santé publique ainsi que celle y faisant référence ont une optique d’autonomisation de la personne face à l’offre de santé. Ce libéralisme s’envisagerait alors comme une proposition générale de soins à laquelle chaque individu est libre, de par la manifestation de son consentement, d’y recourir. Cette utopie trouve sa place dans l’ancien système de santé américain où comme sur tout autre marché, la santé se monnaie. Le libéralisme absolu se définirait alors, en matière sanitaire, comme la possibilité d’avoir recours à n’importe quelle pratique désirée ou de pouvoir refuser toute offre de soins. Pour le professeur Carole Girault, ce « libéralisme médical » s’oppose alors sur la notion « d’humanisme médical »85. En France, nous avons choisi un système hybride. En vertu de l’alinéa onze du Préambule de 1946, et du « droit‐ créance » à la protection de la santé qui en découle, le système sanitaire repose sur des principes comme la gratuité, la solidarité et l’universalité. L’ensemble de ces principes, garantissant un accès aux soins et en raison de la protection de la santé publique, limitent l’autonomie de l’individu par l’exercice d’une contrainte de l’Etat qui régule par la loi l’offre de soins. Par exemple, l’instauration récente de nouvelles règles concernant le fichier médical informatisé ou le parcours de soins coordonnés86 sont autant de contraintes qui nuisent au parfait consentement « libre et éclairé ». Si les apparences sont trompeuses et les lois « bien faites » il n’en demeure pas moins que la relation « patient‐médecin » est initialement conventionnée et conditionnée sans même que l’offre et la demande ne se rencontrent.
Le droit de la santé et ses principes, dans leur apparat, sont pleins de bonnes intentions. Le droit au consentement, mais à quel prix ? L’énoncé de tels principes libéraux constitue vraisemblablement l’arbre qui cache la forêt. Si la législation positive est similaire à celle des textes internationaux tels que la Convention d’Oviedo encore faut‐il que ce dernier ait une valeur juridique prépondérante dans l’ordre interne afin de constituer une source supra législative nécessaire à l’établissement d’un droit fondamental. En outre, le consentement aux soins est effectivement consacré au niveau de la loi, constituant alors une « liberté publique » dont seul le législateur pourrait y
84 O. Guillod, « Le consentement dans tous ses état » in « Consentement et santé », Millau, Dalloz, collection « Thème et commentaire », 2014, p.1.
85 C. Girault, « La Cour EDH ne reconnaît pas l’existence d’un droit à la mort », La Semaine Juridique Edition Générale, n°15, du 09 avril 2003, II, p. 10062.
porter atteinte. Il décline ce droit au consentement « libre et éclairé » en formant un droit à l’information médicale mais également en instaurant un « droit au refus de
soins ». Ces principes restent néanmoins soumis à la volonté politique et à l’instauration
de normes nouvelles pouvant anéantir de manière substantielle toute liberté.
La limitation des « libertés publiques » entraîne en matière médicale des
conséquences non‐négligeables. Si le principe énoncé retentit encore dans les premiers articles du Code de la santé publique, mieux vaut ne pas trop se pencher sur les dispositions qui suivent. Le libéralisme médical semble alors éteint par les pratiques qui sont imposées à l’homme ou celles dont la demande ne peut aboutir qu’au refus de l’administration sanitaire. Pour des raisons impérieuses et dont la nature relève souvent de droits fondamentaux, autant dire que les principes de l’article L.1111‐4 CSP ne font pas le « poids ». Ainsi, la préservation de l’ordre public sera privilégié face aux libertés individuelles et notamment face à la liberté d’aller ou de venir de l’homme malade, ou encore le droit à la protection de la santé justifiera l’atteinte à l’intégrité physique et physiologique en matière vaccinal.
Quelle est donc la politique adoptée par la France et les autres Etats en matière
d’autonomie du patient ? Cette dernière est‐elle pleine et effective ou demeure‐t‐elle soumise à une multiplicité de règles qui rendent son effectivité limitée ? Si nous pouvons constater, dès lors, que deux courants s’opposent en matière de santé, il ne nous est pas difficile de les identifier à travers cette étude. Nous avons bien évidemment un ensemble de règles qui nous permettent d’être optimistes pour la sauvegarde des droits du patient, son autonomie, des règles qui consacrent alors un certain libéralisme médical. Il n’en demeure pas moins que cet optimisme s’estompe rapidement, lorsque nous approfondissons notre lecture du Code de la Santé publique. En effet, des règles humanistes qui considèrent l’Homme plus comme une substance physique vivante à protéger qu’un être sensé, pourvu d’émotions pouvant découler sur l’établissement d’une volonté, d’une autonomie, viennent empêcher le développement d’un réel droit au
consentement. Nous verrons donc, qu’a priori, en apparence, l’autonomie de la volonté
de l’Homme est consacrée essentiellement par la loi du 04 mars 2002 (Titre I) mais qu’en réalité la substance du droit à la protection de la santé telle qu’issue du Préambule de la Constitution de 1946 ne laisse guère de place au libéralisme médical mais laisse davantage place à une lecture pessimiste du libre consentement du patient (Titre II).
TITRE I – LA NOTION DE CONSENTEMENT AUX SOINS : DES PERSPECTIVES PLUTÔT