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7. Description des résultats obtenus

7.2 Résultats des entretiens

7.2.4 La recherche de validation

« Poster c’est aussi une sorte de validation, déjà tu fais comme tout le monde, tu montres que toi aussi c’est cool ce que tu fais, que tu voyages etc [...]. Ma sœur par exemple n’avait pas Instagram jusqu’à récemment et à chaque fois si on était en groupe et des gens prenaient des photos pour Instagram et se taguaient, on lui demandait ah pourquoi t’as pas Instagram ? C’est bizarre. C’est aussi que ça permet de garder les liens, de montrer que t’es comme les autres, par le fait d’avoir un compte et par les contenus postés. » (Elena)45.

Cette citation révèle la façon dont poster du contenu sur Instagram peut être lié à une recherche de validation de la part des pairs, et comment cette recherche peut passer par un phénomène d’imitation. Pour interpréter les résultats de nos entretiens concernant la recherche de validation sociale, nous allons procéder en deux parties, une première s’intéressant à l’importance des retours obtenus sur les contenus une fois ceux-ci publiés, et une deuxième concernant les critères de sélection du contenu avant de les publier.

45 Entretien avec Elena, prénom d’emprunt, le 28 juillet 2020.

L’importance des retours sur les contenus publiés

Une première façon de donner ou d’obtenir des retours positifs sur un contenu sur Instagram passe par les likes. Ils permettent de témoigner d’un intérêt pour le contenu, ou pour la personne qui l’a publié. « Avoir des likes, ça a un côté un peu gratifiant, tu te dis que plusieurs personnes ont aimé le contenu. Par exemple je me souviens avoir posté une photo [...] et j’avais eu plus de likes que d’habitude [...] Je vais pas liker toutes les photos de mon feed, que celles que j’aime bien et je pars du principe que les gens font pareil donc c’est dans ce sens-là qu’une publication qui a plus de likes est plus gratifiante. » (Léa)46.

Cette citation, et notamment le fait que la répondante ait une meilleure mémorisation de ses contenus en fonction des likes, témoigne de l’importance qu’ils peuvent prendre en tant que gratification. Il est d’ailleurs intéressant de noter que parmi les répondantes, seule une a répondu ne pas connaître le nombre de likes sur ses photos:

« Les likes c’est quelque chose qui m’obsédait autrefois quand j’étais plus jeune mais plus maintenant. Parce que je me suis rendu compte que c’était malsain, ça rendait pas heureux de s’attendre à un certain nombre de likes, ça devenait un peu une obsession. [...] Avant j’avais aussi des commentaires sur les publications, comme pour les likes c’était plus important, je m’attendais à un certain nombre sinon j’étais déçue et si j’en avais pas mal ça me rendait heureuse. » (Oriane)47.

Elle précise qu’étant donné qu’elle publie peu fréquemment, elle garde un nombre de retours positifs élevé sur ses publications, ce qui selon elle ne serait pas le cas si elle publiait plus souvent, son entourage risquant « de se lasser ». Les cinq autres répondantes ont indiqué aller regarder au fur et à mesure les likes reçus, notamment du fait qu’ils sont signalés par des notifications. Elles y sont attentives et elles soulignent la dimension gratifiante qu’ils prennent pour elles.

Elles développent aussi le fait que si la publication n’atteint pas un certain nombre de likes, ou « n’a pas de succès » (Solène)48, une certaine déception sera ressentie de leur part. L’une d’elles indique qu’elle irait jusqu’à supprimer la publication si celle-ci obtenait moins de 25 ou 30 likes, car ce serait comme si « le contenu n’avait pas été validé » (Elena)49. En demandant si les likes importent, une interviewée développe :

« Je pense que oui, même si j’aimerais bien dire que non. Si j’ai une publication qui fait un flop total je vais quand même être déçue, j’irais pas jusqu’à la supprimer mais ça m’importe » (Emma)50.

Ces témoignages démontrent la pression que les likes peuvent induire, en créant une certaine attente de la part de la personne qui poste. Dans certains cas, comme celui d’Oriane, cette pression peut prendre une dimension malsaine poussant l’utilisateur à chercher à s’en détacher complètement, voire à supprimer le compte (ce qu’elle a

46 Entretien avec Léa, prénom d’emprunt, le 31 juillet 2020.

47 Entretien avec Oriane, prénom d’emprunt, le 11 septembre 2020.

48 Entretien avec Solène, prénom d’emprunt, le 21 juillet 2020.

49 Entretien avec Elena, prénom d’emprunt, le 28 juillet 2020.

50 Entretien avec Emma, prénom d’emprunt, le 5 août 2020.

d’ailleurs fait, avant de réinstaller l’application afin de maintenir les liens avec son entourage).

En revanche, le nombre de vues aux stories semble prendre une importance moindre.

Trois répondantes ont indiqué ne pas regarder le nombre de vues, notamment en raison du fait que ceux-ci n’étaient pas signalés par des notifications. Deux autres ont indiqué le consulter, mais principalement pour voir qui a vu la story, plus que combien.

Le fait que ce chiffre ne soit pas rendu visible publiquement et que la publication soit éphémère participe à cette distinction. Pour ce qui est des commentaires sur les publications, trois répondantes ont précisé qu’ils prenaient une importance plus grande par le passé, mais qu’aujourd’hui elles commentaient en général moins les publications des autres, et recevaient aussi moins de commentaires sur leurs contenus. Pour les trois autres, les commentaires servent aussi à « valider » la qualité du contenu (Amina)51 et prennent donc aussi une dimension gratifiante.

Enfin, concernant le nombre de followers, deux répondantes ont indiqué ne pas connaître ce chiffre. Pour les quatre autres, elles connaissaient leur nombre de followers de manière assez précise, ce qui témoigne de l’importance qu’ils peuvent prendre. Une répondante a soulevé le fait que de manière générale lorsqu’elle était plus jeune, le fait d’avoir plus d’abonnements que de followers était mal vu, ou perçu comme une « honte » (Oriane)52, ce qui n’était plus le cas aujourd’hui.

Les critères de sélection de la photo à publier

Lorsque nous avons demandé aux répondantes en fonction de quels critères elles choisissaient leurs contenus à publier, elles sont unanimes : il faut en premier lieu que la photo leur plaise personnellement. Leur perception de l’esthétique du contenu est très importante, et toutes ont indiqué poster des photos qu’elles estiment assez belles pour être publiées, que ce soit en lien avec le lieu ou le sujet de la photo. Amina décrit à ce sujet « poster avant tout des choses qui me font me sentir bien, les belles choses de la vie »53.

Toutefois, la manière dont l’entourage poste sur Instagram participe également à définir quels contenus vont être publiés. Les six répondantes ont indiqué publier les mêmes types de photos que ceux qu’elles consomment personnellement, ou qui sont publiés par leur entourage (photos de voyages pour les publications permanentes, et photos entre amis en stories).

Plusieurs indiquent avoir en général le même mode de publier que celui de leur entourage, ou qu’elles prenaient exemple sur des amis proches afin de définir ce qu’elles vont publier. Une répondante souligne qu’une évolution dans la manière de publier s’observe au sein de son entourage, et qu’elle a suivi cette même évolution, de manière plus ou moins consciente. Nous reviendrons sur ce point dans notre partie 7.2.5.

Il est intéressant de souligner que toutes les répondantes ont indiqué qu’elles ne se verraient pas publier des photos différentes de ce qu’elles ont dans leur fil d’actualité,

51 Entretien avec Amina, prénom d’emprunt, le 12 septembre 2020.

52 Entretien avec Oriane, prénom d’emprunt, le 11 septembre 2020.

53 Entretien avec Amina, prénom d’emprunt, le 12 septembre 2020.

et n’imagineraient pas poster des types de contenus que personne d’autre ne poste.

L’adaptation à l’entourage semble venir compléter l’intérêt personnel pour la photo, et ils participent de manière conjointe à définir les contenus postés. Une citation d’une répondante illustre ce double processus. Lorsque nous lui avons demandé si ses publications qui avaient un plus grand nombre de retours positifs prenaient plus de valeur pour elle, elle nous répond :

« Oui, je me dis que je trouvais belle la photo de base mais si en plus j’ai un photographe qui la commente en la validant je me dis [...] qu’il y a du potentiel derrière cette photo et c’est pour ça que j’aime bien avoir ces retours. [...] je me dis que c’est ça que les gens aiment, ça va peut-être influencer sur le genre de photos que je vais publier après. Si des photographes aiment ou commentent une photo en particulier, je vais peut-être poster par la suite par rapport à ça [...]

c’est à la fois ce que les autres aiment et ce que moi j’aime qui va définir mes posts. » (Amina)54.

Il s’agit donc de ce que l’utilisateur aime personnellement comme contenu, mais aussi le regard que les autres portent dessus et ce que l’entourage de référence poste qui définissent les contenus qui seront publiés par la personne. Cette dimension nous amène vers une autre partie de notre analyse, celle de l’imitation sur la plateforme.