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6. Méthodologie

6.4 Les entretiens semi-directifs

6.4.1 Justification de la méthode

Afin de compléter les résultats de notre questionnaire, nous avons choisi de recourir à des entretiens afin d’approfondir certaines thématiques. Cette méthode nous a paru adéquate, dans le sens où le questionnaire sert à avoir une vue d’ensemble sur les pratiques, et où les entretiens servent à comprendre l’interprétation que les jeunes donnent à ces différentes pratiques. Car un entretien permet une « analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 172).

Cette méthode permet de retirer des informations à la fois riches et nuancées à partir du ressenti des répondants concernant Instagram, qu’un questionnaire de type fermé ne permet pas d’explorer en profondeur. Le contact direct entre la personne qui mène l’entretien et la personne qui y répond permet aussi une plus grande implication personnelle du répondant, qui est plus libre de répondre comme il le souhaite. Le but de ces entretiens est d’apporter des pistes de réponses aux hypothèses qui ont été formulées, sans pour autant exclure de la part du répondant le développement de sujets parallèles ou d’apporter des nuances quant aux thématiques abordées.

Nous avons choisi de mener des entretiens semi-directifs, qui sont souvent privilégiés dans les recherches en sciences sociales. Ils sont appelés semi-directifs « en ce sens qu’il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 171). L’entretien semi-directif est mené en fonction d’une grille d’entretien, qui est définie à l’avance avec un certain nombre de questions, mais de sorte à laisser une marge suffisamment grande au répondant afin qu’il puisse développer certaines thématiques en particulier.

Cette façon de faire apporte un réel avantage à la recherche dans le sens où elle permet d’une part de guider l’entretien sur des sujets que l’on souhaite approfondir, et d’une autre de laisser une certaine liberté au répondant afin qu’il aborde spontanément d’autres aspects. Il s’agit donc de deux outils qui se complètent, permettant d’obtenir une vision d’ensemble sur les pratiques concrètes grâce au questionnaire, et d’approfondir le sens que les utilisateurs accordent à leurs pratiques à l’aide des entretiens.

Afin d’interpréter les résultats des entretiens, nous avons mené une analyse de contenu catégorielle afin de dégager les thématiques principales se rapportant aux questions posées, puis nous avons procédé à une forme de classement par sous-thèmes abordés. Cette manière de faire nous permet d’obtenir des éléments de réponse de manière cohérente, en dégageant la réflexion centrale du répondant, puis en analysant les sous-thématiques qui ressortent.

Il est également important dans le cadre d’entretiens de déterminer le niveau de réflexivité du répondant par rapport à ses pratiques. Les avantages principaux de recourir à des entretiens semi-directifs sont « le degré de profondeur des éléments recueillis » et « la souplesse et la faible directivité du dispositif qui permet de récolter les témoignages et les interprétations des interlocuteurs en respectant leurs propres cadres de références » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 172).

Cependant cette méthode comporte, tout comme le questionnaire, quelques limites qu’il est important de connaître afin d’interpréter les résultats de manière pertinente.

En effet, le risque que la conversation dévie sur des sujets s’éloignant des hypothèses de recherche est présent, tout comme le fait que le répondant ne réponde que partiellement à la question (en particulier si celle-ci comporte plusieurs aspects à développer). Une attention particulière a donc été portée sur la formulation des questions, afin qu’elles soient claires et ne comportent pas de trop nombreuses sous-questions.

De plus, même si la méthode permet une certaine spontanéité à l’interviewé dans sa manière de répondre, le contexte de la recherche joue un rôle sur les réponses. Et comme c’est le cas pour le questionnaire, un biais de désirabilité peut être présent, où le répondant peut être tenté de répondre de la manière qu’il sait socialement acceptable.

6.4.2 Conception de la grille d’entretien

En premier lieu, nous avons réalisé une grille d’entretien en trois parties (cf. Annexes, Grille d’entretiens), afin de déterminer les différents axes qui guident la discussion avec le répondant. Cette grille a été réalisée de manière à compléter les réponses du questionnaire, et à fournir des éléments servant à valider ou infirmer nos hypothèses de recherche.

1. La première partie introduit le sujet de la recherche, et revient sur les pratiques des utilisateurs quant à la manière dont ils ont constitué leur compte.

Nous leur avons demandé ce qui les a motivés à créer un compte Instagram et à garder ce dernier actif, et s’ils connaissaient leur nombre d’abonnés et d’abonnements.

2. La seconde partie est plus orientée sur les contenus publiés. C’est dans cette partie que nous avons cherché à comprendre les motivations poussant les utilisateurs à publier du contenu, ainsi que la place que prennent les likes, les commentaires, et le nombre de vues aux stories.

3. Enfin, la troisième partie aborde de manière directe les thématiques que nous souhaitons analyser comme la recherche de validation et l’imitation entre pairs.

Si avec notre questionnaire, nous avons cherché à obtenir des pistes de réponses de manière indirecte, les questions posées dans la troisième partie de notre grille d’entretiens sont plus explicites. Nous demandons au répondant de donner son avis quant aux usages qui sont faits d’Instagram par lui et par son entourage, ainsi que sa vision et son ressenti vis-à-vis de la plateforme et de son mode de fonctionnement.

Des questions ont été posées concernant la manière dont une photo est sélectionnée pour être publiée, si une photo a déjà été supprimée après avoir été postée, ou encore sur l’impression du répondant quant à l’existence de normes implicites sur la plateforme. Nous avons également sondé les interviewés quant à la manière dont leur entourage s’exposait sur Instagram, et

par rapport à cela, comment ils se situaient. Enfin, nous avons cherché à déterminer quelles gratifications sont apportées par le fait de poster du contenu.

Au total, ce sont 11 questions qui ont été posées, et celles-ci servaient à mesurer principalement les dimensions relatives à la question de l’imitation entre pairs quant à la manière de constituer son profil et de publier des contenus, et de la recherche de validation sociale. Ces entretiens servaient également à mesurer le ressenti des répondants quant à l’existence de normes implicites sur la plateforme afin de déterminer à la fois les contraintes qui peuvent apparaître sur Instagram, mais aussi les gratifications que retirent les utilisateurs du fait de publier.

Une importance particulière a été accordée au fait de prévoir une relance pour chaque question. Pour les onze questions composant la grille d’entretien, toutes avaient une possibilité de relance (cf. Annexes, Grille d’entretiens) afin de garantir une fluidité dans le déroulement de la discussion et de permettre de développer les propos abordés.

Celles-ci permettent d’apporter une clarification quant à la question posée, et quant à ce que l’on souhaite développer, sans pour autant orienter la réponse.

Bien qu’une grille d’entretien ait été réalisée au préalable, celle-ci n’a pas pour but d’orienter la discussion. La grille sert à guider l’entretien, qui se veut semi-directif, en proposant des thématiques de discussion plutôt qu’en posant des questions trop précises. Les questions sont donc ouvertes, afin de laisser au répondant la possibilité d’y répondre comme il le souhaite, d’aborder certains sujets ou de faire des digressions. Il a également la possibilité de donner des exemples afin d’illustrer ses propos.

Lors d’un entretien semi-directif, « le chercheur s’efforcera simplement de recentrer l’entretien sur les objectifs chaque fois qu’il (l’interviewé) s’en écarte et de poser les questions auxquelles l’interviewé ne vient pas par lui-même, au moment le plus approprié et de manière aussi naturelle que possible » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 171). Notre rôle en tant qu’intervieweur est de recentrer la discussion autour des axes de recherche, afin d’explorer des pistes de réponses aux hypothèses, tout en gardant une certaine liberté dans la manière de mener l’entretien. Il s’agit d’un autre avantage des entretiens semi-directifs, ils permettent à l’interviewer de sortir (jusqu’à une certaine limite) du cadre établi au préalable par la grille d’entretien.

Une fois notre grille d’entretien réalisée, nous avons effectué un prétest afin de vérifier la clarté des questions et la pertinence des relances. Ce prétest nous a permis d’une part de nous assurer de la bonne formulation de nos questions, mais aussi de vérifier que la durée prévue (environ 30 minutes par entretien) correspondait à notre grille.

6.4.3 Déroulement des entretiens

Avant de débuter nos entretiens, nous avons rappelé aux répondants le cadre de la recherche ainsi que ses objectifs. Afin de participer aux entretiens, il était essentiel que la personne réponde aux exigences concernant la population cible (avoir entre 18 et 25 ans, résider en Suisse romande et avoir un compte Instagram actif avec au moins neuf publications). Il était aussi demandé que la personne ait participé au questionnaire.

Sur nos six entretiens, trois ont été menés en face à face et trois autres en vidéo-appel, du fait que les contacts sociaux directs n’étaient pas recommandés en raison de la pandémie. Tous les entretiens ont été enregistrés, dans le but d’être retranscrits et ajouter des citations afin d’illustrer les résultats obtenus. Tous les répondants ont été informés avant l’entretien que celui-ci serait enregistré. La durée des entretiens a varié en fonction du répondant, le plus court a duré 25 minutes, et les deux plus longs près de 40 minutes. Les trois autres ont duré environ 35 minutes, ce qui correspond à la durée que nous avions prévue initialement.

Afin de favoriser la discussion et de préserver un déroulement le plus naturel possible, nous avons favorisé un cadre amical en tutoyant les répondants. Cependant, nous sommes conscients que le cadre de la recherche, et le fait qu’il s’agissait d’un entretien enregistré participe au fait que le répondant fournisse des réponses qui ne sont pas aussi spontanées qu’elles le seraient dans le cadre d’une simple discussion entre amis.

Nous avons cherché à limiter le biais de désirabilité sociale en garantissant l’anonymat aux six répondantes. Pour ce faire, nous avons remplacé leurs noms par des prénoms d’emprunt. Une autre limite qui a été prise en compte au moment de l’interprétation des résultats est liée à l’échantillon, qui n’est pas représentatif non plus de toute la population à laquelle nous nous intéressons, étant donné qu’il s’agit de six femmes.

Cependant, celles-ci exercent des activités différentes et toutes ont des usages et un point de vue différent de la plateforme, ce qui apporte une complémentarité intéressante à analyser.