• Aucun résultat trouvé

H1 : Les jeunes en Suisse romande construisent leur profil Instagram en suivant

8. Discussion des résultats

8.1 Discussion par hypothèse

8.1.1 H1 : Les jeunes en Suisse romande construisent leur profil Instagram en suivant

l’obtention d’une validation sociale.

Les résultats obtenus lors de notre questionnaire avec la partie concernant la manière de constituer son compte, ainsi que les résultats de nos entretiens sur la perception des répondantes face à d’éventuelles règles à suivre sur la plateforme, semblent confirmer la présence de codes implicites à suivre visant à l’obtention d’une validation sociale sur la plateforme. Bien que les usages changent en fonction de chaque contexte (en fonction de l’entourage de l’utilisateur, de son âge, de sa perception de la plateforme, de sa personnalité propre et de son vécu) et suivant l’évolution de la plateforme, certaines tendances générales semblent se dégager.

L’homogénéité des réponses récoltées dans la première partie de notre questionnaire témoigne de manières similaires pour les répondants dans leur manière de constituer leurs profils Instagram. Plus particulièrement, les réponses concernant le nombre de publications totales, la fréquence de publication (plus basse pour les photos permanentes que pour les stories), le nombre de likes sur les publications et de vues aux stories (dont une moyenne générale se dégage), le nombre d’abonnés et d’abonnements (avec un équilibre entre les deux à respecter), ainsi que le fait qu’une grande majorité des répondants ait un compte privé, qui semblent démontrer qu’en règle générale, une similarité s’observe entre les pratiques des répondants.

Pour certaines questions encore plus, la fourchette de réponses était particulièrement précise, témoignant du fait que les répondants ont tendance à constituer leur profil de manière comparable, d’où la présence selon nous de règles implicites à suivre lors de la constitution du profil Instagram. Toutefois, nous rappelons que les répondants au questionnaire ne sont pas représentatifs de toute la population analysée, et que ceux-ci ne servent qu’à donner des pistes d’interprétation quant aux usages des jeunes entre 18 et 25 ans sur Instagram dans un contexte suisse romand, et de la présence de normes implicites en réglant la mise en pratique.

Grâce aux entretiens que nous avons mené afin de compléter les réponses du questionnaire, nous avons pu approfondir de manière plus directe la présence de normes implicite sur la plateforme dans la façon de constituer son profil. Les réponses qui ont émergé vont de manière générale dans le même sens, et rendent compte de certains codes à respecter sur Instagram, ce qui se fait de manière plus ou moins consciente et volontaire en fonction de chaque utilisateur. Lorsque nous avons posé la question quant à la présence de règles implicites à suivre sur la plateforme, une répondante indique :

« Oui, typiquement tu vas poster ce que tu trouves beau et pas quelque chose d’inintéressant. Ensuite tu vas poster quelque chose si tu penses que la photo a du potentiel, si elle va toucher les gens. Et je pense qu’il y a aussi cette pression aux likes ou certains postent en fonction de si la photo va en obtenir beaucoup. Il y a des règles non dites, comme le fait de ne pas poster de choses négatives sur toi, ensuite il y a cette tendance à croire que la vie est parfaite sur Instagram, de vie un peu faussée ou tout le monde a une belle vie sauf toi. Et sans t’en rendre compte toi aussi tu vas poster tes photos de voyage, où t’es avec tes amis alors que derrière aussi y tous ces non-dits et choses imparfaites. » (Amina)66.

Cette citation témoigne de règles non dites participant à orienter le type de contenu posté sur la plateforme, et souligne les différentes pressions exercées sur l’utilisateur.

Celui-ci peut être plus ou moins conscient de ces règles à suivre ainsi que des pressions en découlant. Des normes implicites semblent présentes sur la plateforme selon la répondante, notamment concernant le fait de ne rien publier de négatif sur soi, ce qui démontre que certains types de contenus sont plus valorisés que d’autres.

Certaines thématiques sont plus présentes sur la plateforme, et sont encouragées à être publiées, celles-ci participant au fait de se montrer de manière idéalisée à son entourage.

Notre analyse concernant les logiques de présentation de soi des utilisateurs démontre aussi que des codes communs sont repris par les répondantes dans leur exposition sur Instagram, où certaines fonctionnalités sont plus utilisées que d’autres, et où différentes stratégies sont employées en fonction du type de contenu publié. Les résultats obtenus soulignent l’importance des stories, qui semblent de plus en plus sollicitées par les usagers, et dont la fréquence de publication est plus élevée que pour les publications permanentes.

Certaines fonctionnalités semblent être en partie délaissées par les usagers, comme les commentaires sur les publications, ceux-ci étant remplacés petit à petit par les fonctionnalités de messagerie liés aux stories. Les stories semblent permettre une prise de contact facilitée avec l’entourage par leur nature spontanée et moins réflexive que les publications permanentes, et permettent à l’entourage d’y réagir et d’engager des conversations afin d’assurer le maintien des liens. Les stories ont été ajoutées plus tard sur Instagram, et leur usage massif souligne l’importance de l’évolution de la plateforme dans les pratiques des usagers. La plateforme change au fil des années, invitant les utilisateurs à évoluer avec elle et à renouveler leurs pratiques dans le but de fidéliser ces derniers.

66 Entretien avec Amina, prénom d’emprunt, le 12 septembre 2020.

Selon nous, le fait que des tendances communes dans la présentation de soi s’observent parmi les répondants, tant dans les résultats obtenus par le questionnaire que par les résultats des entretiens, illustre que des normes implicites guident l’utilisateur dans son exposition sur Instagram et dans le choix des contenus à publier.

Une cohérence entre les réponses semble s’observer, soulignant une similarité dans les pratiques liées aux publications permanentes (avec une certaine fréquence de publication à respecter, et certains types de contenus à publier), et une similarité dans les pratiques liées aux stories (où d’autres types de contenus sont valorisés, d’autres fonctionnalités sont employées et où la fréquence de publication y est plus élevée).

Si cette similarité s’observe, et que des codes implicites reconnus collectivement semblent guider l’exposition sur Instagram, c’est notamment selon nous car la même finalité oriente les utilisateurs. Le fait de s’exposer ne représente peu d’intérêt pour l’usager si ses contenus ne sont pas vus et reconnus. Une forme de reconnaissance sociale est attendue de la part de l’entourage, et guide en partie les pratiques des utilisateurs d’Instagram.

Il est intéressant de noter à ce sujet que parmi les 112 répondants au questionnaire, seule une personne a indiqué ne pas connaître le nombre de likes sur ses publications, ce qui démontre l’importance que prennent les retours positifs pour la personne partageant du contenu. Le même résultat ressort de nos entretiens, où la dimension gratifiante des likes et des retours participant à valider le contenu a été soulignée. Une forme d’attente de validation, sans quoi la photo publiée risquerait d’être supprimée du profil, a été relevée par les répondantes comme en témoigne la citation ci-dessous :

« Des fois j’ai 40 likes, des fois 60, certains même 90, d’un coup si par exemple j’ai que 15 likes à une publication, je vais peut-être me poser des questions. Si j’ai moins de 30 ou 25 likes je pense que je vais supprimer la photo, peut-être que c’est bizarre comme photo, c’est un peu la honte on va dire. Je sais pas trop pourquoi mais c’est comme si ça avait pas été validé par les autres qui n’ont pas aimé le contenu. Je me dirais que c’est pas intéressant ou que j’aurais pas dû poster ça. Parce que des fois je me fais cette réflexion sur les contenus des autres en me disant qu’on s’en fiche de tel ou tel contenu. » (Elena)67. Cette citation illustre la recherche de validation sociale et la pression pouvant peser sur l’utilisateur quant à une attente de retours positifs afin de s’inscrire dans la norme par rapport à son groupe de référence. Une autre répondante a dit poster en fonction de « ce qui marche » (Amina)68 et poster des contenus selon le potentiel qu’ils ont à obtenir des retours positifs.

Cette tendance s’observe plus particulièrement pour les publications permanentes que pour les stories, celles-ci ayant un nombre de vues qui ne peut être visualisé que par la personne diffusant le contenu. Cette absence de likes pour les stories participe à libérer les utilisateurs d’une certaine pression, les poussant à publier du contenu de manière différente et plus spontanée.

67 Entretien avec Elena, prénom d’emprunt, le 28 juillet 2020.

68 Entretien avec Amina, prénom d’emprunt, le 12 septembre 2020.

La validation des contenus prend toutefois une dimension gratifiante pour l’utilisateur pour chaque type de contenu publié, où tant le nombre de likes que le nombre de vues pour les stories, ainsi que les commentaires et le nombre de followers prennent de l’importance pour l’usager. Afin d’obtenir des retours positifs, ce dernier s’inscrit dans des pratiques communes valorisées par son entourage, d’où la présence de normes implicites à suivre. Ce qui ressort des entretiens semble témoigner du fait que l’utilisateur poste du contenu d’une part en fonction de ce qui lui plaît d’un point de vue personnel, mais aussi en fonction de ce qu’il observe parmi son entourage comme type de contenu valorisé.

En conclusion, nous pouvons affirmer que des codes implicites communs guident la constitution du profil Instagram de l’utilisateur et ses stratégies de publication, et qu’une recherche de validation sociale de la part des pairs participe à guider les pratiques de l’utilisateur sur la plateforme.

8.1.2 H2 : Dans leurs stratégies de présentation de soi sur