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a. La réalité de l’influence selon la littérature

Comme développé durant l’introduction à notre présentation, dès 1993 des études (5) alertent sur la nécessité d’exploration à grande échelle de l’impact des relations entre l’industrie pharmaceutique et les médecins prescripteurs, et se questionnent sur les possibilités d’encadrement de ces pratiques industrielles. Au fil des années, des études (6,7) ont continué de pointer du doigt le lien entre les firmes pharmaceutiques et les médecins prescripteurs, notamment au travers de la visite médicale qui impacte négativement les prescriptions.

De même, l’accès à des échantillons médicaux (18) modifient ces prescriptions médicales.

Ceci est de nouveau confirmé par des études plus récentes (50,51), la réception de la visite médicale, voire toute habitude de relation avec l’industrie pharmaceutique, influe négativement

Page 69 sur 94 sur l’attitude thérapeutique du médecin lors de ses propositions de prises en charge, tant sur le choix de la thérapeutique que sur l’impact médico-économique de médicaments parfois plus chers ou une tendance à la polymédication.

Le Formindep, association française pour une FORMation médicale continue INDEPendante, a traduit et diffusé un article du British Medical Journal en 2008 (52) qui rapporte que l’influence pharmaceutique est partout, notamment dans les formations et séminaires auxquels les médecins participent au-delà de la visite médicale. Ils signalent ainsi que cette influence est bien souvent « invisible » avec une réelle méconnaissance des médecins participants quant au sponsoring réel de ces formations, alors que ces mêmes firmes s’autorisent même à choisir les intervenants à ces séminaires.

b. Des avis partagés durant les entretiens

Bien que la littérature semble unanime depuis les trente dernières années sur l’influence potentielle de la visite médicale mais aussi de la participation à tout événement sponsorisé même en partie par l’industrie pharmaceutique, les médecins que nous avons interviewés sont beaucoup plus partagés quant à cette influence et son étendue sur leurs prises en charge.

De prime abord, lors du questionnement sur l’influence potentielle de l’industrie pharmaceutique au travers de la visite médicale et de ses différents canaux de promotion, une grande partie des médecins rencontrés lors nos entretiens contredit la possibilité d’une influence. Ainsi, pour une partie de ces médecins interviewés, il n’y a aucun changement dans leurs prises en charge ni sur le plan thérapeutique ni sur le nombre de prescriptions proposées dans leurs prises en charge. Cet avis fait alors écho à un avis plus large de la communauté médicale relayé par la Confédération des syndicats médicaux français, ce « premier syndicat avec plus de 10 000 adhérents ne « cesse de dire » que le médecin est « un prescripteur indépendant de la visite médicale qui ajuste sa prescription aux besoins des patients » suite à une enquête du Cegedim » et analysée dans l’article de M. Greffion et Breda (35).

Cependant, même à demi-mot, au décours de nos entretiens, la quasi-totalité des médecins que nous avons interviewés reconnaissent une certaine influence de la visite médicale sur leur façon de travailler. Bien qu’une tendance à la minimisation de cet impact soit perceptible dans leur discours, il faut noter une certaine influence globale notamment sur les connaissances et la prescription des nouvelles thérapeutiques.

Au travers de ces entretiens, ce qui pourrait au départ nous être présenté comme une méconnaissance de cette influence de la visite médicale semble plutôt s’apparenter à une forme de déni de l’impact de la promotion pharmaceutique sur leurs prises en charge.

C’est comme cela que, malgré cette éventuelle reconnaissance, l’influence de l’industrie pharmaceutique reste à nuancer pour nos médecins interviewés. Bien que celle-ci existe, ils affirment que les répercussions effectives sur leurs prescriptions sont minimes voire nulles ; beaucoup estiment pondérer l’information reçue avec les autres canaux d’information à leur disposition et notamment la presse indépendante.

Cette ambivalence est retrouvée au travers d’autres études (37) notamment sur la sensation d’invulnérabilité propre du médecin étudié alors qu’il considère dans le même temps une influence de l’industrie pharmaceutique sur leurs collègues (53,54).

Page 70 sur 94 c. La question de la prescription et la place du libre-arbitre

Dans ce questionnement sur l’influence, beaucoup de nos confrères interviewés ont ainsi mis en avant la notion de libre-arbitre c’est-à-dire leur capacité à écouter et trier les informations qui leu sont données afin d’établir une ordonnance selon leurs choix propre en fonction de la balance bénéfice-risque et de la situation propre du patient.

Cette attitude est renforcée par l’importance dans le domaine médical de la liberté de prescription qui est chère au code de déontologie et confortée par la loi française (55).

Dans ce choix de poursuite de la rencontre de l’industrie pharmaceutique via la visite médicale, le guide de l’OMS traduit par l’(AS (41) prodiguent alors des conseils afin de rester vigilant au travers d’un engagement critique. D’après eux, avec le concours de la revue Prescrire, ils soulignent les quatre domaines à analyser d’un point de vue critique afin de pouvoir appréhender éthiquement les informations promues par la visite médicale : l’efficacité en comparant à l’indication de première intention ou à l’abstention thérapeutique, la sécurité et notamment son applicabilité dans notre patientèle, l’utilité soit les avantages du médicament présenté par le délégué médical prix, praticité, facilité d’utilisation… , et enfin les preuves et avis des autorités concernant le produit en comparant aux recommandations officielles.

La question du libre-arbitre dans les prescriptions a soulevé, chez certains de nos praticiens interviewés, la question de la redevabilité du médecin quant à la réception de la visite médicale.

Sur ce thème, le guide de l’OMS (41) met en garde contre le désir de réciprocité qui peut s’exercer même sans que le praticien en ait conscience. Cette attitude est classique lors de la réception de cadeaux, même minime que peut constituer certains échantillons ou invitations proposées par les délégués médicaux, et ainsi modifier subtilement l’attitude du médecin receveur notamment dans ses prescriptions.

d. Un sujet délicat à aborder ?

Comme développé dans la thèse du Dr. BARBAROUX (37), « les médecins interviewés ont tous semblé gênés de parler de leur rapport à la visite médicale ».

Nous-mêmes, nous avons été confrontés à une certaine retenue dans le discours de nos confrères interviewés. Au début méfiants dans leur discussion et leur retour d’expérience, les médecins ont libéré leur parole au fur et à mesure des entretiens tout en soulignant leur agacement, principalement lorsque la question de l’influence a été abordée. )ls rapportent alors que ce sujet est délicat, que ce soit à aborder avec les confrères ne recevant pas la visite médicale mais aussi au travers du regard sociétal toujours plus suspicieux quant à l’industrie pharmaceutique dans son ensemble.

Avec le développement de la transparence sur les attitudes et pratiques médicales au regard de la société, la visite médicale pose alors pour certains la question de l’image renvoyée à leurs patients avec une crainte de mauvaise presse ou d’amalgame.

Page 71 sur 94 III) Une réponse à notre question de recherche ?