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Autrice :Vous qui recevez les visiteurs médicaux, parlez moi de ce que vous retirez de ces échanges et en quoi c’est intéressant pour vous comme expérience ?

Médecin Généraliste interviewé : Alors « en quoi c’est intéressant pour nous comme expérience », c’est très aléatoire. On va dire que de temps en temps cela peut-être intéressant sur une nouvelle thérapie, sur une évolution ou quelque chose que l’on a peut-être mal intégré ou mal enregistré sur une interaction, sur une nouvelle AMM ou sur des trucs comme ça. Et, ça c’est pour certains cas où cela peut être intéressant. Après, les ¾ du temps, la grosse problématique c’est que l’on a très peu de temps à leur consacrer, ce qui fait qu’honnêtement, bien souvent, on n’est même pas concentrés quand on les reçoit. C’est la grosse problématique, ce qui fait qu’ils déballent leur truc avec une capacité pour certains ou certaines, d’avoir un discours très technique et 30 secondes après, d’être complètement dans un autre domaine « ah bon, ah bon » où l’on parle de choses et d’autres, à un moment le côté technique s’est en allé et donc c’est plus détendu et globalement c’est vrai qu’on est peu ou pas concentré. Enfin moi je sais que j’ai vachement de mal à me concentrer ou alors il faut vraiment que j’y trouve un intérêt particulier, et quand ça fait ou fois qu’on a le même visiteur avec le même produit, tout ça, à un moment on acquiesce « oui, oui, oui tout à fait » mais on pense déjà à la consultation qu’on aura après, au retard que l’on a, si… Voilà c’est un peu ça qui nous parcours la tête. En gros c’est ça.

L’expérience c’est très aléatoire en fait. Je pense que, quand j’étais jeune installé, et que j’avais beaucoup moins de monde et bien ça m’intéressait parce que d’abord, un, c’était intéressant sur le plan technique, on apprenait quelque chose et… Mais après ce qui est particulier, c’est qu’on peut apprendre quelque chose mais à côté ils ont un discours tellement technique des fois que même nous, on est un peu largués, on les écoute mais voilà, quand ils disent « le récepteur alpha, cela va toucher le alpha 1 et pas le alpha 2 » ah oui super, super. On sent alors qu’ils ne maitrisent pas, qu’ils connaissent leur texte par cœur, ils ne maitrisent pas obligatoirement comme nous on ne maitrise pas non plus à les écouter. Après certains médecins doivent comprendre et voilà. Mais bon, de mon expérience propre, voilà.

Pour rebondir sur vos propos, il y a des travaux de recherche et la discussion avec d’autres médecins généralistes ont évoqués la notion que les visiteurs médicaux permettaient de compléter votre formation sur les produits pharmaceutiques et leur utilisation, quel est votre point de vue ? Cela me permet de les compléter mais avec une retenue par ailleurs qui est, qu’il ne faut pas oublier que chacun défend sa paroisse et que bien souvent le discours est très orienté vers le côté positif et uniquement vers le côté positif et qu’ils occultent très très facilement le côté négatif. Voilà, donc c’est une orientation qui peut peut-être nous servir mais que je prends du recul, dans le sens où je ne prends pas pour du pain béni tout ce qu’ils nous disent et j’essaye de me faire ma propre opinion.

Toujours pour rebondir sur vos proposition, il y a plusieurs médecins ont évoqués les relations qui se nouent avec les visiteurs médicaux, qu’ils deviennent éventuellement des amis ou des proches.

Cela vous concerne-t-il, et est-ce que pour vous, la place de ce lien humain influe dans le choix de les recevoir ?

Dans le fait de continuer à les recevoir je vais dire oui d’un côté et non de l’autre. Parce que je n’ai refusé personne donc ce n’est pas parce que je le connais que je vais le recevoir et parce que je ne le connais pas, je ne vais pas le recevoir. Mais par contre, j’ai plus de plaisir à voir quelqu’un que je connais de longue date, avec qui on s’est lié d’amitié.

Page 86 sur 94 Après cela n’aura pas spécialement une influence sur mes prescriptions dans la mesure où si je suis persuadée qu’un produit est intéressant pour moi, pour mes patients, enfin surtout pour mes patients bien sûr, mais aussi pour moi en tant que prescription puisqu’ils m’apportent des bénéfices, pas financiers hein, mais des bénéfices sur le plan médical, sur le plan clinique,… à ce moment là, je vais avoir tendance à faire ce produit en priorité même s’il est présenté par quelqu’un que je ne vois jamais ou que je n’ai jamais vu ou avec qui je n’ai aucun lien d’amitié particulier. Et inversement ce n’est pas parce qu’un produit est présenté par quelqu’un que je connais bien, que je vais avoir tendance à le faire plus, surtout s’il ne m’apporte rien de spécial, s’il n’a pas prouvé d’intérêt particulier.

Je ne fais pas mes prescriptions en fonction du visiteur médical, je fais mes prescriptions avant tout en fonction de ce que peut m’apporter le médicament que je prescris en terme d’indications et d’efficacité.

Donc, pour vous, quel est le risque ou la part d’influence de recevoir la visite médicale ?

Je pense qu’elle est forcément présente mais je pense qu’elle n’est pas si importante que voudrait bien le lancer entendre nos tutelles et tout ceux qui ont fait les règles, de dire « on ne fait pas de cadeaux aux médecins », « on ne fait pas … », même plus de stylos, même plus de trucs.

Je trouve honnêtement que c’est considérerque l’on n’est pas capable de faire la part des choses et qu’on va faire de la prescription à tout va pour faire plaisir à quelqu’un. Alors peut-être que c’était vrai à l’époque, mais je trouve que les générations changent et évoluent, et je ne suis pas persuadé qu’aujourd’hui des médecins soient d’une génération où il suffit qu’ils se mettent copain avec quelqu’un pour faire un médicament à tout va et à tout le monde, sans aucune raison. Enfin voilà, je trouve ça un peu aberrant et voilà.

Et après, avant dans une autre époque, il y avait certes des petits cadeaux à droite, à gauche, mais cela n’a jamais influencé les prescriptions. Par contre je trouvais cela génial pour les gamins, pour les trucs comme ça ; ils voyaient toujours les petits gadgets, c’était marrant, c’était… c’était une autre époque aussi, c’était pas mal, on avait des outils et des petits trucs qui étaient là, pas spécialement pour faire prescrire mais qui donnait le petit côté marrant des choses et de la consultation, notamment pour les enfants. Je me rappelle avoir eu des marteaux qui faisaient du bruit, où il y avait le nom du médicament dessus, mais ça m’a servi longtemps pour faire les injections au gamin, en les détendant, voilà c’était des petits gadgets, des trucs et des machins. Mais cela n’a pas d’influence sur les prescriptions en particuliers.

Alors justement, pour rebondir là-dessus, les visiteurs médicaux apportent également des échantillons, enfin maintenant beaucoup moins, gratuits pour vos patients, des pense-bêtes, et maintenant plus des invitations à des restaurants entre pairs pour des moments de formation conviviales. Pensez-vous que ces attentions influencent votre choix de les recevoir à votre cabinet ? Du tout. Du tout. Puisque je ne vais pratiquement plus aux repas et des trucs comme ça ; et je n’y vais que quand les correspondants m’intéressent ou quand le sujet m’intéressent, et quand les médecins qui sont conviés, ce sont des médecins que je connais, avec qui je vais pouvoir partager un moment sympathique.

Mais honnêtement, franchement, ils peuvent m’inviter au Québec que j’en aurais rien à faire [rit].

Vraiment on n’a plus le temps, quand on fait des journées de dingue, on a qu’une envie c’est rentrer à la maison et on n’a pas envie. Et puis, voilà ; et puis on est conscient du fait que voilà ce n’est pas parce qu’on va nous inviter au restaurant que l’on va privilégier une prescription ou un truc, cela reste qu’un restaurant. (onnêtement le restaurant je préfère y aller avec ma femme, tous les deux tranquille et me payer le resto, je n’en ai rien à faire d’avoir un resto à € payé et

Page 87 sur 94 encore, des fois il faut même aller au McDo® car maintenant c’est interdit d’aller dans les grands restaurants. Non, non, cela n’a aucun intérêt.

La visite médicale pharmaceutique apparait comme une tradition ancienne dans la pratique de la Médecine Générale au cabinet, parfois même commencer à les recevoir quand on est interne ou externe, au cours des études, à votre avis, cette habitude a-t-elle un impact dans votre choix de les recevoir ?

C’est une bonne question. Je ne sais pas. C’est vrai que j’ai toujours connu la visite médicale, même lorsque j’étais remplaçant; pas quand j’étais étudiant, on les voyait peut-être à l’hôpital mais c’était rare. Mais globalement, peut-être que oui.

Puis après, moi je suis conscient du fait qu’ils font leur métier, qu’ils essayent de faire leur métier et donc j’ai la décence de les recevoir. Je ne fais pas de choix sélectif particuliers, je les reçois parce qu’ils font leur métier et queje leur permets de le faire en continuant à les recevoir. C’est un échange, pas d’intérêt mais ils travaillent, je travaille; ils m’apportent quelque chose, je leur apporte quelque chose, sur le plan moi intellectuel et d’information et eux sur le plan du fait que si on n’était pas là et qu’on les recevait plus, ils ne travailleraient plus. Mais ce n’est pas pour un cadeau, ce n’est pas pour un intérêt particulier, ce n’est pas pour faire un repas ou un truc ou un machin, c’est un échange de bon procédé avec de temps en temps une disponibilité plus importante à l’information qui nous donne et de temps en temps absolument aucun intérêt car je n’ai pas le temps, je suis overbooké, donc ça va plus vite et je bâcle les choses parce que je n’ai pas le choix.

Une autre question, il y a une génération de médecins maintenant qui ont décidés, jeunes ou moins jeunes, de ne plus recevoir les visiteurs médicaux. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que pour eux, il va leur manquer quelque chose ?

Je pense qu’il y a des anciens médecins qui ne veulent plus recevoir la visite médicale et des nouveaux médecins qui ne veulent pas recevoir la visite médicale, de la même manière qu’il y a encore des anciens et des nouveaux qui reçoivent la visite médicale.

Ils ont chacun des raisons différentes à mon avis pour le faire. Les anciens c’est parce que ça commence à les gaver royal et qu’ils n’ont plus rien à apprendre, à espérer, ils ne sont pas loin de la retraite et en général ils veulent juste faire leur travail et rentrer à la maison. Et les jeunes médecins, peut-être parce qu’eux ont une vision différente du métier en général, mais pas que de la visite médicale, je crois que c’est une vision différente du métier. Différemment vu en tout cas.

C'est-à-dire ?

Je pense honnêtement, c’est rare de trouver un jeune médecin qui va être capable de faire ou 60 consultations dans la journée, qui va travailler voilà, revenir les week-ends pour faire les papiers… ça c’est à mon avis rare, et pas à mon avis au début quand ils s’installent ; au début, tout le monde est un peu perdu, on voit de plus en plus de monde qui veulent faire 15-20-25 patients/jour, pas au-delà, avoir beaucoup de temps libre…, tout ceci se conçoit, je ne dis pas que c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais je pense que ce n’est plus le même état d’esprit et je pense que cela modifie un peu les choses vis-à-vis de la visite médicale aussi. Donc c’est sûr que le fait d’avoir été habitué à avoir la visite médicale tout le temps, bon on est un peu habitué.

A la limite demain, il n’y a plus la visite médicale, pour moi cela ne changera pas grand-chose. Il y aura peut-être un petit manque sur de l’information à un moment, notamment sur les nouveaux produits, les choses comme ça, les nouvelles AMM, …, j’y reviens un peu mais voilà. Et après de l’autre côté, s’ils restent cela ne me dérange pas non plus. Mais je conçois que certains médecins ne veulent plus les recevoir ou ne veulent pas encore les recevoir parce qu’ils estiment que leur

Page 88 sur 94 activité médicale doit s’organiser différemment. Ils ne veulent pas perdre de temps à recevoir la visite médicale.

Après, moi j’ai connu des visites médicales où il y avait le côté convivial, du fait que de temps en temps que certains portaient le petit déjeuner avec un peu de café, un truc, un machin, 3 croissants qui se battaient en duel, mais tous les médecins du groupe se retrouvaient sur le même lieu pour échanger 3 mots, voir le visiteur médical qui faisait la présentation de son produit, voilà mais c’était pas pour le fait d’avoir un cadeau avec des chocolatines…

C’est un peu obsessionnel cette histoire de cadeau mais on nous gonfle tellement depuis des mois et des années avec cette histoire ; maintenant c’est tout juste si on peut dire bonjour sans se faire accuser d’avoirun conflit d’intérêt, un truc, un machin. Voilà cela a tellement…

Ces règles ont été faites par des médecins qui en ont tellement touchés à une époque donnée, où ils se faisaient payer des choses inconsidérables, tout ça, qu’aujourd’hui on a basculé dans l’extrême où on n’a même pas le droit de donner une règle ou un truc, il faut que ce soit, même les stylos je crois qu’ils n’ont plus le droit, enfin c’est complètement aberrant, ça passe de l’autre côté de la barrière et ça devient vraiment du tout et n’importe quoi. Maintenant on a tellement peur qu’il y ait un conflit d’intérêt, on sous estime les médecins dans leur capacité à être intègre et voilà. Moi c’est quelque chose qui m’énerve profondément.

Je ne sais pas si vous aviez été informé sur le sujet de ma venue, maintenant que nous avons déjà discuté, comme dernière question, est-ce qu’il y a des choses que l’on n’a pas abordées et que vous auriez aimé abordé, des idées sur la visite médicale dont on n’a pas discuté ?

Bon au final, si la question que j’aimerais vous poser c’est : quel est le fond de votre travail ? Pour vous, quel va être et quel était l’explication ou le pourquoi vous avez fait ce travail sur la visite médicale et dans quelle orientation vous souhaitez être ?

Alors, le but de l’entretien ce n’est pas forcément que je parle beaucoup. C’est une thèse qualitative pour ma thèse d’exercice. Pour mon but, c’est de n’être partie avec aucun objectif de recherche et mon introduction est basée uniquement sur cette dichotomie que j’ai trouvé, c'est-à-dire d’avoir eu beaucoup d’enseignements externat, internat avec des médecins formés, MSU, qui continuent de recevoir la visite médicales et des enseignements et de la littérature qui mettait en évidence qu’il ne fallait pas le faire. Je trouvais que le monde « noir et blanc » était un peu trop noir et un peu trop blanc et j’ai voulu aller voir le retour des expériences qui sont dans cette zone un peu plus grise et c’est pour cela que je suis là, pour avoir tout simplement votre retour d’expérience. Je ne sais pas les conclusions que l’on tirera de cet exercice et je pense que c’est aussi pour cela que j’y vais sincèrement, c’est un sujet que j’ai monté de toute pièce et qui me tiens à cœur, de ne peut être pas savoir où je vais et d’y aller pleinement sur ma demande.

D’accord. [Sourit]

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Non. Enfin en résumé, c’est dire que je trouve que, pour avoir connu beaucoup, enfin beaucoup sans être un vieux médecin, mais beaucoup de visites médicales différentes, on va dire, dans la présentation, et donc peut-être qu’à certains moment il y a eu de l’exagération que ça soit dans un sens ou dans l’autre. Mais je trouve que, cela a tellement été diabolisé, que ce soit le relationnel entre le visiteur médical et le médecin, ou le médecin et le visiteur médical ; cela a tellement été diabolisé, qu’au jour d’aujourd’hui les deux mondes sont au contact mais en ayant peur à tout moment qu’une catastrophe leur tombe sur la tête. D’un côté les visiteurs médicaux qui osent même plus dire quoi que ce soit, il faut signer tous les papiers, il ne faut pas faire de trucs, pas faire d’humour, il faut que tout le monde reste dans une rigueur strict, etc.… Et d’un autre côté, les médecins qui sont fliqués avec les déclarations de conflit d’intérêt obligatoire, ou

Page 89 sur 94 tout un tas de choses, que je trouve normal hein, ce n’est pas ce que je dis, mais cette sensation de toujours avoir ces deux mondes qui rentrent en contact avec le peur de l’influence sur la prescription, c’est, je trouve que c’est méconnaitre les deux mondes, c’est mal les estimer, et au final cela crée un rapport qui devient complètement tronqué où nous on a de moins en moins envie de recevoir la visite médicale parce qu’on a l’impression qu’à part être des prescripteurs, on a aucun intérêt et même sur le plan humain etc.… et pour nous, les visiteurs médicaux c’est vrai qu’ils ont tellement peur de tout qu’on ne peut plus rien faire, il n’y a plus de notion d’une information qui peut être pertinente tout en étant convivial.

La convivialité en fait, pas pour faire un cadeau ou influencer quelqu’un, mais ne serait-ce que pour faire passer l’information d’une manière plus agréable. On est tellement aujourd’hui dans un métier difficile à exercer, rempli de contraintes et de stress et tout ça, j’avoue que pour moi le côté visite médicale était pour moi un moment donné dans ma carrière, un moment de détente où l’on pouvait parler des produits en ayant une information tout en ayant un moment de convivialité, un moment agréable à partager.

Mais aujourd’hui, nos instances dirigeantes, que ce soit d’un côté ou de l’autre, cela nous

Mais aujourd’hui, nos instances dirigeantes, que ce soit d’un côté ou de l’autre, cela nous