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Autrice : Vous qui recevez les visiteurs médicaux, parlez moi de ce que vous retirez de ces échanges et en quoi ils sont intéressants pour vous ?

Médecin Généraliste interviewé : Alors moi je considère que c’est la philosophie que l’on a par rapport aux visiteurs médicaux. Moi je trouve qu’il y a un clivage qui n’a pas lieu d’être et cette vision du médecin corrompu, je trouve que… Déjà la vision que l’on a du laboratoire: c’est que représentent les laboratoires ? Pour moi, c’est un partenaire, qu’est-ce qu’on fait sans médicament ? Alors bien évidemment ils ont des techniques commerciales qui peuvent être douteuses mais ça, c’est à prendre à compte, ce sont les choses qui peuvent être dommageables mais on a besoin d’eux, clairement. On ne peut pas faire de médicaments et il ne peut pas y avoir d’innovations sans les laboratoires.

Après en partant de là, forcément les visiteurs médicaux ils font leur travail et ils présentent le médicament, donc moi je trouve qu’à mon niveau, la moindre des choses c’est de les recevoir, d’écouter ce qu’ils ont à dire et après à nous de [réflexion] d’adhérer ou pas. On garde ou pas…

Moi je reçois les laboratoires depuis 2016, depuis mon SASPAS, et je me sens bien, je n’ai pas d’arrière-pensées particulières et je trouve qu’on peut les écouter, qu’on peut leur accorder du temps et voilà, dans le respect des gens.

Moi j’ai une bonne vision des délégués, voilà ils font leur travail, donc il faut leur parler respectueusement, enfin ce n’est pas toujours le cas mais on essaye de bien les recevoir, on les amène dans la tisanerie, on leur propose un café, on écoute ce qu’ils ont à dire, et une fois le café fini, fin de la discussion… et après moi je ne me sens pas corrompu, je ne me sens pas dans l’obligation de prescrire ce qu’il vient me présenter… Alors des fois j’apprends des choses d’ailleurs, [réflexion], voilà peut-être que c’est parce que je débute ou que j’ai encore des choses à apprendre mais c’est vrai que parfois j’apprends des choses et c’est intéressant.

A ce propos, il y a des travaux de recherches et la discussion avec d’autres médecins généralistes qui ont évoqués la notion que les visiteurs médicaux permettraient de compléter notre formation sur les produits pharmaceutiques ou sur leur utilisation, quel est votre point de vue là-dessus ?

[(ésitation] Pour moi ils complètent ma formation. Alors il y a la formation… alors évidement en peu de temps, ils présentent le produit bien sûr, mais ce qui est intéressant de les connaitre c’est que, ils proposent derrière ça, il faut le savoir et je ne sais pas si c’est toujours su, c’est qu’ils proposent des séminaires, ils proposent des soirées, des « EPU » où ils font venir des spécialistes et où on présente, où on va plus loin dans les choses avec des topos sur telles ou telles pathologies. Et dans ces soirées-là, on en apprend énormément. L’autre avantage de ces soirées, c’est qu’on rencontre les autres médecins, les confrères, d’autres spécialistes, c’est toujours intéressant, c’est l’occasion de se rencontrer et c’est intéressant de mettre un visage à un nom, de sympathiser avec des spécialistes car c’est toujours plus agréable de travailler avec eux ensuite, pour le coup il y a des avantages derrières à ces soirées de formation, de séminaires…

La semaine dernière, on a eu une soirée topo organisée par un laboratoire certes mais qui a mis en commun les spécialistes de l’hôpital pour parler du COVID, bon malheureusement on était limité dans l’assemblée à personnes mais l’avantage de sympathiser avec les délégués c’est qu’on a pu y accéder, parce que comme c’était limité, ils n’ont pu prendre que les gens avec qui ils avaient des affinités et au final c’était une soirée très intéressante, où on a appris plein de trucs, il y avait des spécialistes, les médecins référents COV)D de l’hôpital qui étaient là. Donc ils permettent également d’organiser des soirées et de rencontrer des médecins que l’on n’aura pas d’autres occasions de rencontrer.

Page 82 sur 94 Justement, il y a plusieurs médecins qui ont évoqués les relations qui se nouent avec les visiteurs médicaux, qui deviennent éventuellement des amis ou des proches. [Acquiesce] Cela vous concerne-t-il [bien sûr], quelle est la place de ce lien humain, enfin tout d’abord y a-concerne-t-il une place pour ce lien humain [bien sûr] et sa place dans votre choix de les recevoir ?

Bien sûr puisque ce sont des humains. On n’a pas le même travail mais [réflexion] c’est un travail que je considère, c’est un travail difficile. Et qu’il y a donc des liens qui se font, oui, des liens d’amitié… c’est toujours bon à prendre. )l faut les voir comme des personnes humaines avant tout, donc ils ont quand même une sensibilité, ils sont également … ils demandent également du respect, de la courtoisie donc c’est important. Après les affinités, elles se font au fur et à mesure.

Mais oui j’ai des liens d’amitié avec certains délégués.

Est-ce que pour vous, il y a un risque avec ce lien d’amitié d’une influence sur la prescription ou… ? [Coupe la parole]

En fait, l’influence elle vient si c’est en accord avec notre pratique.

C'est-à-dire que moi j’accepte de les recevoir, de recevoir les laboratoires parce que cela est en accord avec ma pratique, dans le sens où le laboratoire Mylan qui vient me présenter ZYMAD®

c’est en accord avec ma pratique, c’est parce que je prescris de la vitamine D donc pour moi il n’y a aucun soucis. Cela fait partie de ma pratique, je prescris de la vitamine D, il se fait que voilà on a une molécule qui est à bonne dose avec une prise mensuelle, cela fait partie de ma pratique donc je les reçois sans problème. Pareil pour les probiotiques, parce que cela fait partie de ma pratique.

Il y a des laboratoires que l’on ne reçoit pas, on n’est pas adaptés à leur produit avec par exemple les anticoagulants injectables type INNOHEP® et tout ça, ils ne viennent pas nous voir. Je pense donc que les laboratoires viennent nous voir aussi parce que cela est adapté à notre pratique et que c’est dans notre pratique de la médecine générale, en fonction de ce que l’on fait et de ce que l’on veut faire aussi. Typiquement les probiotiques, on a eu énormément, on a eu des laboratoires qui sont venus nous présenter leurs gammes de probiotiques c’est bien, parce qu’ils nous amènent l’information de ces probiotiques là et cela nous ouvre l’arsenal thérapeutique des probiotiques et si cela ne marche pas avec l’un, on va essayer un autre mais les probiotiques sont aussi une partie intégrante de mes pratiques donc je les utilise et après voilà pour moi cela nous apporte une information et ouvre une gamme thérapeutique, un arsenal thérapeutique.

Donc oui aussi pour revenir à la formation, ils nous apportent des informations et des nouveaux produits, qu’on n’irait pas forcément chercher ailleurs.

Pour rebondir sur vos propos de toute à l’heure, les visiteurs médicaments apportent également des échantillons gratuits à destination des patients, des pense-bêtes, ou des invitations à des restaurants entre pairs pour des soirées de formation conviviales. Pensez-vous que ces attentions, le fait qu’ils apportent autre chose ou qu’ils proposent autre chose, en plus de leur venue et de leur présentation de médicaments, influencent votre choix de les recevoir à votre cabinet ? [Acquiesce]

Positivement, oui cela influence, bien sûr. Le fait de sympathiser…

Alors c’est vrai que, je trouve qu’il faut faire attention à la tournure des phrases. [S’agace] Alors bien évidemment, plus on les voit, plus il y a certains avec lesquels on a des affections pardon des affinités voire de l’affinité et on les reçoit différemment que d’autres avec lesquels on a moins d’affection mais si cela influence…

Alors est-ce que c’est le terme approprié ? Ouais ça influence [réflexion].

Je trouve que ce sont des termes pas adaptés. C’est comme le terme « vaccins obligatoires », ce n’est pas adapté l’obligation, ce n’est pas un terme adapté parce qu’on se sent agressé quand on dit obligatoire et je trouve que « l’influence » et bien on se trouve agressé aussi. Bah c’est naturel en fait, forcément il y a des affinités mais de là à dire influence, je ne sais pas, mouais… Bien sûr

Page 83 sur 94 que l’on accorde, on n’a pas la même jauge, comment dire, on accorde fois plus de temps ou bien plus de lien avec des gens qu’on aime bien revoir.

La visite médicale apparait comme une tradition ancienne dans la pratique de la Médecine Générale au cabinet, est ce que pour vous cette habitude, peut-être le fait de les avoir reçu pendant vos études, de l’avoir vu, cela a un impact dans votre choix de les recevoir ?

Oui. Et en disant que c’est une tradition, pour moi c’est normal. [S’agace]. )l faut se mettre à leur place : vous sortez un médicament, comment pensez-vous faire connaitre ce médicament ? Et bien par le biais des commerciaux, pour moi cela est naturel. On sort un produit, il faut bien le présenter. Donc forcément on va envoyer des commerciaux, bon là ce sont des délégués médicaux qui viennent nous voir mais c’est pour ça que pour moi, il n’y a pas de conflit à avoir avec qui que ce soit, ils viennent, ils viennent présenter leurs produits, on les écoute, et libre à nous de choisir ce que l’on veut prescrire et si cela est adapté à notre pratique.

Pour vous, le côté commercial n’a pas d’incidence sur la pratique de la médecine générale ? Aucune.

Franchement, la première année quand j’étais sur Agen, quand je faisais les soirées EPU, moi j’y allais pour rencontrer les autres médecins et faire mon réseau. A la fin de soirée, en sortant de là, je ne me souvenais pas du nom du laboratoire qui m’avait invité, donc aucune… enfin en tout cas, moi je ne me sens pas influencé, je ne me sens pas « corrompu », enfin entre guillemets, ou influencé outre depuis que je reçois les labos. C’est vrai qu’on a une image, on a une mauvaise image je trouve qui n’a pas lieu d’être, qui n’a pas lieu d’être. [S’agace].

Pour terminer, je vous ai présenté mon sujet avant qu’on se voit, est-ce qu’il y a des choses que vous aviez envie [Envie de dire ?] de dire ?

Moi je voulais justement, c’est très intéressant,

Moi je voulais justement casser cette image du médecin « corrompu » parce qu’il reçoit les visiteurs, c’est franchement, [réflexion], c’est insupportable déjà d’entendre ça, c’est franchement insupportable, et je trouve que c’est un mauvais procès. Franchement, ce n’est pas un bon procès. Vraiment, je trouve qu’ils font partis du décor, c’est comme ça, c’est le milieu médical qui veut ça ; il y a des produits qui sortent donc on présente le produit, c’est tout à fait normal et nous, on est les prescripteurs donc c’est tout à fait normal qu’à un moment, il va falloir qu’on se rencontre.

Après de là… enfin l’influence, pour moi, c’est [réflexion] …

Ce week-end j’étais à un séminaire, alors bien évidemment le présentateur lorsqu’il commence son diapo, il présente ses conflits d’intérêts. Alors ce qui est très intéressant, c’est qu’on voit sa liste des laboratoires, des conflits d’intérêts, et bien il y avait tous les noms des laboratoires, tous les noms des laboratoires, qu’est-ce que cela veut dire pour vous ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela peut-être une des questions ?

Cela veut dire : à première vue, ah bah en fait il est payé par tous les laboratoires ; et l’autre chose, que moi je me suis dit, et bien non en fait le gars il aime ce qu’il fait, il aime son métier et faire ses topos et il aime voilà pas enseigner mais du coup donner l’information. Et en fait il s’en fiche du labo, il y a tous les noms des labos parce qu’il s’en fiche du labo tout simplement, il aime sa profession et il avait l’opportunité de faire son topo donc il le fait, et bon que ce soit tel ou tel laboratoire, bah il le fait, donc il aime ce qu’il fait. Parce que s’il était pris par un laboratoire, il n’aurait pas conflits d’intérêts avec d’autres laboratoires, mais la conclusion c’est qu’il aime sa profession, il aime faire les topos et peu importe au final du nom du laboratoire.

Page 84 sur 94 Vous vous méfieriez plus d’un interlocuteur qui n’aurait qu’un seul laboratoire ?

Disons que celui qui a un conflit avec un seul laboratoire, c’est qu’on pourrait se dire qu’il ne connait que ce produit-là, qu’il n’a pas d’autre vision… Mais le fait qu’il ait finalement des conflits avec tout le monde, au final, il se fiche du produit, lui il aime son métier, sa spécialité surtout et il est là pour présenter son topo.

Typiquement c’est un pneumologue qui nous faisait le topo, alors bien évidemment, il y a un gros marché sur les inhalateurs et le traitement de la BPCO, il y a tellement de laboratoires, c’est typiquement le topo où il n’y a aucun conflit d’intérêt. On dit que ce sont des conflits d’intérêts mais il n’a aucunconflit d’intérêt avec ces laboratoires, au final, puisqu’il présente tout le monde et il présente à tout le monde, il fait des topos pour tous les labos donc il n’y a pas de conflit.

Est-ce que vous souhaitiez ajouter quelque chose ? Non.

Merci beaucoup, merci pour tout.

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